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21/03/2012 | FRANCE | N°08/1480

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 mars 2012, 08/1480


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



15ème chambre



ARRET No



CONTRADICTOIRE



DU 21 MARS 2012



R.G. No 10/00095



AFFAIRE :



Dominique X...






C/

S.A. INEO









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 05 Novembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

No RG : 08/1480





Copies exécutoires délivrées à :



Me Stéphane BEURTHERET

Me Lionel SEBILLE





Copies certifiées conformes délivrées à :



Dominique X...




S.A. INEO







le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE DOUZE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 21 MARS 2012

R.G. No 10/00095

AFFAIRE :

Dominique X...

C/

S.A. INEO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 05 Novembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

No RG : 08/1480

Copies exécutoires délivrées à :

Me Stéphane BEURTHERET

Me Lionel SEBILLE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Dominique X...

S.A. INEO

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE DOUZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Dominique X...

...

92120 MONTROUGE

comparant en personne,

assisté de Me Stéphane BEURTHERET, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A. INEO

1 PLACE DES DEGRES

TOUR VOLTAIRE

92059 PARIS LA DEFENSE CEDEX

représentée par Me Lionel SEBILLE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2012, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Madame Patricia RICHET, Présidente,

Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,

Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

Mr Dominique X... a été engagé à compter du 5 septembre 1988 selon contrat à durée indéterminée par la société ERIS, filiale du groupe GTME, en qualité d'ingénieur d'affaires débutant. Suite à la fusion de GTME avec d'autres sociétés, Mr X... a été muté le 1er octobre 2004 avec reprise de son ancienneté au sein de la société INEO où il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur délégué, statut cadre, niveau C2 de la convention collective des Ingénieurs, Assimilés et Cadres des Entreprises de Travaux Publics, moyennant une rémunération mensuelle brute moyenne de 8 053 € primes incluses. Il était également gérant de la SNC INEO ENGINEERING & SYSTEMS, ci-après désignée INEO E&S.

Après avoir été mis à pied à titre conservatoire le 11 juillet 2008 et convoqué par lettre remise en main propre le 15 juillet 2008 à un entretien préalable fixé au 22 juillet suivant, Mr X... a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 25 juillet 2008.

Contestant cette mesure, il a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui verser les sommes de:

- 3 774,30 € de rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire et 377,43 € de congés payé y afférents,

- 88 627,40 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 193 272 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 60 000 € de dommages-intérêts pour perte du droit d'exercer ses stock-options,

- 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'à lui remettre un certificat de travail et une attestation ASSEDIC conformes rappelant son ancienneté au 5 septembre 1988, le document de bilan personnel effectué dans le cadre du programme "Suez Leader for the Future".

Par jugement du 5 novembre 2009, le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt section Encadrement, a dit que le licenciement était fondé sur des faits fautifs constitutifs d'une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave et condamné en conséquence la société INEO à lui payer les sommes demandées au titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, de congés payés y afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement, ordonné à l'employeur de lui remettre l'attestation ASSEDIC et le certificat de travail conformes, débouté Mr X... du surplus de ses demandes et condamné la société INEO aux dépens d'instance ainsi qu'à payer à son ancien salarié la somme de 950 € au titre des frais irrépétibles.

Mr X... a régulièrement interjeté appel le 24 novembre 2009 du jugement notifié par lettre recommandée avec avis de réception du 5 novembre 2009.

Il demande à la cour de confirmer le jugement sur les sommes allouées, de l'infirmer pour le surplus, de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner en conséquence la société INEO à lui payer les sommes de 250 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 60 000 € de dommages-intérêts en réparation de la perte du droit d'exercer ses stock-options et 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.

La société INEO sollicite, par voie de réformation, que le licenciement pour faute grave soit considéré comme parfaitement justifié, et qu'en conséquence, Mr X... soit débouté de l'ensemble de ses demandes. Elle demande en outre que soit ordonné, à son profit, le remboursement par ce dernier de la somme de 71 378,21 € versée au titre de l'exécution provisoire ainsi que la condamnation de Mr X... à lui payer la somme de 5 000 € pour frais irrépétibles.

SUR CE:

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience du 30 janvier 2012 et développées oralement.

Sur la cause du licenciement:

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est libellée ainsi qu'il suit:

" (...) Le Directeur du pôle Systèmes de Communications a été informé le 10 juillet 2008 de faits graves survenus le 3 juillet dans les locaux du Plessis Robinson.

A l'occasion du déménagement de vos équipes vers le nouveau site de Vélizy, un "pot" avec consommation d'alcool a eu lieu en votre présence dans votre bureau du Plessis Robinson et a pris une très mauvaise tournure. C'est dans ce contexte que de très nombreux graffitis ont été écrits sur les murs.

Se rendant sur place le 11 juillet 2008, le Directeur du pôle, le Directeur de la branche et la DRH déléguée ont pris la mesure de la situation et ont pu relever que de nombreuses inscriptions figurant sur les murs étaient injurieuses et diffamatoires à l'encontre de salariés et de dirigeants de l'entreprise. Certains de ces propos à caractère pornographique et xénophobes sont intolérables et contraires à toutes nos valeurs ainsi qu'aux règles d'éthique du groupe.

En qualité de Directeur Délégué, il est inconcevable que vous ne soyez pas intervenu pour faire cesser de tels agissements. Bien au contraire vous avez vous-même participé à ce grave "dérapage".

Il est à noter qu'entre le 3 juillet et le 11 juillet de nombreuses personnes se sont rendues sur le site du Plessis Robinson et ont pris connaissance de ces graffitis. Certaines d'entre elles en ont été profondément choquées.

Dans cet intervalle de temps, vous n'avez pris aucune mesure pour mettre un terme à cette situation et remédier au trouble occasionné par la découverte de ces graffitis par les collaborateurs de la société, certains étant nommément visés par les inscriptions.

Vous n'avez, par ailleurs, jamais alerté votre Direction de ces faits.

En tant que Directeur Délégué porteur d'une responsabilité économique, sociale et au delà des valeurs d'INEO et du groupe, votre comportement dans cette affaire est inacceptable et explique les raisons pour lesquelles nous n'avons pas d'autres choix que de mettre un terme immédiat à notre collaboration. (...)".

La consommation de boissons alcoolisées par les participants à la soirée du 3 juillet 2008 n'est pas contestée par Mr X.... Toutefois la lettre de licenciement ne mentionnant pas à quel moment précis a eu lieu cette consommation alors que le salarié affirme que c'était après les heures de travail, il ne saurait être reproché à Mr X... d'avoir enfreint l'article 7 du règlement intérieur qui interdit l'accès aux lieux de travail en état d'ébriété et d'introduire ou de distribuer des boissons alcoolisées aux postes de travail.

La réalité de la présence d'inscriptions et graffitis, dont certains injurieux pour des membres du personnel de la société, d'autres à caractère pornographique ou xénophobe, couvrant l'intégralité des murs du bureau de Mr
X...
est attestée par le constat d'huissier effectué le 11 juillet 2008 ainsi que par les photographies produits par l'employeur.

S'il n'est pas exclu, comme l'indique le salarié, que des inscriptions et graffitis aient pu être apposés par d'autres personnes entre le 3 juillet 2008 à 23 heures et le 11 juillet 2008, il n'en demeure pas moins que Mr X... a reconnu avoir participé à ces inscriptions et graffitis, ce qui est d'ailleurs confirmé par l'attestation de Mr Marc B..., ancien ingénieur de INEO E&S ayant participé à la soirée au cours de laquelle ont été commis les faits, attestation qui ne saurait être suspectée de complaisance comme le prétend Mr X..., celui-ci ne démontrant pas que ce document serait la contrepartie d'une transaction entre l'employeur et l'attestant dans le cadre de la procédure de licenciement de ce dernier.

Quant au caractère prétendument anodin des inscriptions et graffitis en cause qui ne constitueraient pour l'essentiel, selon Mr X..., que des citations, revisitées ou non, des calembours et contrepèteries, s'il est exact qu'un certain nombre peuvent être ainsi qualifiés, il convient toutefois de relever que dans son attestation ci-dessus évoquée, Mr B... a précisé que Mr X... avait participé " activement à l'inscription sur les murs des locaux de l'entreprise de propos insultants et injurieux à l'endroit des membres de l'entreprise".

Mr X... ne saurait davantage se retrancher derrière un prétendu droit d'expression des salariés pour minimiser la gravité des faits, ce droit étant strictement encadré par les articles L 2281-1 et suivants du code du travail dont les règles n'ont pas été respectées au cas d'espèce.

Quant au reproche formulé dans la lettre de licenciement concernant d'une part, l'inertie Mr X... face aux débordements de la soirée du 3 juillet 2008, elle est attestée par Mr B... qui indique "J'ai essayé de raisonner Monsieur Dominique X... en soulignant les conséquences de ses actes. Il ne m'a pas écouté et a continué ses graffiti" et, d'autre part, son absence d'information à sa hiérarchie quant aux faits, il ne saurait s'en justifier par la circonstance qu'à partir du 3 juillet au soir son bureau et les locaux de l'immeuble l'abritant devaient être libérés prochainement car voués à la destruction ni qu'il était pris par d'autres tâches dans les jours suivants en raison des opérations de déménagement et d'installation sur le nouveau site de Vélizy-Villacoublay.

Compte tenu de ses responsabilités inhérentes à ses fonctions de direction, le comportement de Mr X... qui a accepté de participer aux débordements des personnes à l'égard desquelles il exerçait des fonctions d'encadrement et qui a fait preuve d'inertie pour les empêcher et les révéler à sa hiérarchie, constitue bien une faute.

Il convient cependant, pour en apprécier le degré, de noter que l'employeur ne rapporte pas la preuve que les personnes qui ont pris connaissances des inscriptions et graffitis en cause en ont été choquées.

Il y a également lieu de retenir que Mr X..., durant les 20 années passées au sein de l'entreprise, n'a fait antérieurement l'objet d'aucun avertissement.

Enfin, comme l'a justement relevé le conseil de prud'hommes, il y a lieu de tenir compte du contexte particulier dans lequel se sont déroulés les faits, Mr X... justifiant avoir alerté sa hiérarchie par différents mails envoyés entre mars et juin 2008 sur les conditions de travail des salariés d'INEO E&S, perturbées par des travaux de désamiantage et de démolition partielle des locaux encore occupés et par des retards et difficultés techniques sur le site de Villacoublay rendant difficiles les conditions d'installation future sur ce site, contexte susceptible d'avoir généré la "séance de défoulement" qu'a constitué le "pot" du 3 juillet 2008.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que le comportement de Mr X..., constitutif d'un motif personnel de licenciement, justifiait la requalification de la rupture de travail pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse

Le jugement sera également confirmé s'agissant des sommes au paiement desquelles a été condamnée la société INEO à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied, de congés payés y afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur les autres demandes:

C'est à bon droit que le jugement attaqué a débouté Mr X... de sa demande au titre de la perte de son droit à exercer ses stock-options dès lors que la possibilité de lever ces options ou d'en être attributaire à titre définitif était subordonnée à l'existence d'un lien de travail ou de mandat social au jour de la levée ou de l'attribution, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, le contrat de travail de Mr X... ayant pris fin le 25 juillet 2008 et alors que les périodes d'exercice des plans de stock-options dont il bénéficiait, commençaient les 17 novembre 2008, 9 décembre 2009, 17 janvier 2011 et 14 novembre 2011l et que l'attribution des actions gratuites était liée à l'existence d'un contrat de travail ou d'un mandat social en vigueur le 15 mars 2009 ainsi qu'il ressort du "bilan stock-options et actions gratuites" produit par Mr X.... Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais par elles exposés et non compris dans les dépens.

Les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Rejette les autres demandes,

partage les dépens d'appel par moitié entre les parties.

Arrêt- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,La PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 08/1480
Date de la décision : 21/03/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-21;08.1480 ?
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