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14/03/2012 | FRANCE | N°09/02579

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14 mars 2012, 09/02579


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES



Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 14 MARS 2012

R.G. No 10/05816

AFFAIRE :

S.A.S. MERCER FRANCE en la personne de son représentant légal



C/
Philippe Y...




Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 06 Décembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
No RG : 09/02579



Copies exécutoires délivrées à :

Me Emilie DURVIN

Copies certifiées con

formes délivrées à :

S.A.S. MERCER FRANCE en la personne de son représentant légal

Philippe Y...


le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILL...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 14 MARS 2012

R.G. No 10/05816

AFFAIRE :

S.A.S. MERCER FRANCE en la personne de son représentant légal

C/
Philippe Y...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 06 Décembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
No RG : 09/02579

Copies exécutoires délivrées à :

Me Emilie DURVIN

Copies certifiées conformes délivrées à :

S.A.S. MERCER FRANCE en la personne de son représentant légal

Philippe Y...

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. MERCER FRANCE en la personne de son représentant légal
Tour Ariane
5 Place de la Pyramide
92800 PUTEAUX

représentée par Me Emilie DURVIN, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE
****************

Monsieur Philippe Y...

...

77470 TRILPORT
comparant en personne
représenté par la SCP THIERRY LEUFFROY avocat au barreau de MEAUX

INTIME
****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 23 Janvier 2012, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

Mr Philippe Y... a été engagé par la société COFAST EBC selon contrat à durée déterminée du 2 août 1993 qui s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée à compter du 21 juillet 1994, en qualité d'agent de moyens généraux coefficient 140 position 3 de la convention collective des cabinets de courtage d'assurances et/ou de réassurances. Son contrat de travail a été transféré en 1999 à la société MERCER, FAUGERE ET JUTHEAU devenue ultérieurement SAS MERCER ( FRANCE ).

A compter du 1er novembre 2005, son contrat de travail s'est poursuivi, à sa demande, sur la base d'un travail à temps partiel de 80 %.

En dernier lieu, il exerçait les fonctions d'analyste programmeur, classé D au sein de l'entreprise, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 277,50 €.

Licencié pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 14 février 2008, l'employeur lui ayant remis le jour même le solde de tout compte, son bulletin de salaire de février 2008, l'attestation Assedic et son certificat de travail, Mr Y... a contesté cette mesure devant le conseil de prud'hommes de NANTERRE auquel il a demandé de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société MERCER à lui payer les sommes de :

- 6 308,88 € d'indemnité de congés payés,
- 7 034,70 € d'indemnité de préavis,
- 703,47 € de congés payés sur préavis, 8 207,14 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 84 416,40 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction,
ainsi qu'à lui remettre, sous astreinte de 40 € par document et par jour de retard, l'ensemble des documents afférents à la rupture, le tout avec exécution provisoire, outre la somme de 1 794 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 6 décembre 2010, le conseil de prud'hommes de NANTERRE, section Encadrement, a estimé que le licenciement ne reposait pas sur une cause grave, a condamné la société MERCER à payer à Mr Y... les sommes de 6 832,50 € de préavis et 683,25 € de congés payés y afférents, 8 207,14 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, réservé les dépens et renvoyé l'affaire à l'audience de départage du 25 mars 2011 afin de déterminer le caractère sérieux ou non de la cause de licenciement et statuer sur le surplus des demandes.

La société MERCER a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Elle demande, à titre principal, l'infirmation du jugement et qu'il soit ordonné à Mr Y... de lui rembourser les sommes ci-dessus, versées en application de l'exécution provisoire de la décision prud'homale. Subsidiairement, elle sollicite la requalification du licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse, le débouté de la demande de Mr Y... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en tout état de cause, de fixer à 13 861,06 € le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Enfin, elle demande à la cour de constater que Mr Y... a été rempli de ses droits à indemnité de congés payés et de le débouter de ce chef ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sollicite également qu'il lui soit alloué la somme de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles.

Reconventionnellemnt, Mr Y... sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il ne déclare pas le licenciement sans cause réelle et sérieuse et reprend ses demandes de première instance. Subsidiairement, il demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, avec les conséquences qui en découlent concernant le préavis et l'indemnité de licenciement et, en tout état de cause, de condamner la société MERCER à lui verser la somme de 1 794 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux observations et conclusions des parties visées à l'audience du 23 janvier 2012 et développées oralement.

Sur le licenciement et ses conséquences :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est libellée ainsi qu'il suit :

" (...) En ce qui concerne la motivation de notre décision, nous vous demandons de noter qu'elle est due:
- Au fait que vous avez frauduleusement fait affranchir aux frais de l'entreprise des correspondances que votre épouse vous avait remises à cet effet,
- A la circonstance aggravante que ces correspondances étaient adressées, dans le cadre de la campagne actuellement en cours pour les élections municipales, pour le compte et sous l'entête de la liste électorale " Trilport Ensemble Demain" sur laquelle votre épouse est candidate,
- Au fait, également aggravant, qu'il en a résulté que nous avons reçu un courrier recommandé ayant pour objet:
- De nous accuser d'avoir commis une infraction au Code Electoral qui prescrit qu'aucune personne morale ne peut, sous quelque forme que ce soit, financer une campagne électorale,
- De nous inviter à nous expliquer au sujet des mesures qui seraient prises afin d'éviter que cette pratique illégale ne se perpétue sans préjudice de l'éventuel recours juridique qui sera intenté au titre du contentieux électoral....

Nous observons que les faits dont vous vous êtes rendus coupables sont en totale contravention avec les dispositions du "Code d'Ethique et de Conduite professionnelles de notre groupe au respect duquel vous avez été formé et dont vous avez formellement approuvé les termes, et en particulier, ceux de son chapitre VII:
- Qui rappelle que les contributions de nature politique versées à des candidats à des postes électifs ou à des fins électorales sont strictement réglementées.
- Qui, visant précisément les campagnes électorales, vous fait expressément interdiction d'"utiliser indirectement des fonds de la société pour faire des contributions de nature politique" ( ....)".

Pour estimer que ces faits ne constituent pas une faute grave, le conseil de prud'hommes se borne à énoncer que "l'importance des faits, le préjudice né de l'affranchissement contesté ou la menace alléguée de préjudice de réputation, ne sont pas de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail, même pendant le préavis ou à nécessiter le départ immédiat de l'entreprise".

Les pièces produites par l'employeur établissent la réalité des griefs reprochés. En effet :
- par un courrier du 20 janvier 2008, Mr A..., directeur de campagne de la liste électorale "Agir que pour Trilport" a transmis à la société MERCER une enveloppe affranchie le 17 janvier précédent, supportant le timbre et la flamme de l'entreprise , contenant une invitation à la galette des rois, émanant de la liste électorale " Trilport Ensemble Demain".

Le rédacteur de ce courrier a également indiqué que cela constituait une infraction au code électoral prescrivant qu'aucune personne morale ne peut, sous quelque forme que ce soit, financer une campagne électorale et demandé à la société MERCER, sans préjudice d'un éventuel recours juridique au titre du contentieux électoral, de lui faire connaître les mesures qu'elle allait prendre afin d'éviter que cette pratique illégale ne se perpétue.
- dans une attestation du 19 mai 2009, non contestée, Mr B..., directeur des systèmes d'information de la société MERCER, ayant assisté aux entretiens des 28 janvier et 11 février 2008 avec Mr Y... a précisé que le salarié avait reconnu avoir déposé les courriers de la liste électorale " Trilport Ensemble Demain" sur laquelle sa femme était candidate, dans la corbeille pour qu'ils soient postés par les services généraux et reconnu savoir que c'était interdit.

Il convient d'ailleurs de relever que dans ses écritures, Mr Y... ne conteste pas les faits, se contentant d'en minimiser la portée aux motifs
- qu'il a une ancienneté importante au sein de l'entreprise et n'a jamais été sanctionné antérieurement,
- que les12 affranchissements litigieux, d'un montant global de 6,48 € ne concernant pas des tracts mais des invitations à la dégustation d'une galette des rois, ne peuvent être considérés comme un acte de participation au financement illégal d'une campagne électorale susceptible d'être reproché à l'employeur,
- qu'en tout état de cause, en l'absence de mise à pied à titre conservatoire, le licenciement ne peut être considéré comme fondé sur une faute grave.

Les arguments de Mr Y... sont cependant inopérants. En effet, aucun texte n'obligeant l'employeur à prendre une mesure conservatoire avant le licenciement motivé par une faute grave, l'absence de mise en oeuvre d'une telle mesure lors de la convocation à l'entretien préalable au licenciement ne saurait en rien préjuger de la suite donnée à la procédure ni permettre de qualifier la cause du licenciement.

Par ailleurs, quelque soit le nombre et la valeur des affranchissements litigieux, le fait d'affranchir au moyen de la machine à affranchir de l'entreprise, à des fins personnelles et sans autorisation, des enveloppes contenant des invitations ayant pour objet de faire se rencontrer les militants de la liste " Trilport Ensemble Demain" dans le cadre de la campagne électorale municipale, constitue une violation de l'article 3-4-4 du règlement intérieur et du chapitre VII du code d'éthique et de conduite professionnelles de la société MERCER, dont Mr Y... ne peut valablement s'abstraire au motif qu'il ne l'aurait pas lu ce code jusqu'au bout.

Si comme le fait remarquer le salarié, la possible atteinte à son image de marque consécutive à ces faits n'a pas été mentionnée par la société LERCER dans la lettre de licenciement, il y a lieu de noter que les agissements de Mr Y... sont d'autant plus graves qu'au préjudice direct lié au montant des affranchissements dont il n'a pas justifié le nombre, s'est ajouté, pour la société MERCER, un risque réel de poursuites pour infraction au code électoral ainsi qu'il ressort de la requête en annulation du scrutin électoral du 9 mars 2008 adressée au tribunal administratif de Melun par Mr C..., membre de la liste " Agir, que pour Trilport", invoquant des infractions répétitives au code électoral notamment en matière de financement de campagne " par l'affranchissement de correspondances de campagne avec les moyens de l'entreprise MERCER".

Si ce recours a été rejeté par décision du 22 mai 2008, ce n'est pas, contrairement à ce que prétend Mr Y..., en raison du caractère peu sérieux de l'argument relatif à ce problème d'affranchissement, mais pour une erreur de droit tenant au fait que la commune comptant plus de 3500 habitants, étaient seuls susceptibles d'être invoqués, les griefs portant sur l'inégibilité ou l'incompatibilité des fonctions des candidats ou permettant au juge de reconstituer avec certitude la répartition exacte des voix.

Il s'ensuit que la faute grave reprochée à Mr Y... est caractérisée et, de par sa nature et le contexte politique dans lequel elle a été commise, rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise durant la période du préavis, nonobstant son ancienneté et l'absence de sanction antérieure.

Le jugement sera en conséquence infirmé et Mr Y... sera débouté de ses demandes relatives à la rupture de la relation de travail. Il y a également lieu d'ordonner la restitution par l'intéressé des sommes perçues dans le cadre de l'exécution provisoire au titre du préavis, des congés payés sur préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur la demande d'indemnité de congés payés:

Au soutien de cette demande, Mr Y... prétend que son bulletin de salaire du mois de février 2008 mentionne un solde différé de 56 jours et fait apparaître une indemnité de 4 jours qui disparaît quelques lignes après, de telle sorte qu'il est bien fondé à réclamer le paiement d'une somme de 6 038,85 € ( 105,15 € x 60 jours ).

Mr Y... ne pourra qu'être débouté de cette demande. Il ressort en effet des pièces produites, que
- le chiffre 56 figurant d'ailleurs sur tous les bulletins de paie de mars 2007 à février 2008 à la rubrique "solde DIF" ne correspond pas à des jours de congés payés mais à des heures de DIF ,
- si le bulletin de paie de février 2008 mentionne effectivement une retenue de 4 jours de congés payés d'un montant unitaire de 105,148 € ( au total: 420,59 € ), il convient de noter qu'à la ligne suivante intitulée "ind. Congés payés" sont réintégrés ces 4 jours mais pour un montant unitaire plus élevé de 136,317 € ( au total: 545,27 € ),
- le salarié a été rempli de ses droits au titre des congés payés lors du licenciement ainsi qu'il résulte du solde de tout compte non contesté par le salarié.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Il n'apparaît pas inéquitable, au regard de leur situation respective, de laisser à la charge de chacune des parties les frais par elle exposés et non compris dans les dépens.
Mr Y... succombant en ses prétentions sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement,

Dit que le licenciement est fondé sur une faute grave,

Ordonne à Mr Philippe Y... de restituer à la SAS MERCER les sommes de 6 832,50 € de préavis, de 683,25 € de congés payés sur préavis et de 8 207,14 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, perçues dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement,

Rejette les autres demandes,

Condamne Mr Y... aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 09/02579
Date de la décision : 14/03/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-14;09.02579 ?
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