COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70Z
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 FEVRIER 2012
R.G. N° 10/03118
AFFAIRE :
[D] [C]
...
C/
[B] [S] [X] [Z]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Mars 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 8
N° Section :
N° RG : 08/1502
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
M° Pierre GUTTIN
M° E. JULLIEN
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE SEIZE FEVRIER DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [D] [C]
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 8] (ALGERIE)
[Adresse 6]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Pierre GUTTIN avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 1200018
PLAIDANT par Me Hélène RONDELEZ (avocat au barreau de PARIS)
Madame [M] [N] épouse [C]
née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 10]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Pierre GUTTIN avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 12000018
PLAIDANT par Me Hélène RONDELEZ (avocat au barreau de PARIS)
APPELANTS
****************
Monsieur [B] [S] [X] [Z]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Emmanuel JULLIEN avocat postulant au barreau de VERSAILLES
PLAIDANT par Me Régis COLLIER avocat au barreau de PARIS
Madame [E] [G] [P] épouse [Z]
née le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 11] (75)
[Adresse 5]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Emmanuel JULLIEN avocat postulant au barreau de VERSAILLES
PLAIDANT par Me Régis COLLIER (avocat au barreau de PARIS))
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Janvier 2012, Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,
Madame Evelyne LOUYS, Conseiller,
Madame Dominique LONNE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Vu l'appel interjeté par [D] [C] et [M] [N] épouse [C] du jugement rendu le 18 mars 2010 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :
- ordonné à [D] [C] et [M] [N] épouse [C] de démolir la construction qu'ils ont fait édifier sis [Adresse 6], sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai de 6 mois suivant la signification du jugement,
- condamné solidairement [D] [C] et [M] [N] épouse [C] à payer à [B] [Z] et [E] [P] épouse [Z] la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 1er décembre 2011 par lesquelles les époux [C], poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demandent à la cour de :
- dire que les époux [Z] ne supportent aucun trouble anormal de voisinage de leur fait,
- en tout état de cause, constater l'absence de démonstration d'un préjudice et le caractère radicalement disproportionné de la mesure de démolition sollicitée,
- débouter les époux [Z] de l'intégralité de leurs prétentions,
- condamner les époux [Z] à leur payer la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, celle de 7.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières écritures signifiées le 2 août 2011 aux termes desquelles les époux [Z] concluent à titre principal, à la confirmation du jugement déféré et, y ajoutant, prient la cour de porter la condamnation à dommages-intérêts du fait de la poursuite des préjudices subis à 30.000 €, à titre subsidiaire, pour le cas où la démolition de l'ouvrage litigieux ne serait pas ordonnée, de condamner solidairement les époux [C] à leur payer la somme de 120.000 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2008, de déclarer irrecevables ou en tout cas mal fondées les demandes nouvelles formées par les époux [C] et de les condamner aux entiers dépens, y compris les frais de procédure de référé et d'expertise ;
L'ordonnance de clôture a été signée le 15 décembre 2011.
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que les époux [Z] sont propriétaires d'une maison à usage d'habitation située à [Adresse 5], édifiée courant 1985-1986 ;
Que les époux [C] ont acquis le terrain voisin sur lequel ils ont entrepris d'édifier, suivant un permis de construire délivré 17 juillet 2003, une maison individuelle mitoyenne de celle des époux [Z] ;
Que les époux [Z] ont, par acte du 17 novembre 2005, saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre qui, par ordonnance du 6 janvier 2006, a désigné un expert et a rejeté leur demande d'interruption des travaux ;
Qu'au cours des opérations d'expertise, suivant arrêté du 23 janvier 2006, les époux [C] ont obtenu un permis de construire modificatif les autorisant notamment à modifier la hauteur de la construction, la pente de la toiture et de la rampe d'accès au garage et à créer une cave en sous-sol ;
Que l'expert a déposé son rapport le 16 août 2007 ;
Qu'un nouveau permis modificatif a été attribué aux appelants, par arrêté du 3 décembre 2007, et un certificat de conformité leur a été délivré, le 6 février 2008 ;
Que parallèlement, par jugement du 3 novembre 2008, le tribunal administratif de Versailles, saisi par les époux [Z], a annulé ce permis ; que ce jugement a été annulé par arrêt du 18 mars 2010 de la cour administrative d'appel de Versailles ; que le pourvoi formé par les époux [Z] est pendant ;
Que se fondant sur le rapport d'expertise et invoquant des troubles anormaux de voisinage, les époux [Z] ont assigné les époux [C] aux fins de voir ordonner la démolition de la construction et leur condamnation au paiement de la somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts, devant le tribunal de grande instance de Versailles qui a rendu le jugement entrepris ;
Sur les troubles anormaux de voisinage
Considérant qu'au soutien de leur recours, pour conclure à l'absence de troubles anormaux de voisinage, les époux [C] exposent que la construction respecte les règles d'urbanisme, le non-respect du POS relevé par l'expert étant démenti par l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Versailles, que les époux [Z] ne supportent aucun trouble de jouissance du fait de la rampe d'accès au garage, que la perte de tirage de la cheminée n'est pas démontrée et que la diminution d'ensoleillement est manifestement exagérée ;
Que les intimés répliquent que la zone UE du POS dont dépendent les deux propriétés est une zone d'habitat individuel de faible densité où sont autorisées des constructions de type pavillonnaire et qu'il était nécessaire que le pavillon des époux [C], mitoyen du leur s'intègre harmonieusement avec celui-ci ; que se fondant sur le rapport d'expertise, ils soulignent, à cet effet, qu'ils sont contraints de vivre à l'ombre de la masse que représente le pavillon voisin qui dépasse en largeur et en hauteur leur habitation, dont le seuil apparaît suspendu comme un balcon et surplombe leur entrée ; que la porte du garage située au même niveau ne résulte pas d'une déclivité de la rue mais d'un parti pris ; que cette disposition des lieux leur est préjudiciable en raison des allées et venues des occupants des lieux ; qu'il en résulte une perte importante d'ensoleillement qui affecte les pièces situées en rez-de-chaussée et à l'étage ; que ces troubles importants dépassent les inconvénients normaux de voisinage et ont pour conséquence d'affecter la valeur vénale de leur bien ;
Considérant que pour ouvrir droit à réparation, le trouble de voisinage doit présenter un caractère anormal qui induit une gravité certaine ; que la réalité du trouble allégué doit s'apprécier au regard de la zone d'habitat et des contraintes inhérentes à l'urbanisme ;
Considérant qu'il ressort du rapport déposé par M. [I] [R], expert-géomètre, désigné par ordonnance de référé du 6 janvier 2006, que en altimétrie, la construction ne respecte aucune des règles générales d'implantation définies par l'article UE 10 du POS, en ce qu'il y a dépassement des hauteurs admissibles par rapport au terrain naturel, de 1M34 pour l'égout du toit et de 0M83 pour le faitage, imposée par l'article UE 11 en ce que la construction ne présente aucune ressemblance avec les constructions voisines et forme une verrue qui dépasse d'un étage la ligne générale des faitages aux alentours, et par l'article UE 12 en l'absence totale d'aire de dégagement plane devant le garage ; qu'il relève que la réalisation est éloignée de l'autorisation accordée, les hauteurs augmentant au fur à mesure que l'on s'élève dans les étages et que la rampe d'accès au garage n'est pas conforme avec l'article UE 12 du POS ; que selon ses constatations, l'origine des dépassements provient de la réalisation de la semelle de fondation qui a été creusée à 0,90 m au dessous du niveau de la rue au lieu de 1,35 m ; qu'il conclut que les époux [Z] subissent la proximité de la coupole d'un bâtiment de 11 mètres qui les écrase d'un étage en dépassant leur toit de 2m38 et forme un décroché de 1m 44 vers le sud au delà de leur façade arrière ce qui a pour effet de les priver définitivement du soleil de l'après-midi et que du fait d'un apport de remblai de plus de 1m 50 non autorisé, le seul voisin est implanté à hauteur de leur clôture d'une hauteur de 1m 60 avec pour conséquence de se trouver exposés à une vue droite à distance non réglementaire par dessus la clôture en direction de leur entrée et d'être dominés par les allées et venues de voitures en direction d'un garage suspendu au niveau du 1er étage ;
Mais considérant que par arrêt du 18 mars 2010, la cour d'appel administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement rendu le 3 novembre 2008 par le tribunal administratif de Versailles annulant l'arrêté du 23 Janvier 2006 par lequel le maire de FONTENANY AUX ROSES a délivré aux époux [C] un permis de construire modificatif ; que les juges d'appel relèvent que la construction litigieuse fait partie d'un quartier urbain , constitué de maisons d'habitation aux formes très variées et dépourvu d'unité de style, situé à proximité d'une zone d'habitat semi-dense et d'une zone mixte habitat-activités et qu'elle ne dépasse pas la ligne générale des faitages alentour, l'effet de surplomb à la maison de M. et Mme [Z] étant dû à la pente de la rue et du terrain naturel, qui donne lieu à un dénivelé de 1,50 mètres entre les deux constructions ; qu'ils estiment, s'agissant de la hauteur du faitage du bâtiment que ces modifications limitées n'affectent pas l'économie générale du projet, concernant la hauteur au regard du terrain naturel et la pente des rampes de stationnement, que la méconnaissance des articles UE 10-2 et UE 12-1-2 n'est pas fondée ;
Que si une construction respectant les règles du POS peut occasionner un trouble anormal de voisinage, il appartient aux époux [Z] de rapporter la preuve que son emprise au sol et sa hauteur sont sources de nuisances excédant les inconvénients normaux du voisinage ;
Considérant que les photographies produites aux débats, prises rue de l'Ile où sont situés les deux pavillons, établissent que la construction litigieuse, plus haute d'un étage que le pavillon des époux [Z], ne représente pas une élévation disproportionné par rapport à l'environnement urbain proche, composé de constructions, disparates dans leur style et leurs proportions ;
Que le trouble résultant du surplomb du seuil d'entrée et de la rampe d'accès au garage de la propriété [C] dont ils se plaignent n'est pas caractérisé alors qu'il s'agit d'un simple lieu de passage pour les occupants ; qu'ils n'établissent pas des allées et venues incessantes, sources de nuisances sonores ou de pollution ;
Que s'agissant de la perte d'ensoleillement estimée à 30% de la période diurne par les époux [Z], aucun relevé n'a été établi par l'expert ; que les appelants produisent une étude réalisée le 1er septembre 2011 par le cabinet A4 Architecture, dont les conclusions ne sont pas contredites par les époux [Z], dont il ressort que la perte d'ensoleillement résultant de l'ombre portée par le toit de leur construction est inexistante en hiver, très faible en automne et au printemps et affecte le pavillon mitoyen à partir de 16 heures en été ; qu'il n'est donc pas démontré une perte sensible d'ensoleillement en relation avec l'édification du pavillon voisin, étant observé que la réduction constatée est inhérente à la dimension modeste des terrains en zone urbaine ;
Qu'il s'ensuit que les époux [Z], qui ne justifient pas de l'existence d'un trouble dépassant les inconvénients normaux de voisinage, doivent être déboutés de l'ensemble de leurs demandes ;
Que le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions ;
Sur les demandes formées par les époux [C]
Considérant que les époux [C] sollicitent l'allocation d'une indemnité de 50.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral que leur a causé l'acharnement procédural des époux [Z] ;
Mais, considérant que la preuve n'est pas rapportée que les époux [Z] ont engagé la présente instance avec légèreté, dans la seule intention de leur nuire et abusé de leur droit d'agir en justice ;
Que leur demande de dommages-intérêts sera donc rejetée ;
Considérant, en revanche, que les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile doivent bénéficier aux appelants ; qu'il leur sera alloué à ce titre la somme de 5.000 € ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déboute [B] [Z] et [E] [P] épouse [Z] de l'ensemble de leurs demandes,
Déboute [D] [C] et [M] [N] épouse [C] de leur demande de dommages-intérêts,
Condamne [B] [Z] et [E] [P] épouse [Z] à payer à [D] [C] et [M] [N] épouse [C] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne [B] [Z] et [E] [P] épouse [Z] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile .
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Présidente et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,