COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 01 FEVRIER 2012
R. G. No 11/ 00598
AFFAIRE :
Hélène X...
C/
ASSOCIATION POUR ENFANTS PRECOCES VAL D'OISE (AEP95)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 25 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ARGENTEUIL
Section : Activités diverses
No RG : 09/ 00522
Copies exécutoires délivrées à :
Me Géraldine TCHEMENIAN
Me Yann MSIKA
Copies certifiées conformes délivrées à :
Hélène X...
ASSOCIATION POUR ENFANTS PRECOCES VAL D'OISE (AEP95)
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE UN FEVRIER DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Hélène X...
...
83470 ST MAXIMIN LA STE BAUME
comparant en personne,
assistée de Me Géraldine TCHEMENIAN, avocat au barreau de VAL DOISE
APPELANTE
****************
ASSOCIATION POUR ENFANTS PRECOCES VAL D'OISE (AEP95)
3 Avenue Paul Langevin
95220 HERBLAY
représentée par Me Yann MSIKA, avocat au barreau de VAL D'OISE
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Présidente chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
Mme Hélène X... a été engagée le 3 septembre 2007 comme animatrice culturelle par l'Association des Enfants Précoces du Val d'Oise, AEP 95.
Au mois de novembre 2008, elle a informé son employeur de son état de grossesse.
Elle a demandé à bénéficier d'un congé parental d'un an et elle a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique le 14 septembre 2009.
Elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil pour contester les motifs de son licenciement, soutenir que la procédure de licenciement était irrégulière, réclamer des heures supplémentaires et une indemnité pour travail dissimulé et réclamer un rappel sur l'indemnité de licenciement.
Par jugement en date du 25 janvier 2011, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil section Activités diverses a condamné l'AEP 95 à verser à Mme X... :
-1174, 28 euros au titre du rappel de salaire pour la période allant du 23 mai 2008 au 15 juin 2008
-117, 43 euros à titre de congés payés afférents
-1 531, 95 euros au titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement
-1 000 euros au titre de l'indemnité de procédure
Ordonné la remise des bulletins de paie de mai et juin 2008 rectifiés ainsi qu'une attestation de Pole Emploi
Débouté Mme X... du surplus de ses demandes
Débouté l'AEP 95 de ses demandes.
Fixé la moyenne des salaires à 1 531, 95 euros
Les deux parties ont régulièrement relevé appel de la décision.
Par conclusions déposées le 2 décembre 2011, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme X... demande :
La confirmation de l'arrêt sur le rappel de salaire et sur l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière
La réformation de l'arrêt en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des heures supplémentaires :
-755, 25 euros pour la réalisation d'un site internet de l'école et les congés payés
-880, 60 euros pour la période de septembre 2008 au 3 mars 2009 et les congés payés afférents
-2 927, 22 euros au titre d'un voyage scolaire du 23 mai 2008 au 15 juin 2008 et les congés payés afférents
-377, 40 euros au titre d'un centre aéré du 30 juin au 1er juillet 2008 et les congés payés afférents
-la réformation de l'arrêt en ce qu'il l'a débouté de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé soit 9 191, 70 euros
Elle réclame également :
-4 000 euros pour non respect du repos hebdomadaire
-9 191, 70 euros au titre des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil
-18 383, 40 euros au titre des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail
-486, 17 euros au titre du complément de l'indemnité de licenciement
-499, 20 euros au titre du droit à DIF
Subsidiairement elle demande qu'il soit constaté que L'AEP 95 n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciement et elle formule une demande de 18 383, 40 euros de dommages-intérêts à ce titre.
Par conclusions déposées le 30 novembre 2011, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, L'AEP 95 demande confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes et forme appel sur les condamnations prononcées, à savoir le rappel de salaire et l'indemnité pour irrégularité de la procédure qu'elle demande à voir fixer à 1 euro.
Elle demande également à ce que Mme X... restitue la somme de 378, 52 euros indûment versée sur l'indemnité de licenciement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les deux appels formées par les parties sur le même jugement ayant donné lieu à deux procédures distinctes enregistrées sous les numéros 11/ 598 et 11/ 689, il y a lieu d'ordonner leur jonction et de dire qu'un seul arrêt sera rendu sous le No 11/ 598.
Sur le rappel de salaire pour la période allant du 23 mai 2008 au 15 juin 2008
L'AEP 95 a retenu une somme de 1 174, 28 euros sur le salaire de Mme X... car celle ci avait accompagné un voyage scolaire à Taïwan mais se serait manifestée tardivement et l'encadrement était déjà prévu.
Il n'est pas sérieusement contesté que Mme X... était avec le groupe et participait à l'encadrement. Deux attestations rédigées par des salariées d'AEP 95 indiquent que Mme X... devait payer son billet d'avion car tout le voyage était organisé quand elle a décidé de venir.
Il sera retenu que Mme X... est partie dans le cadre d'un voyage organisé par l'employeur et qu'elle a participé aux tâches d'encadrement. Si L'AEP 95 avait estimé sa présence superflue, il lui appartenait de faire preuve de son pouvoir de direction pour refuser qu'elle participe à ce voyage mais il ne peut ainsi décider d'un congé sans solde dans de telles conditions. C'est par d'exacts motifs que la cour fait siens, que le premier juge a fait droit à la demande de Mme X... sur ce point.
Sur les demandes d'heures supplémentaires
S'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande
Sur la demande d'heures supplémentaires au titre du voyage à Taïwan, il est manifeste que l'emploi du temps de Mme X... sur cette période était mal déterminé et qu'elle disposait de temps de liberté, ses horaires d'intervention se situant essentiellement le soir, Sur cette période elle n'apporte pas d'éléments suffisants pour étayer sa demande.
De même, sur les autres réclamations qu'elle formule, pour la rédaction du site internet, pour un centre aéré, si elle justifie bien avoir accompli ces tâches, en raison du caractère très varié de ses fonctions d'animatrice culturelle, elle ne produit pas d'éléments suffisants pour étayer sa demande au titre d'heures supplémentaires. C'est à juste titre que le premier juge l'a déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé.
Sur la demande de travail dissimulé
L'existence d'heures supplémentaires n'étant pas retenue, la demande d'indemnité pour travail dissimulé est sans fondement.
Sur le montant de l'indemnité de licenciement
Par d'exacts motifs que la Cour fait siens, le premier juge a effectivement constaté que l'employeur avait calculé l'indemnité de licenciement versée à Mme X... en calculant 2/ 5 de mois par année d'ancienneté au lieu d'1/ 5 et il en a justement déduit que l'AEP 95 était libre de faire profiter sa salariée d'une indemnité de licenciement plus importante que celle légalement ou conventionnellement prévue.
Il a avec raison débouté l'employeur de sa demande de restitution d'une partie de l'indemnité de licenciement. Le jugement sera confirmé sur ce point.
En revanche, l'argumentation de Mme X... qui conteste le salaire de base retenu par l'employeur et propose un autre calcul mais qui retient la fraction de 2/ 5 alors qu'elle énonce au début de son développement, que l'indemnité de licenciement doit être calculée sur 1/ 5, ne peut être retenue, l'employeur ne pouvant se voir imposer une mesure encore plus favorable par rapport à l'indemnité prévue que celle qu'il a lui même calculée.
Sur la demande de dommages-intérêts pour non respect du repos hebdomadaire
Le premier juge a clairement relevé que l'emploi du temps de Mme X... lui garantissait un repos hebdomadaire allant au moins du samedi 17 heures au lundi 9 heures et il en a déduit que Mme X... bénéficiait chaque semaine d'un repos comprenant le dimanche et avec une amplitude de 40 heures soit supérieure au minimum légal de 35 heures. Il a donc avec raison débouté Mme X... de sa demande sur ce point.
Sur le licenciement pour motif économique
La lettre de licenciement adressée le 14 septembre 2009 à Mme X... dont les termes fixent les limites du litige est ainsi motivée :
" Nous avons le regret de vous licencier pour les raisons suivantes :
- difficultés financières consécutives à des dettes certaines qui nécessitent un plan de sauvegarde de L'AEP 95
- nécessité de réduire les frais de gestion et les coûts de personnel, de supprimer certaines activités non essentielles au fonctionnement de l'établissement scolaire.
Votre activité d'animatrice scolaire se trouve dans ce cas et nous sommes dans l'obligation de la supprimer.
Malgré l'examen de votre situation et compte tenu du caractère unique de votre emploi, votre reclassement s'est avéré impossible au sein de L'AEDP 95.... "
En application de l'article L. 1233 du Code du Travail, il appartient au juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique, de vérifier l'existence des difficultés économiques ou de mutation technologique ou de la réorganisation effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise dans son secteur d'activité alléguées par l'employeur ayant entraîné la suppression du poste du salarié.
L'employeur est tenu, en application de l'article L1232-6 du Code du Travail, d'énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement. Lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques ou de changement de technologie invoqués par l'employeur et mentionnés à l'article 1233-3 du Code du Travail.
Pour estimer que le motif économique était fondé, le premier juge a retenu que la situation de l ‘ AEP 95 était largement déficitaire et qu'elle avait dû renégocier le règlement de ses dettes sociales et fiscales avec les administrations et qu'elle a du saisir la commission des chefs des services financiers du Val d'Oise qui a exigé des réductions de la masse salariale.
Pour contester son licenciement Mme X... soutient que la lettre de licenciement n'est pas suffisamment motivée et qu'en outre les éléments chiffrés démontrent que des postes de dépenses ont été fortement augmentés sans explication particulière. Enfin, elle produit des éléments pour justifier de ce qu'au moment de son licenciement et dans les mois qui ont suivi, plusieurs contrats à durée indéterminée et contrats à durée déterminée ont été conclus par l'AEP 95.
L'AEP 95 soutient que sa situation économique déficitaire rendait indispensable une compression de personnel et elle estime démontrer que les embauches réalisées après le départ de Mme X... correspondaient à des besoins différents.
En réalité, les écritures même de l'AEP 95 démontrent que Mme X... a été engagée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée alors que les charges avaient beaucoup augmenté et que la situation était déjà déficitaire.
Sans rechercher si les nouveaux salariés engagés à partir du mois d'octobre 2009 étaient ou non affectés au poste de Mme X..., leur seule embauche anéantit le caractère réel et sérieux de la cause économique alléguée par l'employeur qui soutient qu'il devait réduire la masse salariale.
En réalité, il justifie lui même de ce que les charges n'ont diminué que de 4 000 euros entre 2008 et 2009, ce qui démontre que le licenciement de Mme X... n'a en rien fait diminuer la masse salariale de l'AEP 95 et qu'il ne répondait nullement à une nécessité économique.
Enfin, ce licenciement apparaît d'autant plus mal fondé qu'à l'assemblée générale du mois de juin 2009, avait été voté un projet d'extension d'une partie de l'établissement scolaire.
Contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, la cause économique du licenciement n'est pas établie et l'employeur a agi avec une légèreté blamable dans ce cadre. Dès lors, il n'y a pas lieu de rechercher si le poste de Mme X... a été ou non supprimé et si un reclassement lui a été proposé.
Le jugement sera réformé sur ce point et Mme X... doit être indemnisée du préjudice causé par ce licenciement sans cause réelle et sérieuse
La Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à 10 000 euros les dommages-intérêts qui devront lui être versés de ce chef.
Sur l'irrégularité de la procédure
Il ressort des éléments du dossier que l'AEP 95 n'a pas respecté entre la convocation à l'entretien préalable, et l'entretien lui même, le délai de cinq jours ouvrables prévu par l'article L 1232-2 du code du travail. Cette irrégularité a nécessairement causé un préjudice à Mme X... que la Cour réparera par des dommages-intérêts d'un montant de 1 531, 95 euros, la salariée pouvant prétendre à une indemnisation séparée dans la mesure où à la barre, les parties ont indiqué que l'entreprise avait moins de onze salariés.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral présentée par Mme X...
Mme X... soutient qu'en dehors du licenciement sans cause réelle et sérieuse dont elle a fait l'objet, elle a été victime de propos blessants, d'avertissements injustifiés et qu'on a tenté à plusieurs reprises de lui imposer des avenants à son contrat de travail.
Sont effectivement produits aux débats de nombreuses lettres recommandées à Mme X... multipliant les reproches, les demandes d'explications et il lui a été soumis plusieurs avenants qui contenaient des clauses plus contraignantes, avenants qu'elle a refusé de signer. Il sera relevé que le premier lui a été transmis, après qu'elle ait annoncé sa grossesse.
L'employeur ne conteste pas les courriers adressés et les tentatives pour faire signer un avenant au contrat de travail mais il estime que la salariée n'en a subi aucun préjudice.
Il est manifeste qu'à partir de la fin de l'année 2008, les relations contractuelles se sont dégradées et que l'employeur a multiplié les critiques et a cherché à modifier le statut de la salariée, la procédure disciplinaire engagée pour avoir annulé une sortie au théâtre un soir de neige, apparaissant quelque peu inadaptée.
La Cour estime qu'il y a lieu de faire droit au principe de la demande indemnitaire de Mme X... et il lui sera alloué 1 500 euros de ce chef.
Sur le droit à DIF
La lettre de licenciement ne fait pas mention du droit individuel à la Formation que pouvait exercer Mme X....
Il s'en déduit que le défaut de cette mention crée nécessairement un préjudice au détriment de Mme X... et la Cour dispose des éléments pour évaluer à 100 euros les dommages-intérêts qui doivent lui être versés par l'AEP 95.
Il y a lieu d'ordonner la remise à Mme X... des documents de rupture rectifiés et conformes, sans qu'il soit nécessaire d'allouer une astreinte à l'appui de sa demande.
Les sommes allouées à Mme X... en matière de salaire seront assorties des intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes d'Argenteuil de nature indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la décision qui les a fixés avec application des dispositions de l'article 1154 du code civil.
L'équité commande d'allouer à Mme X... une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1 000 euros
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Ordonne la jonction des procédures suivies sous les numéros 11/ 598 et 11/ 689 et dit que le dossier se poursuivra sous le seul numéro 11/ 598
Confirme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes d'heures supplémentaires et d'indemnité de travail dissimulé, ainsi que de ses demandes de complément d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour non respect du repos hebdomadaire.
En ce qu'il a débouté l'AEP 95 de sa demande de remboursement d'une partie de l'indemnité de licenciement.
En ce qu'il a alloué à Mme X... un rappel de salaire de 1174, 28 euros.
En ce qu'il a condamné l'AEP 95 à une indemnité pour procédure irrégulière de licenciement.
Le réforme pour le surplus et condamne l'AEP 95 à verser les sommes suivantes :
-10 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
-100 euros au titre du droit au DIF
-1 500 euros au titre des dommages-intérêts au titre de l'article 1382 du code civil
Condamne l'AEP 95 à verser à Mme X... une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1 000 euros
Dit que l'AEP 95 gardera à sa charge les dépens de la procédure d'appel.
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Hubert DE BECDELIEVRE, Conseiller en l'absence de Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Présidente empêchée et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,