COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 97Z
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 JANVIER 2012
R.G. N° 10/07480
11/05030
AFFAIRE :
[A] [E]
C/
CABINET FIDAL
Décisions déférées à la cour : Décision rendue le 06 Septembre 2010 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats des Hauts de Seine
- décision rendue le 16 juin 2011 de Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats des Hauts de Seine
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
[A] [E]
CABINET FIDAL
Conseils des parties
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE CINQ JANVIER DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [A] [E]
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 4] ([Localité 4])
[Adresse 2]
[Localité 6]
COMPARANT assisté de la SELARL RAVISY & ASSOCIÉS (avocats au barreau de PARIS)
APPELANT RG : 10/07480 et 11/05030
****************
CABINET FIDAL
[Adresse 1]
[Localité 5]
Rep/assistant : la SCP CABINET ALEXANDRE LEVY & KAHN (avocats au barreau de STRASBOUG) plaidant par Maitre Bernard ALEXANDRE
INTIME
****************
La présente cause a été communiquée au ministère public et visée le 28 juillet 2011
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 novembre 2011, Madame Evelyne LOUYS conseiller, faisant fonction de président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Evelyne LOUYS, conseiller, faisant fonction de président,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
Madame Anne BEAUVOIS, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
M. [A] [E] a été engagé par le cabinet Fidal en qualité de collaborateur à compter du 18 janvier 1982.
En 1987, il est devenu associé puis directeur associé en 1994.
En 1997, M. [E] alors rattaché à la direction régionale de [Localité 7] a rejoint à la Défense les équipes de Fidal qui intervenaient dans le domaine international.
Lorsqu'en 2000, il fut décidé de ne conserver à la Défense que la direction internationale, M. [E] a demandé à y rester et a été rattaché à la direction internationale quittant ainsi la direction régionale de [Localité 7]. Il occupait le poste de directeur du département de droit social.
Le cabinet Fidal faisait alors partie de 'K Legal', organisation juridique liée au réseau mondial de KPMG.
Fin 2003, la législation Sarbanes Oxley aux Etats-Unis a amené le cabinet Fidal à cesser son activité de conseil juridique et à se priver de l'apport de clientèle du réseau
K Legal.
En 2007, le cabinet Fidal a racheté à un cabinet américain l'activité 'IES' (International Expatriate Services) à savoir une activité de gestion des obligations fiscales mondiales des citoyens américains.
Par courrier du 19 mai 2010, M. [A] [E] a saisi M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau des Hauts de Seine aux fins d'obtenir un rappel de salaires et de voir ordonner une expertise en alléguant que depuis plus de cinq ans ses conditions de rémunération ont été largement dégradées.
Par décision en date du 6 septembre 2010, M. le Bâtonnier [J] Dutheil a :
- ordonné au cabinet Fidal de payer à M. [A] [E] une somme de 64 268€ au titre de la rémunération garantie pour l'exercice 2008/2009,
- débouté M. [A] [E] de toutes ses autres demandes, notamment celle relative à la désignation d'un expert pour analyser les rémunérations d'autres associés,
- laissé les dépens de chacune des deux parties à leur charge.
M. [A] [E] et le cabinet Fidal ont interjeté appel de cette décision.
Le dossier a été enregistré sous le n° RG 10/07480.
Le cabinet Fidal a convoqué M. [A] [E] à un entretien préalable en vue de son licenciement par lettre recommandée AR en date du 15 septembre, puis du 21 septembre pour le 30 septembre 2010.
Par lettre en date du 5octobre 2010, le cabinet Fidal a notifié à M. [A] [E] son licenciement avec préavis dont il était dispensé d'exécution.
Par arrêt en date du 17 décembre 2010, la cour de céans a ordonné la réintégration de M. [A] [E] pendant la durée du préavis sur le fondement de l'article 65 du Règlement intérieur du Barreau des Hauts de Seine.
M. [A] [E] a saisi une seconde fois, M. le Bâtonnier des Hauts de Seine pour solliciter l'allocation de dommages et intérêts au titre des préjudices subis pendant l'exécution du contrat de travail, faire constater la nullité de son licenciement ou à titre subsidiaire, faire juger qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par décision du 16 juin 2011, M. le Bâtonnier Dutheil a :
- considéré que les faits de harcèlement n'étaient pas avérés,
- déclaré le licenciement de M. [A] [E] fondé pour cause réelle et sérieuse,
- débouté M. [A] [E] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. [A] [E] aux dépens ainsi qu'à un montant de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [A] [E] a interjeté appel de cette décision.
Le dossier a été enregistré sous le n° RG 11/5030.
Aux termes de ses conclusions signifiées le10 novembre 2011 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, il demande à la cour de :
- le recevoir en son appel et le dire bien fondé,
- constater qu'il est de bonne administration de la justice de joindre les procédures inscrites au rôle de la cour sous les numéros RG n° 10/ 7480 et 11/5030,
1) Au titre de l'exécution du contrat de travail
Sur les rappels de la partie garantie de la rémunération
- constater que depuis le mois de décembre 2000, sa rémunération se compose contractuellement d'un salaire annuel garanti d'un montant de 236 296 €,
- constater que la cabinet Fidal a unilatéralement fait fluctuer cette rémunération annuelle garantie à la baisse dans de très importantes proportions et qu'il est redevable à ce titre d'un rappel de salaire minimal d'un montant de 376 786€ + 37 678,60€ = 414 464,60€ soit les sommes de 583 627,29€ et de 58 362,72€ en tenant compte de l'inflation moyenne arrêtée au 31 décembre 2010,
- ordonner en conséquence au cabinet Fidal de lui payer la somme provisionnelle de 482 699,42€ à titre de rappel de salaire pour la période non prescrite,
- dire que cette somme portera intérêts depuis l'introduction de la demande (19 mai 2010) et seront capitalisés pour toutes les sommes dues pour plus d'une année entière,
Avant dire droit,
- désigner (sur le seul point de la rémunération) tel expert qu'il plaira à la cour avec la mission figurant dans ses écritures,
Indemnisation des préjudices subis durant l'exécution du contrat de travail
- condamner le cabinet Fidal à lui payer les sommes de :
50 000€ au titre des agissements discriminatoires subis à raison de son âge, de sa nationalité, et de son état de santé,
50 000€ à titre de préjudice moral en réparation du harcèlement moral subi,
50 000€ à titre de préjudice de santé à raison des conséquences entraînées sur son état de santé psychologique par la discrimination et le harcèlement subis,
2) Au titre de la rupture du contrat de travail
A titre principal
- constater que son licenciement a été prononcé sous des prétextes fallacieux, aussitôt après que le cabinet Fidal a été condamné à lui payer après qui s'était plaint de discrimination, la somme de 64 000€,
- le dire nul,
A titre subsidiaire,
- dire ce licenciement nul sur le fondement des articles L1132-4 et L1152-3 du code du travail, M. [A] [E] ayant été licencié pour avoir dénoncé, relaté et refusé de subir des agissements discriminatoires et de harcèlement,
Encore plus subsidiairement, dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement,
- condamner le cabinet Fidal à lui payer les sommes de :
92 035€ bruts au titre de rappel sur la rémunération 2009/2010
24 798, 65€ à titre de rappel sur la rémunération 2010/2011
22 357€ bruts à titre de rappel sur congés payés
63 821€ nets à titre de rappel sur l'indemnité de licenciement
460 000€ au titre de préjudice de retraite
1 300 000€ de dommages et intérêts au titre de préjudice inhérent à la rupture indue de son contrat de travail
- condamner le cabinet Fidal au paiement de la somme de 6 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le cabinet Fidal, aux termes de ses conclusions signifiées le 28 octobre 2011 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :
- ordonner la jonction des appels RG 10/ 7480 et 11/ 5030,
Statuant sur les appels de M. [A] [E],
- déclarer les appels de M. [A] [E] mal fondés,
- débouter M.[A] [E] de l'intégralité de ses fins et conclusions,
Statuant sur l'appel de la société Fidal à l'encontre de la décision du bâtonnier du 6 septembre 2010,
- infirmer la décision du 6 septembre 2010 en ce qu'elle l' a condamné à
payer à M. [A] [E] une somme de 64 268 € au titre de la rémunération garantie pour l'exercice 2008/2009,
Statuant à nouveau,
- débouter M. [A] [E] de l'intégralité de ses fins et conclusions,
- le condamner aux dépens,
- confirmer la décision du Bâtonnier en ce qu'elle a débouté M. [A] [E] du surplus de ses demandes et l'a condamné aux dépens ainsi qu'au paiement de 6 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens des appels outre un montant complémentaire de
6 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures d'appel.
MOTIFS DE L'ARRET
1) Sur la jonction
Considérant que l'administration d'une bonne justice commande de joindre les affaires inscrites au rôle général sous les n° 10/ 7480 et 11/ 5030 sous le n° 10/7480 ;
2) Sur le rappel de salaires
Considérant que la réclamation de M. [A] [E] porte sur la rémunération qui lui a été versée à compter de l'exercice 2000/2001 en partant du postulat qu'il lui aurait été garanti à partir de cet exercice une rémunération fixe de 1 550 000 francs ou 236 296€ ; qu'il se fonde pour ce faire sur sa pièce n° 81 émanant du cabinet Fidal ; qu'il déclare que cette rémunération fixe a, en réalité, était diminuée de moitié au cours des années ultérieures alors qu'il n'a jamais accepté d'avenant à son contrat de travail ; qu'il se réfère pour asseoir ses prétentions à l'évolution de sa rémunération et à celle de la moyenne des dix rémunérations les plus élevées du cabinet et sollicite sur ce point une expertise ; qu'il s'estime fondé à obtenir un rappel de salaire sur la partie fixe de sa rémunération pour la période non couverte par la prescription quinquennale ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'à partir de l'exercice 2000/2001, correspondant à son affectation au sein de la direction internationale, la rémunération de M. [A] [E], comme celle de ses confrères associés, a fait l'objet chaque année d'une fiche d'objectifs définissant :
* le montant des acomptes mensuels,
* la rémunération annuelle garantie c'est à dire le minimum qui devra être perçu au titre de l'exercice se composant d'une partie fixe et d'une partie variable,
* la rémunération objectif c'est à dire la rémunération maximale qui pourra être perçue si tous les objectifs sont réalisés,
Considérant que chaque année M. [A] [E] a signé les fiches d'objectifs et les décomptes de rémunération sans aucune réserve soit pendant huit années jusqu'à l'exercice 2008/2009 ; qu'il a en effet refusé de signer les documents contractuels afférents à cet exercice ;
Considérant que vainement M. [E] invoque le dogme de l'intangibilité contractuelle alors que contrairement à ses allégations, il ne bénéficiait pas d'une rémunération annuelle garantie de 236 296 € ; que le document daté du 6 décembre 2000, ayant pour objet le 'Décompte de rémunération 1999/2000" et libellé comme suit : 'La rémunération de l'exercice 1999/2000 a été arrêtée à 1 550 000 francs soit une augmentation de 6,30 %' ne garantissait à M. [E] aucune rémunération annuelle pour les années postérieures comme il le prétend ; qu'il n'a d'ailleurs dans les années qui ont suivi présentée la moindre observation de ce chef ;
Considérant encore que M. [E] ne peut pas plus valablement soutenir qu'il y aurait eu une modification unilatérale de son contrat de travail alors qu'il a signé en début d'exercice les fiches d'objectifs validant le mode de calcul de la rémunération variable et après la clôture de l'exercice les décomptes de rémunération, lesquels mentionnaient qu'ils valaient avenants au contrat de travail ;
Considérant qu'enfin, les comparaisons effectuées par M. [E] avec d'autres rémunérations au cours de la même période au sein du cabinet ne sont pas pertinentes dès lors que l'existence d'une partie variable induit nécessairement des différences d'évolution en fonction de la qualité du travail produit par les intéressés ;
Considérant qu'il s'infère de cette analyse que M. [E] ne saurait prétendre à un rappel de rémunération au titre des exercices antérieurs à 2008/2009 ;
Considérant qu'en ce qui concerne ce dernier, il est constant que M. [E] a refusé de signer la fiche d'objectifs ; que le cabinet Fidal a appliqué la dernière fiche d'objectifs signée par M. [A] [E] et décompté sa rémunération sur la base de l'exercice 2007/2008 ;
Considérant que le cabinet Fidal expose que le décompte de rémunération afférent à cet exercice a eu une présentation différente des précédents laquelle a été appliquée à tous les associés comme le justifie la communication de décomptes concernant d'autres collaborateurs ; que lesdits décomptes font apparaître d'une part les acomptes mensuels et d'autre part, le bonus représentant le supplément de rémunération versée par le cabinet Fidal qui selon lui était supérieur à la rémunération qui aurait résulté de la simple application de la fiche d'objectifs compte tenu de la baisse du taux de profit du cabinet pour cet exercice;
Considérant qu'il ressort du décompte de rémunération 2008/2009 de M. [E] qu'il a perçu pour cet exercice une somme de 214 753 € ce qui représente un montant largement supérieur à la rémunération garantie de 185 000 € de sorte que contrairement à la décision entreprise, il n'apparaît pas que la rémunération garantie payée pour l'année 2008/2009 soit inférieure aux sommes garanties depuis les années 2004/2005 ;
Considérant qu'il s'ensuit que la décision du 6 septembre 2010 condamnant le Cabinet Fidal au paiement d'un rappel de rémunération de 64 268 € de ce chef sera donc infirmée ;
3) Sur l'expertise
M. [E] estimant avoir bénéficié d'une augmentation de salaire inférieure à celle des avocats cadres et notamment à celle des 10 rémunérations les plus élevées du cabinet sollicite l'instauration d'une expertise ; qu'il argue d'une atteinte au principe d'égalité des rémunérations ;
Mais, considérant que le principe 'à travail égal, salaire égal' n'a pas pour effet d'interdire l'application d'un système de rémunération variable lié à une appréciation de la qualité du travail dès lors qu'il existe un système d'évaluation reposant sur des critères objectifs ;
Qu'en l'espèce, le système de rémunération en vigueur au sein du cabinet Fidal qui a été précédemment exposé est conforme aux prescriptions jurisprudentielles, le montant de la rémunération variable étant fonction, outre les objectifs personnels d'un niveau de résultat normatif au sein de Fidal Direction Internationale fixé chaque année de façon générale pour l'ensemble des associés Partners ;
Considérant que par ailleurs, une comparaison des 10 rémunérations les plus élevées comme le souhaite M. [E] ne saurait être révélatrice d'une éventuelle discrimination tant les situations des intéressés peuvent être différentes ; que les rémunérations les plus élevées ne sont pas nécessairement versées aux mêmes associés chaque année et que entre en ligne de compte l'implication de la part variable de la rémunération, fonction de la qualité du travail de chacun ;
Considérant que c'est à bon droit que sa demande d'expertise a été rejetée ;
4) Sur les discriminations et le harcèlement moral
Considérant que M. [A] [E] se plaint d'agissements discriminatoires liés à l'âge, à la nationalité et à son état de santé ; qu'il soutient qu'il a été écarté au profit de M. [H] [L] âgé de 40 ans et bénéficiant de la double nationalité française et américaine pour diriger le département Human Capital englobant le droit social pour plaire à KPMG US ; qu'il a ensuite subi l'opposition de M. [U] dans la mise en oeuvre du mi-temps thérapeutique dont il a fait l'objet ;
Qu'il vise également divers éléments de fait laissant supposer l'existence de discriminations et constitutifs de harcèlement moral justifiant l'allocation de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices subis et de nature à entraîner la nullité de son licenciement sur le fondement des articles L 1132-3, L 1132-4, L 1152-2 et L 1152-3 du code du travail ; qu'il vise enfin, l'article L 1134-4 du même code sanctionnant de la nullité le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce dernier et fait valoir qu'il a été licencié à la suite de la procédure engagée devant M. le Bâtonnier des Hauts de Seine tendant à un rappel de rémunération ;
Considérant qu'il appartient à la victime d'établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination ou d'un harcèlement, puis il incombe à la partie défenderesse de prouver que des agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ou discrimination et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à de telles pratiques ; que la conviction du juge se forme au regard des éléments définis par l'article L 11 52-1 du code du travail édictant que 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel' ;
Considérant que M. [E] dénonce à partir de 2004 des agissements répétés contribuant à une dégradation de plus en plus évidente de ses conditions de travail devenant plus fréquents après l'arrivée de M. [H] [L] et pratiquement continuels après qu'il ait été conduit à travailler à mi-temps pour des raisons médicales ; que c'est ainsi qu'il s'est vu progressivement retirer l'essentiel de ses attributions d'abord au profit de M. [O] puis à partir de juin 2008 à celui de M. [H] [L] ;
Qu'il fait état d'une dégradation de ses conditions de rémunération, de la suppression de ses fonctions d'encadrement, de son exclusion des décisions concernant le recrutement des collaborateurs du département de droit social, de l'attribution sans concertation préalable, de son rôle de responsable évaluant les membres de son équipe, à M. [L] qu'il lui a été substitué aux fonctions de directeur du département de droit social, de son placement de fait sous la subordination hiérarchique de cet avocat fiscaliste, de la disparition de son nom en tête de la lettre d'information juridique envoyée aux clients enfin de son exclusion répétée de réunions des diverses instances auxquelles il aurait dû participer;
Considérant qu'à titre préliminaire, il importe d'observer que M. [A] [E], spécialiste en droit social et plus particulièrement dans les risques psychosociaux dans l'entreprise, n'a jamais, jusqu'à sa lettre du 11 octobre 2010 invoqué un quelconque harcèlement et engagé une procédure de médiation ou envoyé la moindre protestation à l'occasion des faits qu'il dénonce dans le cadre de la procédure ;
Considérant que le Cabinet Fidal dénie fermement avoir pris une quelconque décision pouvant être liée à l'âge, à la nationalité ou à l'état de santé ;
Considérant que, comme il le soutient, le fait d'engager un associé plus jeune que l'intéressé, M. [L] étant âgé de 40 ans et M. [E] de 54 ans et ayant la double nationalité, française et américaine, n'est pas révélatrice de la volonté de l'employeur de mettre à l'écart son associé plus âgé alors même que M. [L], fiscaliste, a une spécialité différente de celle de M. [E] ;
Considérant que la discrimination dont aurait fait l'objet M. [E], tenant à son état de santé, n'est pas plus établie en ce sens que le cabinet Fidal aurait manifesté son opposition à son mi-temps thérapeutique dès lors qu'il ressort du dossier que ce dernier s'est conformé aux décisions médicales recommandant un aménagement du temps de travail de M. [E] sur trois jours du mardi au jeudi, ce qui a été fait ;
Considérant, sur les autres éléments qui sont également relevés comme constitutifs de harcèlement, M. [E] n'est pas fondé à invoquer la dégradation de ses conditions de rémunération au vu des développements qui précèdent basée sur une rémunération annuelle garantie de 236 296 € que la cour a écarté ;
Considérant sur la suppression de ses fonctions d'encadrement et l'intégration du département social dans le juridique ou dans l'activité IES et son placement sous la subordination de M. [L] qui lui aurait été substitué sans la fonction de directeur du département de droit social, le Cabinet Fidal explique que le rachat de l'activité IES à caractère fiscal en 2007 a conduit à adopter une nouvelle organisation sans pour autant conduire à l'intégration du département de droit social qui a coexisté avec le département
IES ; qu'il affirme qu'aucun lien hiérarchique n'a été crée entre M. [E] et M. [L] et M. [E] en dépit des affirmations de ce dernier, lequel ne justifie cependant d'aucune instruction reçue ;
Considérant sur l'exclusion de M. [E] à certaines réunions ou du Groupe d'animation de la direction internationale, GADI ou sur l'intérim assuré par une autre avocate durant son absence, il s'avère selon les éléments produits par le cabinet Fidal, que M. [E] n'a pas été mis à l'écart du Groupe GADI crée en 2006 puisqu'il n'apparaît pas qu'il n'en ait jamais fait partie et qu'il n'a pas fait de demande en ce sens ; que le cabinet Fidal établit en outre, au travers de l'attestation de M. [X] que tous les directeurs de département n'en font pas systématiquement partie ; que s'agissant des autres réunions, M. [E] n'avait pas nécessairement vocation à y assister mais en était informé recevant les mails en copie ; qu'enfin, le fait que le cabinet Fidal ait confié le suivi des dossiers de M. [E] à une collaboratrice durant les arrêts de travail de cet avocat, ne permet pas d'induire, en l'absence de tout autre élément, une éviction probable ;
Considérant que le cabinet Fidal conteste encore toute immixtion puis mise à l'écart de M. [E] dans certains dossiers clients ; que le cas du CRECI est dépourvu de toute portée s'agissant d'un client se rattachant à la structure Human capital ; qu'il en est de même [F], client du département social mais ayant aussi des besoins en droit fiscal ce qui n'est pas contesté ;
Considérant que la disparition du nom de M. [E] de la lettre d'information 'Veille sociale' apparaît en fin 2008, début 2009 ; que précédemment, elle était cosignée par M. [E], directeur du département de droit social et par M. [L], responsable des activités 'Human Capital' ; que le cabinet Fidal lie cette modification au désengagement de M. [E] lui-même et M. [E] ne produit aucun élément manifestant son opposition à ce changement de sorte que ce fait ne peut être retenu comme élément discriminant ou constitutif de harcèlement ;
Considérant qu'il s'infère de ces éléments que le faits allégués par M. [E] sont justifiés objectivement par le cabinet Fidal alors même qu'il n'est démontré ni une atteinte aux droits ou à la dignité de M. [E] ni des problèmes de santé en lien avec le harcèlement allégué ni un avenir professionnel compromis ;
Considérant qu'en conséquence, les demandes indemnitaires formées par M. [E] de ce chef ne peuvent qu'être rejetées ;
5) Sur la nullité du licenciement de M. [E]
Considérant qu'en l'absence d'agissements discriminatoires et de harcèlement moral, la nullité du licenciement de M.[E], de ce chef, ne peut être prononcée ;
Considérant que M. [E] soulève aussi la nullité de son licenciement motif pris qu'il serait la conséquence de l'action judiciaire qu'il a introduite pour obtenir un rappel de rémunération ayant donné lieu à la décision du 6 septembre 2010 ;
Mais considérant qu'il importe de noter que la cour dans son arrêt du 17 décembre 2010 statuant sur la nullité du licenciement relève que M. [E] ne fait pas état des dispositions de l'article L 1153-4 du code du travail ; que, par ailleurs, dans le cadre de cette instance, il ne démontre pas que son licenciement ait un lien avec l'action introduite et soit intervenu en représailles à celle-ci ;
Considérant dès lors, que la nullité du licenciement de M. [E] ne peut être prononcée ;
6) Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au début de l'année 2004, M. [E] qui avait acheté un domaine viticole dans le Sud-Ouest de la France, a souhaité quitter la direction internationale de Fidal et a sollicité sa mutation dans cette région laquelle ne lui a finalement pas été accordée ;
Qu'à cette période, le cabinet Fidal se voyait priver de l'apport de la clientèle du réseau K Legal et en 2007 a racheté à un cabinet américain l'activité IES (International Expatriate Services) à savoir une activité de gestion des obligations fiscales mondiales des citoyens américains ;
Considérant qu'aux termes de la lettre de licenciement du 5 octobre 2010, les griefs du cabinet Fidal, qui constate un désengagement de M. [E] des différentes missions qui lui étaient confiées, sont les suivants :
- refus d'exécution d'un certain nombre de missions,
- désengagement du groupe FS (Financial Services),
- absence de coopération avec les partenaires étrangers,
- refus de communication .
Considérant qu'en réponse notamment dans sa lettre du 11 octobre 2010, M. [E] fait valoir qu'il lui est reproché de ne pas avoir effectué des tâches qui lui avaient été retirées, de ne pas avoir participé à une manifestation, celle du 30 juin 2010 ou à des réunions alors que son absence résultait de la nouvelle organisation mise en place du fait de son état de santé, une attitude de refus de communication alors que c'est à l'employeur qu'il incombait de rechercher le dialogue vis à vis de son associé en grande difficulté ;
Considérant qu'il résulte des éléments de la cause que M. [E] exerçait les fonctions de directeur du département de droit social au sein de la Direction internationale; qu'il est attesté de ce qu'à partir du mois de janvier 2010, M. [E] n'a plus assisté aux réunions des associés juristes de la direction internationale ce qu'il ne conteste pas véritablement tout en expliquant que son mi-temps thérapeutique ayant été organisé de façon particulièrement rigide et les réunions se tenant le vendredi, il a été mis dans l'impossibilité d'y assister ;
Mais considérant que l'aménagement du temps de travail de M. [E] a été organisé en vertu des prescriptions médicales qui recommandaient un temps de travail regroupé du mardi au jeudi ; qu'il ne peut donc être reproché à l'employeur de s'être conformé à ces indications ; que par ailleurs, M. [E] n'établit pas l'impossibilité à assister à toutes les réunions à partir de janvier 2010 en produisant un seul mail faisant état de la tenue d'une réunion un vendredi ; qu'il n'administre pas la preuve de ce qu'il aurait, en réalité, été évincé alors que le cabinet Fidal était fondé à organiser un intérim pendant ses arrêts de travail ;
Considérant qu'en ce qui concerne la réunion du 30 juin 2010 organisée dans le cadre de la présentation annuelle des plans d'action et des réalisations du groupe de spécialités au pavillon d'Armenonville, M. [E] explique son absence par des raisons de santé ; que cependant, il ne conteste pas le reproche qui lui est fait de ne pas avoir élaboré de plans d'actions et autres présentations devant être préparé plusieurs mois à l'avance de sorte qu'il ne peut valablement argué pour expliquer ce manquement de sa récente intervention chirurgicale du 26 mai 2010 et du fait que la responsabilité du département avait été confiée à [Z] [P] depuis plus d'un mois ;
Considérant encore, que M. [D] [T] atteste le 21 mars 2011 de ce qu'il avait effectivement fait état lors d'une réunion du groupe d'animation consacré à l'examen des business plans des différents groupes de métiers pour l'exercice 2010-2011 qu'il n'avait pas reçu de business plan relatif au développement du droit social dans le métier banque ; que M. [E] sur ce point oppose son implication en se référant à des réunions remontant au mois de septembre 2008 et avril 2009 mais pas ensuite ce que le cabinet Fidal explique par une opposition de M. [E] à la nouvelle mise en oeuvre à partir de 2010 de la stratégie reposant sur une approche multidisciplinaire de l'offre à destination de secteurs professionnels ;
Considérant qu'il est aussi fait grief à M. [E] une absence de coopération avec les partenaires étrangers ; qu'à cet égard, M. [E] se réfère à deux interventions, en Angleterre et en Allemagne sans justifier d'aucune action ou du moindre reporting d'une quelconque réunion qui aurait été tenue dans ce cadre en accord avec son rôle de directeur du département de droit social chargé de l'animation de ce secteur ;
Considérant que sous l'intitulé 'refus de communication', il est fait état par le cabinet Fidal de difficultés de collaboration au sein même de l'équipe de M. [E] comme le démontre une attestation de Mme [P] et un mail de Mme [R] à M. [E] du 22 janvier 2010, d' un manque de communication risquant de mettre en péril les intérêts des clients ainsi que d'une absence de relations avec les autres associés ; qu'en témoigne l'attestation rédigée par Mme [Y] [R] concernant le dossier Stromag dans laquelle elle déclare avoir appris quelques jours avant l'audience que le confrère avait formé une demande d'évocation au fond et de ce que l'audience risquait de ne pas seulement porter ne sur une question de compétence ; qu'à ce sujet, M. [E] reconnaît dans sa lettre du 11 octobre 2010 'qu'il a raccroché au nez'de M. [U] qui l'avait contacté téléphoniquement à ce sujet ;
Considérant qu'une attestation de M. [O] témoigne encore de ce 'qu'à compter de décembre 2009, M. [E] m'a tenu dans l'ignorance de tous les contacts et demandes émanant de ses clients, et ce même sur des dossiers dont la nature aurait justifié mon intervention (intéressement au sein du groupe Pathé ou restructuration de la gouvernance des groupes Pathé et Chargeurs)' ;
Considérant que M. [E] ne peut valablement justifier son attitude par un refus de communication initial du cabinet Fidal et de ce qu'il aurait notamment fallu deux mois pour qu'il soit reçu suite à sa lettre du 16 décembre 2009 alors qu'il fait état lui-même de deux entretiens les 4 et 5 janvier 2010 ; qu'il ne peut pas plus davantage faire grief au cabinet Fidal de ne pas avoir tenu compte de son état de santé ou de ne pas avoir modifier son organisation ;
Considérant qu'il s'infère de cette analyse que les difficultés de collaboration avec M. [E] ont pris une importante croissance particulièrement à partir de l'année 2009 et en 2010 rendant manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles ;
Considérant qu'il s'ensuit que le licenciement de M. [E] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse ce qui entraîne le rejet de toutes ses demandes financières ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Ordonne la jonction des dossiers inscrits au rôle général sous les n° 10/07480 et 11/5030 sous le numéro 10/07480 ;
Sur la décision du Bâtonnier du 6 septembre 2010
Infirme cette décision en ce qu'elle a condamné le cabinet Fidal à payer à M. [A] [E] la somme de 64 268 € au titre de la rémunération garantie pour l'exercice 2008/2009.
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute M. [A] [E] de toutes ses demandes tendant au paiement d'un rappel de rémunération.
Confirme la décision du 6 septembre 2010 pour le surplus en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise.
Sur la décision du Bâtonnier du 16 juin 2011
Confirme la décision entreprise.
Y ajoutant,
Déboute M. [A] [E] de ses demandes indemnitaires pour préjudices subis du fait d'agissements discriminatoires et de harcèlement.
Condamne M. [A] [E] à verser au Cabinet Fidal une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Evelyne LOUYS, conseiller faisant fonction de président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,