COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 28A
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 JANVIER 2012
R.G. N° 08/04213
AFFAIRE :
[U] [N] [F] [A] épouse [X]
C/
[S] [C]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mai 2008 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° chambre : 1
N° Section :
N° RG : 06/6610
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP LEFEVRE TARDY HONGRE BOYELDIEU
SCP FIEVET LAFON
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE CINQ JANVIER DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [U] [N] [F] [A] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 6] (13)
demeurant actuellement [Adresse 11]
représentée par la SCP LEFEVRE TARDY HONGRE BOYELDIEU - N° du dossier 280348
Plaidant par Maitre BERTHAULT de la SCP BERTHAULT-RAUX AGUESSE (avocats au barreau de VERSAILLES)
APPELANTE
****************
Monsieur [S] [C]
né le [Date naissance 4] 1933 à [Localité 7] (27)
demeurant [Adresse 8]
[Adresse 10]
[Localité 5]
représenté par la SCP FIEVET LAFON - N° du dossier 280620
plaidant par Me Alain CLAVIER (avocat au barreau de VERSAILLES)
INTIME
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Novembre 2011, Madame Evelyne LOUYS, conseiller, faisant fonction de président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Evelyne LOUYS, conseiller, faisant fonction de président,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
Monsieur Philippe DAVID, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
[K] [O] [M] [W] est décédée le [Date décès 3] 2000, laissant pour lui succéder son conjoint survivant, M. [S] [C], avec lequel elle s'était mariée le [Date mariage 2] 1962 sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts et sa fille née d'une précédente union, Mme [U] [A] épouse [X].
Par testament olographe du 1er février 1979, la défunte a révoqué la donation entre époux au dernier vivant établie le 10 février 1975 et a légué à son mari l'usufruit, sa vie durant, de sa part de communauté, le droit d'usage et d'habitation, sa vie durant, de l'appartement situé au premier étage de l'immeuble à [Adresse 12], le droit d'usage des meubles meublant et objets mobiliers garnissant cet appartement, tous les autres biens revenant en toute propriété à sa fille Mme [U] [X].
L'actif net de la communauté a été fixé dans la déclaration de succession établie le 26 juin 2001 à la somme de 309 927,93 francs dont moitié pour chacun soit 153 963,97 francs et l'actif net de la succession soit 6 996 511,16 francs a été réparti à concurrence de 340 992,79 francs pour M. [S] [C] et de 6 665 518,37 francs pour Mme [U] [X].
Saisi par M. [S] [C], suivant acte d'huissier en date du 21 juin 2006, le tribunal de grande instance de Versailles, par jugement en date du 6 mai 2008, a :
- rescindé pour cause de lésion supérieure au quart le partage amiable contenu dans la déclaration de succession du 26 juin 2011, signé par M. [S] [C] et Mme [U] [A] épouse [X], concernant la communauté ayant existé entre M. [S] [C] et [K], [O], [M] [W], décédée le [Date décès 3] 2000, ainsi que de la succession de cette dernière,
- renvoyé les parties devant Me [Z] [J], notaire à [Localité 9] (28) pour procéder à de nouvelles opérations de compte, liquidation et partage concernant la communauté ayant existé entre M. [S] [C] et [K], [O], [M] [W], décédée le [Date décès 3] 2000, ainsi que de la succession de cette dernière,
- désigné Mme [V], juge à la première chambre civile du tribunal de grande instance de Versailles, ou à son défaut l'un des membres de ladite chambre de ce tribunal, pour surveiller les opérations de compte et liquidation afférentes au supplément à l'acte de partage ci-dessus ordonné et faire rapport sur l'homologation de la liquidation en cas de difficulté,
- dit qu'en cas d'empêchement du notaire et du juge ainsi désignés, il pourra être pourvu à leur remplacement sur simple requête,
- ordonné l'exécution provisoire des dispositions ci-dessus,
- rejeté le surplus des demandes, tant principale que reconventionnelles,
- fait masse des dépens et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage.
Mme [U] [A] épouse [X] a interjeté appel de cette décision.
Le 30 avril 2009, la cour d'appel de céans a, avant dire droit, ordonné une expertise et sursis à statuer sur l'ensemble des demandes.
Le rapport d'expertise a été déposé au greffe de la cour le 5 juillet 2011.
Mme [U] [A] épouse [X], aux termes de ses conclusions signifiées le 19 octobre 2011 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :
Vu les articles 1437 et 1469 du code civil,
- la recevoir en son appel et y faisant droit,
- réformer le jugement déféré et statuant à nouveau,
- dire que M. [S] [C] n'établit pas l'existence d'une lésion ouvrant droit à rescision,
- débouter M. [S] [C] de ses demandes,
- subsidiairement, ordonner un complément d'expertise pour déterminer l'incidence de la déductibilité fiscale des travaux sur le montant des impôts fonciers payés par les époux [C],
- condamner M. [S] [C] à lui payer la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
M. [S] [C], aux termes de ses conclusions signifiées le 20 octobre 2011 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :
- déclarer Mme [U] [A] épouse [X] recevable mais non fondée en son appel, l'en débouter,
- confirmer, en tant que de besoin par modification de motifs, le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- subsidiairement, dire y avoir lieu à supplément à l'acte de partage dans les termes de l'alinéa 2 in fine de l'article 887 du code civil, y procédant, condamner Mme [U] [A] épouse [X] à lui verser, pour le rétablir dans ses droits, une somme de 128.011,12€ assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2011, lesquels seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts dès lors qu'ils seraient dus pour une année entière,
- condamner Mme [U] [A] épouse [X] à lui verser une somme de 7.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la SCP Fievet Lafon conformément à l'article 699 du code de procédure civile sauf à ce qu'il en soit fait masse en frais privilégiés de compte, liquidation et partage.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 octobre 2011.
MOTIFS DE L'ARRET
Considérant que Mme [U] [X] critique le rapport de M. [G], expert, en faisant valoir qu'il convient de déduire des sommes retenues au titre des dépenses d'amélioration et de conservation un montant de 40 502,33 € ; qu'il n'a pas tenu compte de ce que les travaux avaient été financés à hauteur de 249 540 francs par des fonds propres de [K] [W] provenant de la vente d'un immeuble lui appartenant ; qu'elle soutient que la communauté ne peut prétendre à récompense sur le fondement de la dépense faite que si la dépense était nécessaire ce qui n'est le cas que pour les grosses réparations, et qui amène à déduire la somme de 58 205,49 € ; que les subventions doivent être prises en compte pour déterminer le montant de la récompense; qu'il convient encore de tenir compte de ce que chaque année les époux [C] ont déduit de leurs revenus fonciers déclarés les travaux réalisés ; qu'enfin, c'est à bon droit que les dépôts de garantis versés par les locataires ont été portés au passif de communauté pour 40 717,02 € ;
Qu'elle conclut au vu de ces éléments, qu'il n'y a pas lieu à rescision pour lésion et à titre subsidiaire, sollicite l'instauration d'un complément d'expertise ;
Considérant que M. [S] [C] maintient ses prétentions initiales tenant à l'existence d'une lésion lors du partage amiable intervenu le 26 juin 2001 en invoquant le droit à récompense de la communauté qui a réalisé d'importants travaux sur les biens propres de l'épouse et une erreur d'affectation des dépôts de garantie versés par les locataires des biens propres de Mme [C] portés au passif de la communauté ;
Sur le montant de la récompense due à la communauté
Considérant qu'en vertu de l'article 1437 du code civil, la communauté a droit à récompense si des deniers communs ont été utilisés pour acquitter des dépenses inhérentes à des travaux procurant une amélioration ou assurant la conservation de biens propres ;
Considérant que comme le rappelle l'arrêt du 30 avril 2009, il n'y a pas lieu à récompense en cas de financement par la communauté de travaux d'entretien correspondant aux réparations courantes considérés comme des charges usufructuaires incombant à la communauté en contrepartie de l'attribution des revenus des biens propres ou de leur jouissance ; qu'au vu de l'ensemble des factures produites par M. [C] la cour a missionné un expert judiciaire à l'effet de distinguer entre les dépenses liées à l'entretien de l'immeuble de celles correspondant à la conservation structurelle du bien ;
Considérant que M. [G], aux termes d'un important travail de pointage des factures, évalue :
- les dépenses d'entretien à ....... .. 50 427,03 €
- les dépenses de conservation à. .154 267,23 €
- les dépenses d'amélioration à ... 134 363,68 €
Considérant que l'article 1469 du code civil énonce : 'La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes qui représentent la dépense faite et le profit subsistant.
Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.
Elle ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve au jour de la liquidation de la communauté dans le patrimoine emprunteur';
Considérant qu'il découle du rapport d'expertise que le total des dépenses de conservation ou d'amélioration qu'il n'y a pas d'intérêt à distinguer, s'élève à 240 532,48€; que Mme [X] prétend déduire de ce montant une somme de 40 502,33 € motif pris que certains postes de dépenses retenues par l'expert, ne constituent que des dépenses d'entretien dont il n'y a pas lieu de tenir compte ;
Mais considérant que les dépenses d'entretien, régulières et périodiques pouvant être prévues par un propriétaire et n'ayant qu'une durée limitée, peuvent être considérées comme des dépenses nécessaires devant donner lieu à récompense en fonction des circonstances factuelles qui entourent la dépense ;
Considérant qu'en l'espèce, les contestations émises par Mme [X] sur les factures énumérées dans ses écritures qui ne constitueraient pas des dépenses de conservation ou d'amélioration des immeubles doivent être écartées comme l'a fait l'expert auquel elles ont été soumises ; qu'il importe de relever que les travaux pris en compte par ce dernier l'ont été dans le cadre d'une opération de mise aux normes des logements ayant fait l'objet d'une subvention de l'ANAH ; qu'il s'agit dès lors de dépenses nécessaires pour assurer l'habitabilité de l'immeuble de sorte qu'elles donnent lieu à récompense ;
Considérant que Mme [X] dénie encore le caractère de travaux nécessaires à certaines dépenses ne représentant pas l'exécution de grosses réparations et critique la méthode d'évaluation retenue par l'expert ;
Mais considérant que l'argument tiré de la périodicité de certains travaux n'a aucune influence sur le caractère nécessaire de la dépense ce d'autant plus s'agissant d'un ravalement imposé par l'administration et que les travaux d'aménagement d'un immeuble constituent des dépenses nécessaires ;
Considérant que l'expert a donc fait une juste application des dispositions de l'article 1469 du code civil dont il convient de retenir les évaluations ;
Considérant que les demandes de l'appelante tendant à voir déduire des sommes fixée par l'expert celle de 40 502,33 € et 58 205,49 € ne peuvent donc prospérer ;
Considérant que Mme [X] demande que les subventions versées par l'ANAH soient déduites des sommes investies dans les travaux par la communauté ;
Considérant que M. [C] s'y oppose au motif que fiscalement les subventions destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans la détermination du revenu brut et de ce qu'il s'agit de fonds communs ;
Mais considérant que tel n'est pas le cas ; qu'en l'espèce, la communauté ne s'est pas appauvrie ; que les subventions de l'ANAH ont été versées pour l'exécution de travaux afférents à des immeubles propres à [K] [C] et ne l'auraient pas été si les travaux n'avaient pas été réalisés ;
Considérant que la somme de 42 443,18 € correspondant au montant total des subventions versées doit donc bien être déduite des fonds exposés par la communauté au titre des travaux ;
Considérant que Mme [X] fait enfin valoir que les travaux réalisés ont donné lieu à déduction au titre des revenus fonciers, ce qui a diminué la charge de l'impôt sur le revenu du couple [C] ; qu'en appliquant un taux d'imposition de 50 %, faute par M. [C] de produire les déclarations fiscales, il y a lieu de réduire de moitié le montant de la récompense ;
Considérant que M. [C] soutient, à bon droit, qu'il ne saurait y avoir lieu à réduction ; que l'impôt sur le revenu constitue sous le régime de la communauté des biens une dette commune que les époux doivent supporter à concurrence de moitié ; qu'il ne saurait donc y avoir lieu à une quelconque déduction de la récompense due à la communauté de ce chef ;
Considérant que la demande de complément d'expertise formée par Mme [X] est dans ces conditions, sans objet ;
Sur les dépôts de garantie
Considérant que M. [C] s'oppose à ce que les dépôts de garantie versés par les locataires figurent au passif de la communauté au motif qu'il ne serait pas établi que la communauté serait bien toujours débitrice dans le cadre de baux en cours ;
Mais considérant que c'est à juste titre que le notaire chargé de la liquidation a porté cette somme au passif de la communauté s'agissant bien de sommes devant être restituées aux locataires à l'expiration des baux ; que le quantum fixé par le notaire a été approuvé par M. [C] qui a signé la déclaration de succession de sorte que la contestation soulevée par ce dernier ne peut être retenue ;
Considérant qu'aux termes de cette analyse, la récompense due à la communauté du fait des travaux exécutés pendant le mariage sur les biens propres de la défunte, s'élève à 240 532,48 € dont à déduire la somme de 38 042,13 € montant financé par [K] [C] provenant de la vente d'un bien lui appartenant, non contesté par M. [C] et dont à déduire le montant des subventions versées par l'ANAH soit 42 443,18 € ;
Que la récompense due à la communauté est donc d'un montant de 160 047,17 €;
Considérant que cette somme réintégrée à l'actif de la communauté figurant pour
62 907,32 € dans l'acte de liquidation du 26 juin 2001, ce qui fait apparaître un actif communautaire de 222 954,49 € duquel il convient de déduire le passif de 15 659,11 €, l'actif net de communauté est de 207 295,80 € dont la moitié pour la succession de
103 647,69 € ;
Considérant que les droits de M. [C] s'élevant à 2/10ème de cette somme, soit 20 729,53 €, la liquidation contenue dans l'acte du 26 juin 2001 est lésionnaire puisqu'après intégration à la valeur du droit d'habitation soit 47 259,20 €, le total est de
67 988, 73 € soit une différence de 16 004,70 € avec les 51 984,02 € mentionnés dans l'acte de liquidation ;
Considérant que le seuil de la lésion à savoir le quart de 51 984,79 € soit 12 996 € étant atteint, la demande formée par M. [C] tendant à la rescision pour lésion de l'acte de partage du 26 juin 2001 concernant tant la communauté ayant existé entre [S] [C] et [K] [W] que la succession de cette dernière est bien fondée ;
Considérant que le jugement entrepris sera donc confirmé ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Rejette la demande formée par Mme [A] épouse [X] tendant à l'instauration d'un complément d'expertise.
Confirme le jugement entrepris.
Y ajoutant,
Condamne Mme [U] [A] épouse [X] à verser à M. [S] [C] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et pourront être recouvrés directement par les avoués de la cause pouvant y prétendre conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Evelyne LOUYS, conseiller faisant fonction de président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,