COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 23 NOVEMBRE 2011
R. G. No 10/ 02681
AFFAIRE :
S. A. MOTOREDUCTEURS R VASSAL
C/
Laurent
X...
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 29 Avril 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
No RG : 09/ 00088
Copies exécutoires délivrées à :
Me Bertrand LAMBERT
Me Clément RAINGEARD
Copies certifiées conformes délivrées à :
S. A. MOTOREDUCTEURS R VASSAL
Laurent
X...
, POLE EMPLOI ILE DE FRANCE, VENANT AUX DROITS DE L'ASSEDIC DE PARIS
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S. A. MOTOREDUCTEURS R VASSAL
...
92210 SAINT CLOUD
représentée par Me Bertrand LAMBERT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
APPELANT
****************
Monsieur Laurent
X...
...
78490 BOISSY SANS AVOIR
comparant en personne, assisté de Me Clément RAINGEARD, avocat au barreau de VERSAILLES
POLE EMPLOI ILE DE FRANCE, VENANT AUX DROITS DE L'ASSEDIC DE PARIS
Service Contentieux
75603 PARIS CEDEX 12
représenté par Me Catherine ROIG, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 10 Octobre 2011, en audience publique, devant la cour composé (e) de :
Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANEM. X... a été embauché par contrat à durée déterminée à compter du 22 octobre 1984. Il occupait en dernier lieu le poste de Chef d'atelier montage service après vente et avait le statut de cadre selon la convention collective de la métallurgie.
Il a été convoqué le 16 septembre 2008 a un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. Une mise à pied conservatoire lui a alors été notifiée.
L'entretien s'est déroulé le 25 septembre.
M
X...
a repris ses fonctions à la date de l'entretien préalable et a travaillé dans l'entreprise jusqu'à son licenciement qui lui a été notifié par courrier du 22 octobre 2008 pour faute grave.
Ce courrier rappelait un précédent avertissement donné au salarié le 21 juillet pour un abandon de poste le 09 juillet et évoquait à titre principal une rixe avec un autre salarié dans les locaux de l'entreprise qu'il aurait provoquée le 16 septembre.
M. X... estimant son licenciement injustifié a saisi le Conseil de Prud'hommes le 21 janvier 2009 aux fins de :
Dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société MOTOREDUCTEURS R VASSAL à lui verser avec exécution provisoire, les sommes de :
-2 648, 40 euros au titre des heures de Droit Individuel à la Formation ;
-9 359, 79 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
-935, 97 euros au titre des congés payés y afférents ;
-36 191, 18 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
-78 870, 32 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-12 479, 72 au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral ;
-3 000, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il a également demandé les intérêts légaux de ces sommes
Il a également demandé de condamner la société MOTOREDUCTEURS R VASSAL à rembourser aux ASSEDIC les prestations versées pendant 6 mois.
Par décision du 29 avril 2010, le conseil de Prud'hommes a requalifié la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur à verser à M
X...
les sommes de :
-2 648, 40 euros au titre des heures de Droit Individuel à la Formation ;
-9 359, 79 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
-935, 97 euros au titre des congés payés y afférents ;
-36 191, 18 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
-35 000, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-950, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le Conseil de Prud'hommes a par ailleurs :
- dit que les intérêts légaux de ces sommes seraient calculés à partir de la saisine pour les créances salariales et à compter du jugement pour les créances indemnitaires.
- limité l'exécution provisoire à l'exécution de droit.
- débouté M
X...
du surplus de ses demandes
-condamné la société MOTOREDUCTEURS R VASSAL à rembourser à Pôle Emploi l'équivalent d'1 mois d'indemnités.
La société MOTOREDUCTEURS R VASSAL a régulièrement interjeté appel de cette décision.
DEVANT LA COUR :
Par conclusions reçues le 10 octobre 2011 et soutenues oralement auxquelles la Cour se réfère expressément, M
X...
demande à la Cour :
- de fixer à la somme de 3 119, 93 euros le montant de son salaire brut mensuel moyen
-de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence la société MOTOREDUCTEURS R VASSAL au paiement, avec intérêts légaux, des sommes de :
* 2 648, 40 euros au titre des droits individuels à la formation lui restant dus ;
* 9 359, 79 euros au titre de l'indemnité de préavis ;
* 935, 97 euros au titre des congés payés y afférents ;
* 36 191, 18 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
*950, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de réformer la décision pour le surplus et de condamner l'employeur à verser au salarié les sommes de :
* 78 870, 32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 12 479, 72 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
*'4 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ainsi qu'à condamner la société MOTOREDUCTEURS R VASSAL à rembourser à Pôle Emploi l'équivalent de 6 mois d'indemnisation perçue par M
X...
en application des dispositions de l'article L 1235-4 du Code du Travail.
Par conclusions déposées à l'audience et soutenues oralement auxquelles le présent arrêt se réfère expressément, la société MOTOREDUCTEURS R VASSAL a demandé à la Cour de :
- in limine litis, déclarer irrecevable le Pôle Emploi Ile de France en son intervention volontaire à défaut d'intérêt et de capacité pour agir et subsidiairement de limiter à un mois le montant des indemnités qu'elle devra lui rembourser ;
- débouter M
X...
de toutes ses demandes ;
- subsidiairement, de considérer que le licenciement est pourvu d'une cause réelle et sérieuse et plus subsidiairement de limiter le montant des dommages et intérêts de ce chef à la somme de 18 719, 58 euros équivalent à l'indemnité plancher de 6 mois de salaire et le débouter de ses autres demandes.
L'Institution nationale publique Pôle emploi Ile de France, intervenant volontairement, a déposé des conclusions reçues au greffe le 27 juillet 2011 aux fins de condamnation de l'employeur au remboursement des allocations chômage versées à M
X...
pour la période du 30 novembre 2008 au 28 mai 2009 et voir condamner la SA MOTOREDUCTEURS R VASSAL à lui verser la somme de 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR QUOI, la Cour :
Le grief d'abandon de poste évoqué dans la lettre de licenciement a d'ores et déjà été sanctionné par un avertissement. Il s'agit de faits commis le 09 juillet 2008 et sans rapport avec l'altercation du 16 septembre 2008 qui ne peuvent être invoqués utilement à l'encontre du salarié.
Celui-ci ne conteste pas avoir porté des coups à son collègue de travail M A...dans les locaux de l'entreprise. Les photographies produites au dossier témoignent de la violence de ces coups. Il résulte également des témoignages recueillis que ces violences se seraient poursuivis sans l'intervention de deux autres salariés qui ont séparé les deux protagonistes et empêché M
X...
de commettre des faits plus graves mettant ainsi en danger son collègue. Même si les raisons exactes de cette rixe n'ont pas été élucidées, il reste qu'un tel comportement ne peut être toléré en lui même et en raison de la menace qu'il fait peser sur la sécurité physique des salariés et du trouble qu'il est susceptible d'apporter à la bonne entente entre eux sans même parler de l'exemple déplorable donné par un tel manque de maîtrise de soi.
En revanche, personne n'a assisté au début de la querelle et n'est en mesure de dire quel propos ont précédé les violences et dans quelles circonstances MM
X...
et A...en sont venus aux mains.
Contrairement à ce qu'affirme l'employeur, M
X...
portait également des séquelles de l'agression qui ont été médicalement constatées le jour même des faits : lésions cutanées au coude droit, au poignet droit, et au 5ème doigt de la main droite, plaie rectiligne de 2 cms au niveau de l'articulation métacarpo phalangienne du 2ème doigt de la main gauche avec oedème
Il est donc probable qu'il se soit agi d'un échange de coups et non d'une agression unilatérale du salarié sur son collègue.
Par ailleurs, si certaines attestations dépeignent M
X...
comme de caractère ombrageux et colérique et si ce travers lui a déjà valu des mises en garde, d'autres décrivent M A...comme " de plus en plus menaçant envers quelques personnes et affichant un manque de respect vis à vis de sa hiérarchie ", " jamais satisfait et trouvant toujours à redire " " râleur et très procédurier avec la Direction " ou encore " de plus en plus méprisant, insolent agressif et maintenant violent physiquement "
Il est à observer que ce dernier n'a pas été entendu non plus que M B...l'un des deux salariés qui contenaient M
X...
au moment où Mme C...est arrivée sur les lieux et qui a peut être assisté à la totalité de l'incident.
On ne peut donc exclure que M A...ait provoqué verbalement voire physiquement M
X...
lequel a déclaré lors de l'entretien préalable qu'il s'est fait empoigner, pousser et acculer contre un mur a demandé vainement à plusieurs reprises à M A...d'arrêter et qu'il s'est défendu lorsque celui-ci lui a fait mal ", propos qui sont corroborés dans une certaine mesure par l'attestation de M D...qui témoigne avoir entendu M
X...
crier plusieurs fois : " arrête, on ne se bat pas dans l'entreprise ".
Par ailleurs il est constant que ce dernier a repris son travail dans l'entreprise le 25 septembre après une mise à pied de 9 jours jusqu'au 22 octobre 2008 date de son licenciement.
La faute grave est celle qui empêche le maintien, même temporaire, du salarié dans l'entreprise, et le fait de le faire travailler pendant un mois à la suite de l'entretien préalable suffit à établir que son maintien dans l'entreprise demeurait possible pendant la durée du préavis.
L'imprécision des circonstances de la rixe et la reprise du travail par le salarié sont de nature à exclure la faute grave. En revanche, les faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a accordé au salarié les indemnités de préavis et de licenciement mais sera réformé en ce qu'il a écarté la cause réelle et sérieuse du licenciement.
Le montant desdites indemnités a été justement évalué par les premiers juges en fonctions des revenus de M
X...
justifiés par les bulletins de salaires versés au dossier et des dispositions de la convention collective. Le montant des sommes n'a d'ailleurs pas été critiqué en tant que tel par la société MOTOREDUCTEURS R VASSAL
Le jugement déféré sera donc également confirmé de ce chef.
M
X...
est fondé à demander le rappel des droits individuels à la formation qu'il a acquis pendant la durée de son contrat de travail. C'est à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a fait droit à sa demande de ce chef qui n'est d'ailleurs pas discutée par la partie adverse.
La demande de dommages et intérêts formée par le salarié en raison de son préjudice moral à hauteur de 12 479, 72 euros se fonde sur des humiliations qu'il aurait subies de la part de son employeur avant les faits puis à l'occasion de son licenciement.
Il en justifie par des attestations :
M E..., rapporte que le jour de son licenciement, " M
X...
a dû prendre ses affaires personnelles sous le regard inquisiteur et suspicieux de M F...qui ne lui a laissé qu'une dizaine de minutes pour entasser à la hâte celles-ci dans un sac poubelle noir tel un moins que rien et a dû ensuite traverser et quitter la société sous le regard abasourdi et attristé du personnel sac poubelle à la main avec M F...le suivant de près jusqu'au seuil de la porte ".
M G...confirme avoir assisté à cette scène qu'il dépeint en des termes similaires précisant que le salarié a eu " en tout et pour tout un quart d'heure avec la présence de M F...les mains dans le dos à le surveiller " et " juge cet épisode " indigne et mal convenu de la part d'un dirigeant de société ".
En revanche, les attestations de Mme H..., et de MM I..., J...tendent à montrer que tout le personnel n'a pas assisté au départ de M
X...
Les circonstances de ce départ apparaissent étroitement liées aux faits ayant motivé le licenciement et à l'ambiance tendue qui s'en est suivie plus qu'à une volonté d'humilier le salarié. Il était par ailleurs nécessaire que le chef d'entreprise assure la sécurité de son personnel en surveillant le moment délicat du départ de M
X...
qui semble s'être effectué en présence de quelques salariés et non de tout le personnel.
Une attestation de M E...relate qu'en mai 2006, M F..., a supprimé la porte du bureau de M
X...
sans raison apparente et lui a interdit en juin 2008, de se servir dudit bureau pour réaliser ses tâches administratives en lui imposant de façon quelque peu humiliante, l'utilisation d'un coin d'établi plus ou moins huileux et encombré de pièces de moteurs " et une attestation de M G...confirme cette " dégradation de confort de travail de M
X...
".
Les faits ci-dessus évoqués sont dépourvus de tout lien avec la procédure de licenciement et les circonstances dans lesquelles ils se seraient produits n'ont pas été rapportées avec précision ni débattues contradictoirement et ne permettent pas d'affirmer que M
X...
disposait d'un bureau pour les tâches de caractère administratif qui lui incombaient et que cet avantage lui aurait été supprimé arbitrairement et sans motif lié au fonctionnement de l'entreprise.
M
X...
n'a donc pas rapporté la preuve d'un préjudice moral imputable au fait de l'employeur, susceptible de justifier sa demande de dommages et intérêts.
Cette demande a été justement écartée par le Conseil de Prud'hommes.
Le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu de condamner l'employeur à reverser au Pôle Emploi tout ou partie des prestations versées par cet organisme au salarié. Le jugement déféré qui a fait droit partiellement aux demandes de l'ASSEDIC au droit de laquelle est venu Pôle Emploi, sera réformé de ce chef et les demandes formées par Pôle Emploi intervenu volontairement en cause d'appel seront également rejetées.
L'action du salarié étant partiellement justifiée en l'absence de faute grave susceptible de le priver de ses droits à préavis et à indemnité de licenciement, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné l'employeur à prendre en charge ses frais irrépétibles. La somme qu'ils ont accordée à M
X...
sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile constitue une juste appréciation de ces frais.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés en cause d'appel pour la défense de leurs intérêts.
Les dépens seront à la charge du salarié qui a succombé en ses prétentions.
PAR CES MOTIFS,
la Cour statuant publiquement contradictoirement
Confirme la décision attaquée en ce qu'elle a condamné la société SA MOTOREDUCTEURS R VASSAL à verser à M
X...
les sommes de :
-2 648, 40 euros au titre des droits individuels à la formation lui restant dus ;
-9 359, 79 euros au titre de l'indemnité de préavis ;
-935, 97 euros au titre des congés payés y afférents ;
-36 191, 18 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
-950, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Réformant pour le surplus et statuant à nouveau :
Dit que le licenciement de M
X...
est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Déboute celui-ci de ses demandes tendant au paiement de dommages et intérêts de ce chef et à la réparation de son préjudice moral ;
Dit n'y avoir lieu de condamner la SA MOTOREDUCTEURS R VASSAL à reverser à l'association Pôle Emploi les allocations chômage versées à M
X...
.
AJOUTANT :
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamne M
X...
aux dépens.
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Présidente et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, La PRESIDENTE,