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17/11/2011 | FRANCE | N°10/02036

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 17 novembre 2011, 10/02036


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 74D



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 NOVEMBRE 2011



R.G. N° 10/02036



AFFAIRE :



S.A. SCORPIUS





C/





[F] [E]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Février 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° Section :

N° RG : 10/00307



E

xpéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :









SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER



SCP DEBRAY CHEMIN









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE ONZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 74D

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 NOVEMBRE 2011

R.G. N° 10/02036

AFFAIRE :

S.A. SCORPIUS

C/

[F] [E]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Février 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° Section :

N° RG : 10/00307

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER

SCP DEBRAY CHEMIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE ONZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. SCORPIUS

inscrite au RCS de Paris sous le numéro B 384 617 692

[Adresse 7]

[Localité 8]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER - N° du dossier 20100324 Avoué à la cour

Rep/assistant : Me Hugues SALABELLE (avocat au barreau de PARIS)

Palais R 050

APPELANTE

****************

Monsieur [F] [E]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 10]

représenté par la SCP DEBRAY CHEMIN - N° du dossier 10000321 Avoué à la cour

Rep/assistant : Me Isabelle ARMAND (avocat au barreau de PARIS)

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Octobre 2011 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne LOUYS, conseiller, faisant fonction de président, chargé du rapport, en présence de Madame Dominique LONNE, conseiller,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Evelyne LOUYS, conseiller faisant fonction de président,

Madame Dominique LONNE, conseiller,

Monsieur Philippe DAVID, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Par acte notarié du 23 septembre 1987, Mme [C] a acquis un immeuble cadastré section R n°[Cadastre 4], [Adresse 2], sur lequel était déjà édifié un hôtel particulier (propriété aujourd'hui de la société Scorpius).

'Envisageant la vente d'une partie de son terrain afin de permettre l'édification d'un immeuble à usage d'habitation dont les garages viendraient eux-mêmes s'encastrer sous le terrain restant lui appartenir', Mme [C] a décidé de procéder au démembrement de sa propriété en deux volumes immobiliers, par un acte notarié établi le 26 mars (et non le 17 mai)1988, publié le 1er juin 1988 à la conservation des hypothèques : le lot de volume n°1 était destiné à la réalisation d'une construction (propriété aujourd'hui de M.[E]) et le lot de volume n°2 comportant le bâtiment déjà existant (propriété Scorpius)

La société Realim ayant entrepris la construction d'un immeuble à usage d'habitation de plusieurs étages sur sous-sol sur la parcelle voisine cadastrée section R n°[Cadastre 6], sise [Adresse 9], par acte des 22 et 26 décembre 1989, publié le 05 février 1990 volume 90P n°576 à la conservation des hypothèques, Mme [C] et la société Realim ont établi par devant Me [O], notaire, un acte de 'constitution de servitudes', à savoir :

'I. Droit de passage

Pour permettre à Mademoiselle [C] et à ses ayant-droit éventuels d'accéder directement au sous-sol de sa propriété à partir de la rue Chauveau,

Monsieur [Z], ès-qualités, au nom de la société Realim, lui concède, ce qu'elle accepte expressément, à titre de servitude réelle et perpétuelle, une servitude de passage et d'accès pour voiture automobile en sous-sol de l'immeuble en cours de construction dont la société Realim est propriétaire,

...

II. Constitution de servitude de jouissance exclusive d'un jardin

Monsieur [Z], ès-qualités, concède à Mademoiselle [C] et à ses ayant-droits un droit de jouissance exclusif, personnel et perpétuel d'une portion de terrain d'une contenance de 125 mètres carrés environ, délimité en teinte bleue au plan-ci-annexé...'

...

Le bénéficiaire de ce droit de jouissance ne pourra ni céder ni louer cette portion de terrain, indépendamment de la propriété du [Adresse 3], à laquelle cette portion de terrain est rattachée...'

L'acte précise, pour ces deux servitudes :'Lesdites servitudes ainsi concédées pourront être exercées en tout temps et à toute heure par Mademoiselle [C], les membres de sa famille et employés, et dans les mêmes conditions par ses ayant-droits et propriétaires successifs de son immeuble'.

En contrepartie, Mme [C] a versé un prix de 300.000 francs, et s'est engagée à supporter pour le droit de passage les 30/1.000èmes des charges générales de l'immeuble du [Adresse 9], et pour le droit de jouissance exclusif les 17/1.000èmes des dites charges générales.

Le 30 novembre 1990, Me [D] [D], notaire, a rédigé un acte modificatif du précédent état descriptif de division en volumes :

*le lot de volume n°1 a été supprimé et divisé en deux lots distincts : le lot de volume n°3 (qui comporte le droit d'y réaliser une construction) et le lot de volume n°4,

*le lot de volume n°2 (comportant le bâtiment déjà existant).

Le même jour, Mme [C] épouse [Y] a vendu en l'état futur d'achèvement à M. [F] [E] une maison individuelle en cours de construction s'implantant sur le lot de volume n°3. L'acte de vente (page 8):

*rappelle que par acte du 22 décembre 1989, 'il a été établi une convention de servitude entre le propriétaire de l'immeuble sus-désigné et le propriétaire de l'immeuble du [Adresse 9]...',

*rappelle qu'il a été constitué une servitude de passage sur l'immeuble du [Adresse 9] au travers de son sous-sol au profit du lot de volume 3 de l'immeuble du [Adresse 1] pour permettre l'accès direct au sous-sol de ce dernier,

*précise que par ailleurs le volume 3 se trouve lui-même grevé d'une servitude de passage pour permettre l'accès au volume 4.

Restée propriétaire des deux autres lots de volumes n°2 et 4, par acte du 18 avril 2000, Mme [C] les a vendus à la société Scorpius. Cet acte de vente rappelle :

1) en page 5, dans le paragraphe désignant le lot de volume 2 :'Observation étant ici faite qu'il résulte d'un acte de constitution de servitude ci-après visé, dressé par Maître [O], notaire à [Localité 11], conférant au propriétaire du bien, objet des présentes, un droit de jouissance de la partie de jardin figurant sur le plan ci-annexé',

2) en page 13, 'Dans un acte reçu par Maître [U] [O], notaire associé à [Localité 11] ... , le 22 décembre 1989, ... contenant constitution de servitude par la société Realim au profit de Mme [C], venderesse aux présentes, dont celle sus-relatée (droit de jouissance d'un jardin).Cet acte contient également une servitude de passage sur l'immeuble du [Adresse 9] au travers de son sous-sol au profit du lot de volume 3 de l'immeuble [Adresse 1], pour permettre l'accès direct au sous-sol de ce dernier'.

Reprochant à M.[E] d'avoir fait démonter une partie de la grille fermant sa terrasse surélevée, surplombant le jardin litigieux, et d'avoir construit un escalier permettant l'accès à ce jardin à partir de sa terrasse lors des mois de juillet/août 2009, par exploit du 21 décembre 2009, la société Scorpius a fait assigner M. [F] [E] devant le tribunal de grande instance de Nanterre, sur le fondement de l'action possessoire, afin de le voir condamner sous astreinte à supprimer l'escalier implanté sur la parcelle cadastrée R n°[Cadastre 5], remettre en état les plantations détruites lors de la construction de cet escalier et, sur le fondement de l'article 1134 du code civil, de refixer la grille clôturant la terrasse mais enlevée en 2002.

Par jugement du 11 février 2010 , le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- reçu la société Scorpius en son action possessoire,

- au fond, l'en a déboutée,

- condamné M. [F] [E], soit à reposer la grille qui clôturait sa terrasse située à l'arrière de son immeuble avant son enlèvement en 2002, soit à obtenir la ratification a posteriori par l'association syndicale (statuant à la majorité simple) du remplacement de cette grille par une rambarde en bois,

- rejeté les demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni à exécution provisoire,

- condamné la société Scorpius aux dépens.

Appelante, la société Scorpius, aux termes de ses dernières conclusions en date du 1er juillet 2011, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :

vu les articles 2282 du code civil et 1264 à 1267 du code de procédure civile,

* infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à voir supprimer l'escalier mis en oeuvre par M. [F] [E] au mois d'août 2009,

* condamner M. [F] [E] à supprimer l'escalier implanté sur le jardin de 125m² jouxtant le lot de volume dont il est propriétaire et dépendant de l'immeuble situé [Adresse 9] et à remettre en état les plantations détruites, sous astreinte définitive de 1.000€ par jour de retard passé un délai de 15 jours après la signification du 'jugement' à intervenir,

vu l'article 1134 du code civil,

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [F] [E] à refixer une grille identique à celle qui clôturait sa terrasse,

* assortir cette condamnation d'une astreinte de 1.000€ par jour de retard passé un délai de 15 jours après la signification du 'jugement' à intervenir,

*débouter M. [F] [E] de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions et pièces régularisées le 10 mai 2011,

*débouter M. [F] [E] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

*condamner M. [F] [E] à lui payer la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

*le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué, pour ceux la concernant, par la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 25 mai 2011, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M.[F] [E] demande à la cour de :

- déclarer la société Scorpius irrecevable en tout cas mal fondée en l'ensemble de ses demandes,

vu les articles 544, 671, 700, 1134 et 1382 du code civil, les articles 1264, 1265, 14, 15 et 16 du code de procédure civile, vu l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'Homme, vu la convention de servitudes en date du 26 décembre 1989, vu le cahier des charges, vu l'acte descriptif en volumes, vu l'état hypothécaire et les documents cadastraux,

- déclarer irrecevables car tardives les conclusions et les pièces régularisées le 10 mai 2011 par la société Scorpius et plus particulièrement la consultation de M. le professeur [M],

- à titre liminaire, infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu' il est constant et non contesté que la construction de l'escalier date de l'été 2009 (juillet- août) et que l'action possessoire intentée le 29 décembre 2009 n'est donc pas prescrite,

- constater que l'action possessoire de la société Scorpius est prescrite car intentée plus d'un an après la construction de l'escalier, posé il y a plusieurs années et seulement consolidé durant l'été 2009,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions présentés devant la cour,

à titre subsidiaire, si la cour estimait que l'action possessoire de la société Scorpius n'est pas prescrite,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Scorpius de son action possessoire et en ce qu'il a jugé :

*que la servitude de jouissance du jardin profite à tous les lots de la parcelle R[Cadastre 4] et par conséquent au lot de volume 3 appartenant à M. [F] [E],

*que le fait que cette servitude, dûment publiée, ne soit pas mentionnée dans l'acte de M. [F] [E] n'a aucune conséquence sur son existence,

*que ce dernier a donc pu construire l'escalier litigieux puisqu'en application de l'article 696 du code civil, quand on établit une servitude, on est censé accorder tout ce qui est nécessaire pour en user,

et en ce qu'il a en conséquence, débouté la société Scorpius de son action possessoire (suppression de l'escalier et rétablissement des plantations détruites lors de la construction de l'escalier),

- débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions la société Scorpius

en tout état de cause,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Scorpius de ses demandes de condamnation sous astreinte à l'encontre de M. [F] [E],

-' constater' que M. [F] [E] a fait poser une balustrade,

- confirmer le jugement :

*en ce qu'il a débouté la société Scorpius de ses demandes de condamnation sous astreinte de refixer une grille identique à celle qui clôturait sa terrasse,

*en ce qu'il a offert à M. [F] [E] la possibilité de demander à l'association syndicale libre l'autorisation a posteriori de déposer cette grille,

*en ce qu'il a débouté la société Scorpius de ses demandes d'astreinte,

-infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de la société Scorpius,

- dire que la société Scorpius devra restituer à l'identique le jardin tel que planté avant son déboisement par la société Scorpius et sous astreinte de 1.000€ par jour de retard à compter de 15 jours après la signification de l'arrêt à intervenir,

- dire que la société Scorpius devra arracher les plantations situées à moins de 50 centimètres de sa construction,

- dire que la société Scorpius a intenté cette procédure de mauvaise foi alors même qu'elle a été déboutée de son action possessoire en première instance, et infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a été débouté de sa demande en paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- infirmer le jugement en ce qu'il a refusé l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Scorpius à lui verser la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Scorpius aux entiers dépens,

- condamner la société Scorpius aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par la SCP Debray Chemin, au titre de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 septembre 2011.

MOTIFS DE LA DECISION

La demande de M.[E] reprise dans ses dernières conclusions du 25 mai 2011 tendant à voir déclarer irrecevables car tardives les conclusions et les pièces régularisées le 10 mai 2011 par la société Scorpius est inopérante, l'ordonnance de clôture n'étant intervenue que le 22 septembre 2011.

Sur l'action possessoire

C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'action possessoire intentée par la société Scorpius le 21 décembre 2009 n'était pas prescrite en retenant par de justes motifs :

-que la société Scorpius n'exerce l'action possessoire qu'en ce qui concerne la suppression de l'escalier et la remise en état des plantations détruites lors de la construction de cet escalier, son autre demande relative à la remise en état de la grille fermant sa terrasse étant fondée sur l'article 1134 du code civil et sur le respect du cahier des charges organisant les rapports entre les différents lots de volumes de la parcelle cadastrée section R n°[Cadastre 4],

-que la construction de l'escalier date de l'été 2009 (juillet et août), étant ajouté qu'il n'est pas contesté que c'est désormais un nouvel escalier fixe, et non plus seulement mobile, qui a été installé.

Si, aux termes de l'article 1265 du code civil, la protection possessoire et le fond du droit ne sont jamais cumulés,le juge, saisi d'une action possessoire, peut examiner les titres à l'effet de vérifier si les conditions de la protection possessoire sont réunies.

Il résulte des termes mêmes, ci-dessus rappelés, de l'acte des 22 et 26 décembre 1989 constitutif du droit de jouissance exclusif d'une portion de terrain de 125m2 environ à usage de jardin que ce droit était attaché à la parcelle contigue sise [Adresse 3], cadastrée section R n°[Cadastre 4], appartenant alors à Melle [C] mais qui pouvait être exercé également et dans les mêmes conditions « les propriétaires successifs  . Il convient également de rappeler qu'aux termes de cet acte, « le bénéficiaire du droit de jouissance ne peut ni céder ni louer cette portion indépendamment de la propriété dépendant du [Adresse 3] ».

Ce droit, grevant la parcelle R [Cadastre 6], est donc attaché à la parcelle cadastrée R [Cadastre 4] et se transmet avec elle, revêtant ainsi un caractère réel.

Antérieurement, la parcelle R36 avait fait l'objet, par acte notarié du 26 mars 1988 publié à la conservation des hypothèques, d'une division en lots de volumes (actuellement les lots de volume n° 2 et 4 appartiennent à la société Scorpius et le lot de volume n°3 à M.[E], lot de volume comportant au départ un droit à construire) selon un état descriptif de division qui sera modifié par un acte du 30 novembre 1990 et selon un cahier des charges figurant dans l'acte du 26 mars 1988, ce cahier des charges définissant l'ensemble des obligations à la charge des propriétaires, notamment quant aux servitudes et aux charges, et prévoyant la gestion par une association syndicale.

L'acte des 22 et 26 décembre 1989, qui a créé un droit de jouissance exclusif du jardin de 125 m2 au profit de la parcelle cadastré section R n°[Cadastre 4], mentionne que l'immeuble de Melle [C] sis [Adresse 3] a fait l'objet de cet état descriptif de division en volumes sans que le bénéfice du droit de jouissance ne soit limité à l'un plutôt qu'à l'autre (et ce alors que chaque lot de volume est juridiquement autonome et que, dans une division en volumes, les différents propriétaires des lots exercent chacun un droit de propriété exclusif sur eux sans existence de parties communes) et n'ait entraîné une modification quelconque du cahier des charges sur ce point.

Il convient de rappeler que la parcelle R [Cadastre 4] n'a pas fait l'objet d'une division parcellaire mais d'une division en volumes laquelle consiste à diviser la propriété d'un immeuble en fractions distinctes ou lots en toute propriété, sur le plan horizontal comme sur le plan vertical, à des niveaux différents, qui peuvent se situer en dessus, comme en dessous du sol naturel, chaque fraction s'inscrivant dans l'emprise de volumes définis géométriquement.

Le droit de jouissance exclusive du jardin (jardin qui n'est pas une partie commune appartenant indivisément aux propriétaires des lots de volume mais constitue le lot copropriété n° 21 de l'immeuble voisin du [Adresse 9]) est commun à tous les lots de volume de la parcelle R [Cadastre 4], en l'absence d'élément probant justifiant d' une attribution exclusive de la jouissance du jardin au profit des seuls lots 2 et 4, laquelle ne peut être déduite du seul fait invoqué par la société appelante que le droit de jouissance exclusive n'est pas mentionné dans l'acte de M.[E].

Sur ce dernier point, l' acte d'acquisition de M.[E] rappelle néanmoins, ainsi qu'il a été exposé précédemment, qu'une convention de servitude a été établie le 22 décembre 1989 entre le propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 3] et celui de l'immeuble du [Adresse 9].

C'est à bon droit que le tribunal a considéré que le droit de jouissance exclusif du jardin profite à tous les lots de volume de la parcelle R [Cadastre 4] et par voie de conséquence tant au lot de volume n°3 appartenant à M.[E] qu'aux lots de volume 2 et 4 acquis par la société Scorpius. et qu'en mettant en place un escalier pour accéder au jardin, M.[E] n'a fait qu'user de ce droit.

La société Scorpius n'est donc pas fondée à se plaindre d'un trouble possessoire, elle-même accédant au jardin par son propre escalier.

En conséquence il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit l'action possessoire de la société Scorpius recevable mais infondée.

Sur la grille

La société Scorpius fait valoir que M.[E] a déposé la grille fermant sa terrasse et la séparant du jardin, une balustrade en bois ayant été posée à la place et elle sollicite que la grille soit reposée. Elle fonde sa demande sur l'article 1134 du code civil et fait valoir que l'article 6 du cahier des charges contenu dans l'acte de division du 26 mars 1988 stipule : 'Concernant l'extérieur du bâtiment et de façon à préserver son harmonie, toute décision du propriétaire d'un bâtiment d'exécuter des travaux affectant les façades, menuiseries extérieures, garde-corps, bacs à fleurs... et d'une façon générale tout ce qui est visible à l'extérieur seront soumis pour approbation à l'association syndicale qui statuera à la majorité simple.'

M.[E] demande la confirmation du jugement sur ce point.

Le cahier des charges imposant l'autorisation de l'association syndicale pour cette modification, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M.[E] soit à reposer la grille litigieuse soit à obtenir l'autorisation de l'association syndicale, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte.

Sur les demandes reconventionnelles de M.[E]

1) M.[E] conclut que la société Scorpius a coupé unilatéralement tous les arbres ' formant une forêt devant sa terrasse ' et qu'il avait soigneusement choisis et payés dix ans auparavant.

Il demande que la société Scorpius soit condamnée à restituer à l'identique le jardin tel qu'il l'avait planté avec des arbres de dix ans d'âge.

Mais cette demande de remise en état du jardin devant sa terrasse avec des plantations de dix ans d'âge , qui n'est justifiée que par un devis d'aménagement établi au nom de M.[C], a été à juste titre rejetée par les premiers juges, faute de preuve de l'état préexistant du jardin.

2) M.[E] demande la condamnation de la société Scorpius à retirer sous astreinte les plantations réalisées par la société Scorpius à moins de 50 centimètres de la limite de propriété de la parcelle R [Cadastre 4], sans autorisation de l'association syndicale et uniquement devant son lot de volume n°3. Il fait valoir que ces plantations d'une hauteur supérieure à deux mètres et à moins de 20 centimètres de la limite séparative entre les parcelles R [Cadastre 6] et R [Cadastre 4] privent sa terrasse d'ensoleillement, de lumière et de vue et constituent une gêne excessive ; qu'elles entravent sa libre jouissance du jardin commun ; que ces plantations violent également les dispositions de l'article 671 du code civil.

Il convient de relever, comme l'a fait pertinemment le tribunal, que M.[E], dans le même temps, reproche à la société Scorpius d'avoir ' coupé tous les arbres formant une forêt devant sa terrasse' (page 4) , et réclame, en application de l'article 671 du code civil, l'enlèvement de 'conifères' plantés unilatéralement par la société Scorpius (page 26).

Les premiers juges ont à juste titre rejeté cette demande en considérant que les dispositions de l'article 671 du code civil ne sont que supplétives et que l'usage en région parisienne autorise les plantations jusqu'à l'extrême limite des jardins, sous réserve de l'élagage.

Au surplus, au vu des pièces produites, M.[E] ne justifie pas du préjudice qu'il invoque et qui résulterait d'inconvénient excessifs liés à ces plantations.

3) Dans les motifs de ses conclusions, M.[E] demande à la cour d'enjoindre à la société Scorpius de clôturer , comme lui-même l'a fait pour son propre lot de volume n°3, ses lots de volume n°2 et 4 sur la limite séparative de propriété entre les deux parcelles R [Cadastre 4] et R [Cadastre 6] ou de porter cette question aux débats de l'association syndicale et à obtenir une décision selon la majorité applicable.

Cette demande ne figure pas dans le dispositif de ses dernières écritures.

En tout état de cause, ainsi que l'a retenu le tribunal, l'obligation pour la société Scorpius de clore ses lots de volume ne repose sur aucune obligation légale, ni issue du cahier des charges, ni sur le règlement d'urbanisme de la ville de [Localité 10].

L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou, à tout le moins, de légèreté blâmable ; que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par M.[E] ne peut être accueillie, ainsi qu'en ont décidé les premiers juges.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Dit qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont dû exposer en cause d'appel,

Condamne la société Scorpius aux dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Debray-Chemin, Avoués.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne LOUYS, conseiller faisant fonction de président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 10/02036
Date de la décision : 17/11/2011

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°10/02036 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-17;10.02036 ?
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