COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 16 NOVEMBRE 2011
R.G. No 10/04399
AFFAIRE :
Sébastien X...
C/
S.A.S. SMITH AND NEPHEW
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 02 Septembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Activités diverses
No RG : 08/01689
Copies exécutoires délivrées à :
Me Claude LEGOND
Me Delphine LIAULT
Copies certifiées conformes délivrées à :
Sébastien X...
S.A.S. SMITH AND NEPHEW
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Sébastien X...
...
92400 COURBEVOIE
comparant en personne, assisté de Me CROZATIER , avocat au barreau de VERSAILLES
APPELANT
****************
S.A.S. SMITH AND NEPHEW
25 Boulevard Marie et Alexandre Oyon
72019 LE MANS CEDEX 2
représentée par Me Delphine LIAULT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Christine FAVEREAU, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. X... a régulièrement fait appel le 14 septembre 2010 du jugement déféré, l'appel portant sur l'ensemble des dispositions du jugement.
***
M. Sébastien X..., né le 18 juin 1974, a été engagé en qualité d'attaché commercial sur le secteur Paris intra-muros (75), au sein de la division Endoscopie, statut cadre, niveau 6 A, par CDI à temps complet du 20 février 2006 par la société SMITH & NEPHEW, ayant pour objet le commerce en gros de produits pharmaceutiques et de produits médicaux-chirurgicaux.
Il était rattaché hiérarchiquement au directeur régional Nord, M. B....
Sa rémunération, incluant un 13ème mois, comprenait une partie fixe et une partie variable fixée selon un plan de commissionnement mensuel et annuel.
Il était prévu au titre du plan de commissionnement mensuel 2006, le versement de commissions mensuelles déterminées suivant atteinte et dépassement du chiffre d'affaire mensuel généré en 2005 sur le secteur qui lui est confié.
Il était prévu au titre du plan de commissionnement annuel 2006, que les commissions seront versées à terme échu, au cours du mois de janvier 2007, le versement d'une commission annuelle correspondant à 6 % du dépassement d'objectif, en cas de dépassement de l'objectif annuel 2006.
Par avenant en date du 21 avril 2006 à effet au 1er janvier 2006, le salarié a accepté le plan de rémunération variable 2006.
Par avenant en date du 29 mars 2007 à effet au 1er janvier 2007, le salarié a accepté les objectifs de l'année 2007 : 1. 731 K€.
Par avenant en date du 29 mars 2007 à effet au 1er janvier 2007, son secteur a été élargi aux départements 92 et 78 et le salarié a accepté le plan de rémunération variable 2007 : objectif de 1. 400 K €
Par avenant en date du 6 avril 2007 à effet au 1er janvier 2007 le plan de rémunération variable 2007 a été modifié.
Par avenant en date du 19 novembre 2007 à effet au 1er octobre précédent, son secteur a été à nouveau élargi au département 60 et les objectifs pour octobre-novembre et décembre 2007 (1. 286 K€), ont été annoncés aux trois commerciaux représentant l'Ile de France par Email du 26 octobre 2007 ( + 38 % pour lui).
Le salarié était convié à un entretien avec sa hiérarchie le 10 avril 2008 au siège de la société pour faire le bilan de son activité au cours du 1er trimestre 2008.
Une convocation à entretien préalable était notifiée au salarié le 17 avril 2008 pour le 28 avril 2008 par la société SMITH & NEPHEW.
Par lettre du 29 avril 2008, la société SMITH & NEPHEW lui notifiait son licenciement pour motif personnel et le salarié était dispensé du préavis de trois mois.
Le salarié contestait son licenciement par courrier du 15 mai 2008.
Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 29 mai 2008 pour faire juger que son licenciement est nul pour absence de délégation de pouvoir du DRH, abusif et obtenir la condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'entreprise emploie plus de 11 salariés et la convention collective est celle de l'industrie pharmaceutique.
La moyenne des salaires de M. X... sur 12 mois est de 4. 875 €.
Le salarié a perçu des allocations chômage du 5 octobre 2008 au 31 décembre 2009.
DECISION DEFEREE
Par jugement rendu le 2 septembre 2010, le CPH de Nanterre (section Encadrement) a :
- rejeté la demande de nullité du licenciement de M. X...
- dit que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse
- débouté M. X... de l'ensemble des des demandes
- débouté la société SMITH & NEPHEW de sa demande reconventionnelle
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens
DEMANDES
Par conclusions écrites, déposées au greffe et soutenues oralement, M. X..., appelant, présente les demandes suivantes
• vu les articles L 1232-1 et suivants du code du travail
• A titre principal,
• dire que le licenciement intervenu le 29 avril 2008 est un licenciement sans cause réelle et sérieuse
• dire que le salaire de référence de M. X... est de 5. 153 €
• condamner la société SMITH & NEPHEW au paiement de la somme de 30. 918 € , soit 6 mois de salaire
• A titre subsidiaire,
• Vu l'article L 1235-2 du code du travail
• dire que la société SMITH & NEPHEW n'a pas respecté la procédure de licenciement
• condamner la société SMITH & NEPHEW au paiement de la somme de 5. 153 €
• En tout état de cause,
• condamner la société SMITH & NEPHEW au paiement de la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens
Par conclusions écrites et déposées au greffe et soutenues oralement, la SAS SMITH & NEPHEW, intimée, présente les demandes suivantes :
.confirmer le jugement
• débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes
• condamner M. X... au paiement de la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la rupture du contrat de travail
Considérant selon l'article L.1232-6 alinéas 1 et 2 du code du travail que "lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur";
Considérant selon l'article L.1232-1 du même code que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse; qu'ainsi les faits invoqués et les griefs articulés à l'encontre du salarié doivent être exacts et établis et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ;
Considérant enfin selon l'article L.1235-1 "qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié";
Que les motifs énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement fixent les termes et les limites du litige ;
Considérant en l'espèce, que par courrier en date du 29 avril 2008, la société a procédé au licenciement pour motif personnel de M. X... pour insuffisance de résulats en 2007 (jusqu'à fin septembre 2007) par rapport à la région et sur la gamme genou, insuffisance professionnelle en matière d'identification du potentiel de sa clientèle et de rédaction des rapports d'activité et des plannings prévisionnels ;
Considérant que l'insuffisance professionnelle se définit comme étant l'incapacité du salarié à exercer de façon satisfaisante ses fonctions, par manque de compétences fondée sur des éléments quantitatifs ou qualitatifs ;
Considérant que l'insuffisance des résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement ;
Qu'il convient de rechercher si les mauvais résultats du salarié allégués procèdent d'une insuffisance de résultats, soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié ;
Que l'insuffisance professionnelle devant être matériellement vérifiable, il convient d'apprécier les éléments de preuve concrets apportés par les parties ;
Considérant que le salarié soutient que l'insuffisance de résultat peut être mesurée par rapport aux résultats antérieurs du salarié ou au rendement des collègues placés dans les mêmes conditions, que seuls les résultats des autres commerciaux de l'Ile-de-France peuvent être mis en parallèle aux siens et non ceux de la région Nord,, qu'il est sanctionné pour des résultats datant de plus de 6 mois avant son licenciement, que l'employeur compare ses résultats à son chiffre d'affaire et non à ses objectifs, que la non-réalisation des objectifs ne peut lui être opposée puisque non mentionnée dans la lettre de licenciement, que les autres commerciaux n'atteignent pas les objectifs, qu'à fin décembre 2007, en trois mois d'activité, son secteur a connu une croissance du chiffre d'affaires de 13, 5 %, qu'au moment de son changement de secteur, il enregistrait des résultats bien supérieurs à ses deux collègues d'Ile-de-France, lesquels ont démissionné, que ses deux collègues ont eu des objectifs négatifs, qu'il a perçu les primes pendant la durée globale de son contrat de travail ;
Qu'il fait valoir concernant le grief d'insuffisance professionnelle en matière d'identification du potentiel de sa clientèle et de rédaction des rapports d'activité et des plannings prévisionnels, que l'employeur ne peut le considérer comme incompétent du fait de l'élargissement de son périmètre d'activité et que ce dernier avait la volonté de se séparer de son commercial en le faisant crouler sous les responsabilités ;
Considérant que la société intimée réplique sur l'insuffisance de résultats, que la non-atteinte de ses objectifs par le salarié, caractérise son insuffisance de résultats, que celui-ci a obtenu de mauvais résultats à compter de l'année 2007, que ses résultats étaient inférieurs à ses objectifs et inférieurs à ceux de ses collègues, notamment sur la gamme des produits dédiés au genou, qu'au sein de la société, Paris est un secteur d'activité intégré à la région Nord, que la comparaison des résultats de M. X... avec les autres commerciaux de la région Nord est parfaitement pertinente, que le salarié négligeait particulièrement ses missions de prospection, ce qui reflète son défaut de motivation professionnelle et un laxisme certain dans l'exécution de ses fonctions, que le salarié a été reçu par le directeur de région le 29 novembre 2007 afin d'évoquer les difficultés qu'il rencontrait et élaborer le plan d'action (développer la prospection), que selon son entretien annuel d'évaluation pour l'année 2007, les résultats du salarié en 2007 étaient insuffisants et très en-dessous des attentes de la société, que le salarié n'a pas amélioré ses résultats au cours du premier trimestre 2008 (bilan négatif transmis par courrier du 14 avril 2008), que le salarié n'a perçu aucune prime jusqu'à son licenciement ;
Qu'elle ajoute, s'agissant de l'insuffisance professionnelle de M. X..., que celui-ci faisait preuve dans l'exécution des ses fonctions, d'un réel manquement en matière d'identification du potentiel de sa clientèle, que les rapports mensuels d'activité réalisés par le salarié comportaient des informations peu détaillées, dénuées de pertinence et d'intérêt, contrairement aux attentes de la société, que le salarié avait fait l'objet d'un rappel à l'ordre à ce sujet à deux reprises en 2007 au cours d'entretiens ( février et novembre) ;
Mais considérant d'une part, que la non-atteinte de ses objectifs par le salarié n'est pas significative, que d'autre part, la comparaison des résultats du salarié avec les autres commerciaux de la région Nord n'est pas pertinente ;
Qu'en effet selon la pièce 9 de la société intimée, les résultats de M. X... sont les suivants :
* Année 2006 : Objectif : 1. 731 Réalisé : 1. 328 ( - 23 %)
* Année 2007 : Objectif : 1. 400 ramené à 1. 286 Réalisé : 1. 181 ( - 8 %)
Que la performance commerciale de M. X... ne peut être comparée à celle de ses collègues du Nord, lesquels n'ont pas réalisé leurs objectifs en 2006, dès lors que son contrat de travail mentionne qu'il est en charge du secteur Paris intra-muros, outre les départements 92 et 78 depuis le 1er janvier 2007, peu importe qu'il dépende hiérarchiquement du directeur régional Nord ;
Que la lettre de licenciement précise que les inquiétudes sur la baisse du chiffre d'affaires sur la gamme Genou sont en partie levées du fait de l'ouverture de cinq nouveaux comptes en quatre mois ;
Considérant que M. X... enregistrait des résultats bien supérieurs à ses deux collègues d'Ile-de-France, qu'il avait des objectifs de + 38 %, alors que ses deux collègues avaient des objectifs négatifs (- 13, 9 % et - 10, 7 %) ainsi qu'il résulte de la pièce 10 de l'appelant ;
Que faute de comparaison objective entre les résultats obtenus par le salarié et ses deux collègues de la région parisienne, l'employeur ne peut soutenir que M. X... a réalisé un chiffre d'affaires inférieur aux objectifs qui lui étaient assignés, de nature à justifier un licenciement ;
Que la circonstance que le salarié ait amélioré sa performance dans la gamme Genou, démontre qu'il a pris en compte les remarques de sa hiérarchie visant à développer sa prospection ;
Que dès lors, l'insuffisance de résultats de M. X... invoquée par l'employeur, ne peut constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Que le jugement sera infirmé de ce chef et il sera alloué au salarié une indemnité représentant six mois de salaire, soit la somme de 29. 250 €, le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise ayant plus de 11 salariés ;
- Sur l'article 700 du code de procédure civile:
Considérant qu'il sera alloué une indemnité de procédure à l'appelant ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et par ARRÊT CONTRADICTOIRE,
INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du licenciement
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la SAS SMITH & NEPHEW à payer à M. Sébastien X... la somme de 29. 250 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS SMITH & NEPHEW à payer à M. Sébastien X... la somme de 1. 800 € au titre de l'article 700 du CPC
REJETTE toute autre demande
CONDAMNE la SAS SMITH & NEPHEW aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé parMadame CALOT Conseiller en l'absence de Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,