COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 10B
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 NOVEMBRE 2011
R.G. N° 10/07279
AFFAIRE :
[W] [G]
...
C/
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juin 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 5
N° Section :
N° RG : 08/08182
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP Melina PEDROLETTI
MP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [W] [G]
né le [Date naissance 3] 1935 à [Localité 12] (ALGERIE )
[Adresse 1]
et actuellement chez M. [O] [G], [Adresse 9]
représenté par la SCP Melina PEDROLETTI - N° du dossier 00020451
Madame [V] [U] [G] veuve [B]
née le [Date naissance 2] 1932 à [Localité 12] (ALGERIE )
Chez M. [G]
[Adresse 1]
et actuellement chez M. [O] [G], [Adresse 9]
représentée par la SCP Melina PEDROLETTI - N° du dossier 00020451
représentés par Maitre BEKEL, avocat au barreau de SEINE ST DENIS
APPELANTS
****************
MINISTERE PUBLIC représenté par Monsieur le Procureur général lui même représenté par Madame Sylvie SCHLANGER, substitut général.
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Septembre 2011 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne LOUYS, conseiller faisant fonction de président, chargé du rapport en présence de Madame Dominique LONNE, conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Evelyne LOUYS, conseiller faisant fonction de président,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
Madame Anne BEAUVOIS, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,
Par acte d'huissier en date du 6 juin 2008, M. [W] [G] né le [Date naissance 3] 1935 à [Localité 12] (Algérie) et Mme [V] [U] [G] née le [Date naissance 2] 1932 à [Localité 12] ont assigné M. le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir constater qu'ils sont français et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil en faisant valoir que leur grand-mère, [Z] [T] s'est vue attribuer la nationalité française et le statut de droit commun par le décret Crémieux du 24 octobre 1870.
Le tribunal de grande instance de Nanterre a, par jugement en date du 29 juin 2010, constaté l'extranéïté de M. [W] [G] et de Mme [V] [G].
Ils sont appelants de cette décision.
Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 5 septembre 2011, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens, M. [W] [G] et Mme [V] [G] demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire qu'ils sont français et d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil.
Ils font valoir au soutien de leur recours que leur grand-mère maternelle [Z] [T] née le [Date naissance 8] 1874 à [Localité 12] en Algérie, décédée le [Date décès 6] 1913 dans la même ville, était de confession israélite comme fille et petite-fille de juifs, originaires d'Algérie aussi bien par son père que par sa mère ; que par application du décret Crémieux du 24 octobre 1870, leur grand-mère est devenue citoyenne française soumise au statut civil de droit commun ; qu'elle a eu deux filles dont [I] [M] [A] laquelle s'est mariée le [Date naissance 5] 1930 à [Localité 12] avec M. [F] [K] [G], leur père ; que la qualité de français de statut civil de droit commun leur a donc été transmise par filiation.
Par conclusions signifiées le 3 août 2011, auxquelles il y a lieu de se référer pour plus ample exposé de ses moyens, le Ministère public demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été déposé, de confirmer le jugement entrepris et d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil.
M. le procureur général soutient en substance que le fait que la mère des appelants soit née d'une mère de confession israélite est insuffisant pour établir qu'elle relève du statut civil de droit commun ; que la preuve doit être rapportée que [Z] [T] était née d'indigènes d'Algérie ce qui n'est pas démontré en l'absence de production de l'acte de naissance d'[E] [C] permettant de connaître précisément sa date et son lieu de naissance ; qu'il a été rendu le 22 octobre 1997 un jugement concernant M. [H] [G], le frère des appelants qui a rejeté sa demande faute de preuve que sa mère était descendante d'indigènes israélites algériens et s'est vu reconnaître la nationalité française par un décret de réintégration dans la nationalité française ; que M. [W] [G] s'est marié le [Date mariage 10] 1960 devant un cadi et non pas devant un officier d'état civil français ; qu'enfin, si [Y] [L], petite-fille de [Z] [T] a obtenu un certificat de nationalité française, ses propres enfants se sont vus refuser la délivrance de certificats du fait du mariage cadial de leur mère.
MOTIFS DE L'ARRET
Considérant que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;
Considérant que par application de l'article 30 alinéa1er du code civil, la charge de la preuve qu'ils sont français incombe à M. [W] [G] et à Mme [V] [U] [G] ;
Considérant qu'il est constant que M. [W] [G], né le [Date naissance 3] 1935 à [Localité 12] et Mme [V] [U] [G] née le [Date naissance 2] 1932 à [Localité 12] de Moulai [K] [G] né le [Date naissance 4] 1903 à [Localité 12] et de [I] [M] [A], née sous le prénom de [J] le [Date naissance 7] 1904 à [Localité 12], sont nés en Algérie alors sous souveraineté française de parents qui y sont eux-mêmes nés et que leur qualité d'israélite d'Algérie n'est pas discutée ;
Considérant qu'il faut savoir qu'aux termes de l'article 2 du senatus-consulte du 14 juillet 1865, l'indigène israélite d'Algérie est français mais continue à être régi par son statut personnel;
Que les israélites indigènes des départements français d'Algérie ont été déclarés citoyens français et donc soumis au statut civil de droit commun, par le décret du 24 octobre 1870 dit décret Crémieux ; que ce décret a été complété par le décret du 7 octobre 1871 qui a défini en son article 1 la notion d'indigène comme visant 'les israélites nés en Algérie avant l'occupation française ou nés depuis cette époque de parents établis en Algérie à l'époque où elle s'est produite ;
Considérant que pour se prévaloir du décret Crémieux et en conséquence de la citoyenneté française avec statut civil de droit commun au moment de l'indépendance algérienne, l'israélite d'Algérie doit démontrer qu'il est israélite indigène des départements d'Algérie c'est à dire qu'il est le descendant de personnes israélites nées ou établies en Algérie avant l'occupation française;
Considérant qu'il a été jugé que l'article 3 du décret du 7 octobre 1871 prévoyant des modalités particulières de preuve ne visait que les conditions d'inscription des indigènes israélites algériens sur les listes électorales ; que la preuve de l'indigénat d'israélite algérien peut donc se faire par tout moyen légalement admissible ;
Considérant qu'il ne suffit pas, en conséquence, pour les appelants de se référer à la qualité d'israélite d'Algérie de [Z] [T], leur grand mère maternelle mais de rapporter la preuve qu'[E] [C], le grand-père maternel d'[Z] [T] était indigène d'Algérie ;
Considérant qu'il résulte des actes produits que [Z] [T] est née le [Date naissance 8] 1874 à [Localité 12] d'[E] [T] et de [S] [C], elle-même née le [Date naissance 11] 1855 à [Localité 12] d'[E] [C] et d'[R] [X] ;
Qu'il ressort des énonciations de l'acte de naissance de [S] [C] que son père était âgé de 29 ans lors la déclaration de sa naissance ce qui induit qu'il serait né en 1826, hypothèse retenue comme la plus probable par les appelants dans leurs dernières écritures ;
Que toutefois l'acte de décès du 9 avril 1907 précise qu'[E] [N] né à [Localité 12] est décédé à l'âge de 89 ans ce qui fait remonter sa naissance en 1818 ;
Considérant que pas plus qu'en première instance, l'acte de naissance d'[E] [C] n'est pas versé aux débats sans qu'il ne soit justifié d'aucune impossibilité de le produire ; que la télécopie du 22 janvier 2004 du généalogiste fait apparaître qu'il a été demandé d'effectuer des recherches afin de retrouver les actes de décès des grands-parents d'[Z] [T] et en aucun cas l'acte de naissance d'[E] [C] ; que la mention selon laquelle s'agissant des décès de [P] [T] et [R] [X], les actes 'sont introuvables' '(il faut savoir cependant qu'il y a de grosses lacunes sur l'état civil d'[Localité 12])' ne peut valablement être invoquée pour expliquer l'absence de production de l'acte de naissance d'[E] [C], le seul à établir de manière irréfutable la date et le lieu de naissance de ce dernier ;
Considérant qu'en effet les contradictions relevées dans les actes d'état civil d'[E] [C] retirent à ces pièces toute valeur probante au sens de l'article 47 du code civil ;
Considérant qu'aucun élément ne démontre davantage qu'[E] [C] était établi en Algérie avant l'occupation française, l'acte de naissance de sa fille [S] qu'il déclare en 1855 étant inopérant ;
Considérant qu'il s'ensuit que M. [W] [G] et Mme [V] [G] ne peuvent revendiquer la qualité de français en application du décret Crémieux étant observé que la situation alléguée de Mme [Y] [L] est sans effet sur le statut des appelants et que la question de la valeur d'un mariage cadial ne se pose dans le cadre de leur demande sur le fondement du décret Crémieux ;
Considérant que les appelants affirment encore que la nationalité française a été attribuée à tous les juifs d'Afrique du Nord en visant une loi Gueye du 7 mai 1946 s'appliquant à tous les ressortissants de l'Outre Mer français ainsi que la loi 61-805 du 28 juillet 1961 ;
Mais considérant que la loi Gueye a attribué la citoyenneté française à tous les ressortissants d'Outre- Mer français qui ont conservé leur statut de droit personnel ; que si la loi du 28 juillet 1961 a constitué un état civil au bénéfice des français des départements algériens et des départements des Osais et de la Saoura en leur attribuant le statut civil de droit commun lorsqu'ils étaient inscrits sur un registre matrice et se trouvaient dotés d'un nom patronymique, l'attribution du statut civil de droit commun pouvait être refusé par les intéressés qui conservaient le statut personnel israélite ;
Considérant qu'il n'est communiqué par les appelants aucun élément au vu des formalités à accomplir leur permettant de revendiquer de ce chef le statut civil de droit commun et le bénéfice de l'article 32-1 du code civil ;
Considérant que M.[W] [G] et Mme [V] [U] [G] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande tendant à se voir reconnaître la qualité de français et le jugement déféré sera donc confirmé ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Constate l'accomplissement des diligences prévues par l'article 1043 du code de procédure civile.
Confirme le jugement entrepris.
Ordonne qu'il soit procédé aux mentions prévues par l'article 28 du code civil.
Laisse les dépens à la charge de M.[W] [G] et Mme [V] [U] [G].
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Evelyne LOUYS, conseiller faisant fonction de président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,