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19/10/2011 | FRANCE | N°09/00012

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19 octobre 2011, 09/00012


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A
15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 19 OCTOBRE 2011

R. G. No 10/ 01805

AFFAIRE :

Patrick X...




C/
STRAVICINO



Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 22 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Industrie
No RG : 09/ 00012



Copies exécutoires délivrées à :

Me Yann MSIKA
Me Catherine SIMON



Copies certifiées conformes

délivrées à :

Patrick X...


STRAVICINO



LE DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Patri...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A
15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 19 OCTOBRE 2011

R. G. No 10/ 01805

AFFAIRE :

Patrick X...

C/
STRAVICINO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 22 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Industrie
No RG : 09/ 00012

Copies exécutoires délivrées à :

Me Yann MSIKA
Me Catherine SIMON

Copies certifiées conformes délivrées à :

Patrick X...

STRAVICINO

LE DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Patrick X...

né le 15 Juin 1958 à FORT DE FRANCE (97200)

...

95100 ARGENTEUIL
comparant en personne, assisté de Me Yann MSIKA, avocat au barreau de VAL D'OISE

APPELANT
****************
STRAVICINO
48 Rue de l'Aubépine
92160 ANTONY
représentée par Me Catherine SIMON, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :

Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,

M X... a été embauché le 06 novembre 1991 par la société STRAVICINO en qualité de peintre. Au moment de son licenciement il avait atteint le coefficient 230 et la qualification CP2/ 31 de la convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne pour une rémunération brute mensuelle de 1 610, 64 euros outre un complément différentiel de 149, 31 euros

M X... a fait l'objet de deux avertissements le 07 septembre 2005 pour une absence injustifiée et le 22 août 2008 pour non respect des horaires de travail

Le 30 septembre 2008, il recevait une lettre de convocation à un entretien préalable fixé au 08 octobre et reporté au 15 octobre suite à un décès familial. Une mise à pied disciplinaire lui était également notifiée à compter du 1er octobre.

Il était licencié par une lettre recommandée du 17 octobre 2008 faisant référence " aux faits qui se sont déroulés le lundi 29 et le mardi 30 septembre 2008 sur le chantier 16 rue vieille du Temple à Paris 4ème où il aurait eu " un comportement inadmissible en présence du client (commentaires grossiers vis à vis de l'entreprise, du commis et du chantier) " lequel lui a demandé de quitter les lieux et a informé l'employeur de ces faits en lui demandant de l'enlever du chantier.

Il a saisi le Conseil des Prud'hommes le 06 janvier 2009 aux fins de voir condamner la société STRAVICINO au paiement des sommes de :

-50 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement pour cause réelle et sérieuse,
-3 520, 10 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
-352, 01 euros au titre des congés payés y afférents ;
-4 708, 14 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
-1 123, 67 euros à titre de mise à pied conservatoire ;
-112, 37 euros au titre des congés payés y afférents ;
-643, 80 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires ;
– 64, 38 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires.
-2000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Il a également demandé la remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document d'un certificat de travail d'une attestation ASSEDIC et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes aux dispositions de la décision à intervenir.

Par jugement contradictoire en date du 22 février 2010, le Conseil de Prud'hommes de Boulogne Billancourt a déclaré fondé le licenciement de celui-ci pour faute grave et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Le jugement attaqué a estimé que les griefs allégués dans la lettre étaient fondés au vu des attestations produites et que leur gravité justifiait le licenciement sans préavis ni indemnité et la mise à pied qui l'avait précédé ; que le salarié n'avait pas fourni au juge d'éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires tandis que la société STRAVICINO a produit les bordereaux remis par M X... chaque mois pendant les années 2007 et 2008 sur lesquels ne figure aucune réclamation relative à de prétendues heures supplémentaires alors que dans ces documents, il ne se privait pas de formuler des demandes telles que des indemnité pour frais de transport supplémentaires.

M X... a régulièrement relevé appel de cette décision.

DEVANT LA COUR :

M X... a versé en cause d'appel des conclusions tendant au bénéfice de ses demandes de première instance, sauf à voir porter à 4000 euros la somme réclamée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil.

Il fait plaider à ces fins que la véritable cause du licenciement de M X... tient dans son refus d'effectuer les heures supplémentaires qui lui étaient réclamées parce que des heures accomplies sur d'autres chantiers en fin 2007 début 2008 étaient demeurées impayées ; que la lettre de licenciement reste particulièrement vague sur les propos grossiers qu'il aurait tenus ; que les avertissements de septembre 2007 et août 2008 ne sont pas visés dans la lettre de licenciement et n'ont rien à voir avec les faits allégués ; que les faits visés ne sont pas étayés par des témoignages fiables à défaut de preuve que la lettre de M A..., propriétaire de l'établissement où ont eu lieu les faits ait été réellement expédiée et soit contemporaine aux faits reprochés ; que le témoignage de M B... responsable du chantier ne saurait être davantage retenu car il n'a pas assisté à l'altercation qu'il rapporte et de plus était en conflit avec M X... et se serait félicité de son licenciement ; que les autres témoignages produits émanant de Mme C..., la Sté NOVIMMO concernent des faits anciens qui n'ont jamais donné lieu à des sanctions.

L'employeur cherche manifestement à nuire à M X... en produisant des pièces qui n'ont rien à voir avec les faits et qui ne servent qu'à jeter le discrédit sur celui-ci

S'agissant des heures supplémentaires, il a soutenu que plusieurs des bordereaux mensuels d'horaire relatifs aux années 2007 et 2008 n'ont pas été versés au dossier par l'employeur et que les bulletins produits ne comportent aucun horaire précis et ne sont pas signés de M X.... ; que si aucune réclamation de celui-ci n'apparaît sur les bordereaux qui ont été communiqués, cela ne prouve nullement le non accomplissement de ces heures dont
la réalité apparaît au contraire dans le bulletin de mars 2008 où M X... a mentionné qu'il souhaitait récupérer 8 h de travail

La société STRAVICINO a déposé des conclusions tendant à la confirmation de la décision attaquée et à la condamnation de M X... au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient à ces fins :

- que la lettre de licenciement est parfaitement précise et motivée puisqu'elle vise des faits précisément datés et localisés dont la réalité est par ailleurs corroborée par le témoignage également précis et circonstancié du client ainsi que du responsable de chantier et d'un autre ouvrier qui travaillait avec lui sur le chantier ;

- que le dénigrement de l'employeur et des collègues sur le lieu de travail constitue de jurisprudence constante une faute grave et à plus forte raison devant les clients de l'entreprise ;

- que d'ailleurs, le comportement de M X... ne relève pas d'un simple mouvement d'humeur mais a été le même pendant deux jours entiers, ce qui montre qu'il s'agit d'une attitude délibérée de sa part ;

- que de précédents incidents s'étaient déjà produits qui ont donné lieu à des remontrances verbales et à deux avertissements les 22 août et 09 septembre 2005 puis de nouveau le août 2008 ;

- que par ailleurs deux clients de la société ont écrit à l'employeur au cours de l'année 2007 pour se plaindre du comportement du salarié ;

- que M X... n'a tenu aucun compte de ces avertissements en multipliant les provocations.

S'agissant de la demande relative au paiement d'heures supplémentaires, il convient de relever :

- qu'il incombe au salarié d'accompagner sa demande d'un commencement de preuve pour étayer ses allégations,

- que celui-ci ne fournit aucun décompte des heures qu'il réclame et se contente d'alléguer, de manière particulièrement imprécise, qu'il aurait réclamé 60 heures effectuées à la fin de l'année 2007 et au début de l'année 2008 et serait entré en conflit avec son employeur pour cette raison ;

- que M X... n'a jamais réclamé le paiement de ces heures ni verbalement ni sur les bordereaux mensuels qu'il remettait irrégulièrement à l'employeur et sur lesquels il ne manquait jamais de mentionner ses revendications qu'il s'agisse des congés, des jours de RTT ou des frais de transport supplémentaires.

MOTIFS :

La lettre de licenciement vise les faits qui se sont déroulés le lundi 29 et le mardi 30 septembre 2007 sur le chantier situé ...où M X... a eu un tel comportement en la présence du client que celui-ci lui a demandé de quitter les lieux et a informé l'employeur des faits en lui demandant de l'enlever de ce chantier.

Elle a précisément mis en cause " le comportement qui consiste à dénigrer l'entreprise, le dirigeant et le personnel qui la compose et également le manque de politesse envers le client "

Ces mentions sont suffisamment précises pour répondre à l'exigence légale de motivation.

Plusieurs pièces versées aux débats par l'employeur viennent corroborer ces griefs :

- le courrier et l'attestation de M A... exploitant du restaurant dans lequel M X... effectuait des travaux de peinture les 29 et 30 septembre 2007 qui décrit de façon circonstanciée le comportement du salarié qui a critiqué devant lui le responsable de chantier et le chef d'entreprise en disant notamment que le chantier ne serait jamais terminé comme convenu, que ce n'était pas Versailles et qu'il fallait le payer plus cher si on voulait qu'il travaille plus vite, et a insulté devant lui son collègue en le traitant d'" enculé lorsqu'il sera un petit chef d'établissement " et le responsable de chantier en disant " j'en ai rien à foutre de sa gueule de con ".

Il n'existe pas de doute sérieux sur l'authenticité de cette pièce et le seul fait qu'elle ait été produite pour les besoins de la cause, comme toutes les pièces d'un dossier, ne permet pas de mettre en doute la véracité des faits qui y sont rapportés.

- l'attestation de M B... responsable du chantier, qui rapporte que dans la matinée du 30 septembre 2008, le propriétaire du restaurant l'a appelé au téléphone pour lui faire savoir que M X... passait son temps à faire des commentaires insultants sur la société sur le patron sur les salariés de l'entreprise et sur lui même et lui aurait proposé de faire le chantier lui même en se faisant payer directement ; qu'il s'était rendu sur place et avait réprimandé M X... qui lui avait répondu qu'il ne craignait rien car il est le meilleur de l'entreprise et de ce fait intouchable ; que le client lui avait donc demandé d'enlever M X... du chantier ce qu'il avait fait en le priant de retourner chez lui.

- l'attestation de M D..., ancien salarié de l'entreprise qui travaillait sur le chantier de M A... et se souvient d'une altercation entre celui-ci et M X... sans toutefois pouvoir en restituer les termes. Il a néanmoins constaté le mécontentement du client et atteste que celui-ci a téléphoné au responsable de chantier pour que M X... quitte les lieux

Il convient d'observer que les attestations ci-dessus concordent parfaitement entre elles sur les faits et les dates et que, s'ils n'ont pas été les témoins directs des propos tenus par le salarié au client, M B... et M D... ont été les spectateurs d'une attitude pour le moins inappropriée du salarié

M X... ne conteste d'ailleurs pas avoir eu une altercation avec M A... et avec M B... même s'il nie avoir tenu des propos grossiers et déplacés devant le client ;

Toutefois, la grossièreté coutumière de M X... à l'égard des clients et des tiers est attestée par deux autres pièces produites aux débats par l'employeur :

- un courrier en date du 13 juin 2006 adressé par M E..., salarié de l'entreprise de bâtiment NOVIMO à M F... qui fait part à ce dernier du comportement déplacé d'un ouvrier de type antillais d'une cinquantaine d'années occupé à laver son véhicule sur le chantier qui lui aurait dit de se mêler de ses affaires après qu'il lui ait fait une observation ;

- un courrier en date du 27 octobre 2007 adressé à l'employeur par Mme C... occupante d'un appartement situé no...
... qui relate avoir eu une altercation avec M X... qui l'a insultée en la traitant notamment de " mal baisée " après qu'elle lui ait reproché d'avoir décollé de sa porte une étiquette indiquant que son logement était sous alarme.

Les éléments ci-dessus apportent suffisamment la preuve du dénigrement de l'entreprise et de ses différents membres par M X... devant un client ainsi que de l'impolitesse du salarié envers ce dernier visés dans la lettre de licenciement et justement qualifiés de comportement inadmissible par l'employeur.

Ils caractérisent bien une faute grave mettant en péril le bon fonctionnement et l'image de l'entreprise et justifiant l'exclusion immédiate du salarié privative de ses droits à préavis et à l'indemnité de licenciement.

C'est donc à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a déclaré la faute grave parfaitement constituée et débouté M X... de sa demande de requalification de son licenciement et des autres demandes en découlant : indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur préavis, indemnité conventionnelle de licenciement, salaire des la mise à pied conservatoire et congés payés y afférents.

S'agissant de la demande d'heures supplémentaires formée par M X..., il y a lieu de rappeler que le salarié doit accompagner sa demande d'éléments de preuve ou de commencement de preuve

Or, celui-ci n'a jamais produit de relevé des heures qu'il réclame et ne rapporte pas même la preuve de demandes faites à son employeur avant son licenciement. Dans ses écritures, il se borne à critiquer les éléments fournis par l'employeur, qui consistent essentiellement dans les bordereaux établis par lui même en alléguant que celui-ci se serait volontairement abstenu de produire certains d'entre eux et n'aurait donc donné que des preuves incomplètes de l'absence de droit du salarié.

C'est donc également à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a rejeté cette demande en relevant que le salarié ne pouvait comme il l'a fait se contenter d'allégations totalement imprécises quand aux circonstances des heures effectuées.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Il n'apparaît pas inéquitable compte tenu de la situation économique respective des parties, de laisser à chacune d'elle la charge de ses frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.

M. X..., qui a succombé en ses prétentions, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS, la Cour statuant publiquement contradictoirement ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Condamne M X... aux dépens.

AJOUTANT :

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Monsieur Hubert de BECDELIEVRE, Conseiller, en remplacement de Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président empêché et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 09/00012
Date de la décision : 19/10/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-10-19;09.00012 ?
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