COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 12 OCTOBRE 2011
R. G. No 10/ 04202
AFFAIRE :
S. A. S. ESPACE BUREAUTIQUE représentée par madame Sylvie D...
C/
Valérie D... épouse A...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 01 Juillet 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE
Section : Commerce
No RG : 09/ 00318
Copies exécutoires délivrées à :
Me Audrey SASPORTAS
Me Marie-Véronique LUMEAU
Copies certifiées conformes délivrées à :
S. A. S. ESPACE BUREAUTIQUE représentée par madame Sylvie D...
Valérie D... épouse A...
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE OCTOBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S. A. S. ESPACE BUREAUTIQUE représentée par madame Sylvie D...
7 rue Maurice Leblanc
Parc d'Activités Claude Monet
78290 CROISSY SUR SEINE
représentée par Me Audrey SASPORTAS, avocat au barreau de NICE
APPELANTE
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Madame Valérie D... épouse A...
née le 08 Août 1969 à HARFLEUR (76700)
...
78500 SARTROUVILLE
comparant en personne,
assistée de Me Marie-Véronique LUMEAU, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Présidente chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
Mme Valérie D... épouse A... a été engagée le 16 septembre 1997 en qualité d'assistante administrative et technique par la société Espace Bureautique, dont le dirigeant est Philippe D..., frère de la salariée.
Elle a été licenciée pour faute grave le 5 juin 2009. Il lui était reproché de s'être rendue en compagnie d'un autre salarié de la société dans un hôtel, l'après midi du mercredi 13 mai 2009 alors que ce collègue aurait du travailler pour l'entreprise.
Il lui était également reproché d'avoir communiqué la liste des clients à un tiers et d'avoir refusé d'obéir aux ordres qui lui étaient donnés.
Mme A... a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye aux fins de contester les motifs de son licenciement
Par jugement en date du 1er juillet 2010, le conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye a considéré que les faits du 13 mai 2009 ne pouvaient être considérés comme fautifs puisque Mme A... ne travaillait pas le mercredi après midi et que les autres griefs n'étaient pas établis.
Il a condamné la société Espace Bureautique à verser à la salariée les sommes suivantes :
-18 528 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-8 234 euros au titre de l'indemnité de licenciement
-6 176 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
-617, 60 euros au titre des congés payés afférents
-6 000 euros au titre de dommages-intérêts pour préjudice moral
-800 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile
La société Espace Bureautique a régulièrement relevé appel de la décision.
Par conclusions déposées le 5 septembre 2011, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, elle demande la réformation du jugement dans toutes ses dispositions et le rejet des demandes formées par Mme A....
Par conclusions développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme A... demande confirmation du jugement en son principe mais forme appel incident sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'elle demande à voir fixer à une somme de 74 112 euros.
MOTIVATION
La lettre de licenciement adressée le 5 juin 2009 à Mme A... dont les motifs fixent les limites du litige est ainsi rédigée :
" Refus de reconnaître et de corriger ses erreurs à plusieurs reprises, refus de rédiger des courriers, courriers commerciaux confiés au service comptable, refus d'établir les tableaux de bord commerciaux réclamés tous les lundi matin, refus de l'autorité hiérarchique dans son ensemble.
Vous disparaissez de vos lieux de prospection en prétextant avoir perdu notre attaché commercial M. C... et nous ne vous revoyons sur votre lieu de travail que l'après midi, vous indiquez avoir une course urgente à faire et ne partez pas prospecter et vous ne réapparaissez pas sur votre lieu de travail.
Nous apprenions devant témoin, dans la voiture de notre dirigeant qui a activé le bluetooth de son téléphone portable par une maladresse de votre chef de groupe commercial qui oublie de raccrocher son téléphone après sa conversation avec M. D..., que vous le détournez de ses fonctions en le retrouvant à l'hôtel le mercredi après midi, journée que vous nous avez demandée à la naissance de votre deuxième enfant, pour pouvoir vous consacrer à l'éducation de vos enfants.
De plus, les langues se délient et nous apprenons aujourd'hui qu'un attaché commercial d'une société concurrente s'est vanté de pouvoir obtenir la liste de nos clients car il avait une aventure avec notre semaine commerciale.... "
L'employeur ayant allégué l'existence d'une faute grave, a la charge de la preuve.
Pour estimer que les faits reprochés n'étaient pas établis, le premier juge a considéré que l'incident du 13 mai 2009 ne pouvait être retenu puisque la salariée ne travaillant pas le mercredi, il s'agissait de sa vie privée.
Pour les autres griefs, il les a jugés insuffisamment caractérisés.
Au soutien de son appel, la société Espace Bureautique insiste sur le fait que Mme A... était la soeur du gérant et qu'à ce titre, elle avait une obligation particulière de loyauté.
Elle rappelle que Mme A... par ses fonctions faisait le planning des commerciaux et avait accès au fichier client.
Elle indique avoir licencié M. E... pour faute grave et ce dernier n'a pas contesté son licenciement.
Sur les faits du 13 mai 2009, ils n'ont pas de caractère fautif dans le cadre du contrat de travail. En effet, Mme A... ne travaillait pas l'après midi du mercredi et son employeur, fut il son frère n'a aucun pouvoir de contrôle sur son emploi du temps personnel.
En outre, elle n'avait aucun pouvoir hiérarchique sur M. E... qui était chef des ventes.
Si ce dernier était en absence irrégulière, aucun élément ne permet de considérer que Mme A... ait pu faire pression sur M. E... pour l'inciter à une absence irrégulière.
Sur les actes d'insubordination et sur le fait que Mme A... aurait abandonné le collègue avec qui elle devait faire de la prospection commerciale,
les seules attestations de Monsieur C... et de Mme F... ne peuvent suffire à démontrer qu'il s'agisse de griefs suffisamment sérieux pour fonder le licenciement d'une salariée ayant douze ans d'ancienneté et qui n'avait jamais eu de précédent disciplinaire. En outre, il n'est pas établi qu'il ait été dans les missions habituelles de Mme A... de faire de la prospection commerciale sur le terrain, étant observé que l'attestation de M. C... vise des faits également du mois de mai 2009, démontrant ainsi que le véritable motif du licenciement est l'incident du 13 mai 2009.
Enfin, la société Espace Bureautique ne produit aucun élément sur le fait que Mme A... aurait communiqué des renseignements sur la liste clients à un tiers.
La société Espace Bureautique n'apporte aucun élément pour justifier que la conduite de Mme A..., dans l'après midi du 13 mai 2009, qui ne ressortait que de sa vie privée, aurait eu un retentissement préjudiciable à l'entreprise, du fait de ce lien familial l'unissant au dirigeant de l'entreprise.
Par d'exacts motifs que la Cour adopte, le premier juge a avec raison estimé que le licenciement de Mme A... était dénué de cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé sur ce point.
De même, il a avec raison alloué à Mme A..., outre l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 18 528 euros, ayant fait une exacte appréciation des éléments de fait et de droit qui lui étaient soumis.
Enfin, en fondant ce licenciement sur des faits tirés de la vie privée de la salariée, l'employeur lui a causé un préjudice particulier sur sa vie conjugale et familiale et la dispositions lui ayant alloué 6 000 euros de dommages-intérêts sera confirmée.
L'équité commande d'allouer à Mme A... une indemnité de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1 000 euros
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions.
Y ajoutant, condamne la société Espace Bureautique à une indemnité de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1 000 euros
Dit que la société Espace Bureautique gardera à sa charge les dépens de la procédure d'appel.
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Présidente et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,