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21/09/2011 | FRANCE | N°08/00278

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 septembre 2011, 08/00278


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES








Code nac : 80C
15ème chambre


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 21 SEPTEMBRE 2011


R. G. No 10/ 01981


AFFAIRE :


Fabian
X...






C/
S. A. S. MEDIA COMMUNICATION VENANT AUX DROITS DE ARVATO MEDIA SERVICES FRANCE-AMSF








Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 23 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Activités diverse

s
No RG : 08/ 00278




Copies exécutoires délivrées à :


Me Muriel BENGHOZI
Me Arnaud MARGUET




Copies certifiées conformes délivrées à :


Fabian
X...




S. A. S. MEDIA COMMUNICATION VENANT...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80C
15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 21 SEPTEMBRE 2011

R. G. No 10/ 01981

AFFAIRE :

Fabian
X...

C/
S. A. S. MEDIA COMMUNICATION VENANT AUX DROITS DE ARVATO MEDIA SERVICES FRANCE-AMSF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 23 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Activités diverses
No RG : 08/ 00278

Copies exécutoires délivrées à :

Me Muriel BENGHOZI
Me Arnaud MARGUET

Copies certifiées conformes délivrées à :

Fabian
X...

S. A. S. MEDIA COMMUNICATION VENANT AUX DROITS DE ARVATO MEDIA SERVICES FRANCE-AMSF

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Fabian
X...

né le 24 Novembre 1961 à PARIS 15èME

...

92360 MEUDON LA FORET

comparant en personne, assisté de Me Muriel BENGHOZI, avocat au barreau de VERSAILLES

APPELANT

****************

S. A. S. MEDIA COMMUNICATION VENANT AUX DROITS DE ARVATO MEDIA SERVICES FRANCE-AMSF

...

75015 PARIS

représentée par Me Arnaud MARGUET, avocat au barreau de PARIS

IINTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :

Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Christine FAVEREAU, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,

PROCEDURE

M.
X...
a régulièrement fait appel le 30 mars 2010 du jugement déféré, l'appel portant sur l'ensemble des dispositions du jugement.

FAITS

M. Fabian
X...
, né le 24 novembre 1961, a été engagé à compter du 2 décembre 1997 par la société TPS (Télévision par satellite) qui a une activité de prestations de services dans le domaine de la télé assistance, en qualité de conseiller de clientèle par CDD à temps partiel, catégorie employé.

A compter du 3 octobre 1998, le contrat de travail a été transformé en CDI à temps partiel.

Le 1er août 2001, M.
X...
était promu en qualité de chargé d'équipe senior, catégorie agent de maîtrise, sa rémunération comportant une partie variable, réglée trimestriellement à hauteur de 354 euros pour la réalisation de 100 % de l'objectif assigné (indicateurs qualitatifs et quantitatifs).

Il était affecté au service traitement dédié à la réception du courrier et à l'expédition et placé sous l'autorité de M. A..., responsable d'activité et de son adjointe, Mme B....

Il encadrait avec son collègue, M. C..., une équipe de 12 conseillers de clientèle (C. C).

L'activité a été reprise par la société AMSF (Arvato Media Services France) à compter du 1er juillet 2002, de même que les contrats de travail des salariés.

Le salarié, après son arrêt maladie le 22 avril 2005, était muté au service financier à compter du 30 mai 2005, puis était réaffecté au service traitement le 12 septembre 2005.

Le salarié était placé en arrêt maladie à compter du 27 octobre 2005 pour surmenage, épisode dépressif (repos à la campagne autorisé) et obtenait un entretien avec l'inspectrice du travail le 6 décembre 2005pour dénoncer des agissements constitutifs de harcèlement moral, laquelle interrogeait la société le 16 décembre 2005 et cette dernière répondait le 29 décembre 2005 que l'intéressé lui-même faisait l'objet d'une enquête engagée depuis le 20 octobre 2005 pour des faits de harcèlement moral dont il aurait été l'auteur à la suite d'une plainte formulée par une salariée non identifiée et affirmait mettre en oeuvre une seconde enquête interne pour clarifier la situation de harcèlement dont M
X...
se déclarait victime.

La société a cessé son activité le 31 décembre 2007 et le salarié, toujours en arrêt maladie, a fait l'objet d'un licenciement économique dans le cadre d'un PSE, par lettre du 22 janvier 2008, faute de possibilité de reclassement interne au sein du groupe, après avoir reçu un courrier le 15 octobre 2007.

La société AMSF a été reprise par la société MEDIA COMMUNICATION par suite d'une transmission universelle de patrimoine le 29 novembre 2008.

La convention collective applicable est celle du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

La moyenne de la rémunération mensuelle brute des douze derniers mois travaillés jusqu'à l'arrêt maladie incluant le 13ème mois, est de 2. 348, 45 €.

Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 19 février 2008 pour obtenir des dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'annulation de la mise à pied du 16 juin 2005 et un rappel de salaire.

Il perçoit une pension d'invalidité de deuxième catégorie depuis le 27 octobre 2008 qui lui est versée par la CRAMIF d'un montant annuel de 13. 147, 03 €.

DECISION DEFEREE

Par jugement rendu le 23 février 2010, le CPH de Boulogne-Billancourt (section Activités diverses) a :

- débouté M.
X...
de l'ensemble de ses demandes
-laissé les dépens à la charge de M.
X...

DEMANDES

Par conclusions écrites, déposées au greffe et soutenues oralement, M.
X...
, appelant, présente les demandes suivantes :

Vu les articles L 1232-1 et suivants, L 1152-1 et L 1151-3 du code du travail, les articles 1844-5 du code civil et L 236-3 du code de commerce

• infirmer le jugement dans son intégralité
• condamner la société AMSF au paiement de la somme de 50. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et moral subi en application de l'article L 1152-1 du code du travail
• annuler la mise à pied du 16 juin 2005 et condamner la société au paiement des sommes de 96, 83 € et 9, 68 € au titre de la retenue sur salaire et des congés payés y afférents
• condamner la société à lui payer la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du CPC
• dire et juger que les éléments du salaire seront majorées de l'intérêt légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation et les dommages-intérêts à compter de l'arrêt

L'appelant qui produit devant la cour à l'appui de sa demande 122 pièces, fait valoir que l'exécution du contrat de travail s'est déroulée sans incident durant plus de sept ans, qu'à partir de février 2005, Mme B...dénonçait expressément la multiplication des actes d'insubordination des conseillers de clientèle à l'égard des chargés d'équipe et leur manque d'ardeur au travail, que son collègue, M. C...le laissait assumer le mauvais rôle, que le 22 avril 2005, le médecin du travail lui prescrivait un arrêt de travail pour inaptitude temporaire, que c'est à partir de ce premier arrêt maladie, qu'il a subi des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, que devenu indésirable, il a fait l'objet d'une méthode de management préjudiciant à l'autorité s'attachant à ses fonctions pour l'inciter à quitter l'entreprise (convocation le 28 avril 2005 à entretien préalable à une sanction disciplinaire pendant son arrêt maladie sans tenir compte de l'insubordination de Mme J...), que réaffecté au service traitement le 12 septembre 2005, il se retrouvait en butte à un très grand irrespect de la part de certains conseillers n'hésitant pas à contester sa légitimité et ses compétences en tant que superviseur dans l'indifférence totale de sa hiérarchie dont il a vainement sollicité le soutien, que le 26 octobre 2005, le médecin du travail le déclarait à nouveau inapte, que le 29 décembre 2005, l'employeur révélait à l'inspection du travail que le salarié lui-même faisait l'objet d'une enquête engagée depuis le 20 octobre 2005 pour des faits de harcèlement moral dont il aurait été l'auteur à la suite d'une plainte formulée par une salariée non identifiée, que l'employeur a mis en oeuvre une seconde enquête interne pour clarifier la situation dont le salarié se déclarait victime, que cependant, aucune de ces deux enquêtes n'était initiée jusqu'au 3 décembre 2007, soit très exactement 3 semaines avant la cessation d'activité de la société.

Il souligne qu'il a fait l'objet d'une procédure disciplinaire (pour un doigt d'honneur fait le 17 mars 2005 à Mme J...) alors que l'insubordination dont cette conseillère clientèle, s'est rendue coupable à plusieurs reprises à son égard, n'a pas été prise en considération (entre février et avril 2005), qu'il a été convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire le 28 avril 2005 alors qu'il était en arrêt maladie pour dépression et que la sanction était bel et bien décidée dès le 3 mai 2005, qu'après sa réaffectation au service traitement le 12 septembre 2005 décidée par la direction, le médecin du travail constatait le 26 octobre 2005 (avis médical : temporairement inapte) l'existence d'une situation extrêmement conflictuelle tant avec sa hiérarchie qu'avec les conseillers clientèle, notamment, Mme J..., que sa réaffectation avait pour finalité d'organiser son éviction, qu'une réunion fut organisée dès le 9 septembre 2005 avec les conseillers clientèle placés sous son autorité, à laquelle il ne fut pas convié, que Mme B...a demandé aux conseillers clientèle de réunir des attestations défavorables le concernant, démarche qui a mis en péril le climat social en préjudiciant à l'autorité qui s'attache à ses fonctions, que le désaveu de la direction à son égard devant les conseillers, a totalement discrédité son autorité auprès de ses subordonnés, qu'une altercation verbale violente a opposé le 19 octobre 2005 M. X...à M. A..., ce dernier lui déclarant qu'il était nul et qu'il n'avait pas d'avenir, que la direction renâclait à l'organisation des enquêtes qu'elle s'est décidée à lancer dans la précipitation pour en bâcler la réalisation alors que la société avait annoncé le 15 octobre 2007 sa cessation d'activité au 31 décembre 2007, que les conclusions de la commission d'enquête adressées le 11 janvier 2008 ne permettent nullement d'exclure le harcèlement, qu'il a dénoncé les conditions de réalisation des enquêtes par courrier du 15 février 2008 (caractère non contradictoire), que l'altération de son état de santé résultant des agissements répétés ont eu pour effet la dégradation de ses conditions de travail.

Par conclusions écrites et déposées au greffe et soutenues oralement, la SAS MEDIA COMMUNICATION, intimée, présente les demandes suivantes :

• confirmer le jugement
• dire que M.
X...
n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral
• débouter M.
X...
de l'ensemble de ses demandes
• le condamner à lui payer la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens

L'employeur rétorque que le salarié a eu une journée de mise à pied disciplinaire notifiée le 16 juin 2005 (doigt d'honneur à l'encontre d'une subordonnée), que des manquements dans le management et dans l'exercice des fonctions du salarié étaient constatés, que le salarié s'est déclaré opportunément également victime de harcèlement moral auprès de l'inspection du travail, qu'à aucun moment, le salarié n'a voulu participer aux différentes auditions dans le cadre des enquêtes sur les harcèlements moraux, que la commission d'enquête et le CHSCT ont conclu à l'absence de harcèlement.

Il ajoute qu'aucune sanction disciplinaire n'a été prise quant à son management à l'exclusion de la mise à pied, que la société a souhaité accompagner le salarié dans le cadre de l'exécution de ses fonctions, que M.
X...
n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral, que cette notion se distingue de la situation de stress ou de tension, des contraintes normales liées au travail, qu'un médecin ne peut que diagnostiquer une pathologie, mais non les origines de la pathologie, que le salarié a été accompagné par la direction et ses supérieurs hiérarchiques dans la gestion de son activité, que la mise à pied disciplinaire ne constitue pas un quelconque harcèlement moral, ni l'entretien de recadrage du 19 octobre 2005 à propos de la perte des clés du stock, que la procédure d'enquête menée par la société a été établie en collaboration avec l'inspectrice du travail, que les témoignages recueillis par la commission d'enquête sont particulièrement accablants sur l'attitude du salarié et le fait que son comportement n'était pas adapté.

MOTIFS DE LA DECISION

-Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral

Considérant qu'aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Que selon l'article L. 1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral ;

Considérant en l'espèce, que suite aux faits de harcèlement moral émanant de l'encadrement de la société AMSF dénoncés par le salarié, alors en arrêt de travail pour dépression depuis le 26 octobre 2005, auprès de l'inspection du travail au cours d'un entretien du 6 décembre 2005 et relatés dans un courrier du 16 décembre 2005 adressé par ce service à la société, celle-ci a été priée d'aborder lors d'un prochain CHSCT le sujet du management et des conditions de travail et leurs conséquences sur la santé de salariés ;

Que la société a répondu à l'inspection du travail par courrier du 29 décembre 2005 que le salarié fait l'objet depuis le 20 octobre 2005 (plainte d'une salariée auprès de la DRH) d'une enquête relative à des faits portés à sa connaissance par plusieurs salariés placés sous sa responsabilité directe et susceptibles de recevoir la qualification de harcèlement moral ;

Que le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 9 février 2006 en présence de l'inspectrice du travail, note que des cas de sentiment de harcèlement moral sont récemment remontés aux membres du CHSCT, notamment par l'intermédiaire du médecin du travail, que certains collaborateurs d'AMSF ont le sentiment que leur hiérarchie directe les pousse vers leurs derniers retranchements, que ce sentiment de harcèlement moral semble être accentué par l'utilisation répétée et continue du système de la GED (gestion automatisée des documents), que selon la DRH, la modification engendrée par la GED n'est absolument pas constitutive d'un harcèlement moral, mais d'un changement de process qui doit être accompagné et valorisé, que l'inspectrice du travail a précisé que tout cas de harcèlement suspecté doit faire l'objet d'une procédure d'enquête, que la procédure doit être lancée au cours d'une réunion du CHSCT qui désignera une à deux personnes de l'entreprise dont la mission sera d'accompagner la direction (en la personne du DRH) au cours des entretiens d'investigation, que ces entretiens doivent être menés avec les personnes en cause (harceleur/ harcelé/ témoins éventuels), qu'à l'issue de la procédure d'enquête, le comité d'enquête délivrera ses conclusions au CHSCT (harcèlement/ pas harcèlement) ;

Considérant que pour débouter M.
X...
de sa demande d'indemnisation fondée sur le harcèlement moral, les premiers juges ont dit que la commission mise en place par l'employeur comprenant le secrétaire du CHSCT et le DRH ont conclu qu'il n'y avait pas de harcèlement moral, que l'intéressé connaissait de grandes difficultés relationnelles avec ses collaborateurs et sa hiérarchie et qu'il ne justifie à aucun moment de faits dégradants et répétés à son encontre, mais uniquement un mal être ayant pour origine, à ses yeux, un manque de soutien de la direction de l'entreprise dans les difficultés qu'il rencontre dans ses relations avec ses subordonnés ;

Mais considérant que les conclusions de cette commission d'enquête, certes paritaire, écartant la qualification de harcèlement moral, ne présentent aucune garantie d'objectivité et d'impartialité, faute de procédure contradictoire ;

Considérant en effet, que la société prétend que les deux procédures d'enquêtes ont été suspendues du fait de l'arrêt maladie du salarié (courriers du 23 février et du 15 juin 2007), qu'ensuite, alors en proie à des difficultés économiques portées à la connaissance des salariés fin septembre 2007 et après échec d'une voie transactionnelle, elle s'est décidée à " lancer " ces procédures : courrier recommandé du lundi 3 décembre 2007 en convoquant le salarié de façon précipitée dans un très court délai " jeudi ou vendredi prochain dans l'après-midi à l'heure qui vous conviendra ", soit le 6 ou le 7 décembre, en mentionnant pour la première fois le nom de Mme D..., comme victime de harcèlement de la part de M.
X...
, en adressant un rappel le 10 décembre 2007 et en lui proposant le cas échéant un entretien téléphonique, alors que l'état de santé du salarié ne lui permettait pas de se rendre à cette convocation, en déposant un rapport intitulé " conclusions de la commission d'enquête " au cours du mois de janvier 2008 non daté, alors que le N + 1 du salarié (M. A...) avait décidé de mettre en place une enquête interne unilatérale dès le 26 octobre 2005 à la suite de plaintes récurrentes de conseillers clientèle de " harcèlement " de la part de M.
X...
en précisant à la direction de la société : " Je pense qu'une intervention RH est nécessaire ", qui s'est concrétisée par l'envoi d'un mail le 24 novembre 2005 émanant de Diane B...adressé à M. A..., laquelle a recueilli le témoignage des conseillers clientèles de l'équipe du salarié (alors en arrêt maladie) ainsi que de ses collègues (dix entretiens) " afin de savoir si son retour s'était effectué correctement et si suite aux problèmes de comportement qu'il avait eu au printemps dernier, il était revenu pour gérer cette équipe de façon plus saine et surtout plus conforme à ce que AMSF attend de ses managers de proximité " en pointant dans le rapport : son agressivité, des faits de harcèlement, son manque d'exemplarité, son absence d'esprit d'équipe, son autoritarisme déplacé, sa difficulté de remise en cause, la méconnaissance de son activité, des fondamentaux du management et l'absence de leadership, en concluant que Fabian est l'exemple même du manager négatif contre lequel tout le monde se ligue, son collègue, M. A...adressant au DRH le mail suivant : " Nous ne pouvons pas nous permettre de maintenir à un poste d'encadrant un collaborateur faisant l'unanimité sur son incapacité à manager et mettant au quotidien en péril le climat social et par conséquent, les résultats d'une activité entière " ;

Que comme le soutient l'appelant, les conseillers clientèle récalcitrants auditionnés par la commission sont ceux dont les témoignages avaient été sollicités par la hiérarchie en novembre 2005 après sa réintégration au service traitement ;

Qu'il en résulte que ces procédures d'enquête pour harcèlement moral visant M.
X...
tant en qualité de harceleur que de harcelé, ont été menées par la société de façon déloyale et leurs conclusions ne sauraient être validées par la cour, le salarié n'ayant jamais été en mesure de faire part de ses observations relatives tant à la fois aux faits de harcèlement moral qu'il invoque et aux reproches de harcèlement moral invoqués à son encontre (portés à sa connaissance par courrier du 23 février 2007 sans aucune précision et dont le nom de la plaignante lui a été fourni le 3 décembre 2007) au cours d'un débat contradictoire demandé expressément par lui par courrier recommandé du 17 août 2007 (confirmation de son courrier du 28 mars 2007), seule la teneur de ses correspondances ayant été prise en considération (courrier de la société du 11 janvier 2008), les conclusions de la commission d'enquête se référant uniquement aux faits évoqués dans le courrier du 2 février 2007 sans faire mention de la longue correspondance du salarié du 15 décembre 2007 dans laquelle il conteste la mise en oeuvre des procédures d'enquêtes pour harcèlement moral menées par la société " à la hussarde ", demandant la transmission en copie de tous les PV du CHSCT et de toutes les auditions organisées ;

Considérant que le salarié met en évidence que tenu, en sa qualité de " chef d'animation confirmé " de promouvoir la meilleure productivité au sein de son équipe, de faire respecter les nouvelles règles sur la gestion de contrôle du temps de travail au sein de l'entreprise depuis le 1er juin 2003 ayant une incidence sur la prime des conseillers clientèle (se loguer, se déloguer, temps de pause), de corriger manuellement les oublis et de calculer les primes, il s'est heurté, en dépit de ses rappels à l'ordre, à des actes répétés d'incivilités et d'indiscipline de la part des chargés de clientèle placés sous son autorité, eux-même dénoncés auprès de lui par sa hiérarchie à plusieurs reprises par mails, qui menaçait d'utiliser contre eux la procédure disciplinaire (échange de mails entre février et le 1er avril 2005 entre le salarié et Mme B...à propos de Mme E..., M. F..., Mme J...et Mme D..., mail du 14 mars 2005 à propos de l'altercation verbale sur le plateau traitement entre plusieurs conseillers clientèle, mail du 31 mai 2005 à propos d'un différend avec M. G..., membre du C. E) ;

Que l'entretien d'évaluation du salarié de 2001 met déjà en évidence qu'il est responsable d'une équipe de conseillers " difficiles " ;

Que dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée contre le salarié pendant son arrêt maladie le 28 avril 2005 (report au 8 juin 2005- mise à pied d'un jour le 23 juin 2005 notifiée le 16 juin 2005), M.
X...
, tout en reconnaissant avoir fait un doigt d'honneur à Mme J...le 17 mars 2005, a expliqué que celle-ci exigeait pour la nième fois, " que je la délogue alors qu'elle sait pertinemment que c'est en contradiction totale avec les règles élémentaires de fonctionnement de l'entreprise que je ne manque pas de rappeler lors des briefings quotidiens " ajoutant que son responsable d'activité lui avait fait une mise au point informelle en termes vulgaires sans remplir son devoir d'exemplarité, que Mme B...précise elle-même dans son mail du 8 avril 2005 que " sa demande n'était certes pas justifiée, mais le geste en réponse était tout à fait déplacé ", que le salarié précise que Mme J...a évoqué ce geste plus de deux semaines après les faits, le 8 avril 2005, afin d'échapper à des sanctions pour avoir refusé d'effectuer un travail ;

Considérant que la société se contredit en précisant à l'inspectrice du travail dans son courrier du 29 décembre 2005 que M.
X...
a fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour des faits similaires en juin 2005, sans toutefois que la qualification de harcèlement moral n'ait été retenue, que la sanction portait sur des problèmes de management inadéquat et en ajoutant que ce dernier n'a pas interpellé la direction ou la DRH à propos des faits de harcèlement moral dont il se déclare victime ;

Que la société, tout en constatant des manquements dans le management de l'intéressé et dans l'exercice de ses fonctions en mars 2005 (doigt d'honneur fait à Mme J...), a multiplié après son retour de congé maladie, les entretiens de " recadrage " du salarié avec ses supérieurs hiérarchiques, en envisageant la voie disciplinaire moins de deux mois après sa réaffectation au service traitement, alors que M.
X...
l'avait alertée dès sa reprise de travail début septembre 2005, d'une situation de danger pour lui, du fait de la confrontation avec les C. C ;

Considérant que malgré l'incidence d'un premier arrêt de travail pour inaptitude temporaire en relation avec la gestion des conflits l'opposant à des chargés de clientèle, qui sont notoirement connus de la direction comme étant difficiles et indisciplinés depuis février 2005 (arrêt de travail du salarié du 22 avril au 30 mai 2005 et reprise du travail grâce à un changement de service), qu'en dépit du mail adressé par le salarié à Mme B...et à M. A...le 8 septembre 2005 (incident avec Mme J...), de celui du 14 septembre 2005 à 17. 44, deux jours après sa réaffectation au sein du service traitement, ainsi libellé " Attitude D..." : " Depuis mon retour au traitement, j'évolue dans un climat de méfiance et d'hostilité de la part de certains conseillers et particulièrement de Karine D...qui par son comportement contribue à amplifier ce climat. Je ne désire pas manager cette équipe " à la papa " et encore moins mettre en danger ma santé. Je ne peux pas accepter les réflexions que j'ai pu entendre " laisse, il y connaît rien " et pas davantage qu'on dise à ses collègues de ne pas " me calculer " ni de me répondre. De même, je doute qu'en étant retourné régulièrement consulter, voir répondre à ses sms sur le plateau, cela soit productif. Elle doit comprendre qu'il existe des règles de fonctionnement dans l'entreprise à commencer par ne pas oublier de se mettre en pause ou en aisance lorsqu'on quitte le plateau de production ", qu'en dépit de la violente altercation verbale ponctuée de cris et de hurlements ayant eu lieu sur le lieu de travail le 19 octobre 2005 de 15h 30 à 17h 30 ayant opposé le salarié à son N + 1 et son adjointe (entendue par un conseiller clientèle, M. H..., qui évoque que le ton utilisé par M. A...pour parler à M.
X...
n'était plus acceptable en entreprise tout comme en société en général), qu'en dépit du mail adressé le 20 octobre 2005 relatant le comportement de K. D...occupée à coller des timbres sur une feuille au lieu d'être occupée à classer les recommandés et demandant à sa hiérarchie : " Merci de me dire ce que je dois faire à l'avenir ", qu'en dépit du mail adressé le 25 octobre 2005 à propos du comportement indiscipliné de J. G..., membre du C. E, en contradiction avec les règles de fonctionnement de l'entreprise et demandant à Mme B...avec CC à M. A...: " Je vous remercie de votre aide ", M.
X...
n'a reçu aucun soutien de la hiérarchie à son action d'encadrement pour contrecarrer l'insubordination des conseillers clientèle (aucune sanction) qui pourtant l'assurait qu'elle ne tolérerait aucun débordement de langage de la part des conseillers clientèle envers les encadrants, (mail du 14 septembre 2005 à 18. 26 de Mme B...précisant avoir interdit aux C. C de lui répondre ou de contester ses directives et en cas de débordement, le priant de recevoir le C. C et de lui envoyer un mail pour sanction) et le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 27 octobre 2005 suite à une seconde déclaration d'inaptitude du médecin du travail le 26 octobre 2005 ;

Que les nombreuses interpellations émanant du salarié vers la direction dès sa reprise de travail s'analysent en des appels au secours, qui sont restés sans réponse, alors que son état de santé avait été fragilisé par un premier avis d'inaptitude temporaire en avril 2005 ;

Considérant que l'altercation du 19 octobre 2005 ne peut s'assimiler à un simple " recadrage " de la direction, comme celle-ci le prétend, relevant du pouvoir de discipline de l'employeur au regard du climat de violence verbale qui l'a entouré et du ton inacceptable de M. A..., le salarié rapportant dans son courrier du 2 février 2007 que son N + 1 lui avait déclaré qu'il était nul et qu'il n'avait pas d'avenir, sans égard pour son ancienneté et son évolution de carrière, cet entretien se révélant extrêmement humiliant pour le salarié et ajoutant au discrédit jeté sur son autorité, étant précisé que dans la soirée du 19 octobre, il lui était reproché la perte des clés du local des stocks et le 20 octobre 2005, M.
X...
était convoqué à un entretien informel par la société en présence du directeur général, du DRH et de M. A..., en lui affirmant qu'on l'avait vu mettre quelque chose dans le coffre de sa voiture sans que l'on accuse de rien (relaté dans son courrier du 2 février 2007) ;

Que la direction en décidant de maintenir la réintégration de M.
X...
dans son activité d'origine, l'a exposé à nouveau aux conflits avec les C. C, qui faisaient preuve d'insubordination envers leur manager de proximité en toute impunité, situation à l'origine d'un précédent arrêt de travail, alors qu'il appartient à l'employeur de prendre les mesures qui s'imposent pour prévenir la survenue de faits identiques à ceux à l'origine d'un premier avis d'inaptitude temporaire ;

Que le salarié qui soutient que ces faits ont généré un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail et que la direction n'a pas pris les mesures pour préserver sa santé, produit le témoignage précis et circonstancié d'une part, de M. K..., conseiller clientèle, qui relate avoir constaté un très grand irrespect de la part de certains conseillers à l'égard de Fabian, n'hésitant pas à contester sa légitimité et ses compétences en tant que superviseur, l'absence de soutien de la part de sa hiérarchie pour asseoir son autorité, la dernière occasion était une réunion visant à nous préparer au retour de Fabian révélant un malaise des responsables : il revient, on ne sait pas quoi faire de lui, le fait que le salarié redoutait sa réintégration au service traitement et que la direction tenait des propos le discréditant comme si " un compte à rebours venait d'être amorcé pour annoncer son départ prochain de l'entreprise ", d'autre part, de M. I..., qui précise dans son attestation avoir entendu la direction du back office hurler sur M.
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, que la direction l'a désavoué à plusieurs reprises devant les conseillers dont il avait la charge, cela donnait l'impression que celui-ci n'avait plus sa place parmi l'encadrement, ainsi qu'un manque de confiance évident suite aux brimades verbales à répétition ;

Considérant que la relation des faits qui vient d'être précisée et sa chronologie laisse présumer que le salarié a subi des agissements répétés de harcèlement moral de la part de l'encadrement de la société, qui ont eu pour effet, au vu des pièces médicales produites, une dégradation de ses conditions de travail tant avec la hiérarchie que les conseillers clientèles, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Considérant que les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, sont essentiellement basés sur les conclusions de la commission d'enquête et de ses annexes (compte rendus d'entretien) qui ont été écartées par la cour ;

Qu'en tout état de cause, le reproche fait au salarié dans les compte rendus d'entretien de la commission d'enquête, de surveiller le temps de travail, d'utiliser un chronomètre pour les temps de pause des C. C n'est pas pertinent, dès lors que la note du 26 octobre 2005 de M. A...sur les nouveaux critères de primes, précise : " Suite au chronométrage du topage hier sur le terrain, il apparaît que les C. C les moins performants réalisent une dtt de 64 s, les C. C les plus performants réalisent une dtt de 40 s, les BMP indiquent une moyenne de +/-70 s soit 16 s d'écart au minimum " ;

Considérant que le salarié, âgé de moins de 50 ans, perçoit une pension d'invalidité de deuxième catégorie depuis le 27 octobre 2008 qui lui est versée par la CRAMIF d'un montant annuel de 13. 147, 03 € (montant réduit à la somme mensuelle de 1. 037, 23 € depuis juin 2010), qu'il a toujours un suivi psychiatrique ;

Considérant qu'il sera alloué à M.
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à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral la somme de 18. 000 € ;

- Sur la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 16 juin 2005

Considérant que le salarié a fait l'objet d'une procédure disciplinaire pour un doigt d'honneur fait le 17 mars 2005 à Mme J..., conseiller clientèle et le salarié en a demandé l'annulation par courrier du 18 juin 2005 ;

Que le C. P. H a refusé d'annuler la sanction au motif que la mise à pied sanctionne un geste vulgaire vis à vis d'une collaboratrice ;

Mais considérant que la société produit la pièce 8 : mise à pied disciplinaire datée du 3 mai 2005 dans laquelle la journée de mise à pied avec retenue de salaire est laissée en blanc ;

Que même si l'entretien prévu le 28 avril 2005 a été reporté au 8 juin 2005 du fait de l'arrêt maladie du salarié et que la sanction disciplinaire d'une journée de mise à pied a été notifiée le 16 juin 2005 avec retenue de salaire, il est manifeste que la sanction avait été décidée dès le 3 mai 2005 ;

Que dès lors, il convient de faire droit à la demande d'annulation de la mise à pied du 16 juin 2005 et de condamner la société au paiement des sommes de 96, 83 € et 9, 68 € au titre de la retenue sur salaire et des congés payés y afférents ;

- Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelant ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et par ARRÊT CONTRADICTOIRE,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau

CONDAMNE la SAS MEDIA COMMUNICATION à payer à M. Fabian
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la somme de 18. 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral

ANNULE la mise à pied disciplinaire du 16 juin 2005

CONDAMNE la SAS MEDIA COMMUNICATION à payer à M. Fabian
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les sommes de 96, 83 € et 9, 68 € au titre de la retenue sur salaire et des congés payés y afférents, avec intérêt au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 1er avril 2008

CONDAMNE la SAS MEDIA COMMUNICATION à payer à M. Fabian
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la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du CPC

CONDAMNE la SAS MEDIA COMMUNICATION aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 08/00278
Date de la décision : 21/09/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-21;08.00278 ?
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