COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 14 SEPTEMBRE 2011
R.G. No 10/02493
AFFAIRE :
S.A.R.L. THERMOCOLOR CENTRE
C/
Jessica X...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 16 Mars 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES
Section : Industrie
No RG : 09/00383
Copies exécutoires délivrées à :
Me Jean Claude HENRY
Me Jacques VAUNOIS
Copies certifiées conformes délivrées à :
S.A.R.L. THERMOCOLOR CENTRE
Jessica X...
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.R.L. THERMOCOLOR CENTRE
59 rue du Maréchal Leclerc
BP 15
28111 LUCE CEDEX
représentée par Me Jean Claude HENRY, avocat au barreau d'AMIENS substitué par la SCP HADENGUE, avocats au barreau de VERSAILLES
APPELANTE
****************
Madame Jessica X...
née en à
...
28300 CLEVILLIERS
représentée par Me Jacques VAUNOIS, avocat au barreau de CHARTRES
APPELANTE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 08 Juin 2011, en audience publique, devant la cour composé(e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Jacques CHAUVELOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIENEXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Madame Jessica X... a été engagée par la société SARL THERMOCOLOR à compter du 26 juin 2006, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de secrétaire niveau 1, 2ème échelon, coefficient 145 jusqu'au 29 août 2006 inclus.
Un contrat à durée indéterminée était signé par les parties le 5 décembre 2006 pour exercer les mêmes fonctions, moyennant une rémunération mensuelle de 1.450 €.
Cette salariée devait être convoquée par lettre recommandée du 21 avril 2009 à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 4 mai 2009.
Son licenciement pour faute grave lui était notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 mai 2009 libellée dans les termes suivants :
"Nous faisons suite à votre convocation expédiée le 21 avril 2009 par voie officielle, présentée le 22 avril et retirée le 24 avril, en vue d'un entretien préalable fixé en nos bureaux le 4 mai 2009.
Lors de l'entretien préalable, vous étiez assisté d'un conseiller extérieur.
A l'issue de l'énumération des griefs que nous vous avons portés à votre connaissance, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour fautes graves, les explications qui vous nous nous avez fournies à cette occasion n'ayant pas été de nature suffisante à justifier les faits qui vous sont reprochés au regard des différents éléments repris ci-après, à savoir :
En premier lieu, alors que les dirigeants de l'entreprise se trouvaient en congés entre le 11 et le 19 avril 2009, vous vous êtes présentée, le mardi 14 avril 2009, en début d'après-midi -en vous étant abstenue de venir travailler le matin-même - munie d'un formulaire daté de ce jour en vue de vous absenter pour congés payés, du 14 avril au 19 avril inclus, et faire régulariser votre situation par Monsieur A..., Directeur d'usine, au motif, suivant vos dires, "qu'il était indispensable que la société soit couverte pendant votre absence".
Vous avez ensuite déposé ce document sur le bureau de Monsieur VINSOT, Commercial - n'exerçant aucune autorité hiérarchique vis à vis de vous-même - et avez quitté l'entreprise sans attendre l'accord ou le refus de l'employeur.
Cette situation ne vous a pas empêchée de vous absenter les 14, 15, 16 et 17 avril bien qu'aucune autorisation ne vous ait été accordée, et par voie de conséquence, d'abandonner votre poste de travail.
Force est de constater que vous avez également fait fi des règles en vigueur au sein de la société qui imposent de déposer au moins 8 jours à l'avance une demande de congés payés en vue de sa validation ou non, au regard des nécessités de service.
Or, au cas présent, vous ne vous êtes manifestement pas préoccupée du respect des règles en vigueur, pas plus que des incidences susceptible de découler de votre comportement au regard du fonctionnement de l' Entreprise.
Cette attitude est d'autant plus déplorable que vous vous étiez bien gardée de saisir votre employeur de toute demande antérieurement, sachant pertinemment que celui-ci serait absent la semaine du lundi de Pâques.
Durant votre absence, Monsieur B... a dû palier à vos fonctions et faire face à certaines tâches que vous auriez dû accomplir au ours de ces 4 jours , au détriment de son propre travail , ce qui s'est traduit par la réalisation d'heures supplémentaires.
De plus, les autres salariés administratifs se sont vus contraints de répondre au téléphone alors que cette mission ne leur incombe pas en temps normal.
A votre retard retour, le lundi 20 avril , vous n'avez pas cru bon devoir présenter d'explications à Monsieur C..., Directeur d'Exploitation, attendant même que ce soit lui qui vous le courant de l'après-midi.
Enfin , nous vous rappelons qu'il ne vous a pas échappé que vous n'aviez pas hésité à poser 4 nouveau jours de congés payés alors que vous aviez procédé au solde de tous vos congés sur l'exercice en cours et que vous aviez déjà pris 9 jours par anticipation sur la période à venir !
En second lieu, votre comportement désinvolte du 14 avril est à rapprocher de faits similaires s'étant déroulés la semaine du 23 au 27 mars 2009, où vous avez pris l'initiative d'arriver à votre poste de travail à 9h30 au lieu de 9 h, sans solliciter d'autorisation préalable auprès de la Direction , n'ayant pas jugé utile de la tenir informée et l'ayant mise également à cette occasion devant le fait accompli.
En troisième lieu, notre attention a été attirée en date du 24 avril 2009 par l'intervention écrite et l'un de nos plus gros clients, la société KDI, domiciliée à la Courneuve, nous faisant part de son plus vif mécontentement quant à la gestion de ses stocks de tôles entreposées au sein de notre société et dont nous assurons le laquage.
Nous vous rappelons en effet que, dans le cadre de vos fonctions, il vous appartient d'envoyer de façon hebdomadaire un inventaire des stocks de tôles de ce client, déduction faite des sorties correspondant aux bons de livraison dont vous assurer, que plus est, vous-même la charge.
La forte dégradation dans les éléments de suivi de stock et les écarts incompréhensibles relevés par ce client depuis quelques semaines, susceptibles de le mettre en situation de rupture de stock pour cause d'inventaire erroné, nous ont valu une menace clairement énoncée de remise en cause de nos relations commerciales.
Vous comprendrez aisément qu'en raison de l'absence de complexité liée à cette opération (simple soustraction) et vu le contexte économique actuel particulièrement délicat, nous ne pouvons nous permettre de telles dérives dans la gestion de nos clients et que la plus grande vigilance s'avère de mise au quotidien.
De plus , nous avons appris que , dans l'intervalle de votre convocation en vue d'un entretien préalable, vous aviez téléphoné le mercredi 29 avril à l'une des collaboratrices de la société KDI pour l'informer, suivant vos dires, "que vous aviez été licenciée de notre entreprise" alors que l'entretien préalable fixé le 4 mai ne s'était pas encore déroulé...
Vous avez expressément reconnu ces faits devant le conseiller extérieur qui vous assistait.
En conséquence, compte tenu de la gravité des fautes qui vous sont reprochées et leur accumulation, votre maintien au sein de l'entreprise s'avère impossible.
Votre licenciement, privatif d'indemnité de préavis et de licenciement, prend effet immédiatement dès la date de première présentation de la présente.
Nous tiendrons à votre disposition votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC;
Dans la perspective de leur remise, nous vous demanderons de bien vouloir prendre rendez-vous préalablement".
C'est dans ces circonstances que Madame X... devait saisir le Conseil de Prud'hommes de CHARTRES par acte du 9 juin 2009 aux fins de contester la légitimité de son licenciement, de se voir allouer la somme de 9.300 € en réparation outre les indemnités légales résultant de la rupture.
Par jugement contradictoirement prononcé le 16 mars 2010 le Conseil de Prud'hommes de CHARTRES a considéré le licenciement litigieux sans cause réelle et sérieuse.
Il a condamné la SARL THERMOCOLOR à payer à Madame Jessica X... les sommes suivantes :
- 863,33 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 2.482,22 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ,
- 248,22 € à titre de congés payés sur préavis,
avec sur ces sommes , l'intérêt au taux légal à compter du 10 juin 2009,
- 9.300 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ,
Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ,
Débouté la SARL THERMOCOLOR de sa demande reconventionnelle,
Condamne la SARL THERMOCOLOR à verser aux ASSEDIC-POLE EMPLOI, en application des dispositions de l'article L 1235-4 du Code du travail, l'équivalent de deux mois d'indemnités chômage perçues ou éventuellement perçues par Madame Jessica X...
Condamne la SARL THERMOCOLOR aux entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution .
La SARL THERMOCOLOR a régulièrement relevé appel de cette décision.
Par conclusions écrites auxquelles la Cour se réfère expressément soutenues oralement à l'audience la société appelante a demandé de :
- constater que Madame Jessica X... a commis des fautes graves justifiant son licenciement pour ce motifs,
- infirmer en conséquence le jugement entrepris,
- débouter Madame Jessica X... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- la condamne à payer à la société THERMOCOLOR la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ,
- condamner enfin Madame Jessica X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.
En réplique, Madame Jessica X... a fait conclure et soutenir oralement à l'audience la confirmation du jugement déféré outre la condamnation de la société THERMOCOLOR en paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant qu'il est constant que la faute grave est celle qui "résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis" ; que la charge de la preuve incombe exclusivement à l'employeur qui l'invoque ;
Considérant que dans le cas présent le grief principal fait à Madame Jessica X... est l'abandon de son poste et une absence injustifiée du 14 avril 2009 au 17 avril suivant, qu'il lui est reproché de s'être absenté sans autorisation , mais du surplus de n'avoir donné aucune explication lors de son retour le lundi 20 avril ;
Considérant que Madame Jessica X... a prétendu que son employeur, de mauvaise foi, connaissait sa situation personnelle, et savait la nécessité pour elle de partir d'urgence en Espagne pour se voir transplanter des ovocytes en raison de sa stérilité ;
Mais considérant que la situation de Madame Jessica X... ne la dispensait pas de respecter les règles relatives aux congés s'appliquant dans l'entreprise ; que la salariée était donc dans l'obligation de déposer 8 jours à l'avance une demande d'autorisation d'absence ou de congés payés en vue de sa validation par la direction de l'entreprise ; que dans le cadre de son pouvoir de direction l'employeur peut toujours , en effet de refuser une autorisation d'absence, les congés payés ne pouvant être pris au bon vouloir du salarié sauf à prendre le risque d'une désorganisation de l'entreprise ;
Considérant qu'en l'espèce aucune autorisation n'a été donné à Madame Jessica X... ;
Que si elle a prétendu avoir informé son employeur de sa situation personnelle au cours de conversation, cela reste informel et est formellement contesté par celui ci ;
Qu'il est suffisamment établi que Madame Jessica X... a eu une attitude désinvolte ayant perturbé le bon fonctionnement de l'entreprise, qu'il s'ensuit qu'une sanction disciplinaire était parfaitement justifiée ; et ce d'autant plus que la désinvolture de la salariée a encore été démontrée par l'employeur pour la période postérieure du 23 au 27 mars 2009 durant laquelle la salariée est arrivée systématiquement avec une demie heure de retard sans autorisation de sa direction ;
Que dès lors ces deux griefs renforcés par le reproche tenant à un certain laxisme dans la gestion des stocks, justifiaient l'action disciplinaire engagée par l'employeur ;
Que toutefois le licenciement pour faute grave qui implique le départ immédiat du salarié sans aucune indemnité était une sanction en l'occurrence excessive ;
Que la rupture sera requalifiée en licenciement causé, ouvrant droit aux indemnités légales et conventionnelle de rupture ;
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Reçoit l'appel de la SARL THERMOCOLOR ;
Réforme partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de Madame Jessica X... sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau,
Déclare le licenciement disciplinaire de Madame Jessica X... causé ;
Condamne la SARL THERMOCOLOR à payer à cette dernière les sommes suivantes :
- 863,33 € à titre d'indemnité de licenciement ;
- 2.482,22 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 248,22 € au titre des congés payés y afférents,
avec sur ces sommes intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2009 ;
Déboute Madame Jessica X... de ses autres demandes ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL THERMOCOLOR à verser à Madame Jessica X... la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
et signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, et par Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,