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14/09/2011 | FRANCE | N°08/00976

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14 septembre 2011, 08/00976


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES








Code nac : 80A


15ème chambre


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 14 SEPTEMBRE 2011


R.G. No 09/04560


AFFAIRE :


Jean-Paul X...





C/
Association MAISON DE CHATEAUBRIAND
...






Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Novembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
No RG : 08/00976




Copies exécutoires déliv

rées à :


Me Philippe SACKOUN
Me Carole VILLATA-DUPRE




Copies certifiées conformes délivrées à :


Jean-Paul X...



Association MAISON DE CHATEAUBRIAND, CONSEIL GENERAL DES HAUTS DE SEINE




LE QUATORZE SEPTEMBR...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 14 SEPTEMBRE 2011

R.G. No 09/04560

AFFAIRE :

Jean-Paul X...

C/
Association MAISON DE CHATEAUBRIAND
...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Novembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
No RG : 08/00976

Copies exécutoires délivrées à :

Me Philippe SACKOUN
Me Carole VILLATA-DUPRE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Jean-Paul X...

Association MAISON DE CHATEAUBRIAND, CONSEIL GENERAL DES HAUTS DE SEINE

LE QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Jean-Paul X...

né le 23 Décembre 1947 à PARIS

...

75007 PARIS
représenté par Me Philippe SACKOUN, avocat au barreau de PARIS

APPELANT
****************
Association MAISON DE CHATEAUBRIAND
La Vallée aux Loups
87 rue de Chateaubriand
92290 CHATENAY- MALABRY
représentée par Me Carole VILLATA-DUPRE, avocat au barreau de PARIS

CONSEIL GENERAL DES HAUTS DE SEINE
02/16 boulevard Jacques Germain Soufflot
92015 NANTERRE CEDEX
représentée par Me Dominique CLOUET D'ORVAL, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 06 Juin 2011, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Monsieur Jean-Paul X... a été engagé par L'ASSOCIATION MAISON DE CHATEAUBRIAND le 6 mars 1987, en qualité de directeur de la MAISON de CHATEAUBRIAND sous l'autorité du Président de l'Association. Il était chargé de conservation, de la promotion de la Maison, de l'organisation de manifestations culturelles, de la gestion de la bibliothèque et du centre de documentation ainsi que de la gestion du personnel salarié de l'Association.

Une convention avait été signée entre l'Association et le Conseil Général des HAUTS DE SEINE définissant notamment les modalités de contrôle de celui-ci.

Par lettre en date du 21 janvier 2008 le Président du Conseil Général devait faire part au Président de l'Association , Monsieur Edouard Y..., de la volonté du département de reprendre l'exploitation de la Maison de CHATEAUBRIAND, en créant à cet effet une régie.

C'est ainsi que Monsieur Z... écrivait : "La reprise en régie directe de la Maison de CHATEAUBRIAND, à l'instar de ce qui existe dans les deux autres musées départementaux, s'inscrit dans le cadre de cette démarche ambitieuse qui vise à mettre en valeur le patrimoine des HAUTS DE SEINE.

Je sais que vous partagez cette volonté de promouvoir une telle ambition et que vous aurez à coeur d'en faciliter, tout comme moi, la mise en oeuvre, en expliquant le sens de ma démarche et en participant à son accompagnement, notamment sur le plan social.

Je souhaite que ce processus soit enclenché dès la fin du mois de janvier 2008, après consultation du Conseil d'administration, pour aboutir avant le 31 décembre 2008, terme des années civiles et budgétaire.

Monsieur Jean-Paul X... était convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 18 avril 2008 par lettre recommandée en date du 4 avril 2008.

Son licenciement pour faute grave lui était notifié par lettre recommandée avec avis de réception en date du 23 avril 2008.

Cette lettre mentionnant de nombreux griefs était libellée dans les termes suivants :

"Nous vous avons reçu le vendredi 18 avril 2008 à la maison de CHATEAUBRIAND pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.

Malgré les explications que vous nous avez fournies, et que nous avons portées à la connaissance du Conseil d'administration, celui-ci a pris à l'unanimité la décision de vous licencier.

Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

- le 27 février 2008, en début d'après-midi, vous avez interpellé violemment Madame A..., celle-ci ayant précisé que vous teniez des propos véhéments à la limite de l'incohérence, et que vous sentiez l'alcool.

Le même jour vers 18h00, vous avez fait irruption de manière brutale dans la bibliothèque, en vociférant à voix haute et en tapant sur les livres. Vous avez ensuite quitté votre travail vers 20h00, en laissant la porte de l'accueil ouverte alors que la Maison de CHATEAUBRIAND contient un nombre important d'ouvrages de grande valeur.

- Le 13 mars 2008, vous avez, sur votre lieu de travail, insulté gravement les concierges salariés de l'association qui se trouvaient sur place dans le cadre de leurs fonctions, dans les termes suivants : "les Dumas connards". Vous avez réitéré ces propos à plusieurs reprises. Madame B... vous a alors demandé d'arrêter, vous lui avez répondu sur un ton très menaçant de rentrer chez elle, pour ensuite, de manière précipitée et bruyante, quitter les locaux de l'association.

Avant de proférer ces insultes et d'adopter ce comportement menaçant, vous êtes sorti en claquant la porte et en hurlant dans les escaliers : "j'en ai marre", comme vous l'avez reconnu lors de notre entretien.

Aux termes des précisions qui nous ont été données par Madame B..., vous aviez consommé de l'alcool.

- Selon les informations que nous avons pu recueillir dans le cadre de l'enquête que nous avons menée suite à ces incidents , nous avons constaté que vous consommiez de nouveau de l'alcool pendant votre temps de travail.

Nous vous avions pourtant à plusieurs reprises mis en garde, notamment à la suite de l'incident survenu le 24 janvier 2003. Vous aviez alors emprunté la voiture de service en état d'ébriété, roulé sur les pelouses, et heurté les cariatides. Cet événement avait fait l'objet d'un rapport circonstancié rédigé par les gardiens de l'époque, Monsieur André C... et Madame Pascale B.... A la suite de cet incident, nous vous avions donné, oralement afin d'éviter pour vous toute publicité négative, un sérieux avertissement vous enjoignant de corriger votre comportement, ce que, à notre connaissance, vous aviez fait puisque aucun nouvel incident ne nous avait été signalé.

Vos sautes d'humeur et votre attitude grossière générant un climat de crainte, et des incidents répétitifs avec le personnel, tels que ceux évoqués ci-avant, et dont le personnel s'est plaint dans le cadre des entrevues récentes avec la Direction des Ressources Humaines du Conseil Général, ne peuvent être tolérés et sont en totale inadéquation avec vos fonctions. Il en est de même de la consommation d'alcool dans les locaux de l'association et pendant votre temps de travail.

Votre comportement inadapté, violent et menaçant , désorganise l'association, et de surcroît lui engendre un préjudice important en terme d'image. Il nuit aussi au Conseil Général qui subventionne notre association et exerce sur elle une tutelle prévue par la convention qui régit nos relations.

Il apparaît, en effet, que vous avez adopté également un comportement grossier et incohérent à l'extérieur lorsque vous représentiez l'association. Nous avons ainsi été avisés que le conseil d'administration de la fédération des maisons d'écrivains des patrimoines littéraires avait prononcé l'exclusion de la Maison de CHATEAUBRIAND lors de sa séance du 25 janvier 2008. Cette décision est motivée par l'attitude que vous avez adoptée lors d'une soirée officielle le 30 mars 2007 à Chambéry, au cours de laquelle vous avez accusé la fédération de graves irrégularités juridiques. Ces accusations ont, de plus, selon les informations que j'ai pu recueillir, été réitérées par écrit à plusieurs reprises.

- Le 13 mars 2008, une heure environ après l'incident survenu entre vous et les époux B..., vous avez indiqué à Madame B..., en la contactant téléphoniquement à son domicile, qu'elle ne devait en parler à personne, qu'il n'y avait pas de témoin, que si elle racontait cet événement vous demanderiez son licenciement, et que si elle parlait, cela lui "reviendrait cher". En conséquence de ces menaces, Madame B... a été déposer , dès le lendemain matin, une main courante auprès du commissariat de police de CHATENAY-MALABRY où elle a été reçue par le commandant Cécile D....

De telles menaces à l'égard du personnel sous votre responsabilité hiérarchique sont absolument inacceptables.

- A ces menaces directes s'ajoute la note mensongère que vous avez adressée le 21 février 2008 en qualité de directeur à Monsieur E..., adjoint au directeur des ressources humaines du conseil général. Dans le cadre de cette note, vous avez d'une part affirmé que Madame F..., salariée de l'association, avait , avec ses collègues de travail, des conflits perpétuels, et d'autre part accusé cette dernière de ne plus remplir ses fonctions, en demandant qu'il soit tenu compte de vos remarques dans l'appréciation de cet agent. Or, selon les investigations que nous avons menées, il apparaît que la note que vous avez transmise est totalement mensongère, et constitue une atteinte injustifiée et diffamatoire à l'encontre de Madame F...;

Nous avons en effet appris qu'en 1989 vous aviez demandé à l'une des femmes de ménage de la Maison de CHATEAUBRIAND d'effectuer le ménage dans votre appartement personnel, et que celle-ci avait refusé, étant protégée par son statut de fonctionnaire. En revanche, Madame F... n'a pas cru possible de refuser d'effectuer ces prestation de ménage.

Vous avez ainsi , en votre qualité de directeur, abusé de vos fonctions pour faire réaliser par une salariée, non protégée par son statut et sous votre responsabilité hiérarchique directe , des prestation de ménage, allant jusqu'à l'exécution des tâches de vaisselle, dans votre appartement personnel, alors qu'il s'agit d'un appartement de fonction dont l'entretien vous incombait à titre personnel et à vos frais.

Vous avez donc fait assumer une charge financière personnelle par la Maison de CHATEAUBRIAND.

Dans ce contexte, la note que vous avez adressée le 21 février 2008 est non seulement mensongère, mais relève de surcoût d'une véritable intention de porter atteinte à Madame F... et à sa carrière.

- Vous avez par ailleurs profité de vos fonctions pour faire financer par l'association des abonnements personnels, dont ceux au Monde et au Nouvel Observateur, selon vos déclarations.

Plus généralement vous avez dans l'exercice de vos fonctions établi une confusion constante entre ce qui relevait de vos responsabilités et vos intérêts personnels. Votre récent courrier à l'administrateur du Mobilier national en est une illustration complémentaire.

- Suite à l'audit réalisé pendant le dernier trimestre 2007, nous avons opéré des vérifications auprès de la comptabilité , et nous avons découvert, alors que nous vous faisions toute confiance, que vous aviez fait supporter par l'association, le paiement de contraventions personnelles en matière de circulation routière (stationnement et surtout excès de vitesse).

A notre connaissance, ces contraventions n'ont pas donné lieu à la réponse de l'association quant à la désignation du conducteur auteur de la contravention.

A cette occasion, nous avons aussi découvert que vous aviez fait l'objet, le 9 novembre 2006, d'un procès-verbal de contravention pour conduite en état d'ivresse avec suspension du permis de conduire pour neuf mois.

Vous étiez alors au volant du véhicule de service propriété de l'association et vous avez pris soin de nous cacher cet incident.

- Vous avez en outre, en totale fraude aux dispositions sociales et fiscales que vous ne pouviez ignorer, demandé aux comptables de l'association et du cabinet d'expertise comptable de ne pas mentionner sur votre bulletin de salaire l'avantage en nature correspondant à votre appartement de fonction, alors que cela était expressément prévu dès votre embauche par votre contrat de travail.

Vous n'avez pas plus déclaré l'avantage en nature afférent à l'utilisation de la voiture de service de l'association que vous avez utilisé à titre personnel sans autorisation et contrairement aux dispositions de votre contrat.

- Vous avez dissimulé des faits importants au Conseil d'administration et contrevenu à ses instructions les plus explicites. Ainsi , lorsque vous avez soumis au Conseil d'administration, lors de la séance du 20 décembre 2007, un projet de refonte du site internet de la Maison de CHATEAUBRIAND et que le Conseil vous a refusé son accord, vous avez déclaré en prendre acte, en ajoutant qu'aucun accord formel n'avait été donné par vous.

Or , nous venons de découvrir que vous aviez, le 23 novembre 2007, donné votre accord sur un devis avec un prestataire qui réclame aujourd'hui 9.568 € à l'Association.

Vous avez donc sciemment menti au Conseil d'Administration.

- Enfin, nous avons été informés, dans le cadre de notre enquête déclenchée à la suite des incidents susvisés avec le personnel, d'un absentéisme très important et non justifié sur les derniers mois.

Vous étiez notamment absent et de manière non justifiée eu égard à vos fonctions, les 3, 4 et 5 mars derniers, le 6 mars au matin, le 26 février, les 21, 22 et 27 février au matin ainsi que le 14 février après-midi, ou encore le 18 février, sans compter les journées où vous n'avez été que partiellement présent (en moyenne arrivée vers 10h30/11h00 et départ vers 13h30/14h30 : notamment les 13, 14, 15 et 19 février, ou les 7, 10 et 11 mars).

Tout ceci démontre que vous avez abusé de la souplesse résultant de la gestion de la Maison de CHATEAUBRIAND sous forme associative, et que nous avons eu tort de vous faire toute confiance .

Nous considérons que l'ensemble de ces faits constitue une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l'association et la Maison de CHATEAUBRIAND.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et nous tenons à votre disposition votre certificat de travail et reçu pour solde de tout compte, ainsi que les salaires et indemnités de congés payés qui vous sont dus.

Dans l'exercice de vos fonctions, vous avez bénéficié d'un logement de fonction constituant un avantage en nature, et d'une voiture service dont vous vous êtes arrogé le droit de l'utiliser à titre personnel et de manière permanente.

Du fait de votre licenciement pour faute grave, nous vous demandons de libérer sans délai l'appartement de fonction en nous restituant les clés et de nous restituer le véhicule de service, ainsi que tous les documents, ouvrages ou matériels propriété de l'association et qui seraient en votre possession.

Nous vous signalons, enfin, qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé."

C'est dans ces circonstances que Monsieur Jean-Paul X... devait saisir le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT par acte du 26 mai 2008 aux fins de contester la légitimité de son licenciement et de se voir allouer la somme de 372.378,76 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les indemnités légales et contractuelles et un rappel de salaire pour les mois de janvier à avril 2008.

Par jugement contradictoirement prononcé le 12 novembre 2009 le Conseil de Prud'hommes a considéré que la rupture de la relation de travail pour faute grave n'était pas justifiée mais que le licenciement était néanmoins fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Après avoir mis hors de cause le Conseil Général des HAUTS de SEINE, le premier juge a condamné l'association Maison de CHATEAUBRIAND à payer à Monsieur Jean-Paul X... les sommes suivantes :

- 57.811,44 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 5.781,14 € au titre des congés payés y afférents,

- 57.811,44 € à titre d'indemnité contractuelle de licenciement,

- 40.949,76 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 5.340,18 € à titre de rappel de salaire ;

avec intérêts de plein droit au taux légal à compter de la notification de la demande en ce qui concerne les créances de nature salarial.

Monsieur Jean-Paul X... à régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions écrites auxquelles la Cour se réfère expressément, soutenues oralement à l'audience, Monsieur Jean-Paul X... demande de :

- dire et juger que le licenciement de Monsieur Jean-Paul X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Monsieur Jean-Paul X... une somme de 5.781,14 € au titre de rappel de salaires,

- condamner in solidum l'Association pour la Maison de CHATEAUBRIAND et le Conseil Général des HAUTS DE SEINE à payer à Monsieur Jean-Paul X... :

- une somme de 534,01 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaires,

- une somme de 115.622,88 € au titre de l'indemnité contractuelle compensatrice de préavis,

- une somme de 11.562,28 € au titre des congés payés y afférents,

- une somme de 57.811,44 € au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement,

- une somme de 40.949,76 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- une somme de 372.378,76 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- une somme de 6.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Débouter l'Association pour la Maison de CHATEAUBRIAND et le Conseil Général des HAUTS DE SEINE de toutes leurs demandes, fin et conclusions.

Les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En réplique l'Association Maison de CHATEAUBRIAND a fait conclure et soutenir oralement les demandes suivantes :

A titre principal,

Il est demandé à la Cour de :

- infirmer la décision du Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE en date du 12 novembre 2009 en ce qu'elle a retenu que le licenciement de Monsieur Jean-Paul X... n'était pas justifié par une faute grave, et statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement de Monsieur Jean-Paul X... repose sur une faute grave,

En conséquence,

- le débouter de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions sur les rappels de salaires,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé les retenues sur salaires sur les mois de mars et avril 2008 à hauteur de 1/10ème du montant net,

A titre subsidiaire :

Pour le cas où la Cour confirmerait la décision entreprise, il est demandé de réduire sur le quantum tant l'indemnité contractuelle de préavis, que l'indemnité contractuelle de licenciement.

La Cour notera que le contrat de travail de Monsieur Jean-Paul X... prévoyait aux termes de son article 6, que le délai de préavis en cas de licenciement serait de 12 mois, et qu'en complément de l'indemnité légale de licenciement, il serait versé à Monsieur Jean-Paul X... une indemnité contractuelle de 6 mois.

Ces dispositions s'analysent manifestement, comme l'a retenu le Conseil de Prud'hommes , comme une clause pénale, dès lors qu'elles ont un caractère exclusivement contractuel, qu'elles n'ont été prévues qu'en cas de rupture à l'initiative de l'employeur, et qu'elles avaient pour objet manifestement de sanctionner la cessation de l'exécution du contrat par l'employeur.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, de telles indemnités s'analysent en une clause pénale, et son réductibles sur le fondement de l'article 1152 du Code Civil.

En conséquence, l'Association pour la Maison de CHATEAUBRIAND sollicite la réduction du préavis à hauteur de 3 mois de rémunération, et la réduction de l'indemnité contractuelle à l'euro symbolique.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que le licenciement de Monsieur Jean-Paul X... est un licenciement disciplinaire pour faute grave ;

Qu'il est constant que cette dernière "résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis" ; que la faute grave implique donc la cessation immédiate du contrat de travail ;

Que par ailleurs la preuve de la faute grave incombe exclusivement à l'employeur qui l'invoque, étant rappelé que les faits mentionnés dans la lettre de rupture fixe les limites du litige ;

Considérant que , dans le cas présent, la lettre de rupture énonce plusieurs griefs que l'employeur a qualifié de grave ;

Que le premier d'entre eux est l'incident décrit avec Madame A... ;

Que toutefois les faits relatés par cette dernière qui seraient survenus le 27 février 2008 restent vagues dans leur matérialité et difficilement vérifiables alors qu'aucune attestation régulière n'a été produite sur le sujet, l'attestation de Madame A... étant ainsi rédigé : "Je confirme la véracité du courrier que j'ai adressé au Président de l'Association le 28 février 2008 concernant l'incident de la bibliothèque" ;

Que la déclaration de l'hôtesse d'accueil n'est pas non plus probante puisqu'elle n'a pas rédigé une attestation circonstanciée et conforme aux dispositions du Code de Procédure Civile ;

Qu'elle a en effet simplement écrit au bas de la lettre de Madame A... : "Je soussigné Marie Valérie Hôtesse d'accueil atteste que les propos de Madame A... sont vrai" ;

Que ce premier grief n'est pas suffisamment établi ;

Considérant que le second grief relaté dans la lettre de rupture est relatif aux insultes proférées à l'encontre des concierges, les époux B... de la Maison de CHATEAUBRIAND par Monsieur Jean-Paul X... le 13 mars 2008 ;

Considérant que ce dernier a reconnu avoir répondu à de prétendues insultes de Madame B... en disant : "Les B... connard" ;

Qu'il a minimisé cet incident en affirmant n'avoir proféré ces propos injurieux qu'une seule fois ;

Que cependant les faits résultent de la déclaration de main courante de Madame B..., très circonstanciée et de l'attestation régulière de son mari, Monsieur Jacques B... qui confirme les insultes proférées par Monsieur Jean-Paul X... ;

Que ces faits ne paraissent pas en effet sérieusement contestables mais que n'ayant pas donné lieu à une mise à pied conservatoire dès que l'employeur en a eu connaissance il s'ensuit que la faute grave ne peut être retenu pour ces faits ;

Considérant que la lettre de licenciement mentionne en outre l'intempérance de Monsieur Jean-Paul X... qui aurait donné lieu antérieurement à divers incidents et aurait généré "un climat de crainte et des incidents répétitifs avec le personnel" ;

Qu'il paraît en effet établi par les pièces versées au débat que Monsieur Jean-Paul X... qui avait tendance à s'adonner à la boisson avait fait l'objet d'une procédure de conduite en état d'ivresse constaté le 9 novembre 2006 suivie d'une peine de suspension de son permis de conduire d'une durée de neuf mois ;

Que cette intempérance résulte aussi de la lettre confidentielle adressée le 17 mars 2008 par Monsieur Alain G... secrétaire général FO au directeur général adjoint des ressources humaines du Conseil Général;

Que cette difficulté récurrente paraît en effet suffisamment établie et que s'il apparaît qu'elle a été tolérée un certain temps par le Président de l'Association, il apparaît non moins justifié qu'au moment où le Président du Conseil Général des HAUTS DE SEINE souhaitait reprendre la gestion en régie de la Maison de CHATEAUBRIAND, il soit reproché à Monsieur Jean-Paul X... le comportement trop souvent laxiste et inacceptable relaté dans la lettre de rupture dont les termes ont été ci-avant rapportés ;

Que si le licenciement pour faute grave ne peut être en l'occurrence retenu compte-tenu de la définition qui en a été ci-dessus rappelé, il apparaît néanmoins établi que le licenciement de Monsieur Jean-Paul X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse, sans que soient remises en cause pour autant ses qualités d'historien et d'analyste de l'oeuvre de CHATEAUBRIAND ;

Que la décision pertinente du premier juge sera donc confirmée en toutes ses dispositions ;

Qu'il y a lieu également de confirmer la mise hors de cause du Conseil Général des HAUTS DE SEINE ;

Qu'en effet la chronologie des faits, établit que la reprise d'exploitation de la Maison de CHATEAUBRIAND par le département qui concernait 35 salariés, résulte d'un choix légitime de celui-ci ;

Que le département est étranger à la décision prise par l'Association de se séparer de Monsieur Jean-Paul X... , plusieurs mois avant la reprise de son exploitation, pour des motifs suffisamment démontrés et ce alors qu'il y a jamais eu entre l'Association pour la Maison de CHATEAUBRIAND et le département des HAUTS DE SEINE confusion d'intérêts, d'activité et de direction ;

Que la gestion et l'animation de la Maison de CHATEAUBRIAND avait été confiées en 1987 à une association autonome, que la Cour ne peut que constater que la reprise d'exploitation par le département à partir du 1er janvier 2009 était inscrite dans le cadre de la politique culturelle du département visant à mettre en valeur le patrimoine des HAUTES DE SEINE ;

Que c'est à bon droit que le premier juge a constaté que les faits de nature disciplinaire ayant conduit au licenciement de Monsieur Jean-Paul X... sont sans lien avec la reprise de la gestion de la Maison de CHATEAUBRIAND par le Département ;

Que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il n'est pas contraire à l'équité de laisser à la charges des parties les frais non taxables qu'elles ont dues exposer en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Reçoit l'appel principal de Monsieur Jean-Paul X... ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Monsieur Jean-Paul X... aux dépend éventuels ;

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

et signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, et par Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 08/00976
Date de la décision : 14/09/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-14;08.00976 ?
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