COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 82B
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 SEPTEMBRE 2011
R.G. N° 10/00567
AFFAIRE :
Fédération DES MINES ET DE LA
METALLURGIE CFDT ''FGMM CFDT'
C/
Syndicat
PROFESSIONNEL CGT DU GROUPE HEWLETT PACKARD FRANCE
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Novembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 2
N° Section :
N° RG : 09/10164
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- Me BINOCHE
- SCP DEBRAY CHEMIN,
- SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER,
- Me TREYNET,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Fédération DES MINES ET DE LA METALLURGIE CFDT ''FGMM CFDT'
[Adresse 2]
[Localité 7]
agissant poursuites et diligences de son secrétaire général ,
représentée par Me Jean-pierre BINOCHE - N° du dossier 50/10
Rep/assistant : Me Céline COTZA et Me SAADAT (avocats au barreau de PARIS)
APPELANTE
****************
Syndicat PROFESSIONNEL CGT DU GROUPE HEWLETT PACKARD FRANCE pris en la personne de ses représentants légaux [Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par la SCP DEBRAY CHEMIN - N° du dossier 10000163
Rep/assistant : Me Christian SAÏD (avocat au barreau de l'ESSONNE)
COMITE D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE HEWLETT PACKARD FRANCE pris en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 8]
[Localité 10]
représenté par la SCP DEBRAY CHEMIN N° du dossier 10000163
Rep/assistant : Me Christian SAÏD (avocat au barreau de l'ESSONNE)
Syndicat NATIONAL DE L'ENCADREMENT DES PROFESSIONS DE L'INFORMATION ET DE L'ELECTRONIQUE 'SNEPIE CFE-CGC'
pris en la personne de son secrétaire général, [Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par la SCP DEBRAY CHEMIN -
Rep/assistant : Me Christian SAÏD (avocat au barreau de l'ESSONNE)
Syndicat GENERAL FO DE LA METALLURGIE REGION PARISIENNE
pris en la personne de son secrétaire général,
[Adresse 9]
[Localité 6]
représenté par la SCP DEBRAY CHEMIN -
Rep/assistant : Me Christian SAÏD (avocat au barreau de l'ESSONNE)
S.A.S. HEWLETT PACKARD
[Adresse 8]
[Localité 10]
représentée par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER - N° du dossier 20100289
Rep/assistant : Me Pascale LAGESSE et Me TOMBARELLO (avocats au barreau de PARIS)
Syndicat CFTC DE LA METALLURGIE 92
ayant son siège social [Adresse 12]
[Localité 11]
représenté par Me Jean-michel TREYNET - N° du dossier 19561
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Mai 2011, Madame Bernadette WALLON, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Madame Evelyne LOUYS, conseiller,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
La société Hewlett Packard France (HPF) fait partie, via la holding Hewlett Packard Technologies et Participations, du groupe américain Hewlett Packard Corporate qui a également pour filiales en France les sociétés Hewlett Packard Centre de Compétences (HP CCF) et Hewlett Packard Enterprise Services France (HP ESF). Elle compte environ 1600 salariés.
Au sein de la société Hewlett Packard France, comme dans les autres sociétés du groupe, la rémunération est au moins pour partie fonction de la performance individuelle du salarié évaluée selon le système du 'ranking' (performance individuelle appréciée par comparaison avec celle des autres salariés exerçant une fonction comparable avec classement dans des groupes) jusqu'en 2002 puis du 'rating' (évaluation de la performance sans classement de celle-ci au regard de celle réalisée par les autres salariés) depuis cette date et la fusion avec la société Compaq. Les salariés ne bénéficient pas d'augmentation de salaire générale mais d'une augmentation individuelle en fonction de leur performance. Les managers sont destinataires de recommandations pour procéder à l'évaluation des salariés de leur équipe.
En octobre 2009, le système d'évaluation a été modifié afin d'affiner la grille de notation qui compte désormais cinq lettres: K, P+, P, P-, I .
Le 15 octobre 2008, M.[V] [H], responsable du secteur d'activité technology services HP France a adressé aux principaux responsables de services un message électronique rappelant l'importance de l'évaluation de la performance, la nécessité d'y procéder très sérieusement, en précisant : 'je vous ai demandé de vous aligner strictement sur un niveau de 5% min de I et de 20% max de P. L'avantage d'avoir une guideline, c'est qu'on se pose des contraintes qui nous donnent un niveau d'exigence 'standart'. 5% de I, c'est le minimum de ce qu'on doit faire pour pousser à réagir une frange de la population qu'on se fatigue à tirer et qui génère de l'inertie. 20% de K, c'est, je pense, le maximum de ce qu'on peut raisonnablement avoir comme personnes à suivre plus particulièrement, pousser plus vite, rémunérer nettement mieux etc...Le but n'est pas de faire plaisir (ou de faire de la peine), mais d'améliorer notre performance, donc avoir des résultats. Je suis bien conscient que certaines équipes sont naturellement constituées des meilleurs, et qu'en réduisant la granularité il devient difficile de respecter le cadrage, mais je compte donc sur vous pour respecter ce cadrage.'
Considérant que ce message, dont le contenu n'aurait pas été clairement démenti par la direction, démontre qu'il existe au sein de la société Hewlett Packard France un système d'évaluation fondé sur des quotas et non sur des critères objectifs et transparents, ce qui est illicite et susceptible de nuire à la santé et la sécurité des salariés, la fédération des mines et de la métallurgie CFDT, le comité d'entreprise Hewlett Packard France, le syndicat national de l'encadrement des professions de l'informatique et de l'électronique (SNEPIE CFE-CGC, le syndicat CFTC de la métallurgie 92, le syndicat professionnel CGT Hewlett Packard France, le syndicat général FO de la métallurgie région parisienne ont fait assigner la société Hewlett Packard France devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui, par jugement du 27 novembre 2009, a :
- joint les recours 09/10164 et 09/10865
- dit que la société Hewlett Packard France a commis une entrave aux attributions du comité d'entreprise
- condamné la société Hewlett Packard France à payer au comité d'entreprise la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts et aux syndicats FGMM CFDT, SNEPIE CFE- CGC, CFTC de la métallurgie 92, CGT du groupe HP, FO de la métallurgie région parisienne la somme de 3 000€ chacun à titre de dommages et intérêts
- condamné la société Hewlett Packard France à payer à la FGMM CFDT d'une part et aux autres demandeurs d'une autre part la somme de 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile
- prononcé l'exécution provisoire
- débouté les parties pour le surplus
- condamné la société Hewlett Packard France aux dépens.
Appelante, la fédération des mines et de la métallurgie CFDT (FGMM CFDT), aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 11 mai 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré qu'il y a entrave au fonctionnement du comité d'entreprise
- constater que la société Hewlett Packard France applique la méthode du ranking par quotas
- dire illicite la méthode d'évaluation du ranking par quotas
- ordonner à la société Hewlett Packard France de communiquer les statistiques de la notation des salariés K - P- I depuis 2006
- constater que les salariés n'ont pas été individuellement informés du mode d'évaluation qui était appliqué
- dire nulles et à défaut inopposables aux salariés de la société Hewlett Packard France les évaluations individuelles de l'année 2008
- dire que la société Hewlett Packard France devra retirer de chaque dossier individuel des salariés l'évaluation de l'année 2008
- condamner la société Hewlett Packard France à informer individuellement chaque salarié du retrait de sa notation sous astreinte de 1 000€ par jour et par salarié concerné passé un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir
- condamner la société Hewlett Packard France à payer la somme de 30 000€ à la FGMM CFDT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi
- condamner la société Hewlett Packard France à payer à la FGMM CFDT la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société Hewlett Packard France aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par maître Binoche, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La société Hewlett Packard France, par conclusions signifiées en dernier lieu le 12 mai 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- dire la fédération des mines et de la métallurgie CFDT (FGMM CFDT) irrecevable en son appel en ce qu'elle demande l'annulation ou à défaut l'inopposabilité aux salariés de la société HPF de leurs évaluations individuelles pour l'année 2008 et en conséquence la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- dire le comité d'entreprise d'HPF et les syndicats SNEPIE CFE-CGC, CGT du groupe HP en France, FO de la métallurgie région parisienne irrecevables en leur appel en ce qu'ils demandent l'annulation ou à défaut l'inopposabilité aux salariés de la société HPF de leurs évaluations individuelles pour les années 2008, 2007, 2006, 2005, 2004 et en conséquence les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions
- dire le syndicat CFTC de la métallurgie 92 irrecevable en son appel en ce qu'il demande à la cour de constater la non-exécution de bonne foi du contrat de travail de ses salariés par la société HPF et en conséquence les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions
- dire la fédération des mines et de la métallurgie CFDT (FGMM CFDT) mal fondée en son appel et en conséquence la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- dire le comité d'entreprise de la société Hewlett Packard France (HPF), le syndicat SNEPIE CFE-CGC, le syndicat CFTC de la métallurgie 92, le syndicat professionnel CGT du groupe HP en France et le syndicat général FO de la métallurgie région parisienne mal fondés et en conséquence les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions
- dire la société Hewlett Packard France recevable et bien fondée en son appel en ce qu'elle demande à la cour de :
infirmer la décision du tribunal de grande instance de Nanterre du 27 novembre 2009 en ce qu'elle a considéré qu'il y avait entrave au fonctionnement du comité d'entreprise et condamné la société Hewlett Packard France à payer au comité d'entreprise la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts et aux syndicats FGMM CFDT, SNEPIE CFE-CGC, CFTC de la métallurgie 92, CGT du groupe HP en France, FO de la métallurgie région parisienne la somme de 3.000 € chacun à titre de dommages et intérêts
confirmer la décision du tribunal de grande instance de Nanterre du 27 novembre 2009 en ce qu'elle a débouté le comité d'entreprise et les syndicats FGMM CFDT, SNEPIE CFE-CGC, CFTC de la métallurgie 92, le syndicat professionnel CGT du groupe HP en France, FO de la métallurgie région parisienne de leurs autres demandes
- condamner la FGMM CFDT, le comité d'entreprise d'HPF et les syndicats SNEPIE CFE-CGC, CFTC de la métallurgie 92, le syndicat professionnel CGT du groupe HP en France, FO de la métallurgie région parisienne à verser chacun la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la FGMM CFDT, le comité d'entreprise d'HPF et les syndicats SNEPIE CFE-CGC, CFTC de la métallurgie 92, le syndicat professionnel CGT du groupe HP en France, FO de la métallurgie région parisienne aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué, pour ceux la concernant, par la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le comité d'entreprise de la société Hewlett Packard France, le syndicat national de l'encadrement des professions de l'information et de l'électronique SNEPIE CFE- CGC, le syndicat professionnel CGT du groupe Hewlett Packard France et le syndicat général FO de la métallurgie région parisienne, aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 6 avril 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise et condamner la société Hewlett Packard France au paiement de dommages-intérêts
Y ajoutant
- condamner la société Hewlett Packard France à leur payer la somme de 10 000€ chacun à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi
- dire nulles et à défaut inopposables aux salariés de la société Hewlett Packard France les évaluations individuelles des années 2008, 2007, 2006, 2005, 2004
- ordonner le retrait et la destruction dans le dossier de chaque salarié des évaluations portant sur ces années
- garantir l'exécution de ces obligations par une astreinte de 1 000€ par jour et par salarié concerné, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir
- dire que la cour se réservera la liquidation de l'astreinte
- condamner la société Hewlett Packard France à payer à chacun d'eux la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société Hewlett Packard France aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Debray Chemin, avoués, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le syndicat CFTC de la métallurgie 92, par conclusions signifiées le 25 mars 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, demande à la cour de:
-constater la non-exécution de bonne foi du contrat de travail de salariés de la société Hewlett Packard France
-dire que la méthode des quotas utilisée par Hewlett Packard France et la pratique qui en est faite par l'entreprise ne sont pas conformes au droit français en ce sens que cette méthode est discriminatoire, qu'elle contrevient au principe d'égalité de traitement et à l'exécution de bonne foi du contrat de travail
-dire que chaque salarié pourra se pourvoir devant la juridiction compétente pour obtenir le retrait de son dossier des évaluations individuelles effectuées sur ces bases
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise de la société Hewlett Packard France
-condamner la société Hewlett Packard France à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi
-condamner la société Hewlett Packard France à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner la société Hewlett Packard France aux dépens qui seront recouvrés par maître Treynet, avoué, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2011..
MOTIFS
Selon les articles L1222-2 et L1222-3 du code du travail, les informations demandées à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier ses aptitudes professionnelles, elles doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'évaluation de ses aptitudes. Le salarié est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d'information. Le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en oeuvre, des méthodes et techniques d'évaluation professionnelles, mises en oeuvre à son égard. Les résultats obtenus sont confidentiels. Les méthodes et techniques d'évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie.
Il a été jugé que l'employeur tient de son pouvoir de direction né du contrat de travail le droit d'évaluer le travail de ses salariés à partir de critères objectifs et transparents, sous réserve de ne pas mettre en oeuvre un dispositif d'évaluation qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés.
La mise en place d'un système d'évaluation est nécessaire pour permettre à l'employeur de respecter d'une part son obligation de négociation triennale en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences conformément à l'article L2242-15 du code du travail, de s'assurer de l'adaptation des salariés à leur poste de travail notamment par la proposition de formations conformément à l'article L6321-1 du même code.
Les organisations syndicales et le comité d'entreprise dénoncent la mise en place dans la société Hewlett Packard France d'un système d'évaluation des salariés fondé sur le 'ranking par quotas' imposant au notateur le classement des salariés dans des groupes selon des pourcentages prédéterminés et non des critères objectifs de compétence. Elles s'appuient sur le message électronique de M.[H] du 15 octobre 2008, celui de M.[R] du 18 octobre 2007, celui de M.[M] du 14 octobre 2009 et celui de M.[G] du 28 octobre 2009 ainsi que sur le rapport de Technologia chargé d'une mission d'expertise par le CHSCT de Hewlett Packard CCF.
Dans son message du 15 octobre 2008, M.[H], responsable de l'entité Technology Services de Hewlett Packard France, demande aux responsables des équipes de procéder à l'évaluation des salariés en respectant la 'guideline' et donc de classer au moins 5% des salariés dans le groupe I et au mieux 20% des salariés dans le groupe K. Il s'agit là d'un système d'évaluation par quotas qui ne repose pas seulement sur l'analyse des compétences et du travail du salarié mais contraint le notateur à classer au moins 5% de salariés dans le dernier groupe, y compris dans l'hypothèse où tous les salariés ont rempli leurs objectifs et ont donné satisfaction; une telle évaluation est illicite dans la mesure où elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et transparents.
Toutefois, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'un tel système, certes préconisé par un salarié encadrant, n'a été ni retenu par la direction ni mis en place au sein de la société Hewlett Packard France .
En effet, lors de la réunion du comité d'entreprise du 18 décembre 2008, le représentant de la direction, étant observé que le président directeur général avait quitté la réunion lorsque les représentants des salariés ont évoqué le contenu du message litigieux, a désapprouvé la position prise par M.[H] en des termes très clairs: 'je désapprouve la communication faite à cet égard. La direction ne donne aucune instruction de ce type. Cela n'existe pas et ne doit pas exister. Au sein de la direction juridique, il n'y a d'ailleurs pas de rating I et je le revendique.' Il a admis qu'il s'agit d'une communication maladroite : ' Qu'un manager de la plus grande organisation demande à être vigilant sur la gestion de la performance n'est pas choquant. La manière dont il (M.[H]) a communiqué l'est beaucoup plus car il laisse croire qu'il existerait un pourcentage de rating à appliquer de manière obligatoire.'
Le message de M.[R] du 18 octobre 2007 relatif à l'évaluation des salariés ne contient aucune consigne de ranking par quotas contrairement aux affirmations des représentants du personnels. Il s'agit de la communication de 'guidelines' comportant des propositions de fourchettes de pourcentages en fonction des services. Il est précisé que ces valeurs peuvent être dépassées pour certaines équipes à condition de respecter la valeur d'ensemble pour l'activité et que les évaluateurs peuvent se situer en dessous de la cible indiquée. L'attention de ces derniers est attirée sur la nécessité de procéder à des évaluations honnêtes, factuelles et précises et de maintenir un bon niveau d'exigence. Ce document ne contient aucune obligation de respecter des quotas pour chaque groupe.
De même, le message de M.[M] du 13 octobre 2009 rappelle l'objectif de l'évaluation de la performance de chaque salarié et demande aux évaluateurs d'utiliser le tableau de répartition comme une référence pour effectuer les évaluations précisant que les évaluations I sont 'prévues lorsque la performance n'atteint pas les objectifs de performance primaires et les compétences spécifiques au poste concerné'. Il est d'ailleurs proposé un pourcentage de I de 3% au lieu de 5% .
Quant au courriel de M.[G] du 9 octobre 2007, il ne démontre pas davantage l'existence du ranking par quotas puisqu'il se réfère à des fourchettes de pourcentages pour les salariés classés K, soit la note la plus élevée, et prévoit un pourcentage de 0 à 5% pour les salariés les moins bien classés, ce qui laisse toute latitude au notateur.
L'analyse effectuée par la société Technologia à la demande du CHSCT de Hewlett Packard CCF ne peut être retenue pour démontrer l'existence d'un système d'évaluation par quotas au sein de la société Hewlett Packard France.
Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de constat dressé le 9 septembre 2009 par maître [L], huissier de justice à [Localité 13], qu'en 2009 la qualification I a été octroyée à 4% du personnel avec une répartition inégale par manager, certains ayant 20% de salariés évalués I, d'autres 13% et d'autres enfin 0%.
Un second procès-verbal de constat a été établi le 9 mai 2011 par maître [K], huissier de justice à [Localité 14], aux termes duquel il apparaît que pour l'année 2008 sur 26 salariés de l'équipe de M.[H], un seul a été noté I, 19 ont été notés P et 6 notés K, qu'au total sur 437 salariés de l'équipe de M.[H] 4% ont été notés I, 72% ont été notés P et 21% notés K. Sur 26 managers de son équipe, 13 d'entre eux n'ont attribué aucune note I. Il s'ensuit qu'en fait les managers de l'équipe de M.[H] n'ont pas appliqué les consignes données dans le message litigieux sans qu'aucun reproche ne leur soit fait.
En 2006, 3,84% des salariés de la société Hewlett Packard France ont été classés I, en 2007 4,56% et en 2008 4,31% de sorte que le seuil de 5% n'a jamais été atteint. Ces chiffres démontrent qu'il n'existe pas de pourcentage fixe ce qui exclut toute application d'une évaluation sur le fondement de quotas.
En conséquence, il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'il n'existe aucune directive impérative pour l'attribution chaque année d'un quotas de note I et qu'il n'est pas fait application au sein de la société Hewlett Packard France du ranking par quotas. Les évaluateurs sont invités à respecter les consignes d'évaluation et doivent se référer à des propositions de répartition des salariés entre les différents groupes mais ne sont pas contraints de respecter strictement les pourcentages pour chaque groupe. L'évaluation des salariés est fonction de leur performance et de leur compétence individuelles et ne dépend pas de critères extérieurs susceptibles d'être utilisés dans la perspective d'un plan de réduction d'effectifs. Aucune pièce du dossier n'étaye la thèse selon laquelle les salariés classés I seraient licenciés en priorité ni qu'un classement dans cette catégorie à plus de deux reprises conduirait à une rupture inéluctable du contrat de travail.
Si des sociétés du groupe, qui ont leur siège à l'étranger et notamment aux Etats-Unis, ont mis en place un système de ranking par quotas autorisé par la législation applicable, tel n'est pas le cas en France au sein de la société Hewlett Packard France.
Dès lors, le système d'évaluation litigieux ne peut être considéré comme illicite au motif qu'il reposerait sur le ranking par quotas susceptible d'affecter la santé et la sécurité des salariés dont ni ceux-ci ni les représentants du personnel n'auraient été informés.
Les syndicats et le comité d'entreprise ne peuvent donc qu'être déboutés de toutes leurs demandes. Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a partiellement fait droit à leur demande.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société Hewlett Packard France a commis une entrave aux attributions du comité d'entreprise et condamné cette dernière au paiement de dommages-intérêts
Statuant à nouveau,
Déboute la fédération des mines et de la métallurgie CFDT, le comité d'entreprise Hewlett Packard France, le syndicat national de l'encadrement des professions de l'informatique et de l'électronique (SNEPIE CFE-CGC), le syndicat CFTC de la métallurgie 92, le syndicat professionnel CGT Hewlett Packard France, le syndicat général FO de la métallurgie région parisienne de toutes leurs demandes
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la fédération des mines et de la métallurgie CFDT, le comité d'entreprise Hewlett Packard France, le syndicat national de l'encadrement des professions de l'informatique et de l'électronique (SNEPIE CFE-CGC), le syndicat CFTC de la métallurgie 92, le syndicat professionnel CGT Hewlett Packard France, le syndicat général FO de la métallurgie région parisienne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, avoués, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Evelyne LOUYS, conseiller lors des débats et du délibéré et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le CONSEILLER,