COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 29 JUIN 2011
R.G. No 09/00340
AFFAIRE :
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
C/
Yves X...
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 20 Novembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Activités diverses
No RG : 07/01086
Copies exécutoires délivrées à :
Me Laurent JAMMET
Me Jonathan CADOT
Copies certifiées conformes délivrées à :
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
Yves X..., Syndicat CFDT DU PERSONNEL DES BANQUES ET SOCIETES FINANCIERES DES YVELINES
LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
19 rue du Louvre
75001 PARIS
représentée par Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
Monsieur Yves X...
...
78160 MARLY LE ROI
comparant en personne, assisté de Me Jonathan CADOT, avocat au barreau de PARIS
Syndicat CFDT DU PERSONNEL DES BANQUES ET SOCIETES FINANCIERES DES YVELINES
301 allée des Aulnes
78190 TRAPPES
représentée par Me Jonathan CADOT, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2011, en audience publique, devant la cour composé(e) de :
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
A la suite du 1er juillet 1983 portant réforme des Caisses d'Epargne et de prévoyance, un accord collectif devait être conclu au sein de la Commission paritaire nationale de cette dernière le 19 décembre 1985 portant sur la classification des emplois et des établissements ainsi que les conséquence de ces dispositions nouvelles sur la rémunération des agents.
Cet accord applicable à la Caisse d'épargne Ile de France prévoyait notamment :
- une prime de durée d'expérience versée mensuellement aux salariés ayant au-moins trois ans d'expérience dans le réseau en fonction du niveau dommages-intérêts niveau de classification et de l'ancienneté (article 15) ;
- une prime familiale mensuelle attribuée à chaque salarié du réseau chef de famille en fonction du nombre d'enfants (article 16) ;
- une prime de vacances annuelle, calculée à partir d'un pourcentage de la rémunération globale garantie du niveau C assortie d'une majoration pour enfant à charge.
En juillet 2001 la Caisse Nationale D'épargne (CNEE) dénonçait les accord nationaux applicable à l'ensemble des Caisse d'Epargne du réseau et notamment de l'accord susvisé du 19 décembre 1985.
A l'issue d'un préavis de trois mois et d'un délai de survie de douze mois, cet accord devait cesser de produire ses effets, les salariés voyant en effet incorporer à leur contrat de travail les avantages individuels acquis en résultant, en l'absence d'un accord de substitution;
La Caisse d'épargne intégrait ainsi le dernier de la prime familiale sur le salaire de base des salariés à compter de novembre 2002 et le dernier montant de la prime de vacances versée en mai 2003 par treizième sur le salaire de base à compter de novembre 2002.
Les salariés ont par conséquent bénéficié de la contractualisation du denier montant des primes obtenues, le montant des primes obtenues, le montant de ces dernières ne devant plus avoir d'évolution, sauf mention nationale.
Toutefois une difficulté est apparue lorsque lors de l'intégration contractuelle la Caisse d'Espagne a cessé d'octroyer le bénéfice de la disposition de la prime familiale lorsque les enfants étaient devenus majeure ou avaient cessé d'être à charge alors que l'article 16 susvisé ne comporte aucune référence de la notion d'enfant à charge" contrairement à l'article 18 du même accord relatif à la prime de vacances.
Or Monsieur Yves X... embauché le 1er juillet 1981 et sa compagne salariés tous deux à la caisse d'épargne Ile de France n'ont pas perçus de prime familiale de trois points correspondant à "chef de famille sans enfant" et qu'une prime de vacances alors qu'il est père de deux enfants.
C'est dans ces circonstances que Monsieur Yves X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES aux fins de se voir verser des rappels de primes de vacances et primes familiales outre les congés payés y afférents.
Par jugement rendu le 20 novembre 2008 le Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES (section Commerce) a:
- dit l'article 16 sur la prime applicable, à Monsieur X... étant chefs de famille et devant en bénéficier en totalité
- dit l'article 18 ouvrant droit à une prime de vacances pour chacun est dus aux parents, même si sont employé d'une Caisse d'Epargne ;
- condamné la CEP IDF à leur verser diverses sommes :
- 67,82 € à titre de rappel de prime familiale pour le mois d'octobre 2002
- 6,78 € au titre des congés afférents,
- 5.283 à titre de rappel de salaire pour l'avantage individuel acquis résultant de la majoration de la prime familiale pour la période de novembre 2003 à août 2008 ,
- 528,30 € au titre des congés afférents,
- 237,04 € à titre de rappel de majoration pour la primes vacances versé en mai 2003,
23,70 € au titre des congés payés afférents,
- 1.265,34 € au tire de l'avantage individuel acquis résultant de la majoration de la prime de vacances pour la période de juin 2003 à août 2008
- 126,53 € au titre des congés payés afférents
- 1.000 € à titre à dommages-intérêts
- condamné la CEP IDF à verser 500 € au syndicat du personnel des banques et sociétés financières des Yvelines sur le fondement de l'article L2132-3 du Code du travail,
- ordonné à la CEP IDF la remise des bulletins de paie d'octobre 2002 à août 2008 conformes , sous trente jours après notification du jugement,
- fixé une astreinte de 15 € par jour de retard et par type de document passé ce délai tout en se réservant le droit de la liquider,
- ordonné l'exécution provisoire,
- intérêts légaux ,
- débouté la CEP IDF de sa demande reconventionnelle,
- condamné la CEP IDF à payer à chacun des salariés 500 € et 1.500 au syndicat en application de l'article 700 du Code de procédure civile ,
- condamné la CEP IDF aux entiers dépens y compris les frais d'exécution éventuels.
La Caisse d'Epargne a relevé appel principal de cette décision.
Par conclusions écrites déposées au Greffe reprises oralement à l'audience la Caisse d'Epargne a demandé l'infirmation du jugement déféré et le débouté de Monsieur X... y compris celle résultant de sa demande nouvelle en réparation de la discrimination syndicale qu'il prétend avoir subie.
En réplique Monsieur Yves X... a fait conclure par écrit et soutenir oralement à l'audience la confirmation du jugement déféré,
Y ajoutant toutefois il a demandé de :
Sur la prime familiale et le supplément de prime de vacances :
- condamner la Caisse à verser à Monsieur X... :
- 1.289,39 € Bruts au titre de l'incorporation de la prime familiale à son contrat de travail pour la période allant de septembre 2008 à décembre 2009 ainsi que 128,93 € Bruts au titre des congés payés afférents,
- 344,66 € Bruts au titre de l'incorporation de la majoration de prime de vacances à son contrat de travail pour la période allant de septembre 2008 à décembre 2009 ainsi que 34,46 € Bruts au titre des congés payés afférents,
Sur la discrimination syndicale :
- dire et juger que Monsieur X... subit un traitement discriminatoire dans son déroulement de carrière,
En conséquence ,
A titre principal, avant dire droit :
- désigner un expert avec pour mission de déterminer le préjudice subi par Monsieur X... et à ce titre :
- dresser la liste des salariés ayant été diplômé en mai 2001 de la formation à l'ESSEC- parcours plate forme professionnelle,
- établir une courbe de l'évolution en termes de classification et de rémunération (en excluant les primes familiales et de durée d'expérience et la prime de vacances) de chacun de ces salariés et une courbe de la moyenne,
- comparer l'évolution de la courbe de Monsieur X... avec celle des autres salariés,
- fournir les éléments permettant de déterminer le préjudice subi par Monsieur X...,
- faire toutes recherches et constatations techniques et de fait permettant à la cour d'apporter une solution au litige,
- mettre à la charge de la Caisse d'Epargne Ile de France les frais d'expertise,
Subsidiairement :
- ordonner à la Caisse d'Epargne :
- de classer Monsieur X... à la classe CM6 et un poste correspondant à cette classification,
- de faire bénéficier à Monsieur X... de toute formation nécessaire pour l'adapter à son nouveau poste,
- fixer le salaire Brut mensuel de Monsieur X... à 3.566,92 € Bruts,
- condamner la Caisse d'Epargne à verser à Monsieur X... la somme de 56.776 € Bruts à titre de rappels de salaires, et de 5.677,60 € Bruts au titre des congés payés y afférents pour la période de mai 2005 à décembre 2010,
- condamner la Caisse d'Epargne Ile de France à lui verser 29.099 € à titre de dommages-intérêts en réparation préjudice du fait de la discrimination syndicale,
- condamner la Caisse d'Epargne à verser au syndicat CFDT Banques des Yvelines la somme de 5.000 € au titre de dommages-intérêts en application des articles L.1132-1 et L 2141-5 du Code du travail,
- condamner la Caisse d'Epargne à verser à chacun des salariés et au syndicat CFDT la somme de 2.000 € chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile ,
- condamner la Caisse d'Epargne Ile de France aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur les primes liées à l'accord de 1985 :
Considérant que l'article 16 de l'accord du 19 décembre 1985 prévoit l'attribution d'une prime familiale à tout chef de famille, même sans enfant, qu'il ne peut donc être soutenu que la notion de chef de famille telle qu'employée, renverrait à la notion d'enfant à charge ;
Que par ailleurs force est de constater que dans certains articles de l'accord en cause, les partenaires sociaux ont utilisé expressément les termes "enfant à charge", ce qu'ils n'ont pas fait en ce qui concerne l'article 16 ;
Considérant que l'article 18 dudit accord stipule que la prime de vacances est versée à chaque salarié et qu'elle est majorée de 25 % au moins par enfant à charge, que contrairement à ce que soutient la Caisse d'Epargne cette prime est versée au salarié et on au chef de famille ou à l'un des membres de la famille ; qu'en effet la Caisse d'Epargne n'a pas rapporté la preuve que l'intention des parties a été différente de celle résultant d'une stricte lecture du texte en cause ;
Que dès lors il y a lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'égard de Monsieur Yves X... ;
Considérant qu'il est constant que les salariés à compter du mois de novembre 2002, fin de la période de survie de l'accord de 1985 à la suite de sa dénonciation, ont vu incorporer à leur contrat de travail la prime familiale et la prime de vacances ;
Que toutefois ces derniers ne justifient pas de sommes complémentaires demandée en appel ; qu'ils seront ainsi déboutés de leur appel incident de ce chef ;
2) Sur la discrimination syndicale :
Considérant qu'il résulte des pièces versées au débat que Monsieur X... est adhérent de la CFDT depuis 1982, qu'il a exercé différents mandats en qualité de délégué du personnel, membre du Comité d'entreprise, puis du CHSCT. Il a été également élu au COS de la Caisse d'Epargne d'Ile de France à compter de 1992 jusqu'en 2008 ;
Que Monsieur Yves X... prétend avoir été discriminé dans son évolution de carrière en raison de son engagement syndical ;
Considérant que la discrimination syndicale est expressément interdite par l'article 1132-2 du Code du travail ;
Qu'en cas de litige il appartient au salarié qui se prétend victime de tels agissements de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination, l'employeur devant de son côté rapporter la preuve que la situation évoquée par le salarié est justifié par des éléments objectifs étranger à toute discrimination ;
Que la charge de la preuve est ainsi répartie entre les deux parties en cause ;
Considérant que dans le cas présent Monsieur Yves X... a prétendu avoir fait l'objet d'une différence de traitement dans son évolution de carrière alors qu'il avait fait une formation à l'ESSEC pour postuler à un emploi de cadre ;
Que pour autant il a prétendu n'avoir fait l'objet l'objet d'aucune évolution en termes de promotion ou de salaire ; qu'il a produit des exemples concrets à l'appui de sa prétention ;
Qu'il appartient donc à la Caisse d'Epargne de justifier la situation exposée par le salarié et à la Cour de former sa conviction sur la base des documents contradictoirement débattus après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction utile ;
Considérant qu'il y a lieu d'observer tout d'abord que l'objectif de la formation suivie de l'ESSEC en 2000 n'était pas un passage automatique au statut cadre, mais "d'obtenir une expertise permettant de postuler à un emploi de cadre" ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par le salarié ;
Considérant ensuite qu'il est établi que la classification des agents ayant suivi cette formation n'a pas augmenté de façon automatique à l'issue de celle-ci ;
Qu'en effet sur 51 salariés qui ont suivi la même formation que Monsieur X..., sur les 21 qui étaient classés TM4 comme lui aucun n'a été promu en 2002 et 2003, que c'est seulement en 2004 que quatre salariés devaient changer de classification sans que soit démontré une quelconque anomalie dans ses nominations régulières au regard de la situation professionnelle de Monsieur X... ;
Considérant qu'il est établi par ailleurs que 275 salariés sur 494, soit 55,66 % recrutés à la même époque que Monsieur X... et au même niveau ont une classification inférieure ou égale à la sienne ;
Considérant que les pièces produites au débat ne permettent pas d'établir une quelconque discrimination dans le choix des nominations à des postes pour lesquels sa candidature n'a pas été retenue notamment sur les emplois de responsable de formation et responsable d'études en 2008, étant constaté que le service de formation était centralisé à PARIS alors que Monsieur X... a toujours souhaité resté à SAINT QUENTIN ;
Considérant qu'au vu des éléments de faits objectifs produits la discrimination prétendue n'est pas établie ;
Qu'il n'y a pas lieu à désignation d'expert ;
Que Monsieur Yves X... sera en conséquence débouté de ses demandes de ce chef ;
Considérant que les syndicats professionnels sont en droit de demander l'exécution régulière d'une convention ou d'un accord collectif de travail en raison du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession;
Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef ;
Que le jugement sera confirmé en ses autres dispositions pour adoption de ses motifs pertinents ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié la totalité des frais qu'il a dû exposer en cause d'appel ;
Qu'il y lieu d'allouer à ce titre 500 € à Monsieur X... et 1.000 € à la CFDT ;
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Reçoit l'appel principal de la Caisse d'Epargne d'Ile de France ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Déboute Monsieur Yves X... du surplus de ses demandes ;
Y ajoutant ;
Condamne la Caisse d'Epargne d'Ile de France à verser à Monsieur X... et au syndicat CFDT des personnels des banques et sociétés financières des Yvelines 500 € chacun ;
Condamne la Caisse d'Epargne d'Ile de France aux dépens ;
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
et signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, et par Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,