COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 29 JUIN 2011
R. G. No 10/ 04407
AFFAIRE :
TNT JET SERVICES
C/
Thierry Y...
X...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 27 Juin 2005 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTERRE
No RG : 03/ 01754
Copies exécutoires délivrées à :
Me Bruno DEGUERRY
la SELARL OX
Copies certifiées conformes délivrées à :
TNT JET SERVICES
Thierry Y...
X...
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
TNT JET SERVICES
45 avenue Leclerc
69007 LYON 07
représentée par Me Bruno DEGUERRY, avocat au barreau de LYON
APPELANTE
****************
Monsieur Thierry Y...
X...
...
91300 MASSY
représenté par la SELARL OX, avocats au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
M. Y...
X... a saisi le C. P. H de demandes tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre et condamner son employeur à lui verser diverses sommes à ce titre
DECISION DEFEREE :
Par jugement rendu le 27 juin 2005, le C. P. H de Nanterre (section Activités diverses) a : condamné la société TNT JET SERVICES à payer à M. M. Y...
X... diverses indemnités au titre de la rupture abusive de son contrat de travail, en particulier la somme de 6. 500 € au titre des dommages-intérêts pour rupture abusive avec intérêts à compter du jugement, avec application de l'anatocisme et a condamné l'employeur aux dépens
PROCEDURE
La société TNT EXPRESS FRANCE a régulièrement interjeté appel du jugement déféré le 29 juillet 2005, l'appel portant sur la totalité de la décision (RG 05/ 03972).
M. Thierry Y...
X... a régulièrement interjeté appel du jugement déféré le 8 août 2005, l'appel portant sur la totalité de la décision (RG 05/ 03689).
Par courrier reçu au greffe le 2 février 2006, le conseil de M. Thierry Y...
X..., se référant à l'audience du 28 juin 2006 (audience rapporteur), a sollicité un renvoi en audience collégiale en visant les affaires RG 05/ 03972 et RG 05/ 03689.
Le 19 juin 2006, la société TNT EXPRESS FRANCE a communiqué ses pièces et ses écritures à la partie adverse en vue de l'audience du 7 septembre 2006 et a transmis ses conclusions en trois exemplaires à la cour, concernant sa procédure d'appel RG 05/ 03972.
A l'audience collégiale du 7 septembre 2006, le conseil de M. Thierry Y...
X... a sollicité le sursis à statuer au titre de sa procédure d'appel du fait du dépôt d'une plainte pénale, le conseil de la société ne s'opposant pas à un renvoi de sa propre procédure d'appel (courrier du 6 septembre 2006 adressé à la cour).
Chaque procédure d'appel a fait l'objet d'une ordonnance de retrait du rôle prononcée le 7 septembre 2006, chaque décision précisant que les parties ont demandé le renvoi de l'affaire, que l'affaire ne pourra être rétablie au rôle que sur la justification des diligences qui devront être accomplies :
- communication des pièces et conclusions à l'autre partie et dépôt des conclusions à la cour avec sa remise au rôle.
Ces ordonnances de radiation ont été notifiées le 23 janvier 2007.
Le conseil de M. Y...
X... a sollicité le rétablissement de l'affaire RG 05/ 03972 par courrier du 14 septembre 2010, réceptionné le 16 septembre suivant à la cour d'appel, aux fins de faire constater la péremption de l'instance, en précisant que la société TNT n'a accompli aucun acte, que la société TNT refuse de s'acquitter de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse visée au jugement et a joint ses pièces et ses conclusions.
Suite à la réinscription au rôle après radiation de la procédure d'appel de la société TNT JET SERVICES, les parties ont été convoquées pour l'audience du 22 mars 2011, procédure enregistrée sous le no RG 10/ 04407, mentionnant la société TNT JET SERVICES comme partie appelante et M. Y...
X... comme partie intimée.
La société TNT EXPRESS FRANCE a transmis ses conclusions le 21 mars 2011.
DEMANDES
Vu les conclusions écrites, visées par le greffe et soutenues oralement par la société TNT EXPRESS FRANCE, appelante, par lesquelles elle demande de :
- constater la péremption de l'instance
-débouter M. Y...
X... de ses demandes
-condamner M. Y...
X... au paiement d'une indemnité de procédure de 3. 000 € ainsi qu'aux entiers dépens
Vu les conclusions écrites, visées par le greffe et soutenues oralement par M. Y...
X..., intimé, aux termes desquelles il demande à la cour, de :
- constater la péremption de l'instance ouverte par assignation de M. Y...
X... du 27 juin 2003, depuis le 23 septembre 2009
- juger en conséquence que le jugement déféré est depuis lors, définitif
-condamner la société TNT EXPRESS FRANCE, à lui verser les sommes de 4. 500 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, au paiement d'une amende civile de 3. 000 €, outre une indemnité de 4. 200 € au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux entiers dépens
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la péremption d'instance
Considérant que M. Y...
X..., qui a sollicité auprès de la cour, la réinscription de l'affaire RG 05/ 03972 aux fins d'en faire constater la péremption, soutient que l'ordonnance de radiation du 7 septembre 2006 constituant sa pièce 4 (RG 05/ 03972 : partie appelante : la société TNT EXPRESS FRANCE venant aux droits de la société TNT JET SERVICES), a été notifiée le 23 janvier 2007 par le greffe, que deux ans plus tard, le 23 septembre 2009, aucune diligence n'a été effectuée depuis cette date par la société, appelante principale, que la péremption est donc acquise, que le jugement déféré est définitif depuis le 23 septembre 2009, la société restant devoir la somme de 6. 500 € augmentée des intérêts légaux à compter du 27 juin 2005 avec anatocisme à compter du 27 juin 2006, soit selon sa pièce 6, une somme globale de 7. 467, 51 € à la date du 21 avril 2010 ;
Considérant que la société TNT EXPRESS FRANCE qui oppose par voie d'exception la péremption, se prévaut de l'ordonnance de radiation du 7 septembre 2006 constituant sa pièce 8 (no RG 05/ 03689 partie appelante : M. Thierry Y...
X...) réplique que cette décision a été rendue à la demande expresse du salarié compte tenu de la plainte avec constitution de partie civile qu'il a déposée devant le juge d'instruction près le TGI de Pontoise, que le salarié a abandonné ses demandes au fond, que la péremption telle que visée par les articles 386 du CPC et R 1452-8 du code du travail était acquise au jour de la réinscription de l'affaire (pièce 9), c'est-à-dire concernant la procédure où la partie appelante est la société TNT EXPRESS FRANCE venant aux droits de la société TNT JET SERVICES (RG 05/ 03972) ;
Considérant qu'il résulte de l'article R 1452-8 du code du travail que l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du CPC les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ;
Que ce délai court, à défaut de délai imparti pour accomplir ces diligences, de la notification de la décision qui les ordonne ;
Qu'il appartient à la cour de rechercher, saisie d'une demande de péremption de l'instance, si plus de deux années se sont écoulées depuis la notification des décisions de radiation des procédures RG 05/ 03972 et RG 05/ 03689 subordonnant leur rétablissement à l'accomplissement de certaines diligences par l'une ou l'autre des parties ;
Considérant que chaque procédure d'appel a fait l'objet d'une ordonnance de retrait du rôle prononcée le 7 septembre 2006 au visa des articles 381 à 383 et 940 du CPC et R 516-3 du code du travail (devenu l'article R 1452-8), chaque décision précisant que l'affaire ne pourra être rétablie au rôle que sur la justification des diligences qui devront être accomplies :
- communication des pièces et conclusions à l'autre partie et dépôt des conclusions à la cour avec sa remise au rôle ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier détenu par la cour, que chaque ordonnance de radiation du 7 septembre 2006 relative à l'affaire RG 05/ 03689 (partie appelante : M. Thierry Y...
X...) et relative à l'affaire RG 05/ 03972 (partie appelante : la société TNT EXPRESS FRANCE venant aux droits de la société TNT JET SERVICES) a été notifiée à chacune des parties le 23 janvier 2007 ;
Considérant que l'accomplissement des diligences visées dans les ordonnances de radiation n'a été faite que par courrier du 14 septembre 2010, réceptionné le 16 septembre suivant à la cour d'appel par le conseil de M. Y...
X..., lequel a sollicité le rétablissement de l'affaire RG 05/ 03972 (mention en haut en gauche dans le courrier), c'est-à-dire, la procédure où la partie appelante est la société TNT EXPRESS FRANCE venant aux droits de la société TNT JET SERVICES ;
Que suite à la réinscription au rôle après radiation, les parties ont été convoquées pour l'audience du 22 mars 2011 dans l'affaire no RG 10/ 04407 mentionnant la société TNT JET SERVICES comme partie appelante et M. Y...
X... comme partie intimée, alors que la jonction des procédures d'appel : no RG 05/ 03689 (partie appelante : M. Thierry Y...
X...) et no RG 05/ 03972 (partie appelante : la société TNT EXPRESS FRANCE venant aux droits de la société TNT JET SERVICES) n'avait été ni sollicitée ni prononcée ;
Que la cour n'a pas été saisie de la réinscription au rôle après radiation, de la procédure RG 05/ 03689 (partie appelante : M. Thierry Y...
X...), qui en tout état de cause, encourt la péremption ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer la jonction des procédures d'appel enregistrées sous les no RG : 05/ 03972 et RG 05/ 03689 ;
Considérant que la péremption telle que visée par les articles 386 du CPC et R 1452-8 du code du travail était acquise au jour de la réinscription de l'affaire le 16 septembre 2010 par le conseil de M. Y...
X..., en l'absence de diligence procédurale, telle que visée par l'ordonnance de radiation, accomplie dans le délai de 2 ans à compter du 23 janvier 2007 par l'une ou l'autre des parties ;
Que la société appelante n'a pas réintroduit son instance d'appel dans les délais impartis par l'ordonnance de radiation ;
Considérant que la société qui invoque la péremption par voie d'exception (article 387 alinéa 2 du CPC) demande à la cour de " constater la péremption d'instance " et de débouter le salarié de ses demandes, alors que le salarié demande à la cour de " constater la péremption de l'instance ouverte par assignation de M. Y...
X... du 27 juin 2003, depuis le 23 septembre 2009 et de juger en conséquence que le jugement déféré est depuis lors, définitif " ;
Mais considérant que la péremption encourue ne peut concerner la procédure de première instance, l'ordonnance de retrait du rôle du 7 septembre 2006 étant relative à la procédure d'appel ;
Considérant que la péremption de l'instance d'appel est régie par l'article 390 du CPC qui dispose que : " La péremption en cause d'appel ou d'opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s'il n'a pas été notifié " ;
Qu'en conséquence, le jugement déféré condamnant la société TNT JET SERVICES à payer à M. Y...
X... diverses indemnités au titre de la rupture abusive de son contrat de travail, en particulier la somme de 6. 500 € au titre des dommages-intérêts pour rupture abusive avec intérêts à compter du jugement, avec application de l'anatocisme, outre les dépens, a force de chose jugée, c'est-à-dire, que les délais des voies de recours ordinaires sont expirés ou que celles-ci ont été employées ;
Considérant que le salarié est donc en mesure de se prévaloir du jugement déféré qui est définitif et d'obtenir le reliquat de son indemnité liée à la rupture abusive de son contrat de travail, fixée par la juridiction prud'homale ;
- Sur les demandes indemnitaires de M. Y...
X... au titre de l'amende civile et des dommages-intérêts
Considérant que l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus de droit que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ;
Que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute ;
Considérant que M. Y...
X... soutient que la société appelante a fait preuve de résistance abusive en interjetant appel sans effectuer le moindre acte, en refusant d'acquitter les sommes dues depuis 2005, que cet appel principal est dilatoire ou abusif au sens de l'article 559 du CPC ;
Considérant que la société TNT EXPRESS FRANCE réplique que son appel n'est pas dilatoire, du fait que le salarié a également interjeté appel 10 jours après elle, qu'aucune faute ne saurait lui être imputée, qu'elle a communiqué ses pièces et ses écritures le 19 juin 2006, que le retrait du rôle (sa pièce 7 visant le RG no 05/ 03972 : partie appelante : la société TNT EXPRESS FRANCE venant aux droits de la société TNT JET SERVICES), n'est intervenu que sur la demande expresse du salarié de sursis à statuer, que son refus d'exécuter les condamnations non revêtues de l'exécution provisoire était parfaitement légitime par application de l'article 387 du CPC (courrier du 12 mai 2010 adressé à la partie adverse constituant la pièce 8 du salarié) et compte tenu que le jugement déféré n'avait pas autorité de la chose jugée du fait que l'appel était pendant ;
Considérant que la société appelante n'a pas réintroduit son instance d'appel, radiée le 7 septembre 2006, en temps et en heure, subissant ainsi les conséquences de la péremption de l'instance d'appel ;
Que toutefois, la péremption d'appel devant être judiciairement constatée à la demande de l'une des parties par application de l'article 387 du CPC, le refus par la société de s'acquitter des sommes dues jusqu'à ce jour, ne peut être considéré comme abusif ;
Que de même, son appel principal ne peut être jugé comme dilatoire ou abusif au sens de l'article 559 du CPC, dès lors que la société avait conclu le 19 juin 2006 à l'infirmation du jugement déféré et au rejet des demandes du salarié ;
Qu'en l'absence de faits de nature à faire dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice, M. Y...
X... sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- Sur l'article 700 du CPC
Considérant qu'il sera alloué au salarié une indemnité de procédure et l'employeur sera débouté de ce chef de demande ;
- Sur les frais de l'instance périmée
Considérant que selon l'article 393 du CPC, les frais de l'instance périmée sont supportés par celui qui a introduit cette instance ;
Considérant que par voie de conséquence, la société appelante devra supporter les frais de l'instance périmée ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement
Vu les articles 386 et suivants du code de procédure civile et l'article R 1452-8 du code du travail
Constate la péremption de l'instance d'appel, résultant de l'appel interjeté le 29 juillet 2005, par la société TNT EXPRESS FRANCE venant aux droits de la société TNT JET SERVICES
Dit que la péremption de l'instance d'appel confère au jugement du 27 juin 2005 la force de la chose jugée
Condamne la société TNT EXPRESS FRANCE venant aux droits de la société TNT JET SERVICES à verser à M. Thierry Y...
X... la somme de 4. 000 € au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Rejette toute autre demande.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER Le PRESIDENT,