COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 08 JUIN 2011
R. G. No 10/ 01416
AFFAIRE :
Lakhdar X...
C/
EPIC S. N. C. F
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 20 Janvier 2010 par le Conseil de prud'hommes-Formation de départage de MONTMORENCY
Section : Activités diverses
No RG : 09/ 00008
Copies exécutoires délivrées à :
Me Joseph SOUDRI
Me Pascal PIBAULT
Copies certifiées conformes délivrées à :
Lakhdar X...
EPIC S. N. C. F
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT JUIN DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Lakhdar X...
...
95600 EAUBONNE
représenté par Me Joseph SOUDRI, avocat au barreau de VAL D'OISE
APPELANT
****************
EPIC S. N. C. F
34 Rue du Commandant Mouchotte
75699 PARIS
représentée par Me Pascal PIBAULT, avocat au barreau de VAL D'OISE
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle OLLAT, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
M. X... a été engagé par la SNCF en qualité d'agent commercial suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 27 juillet 2006 prenant fin le 3 août 2006 ; trois autres contrats de travail à durée déterminée ont été conclus par la suite, le dernier ayant été signé le 26 décembre 2006 sans terme précis, pour une durée minimale du 26 décembre 2006 au 25 février 2007 pour remplacer un salarié en congé parental d'éducation.
Le contrat de travail a pris fin le 21 décembre 2008, la salariée remplacée reprenant le travail le 22décembre suivant.
Estimant que l'employeur avait eu recours aux contrats de travail à durée déterminée dans des conditions irrégulières et que la rupture devait s'analyser en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de MONTMORENCY le 6 janvier 2009 d'une demande dirigée à l'encontre de la SNCF tendant à la voir condamner au paiement de diverses sommes.
Par jugement en date du 20 janvier 2010, le conseil de prud'hommes de MONTMORENCY, sous la présidence du juge départiteur, a débouté M. X... de ses demandes, a débouté la SNCF de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. X... aux dépens.
M. X... a régulièrement interjeté de la décision.
Vu les conclusions datées du 17 mai 2011 reprises oralement tendant à l'infirmation du jugement, à la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, à sa réintégration et à titre subsidiaire la condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes :
* 28 800 € à titre d'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
* 298, 34 € à titre d'indemnité de licenciement,
* 2496, 04 € à titre d'indemnité de préavis,
* 249, 60 € au titre des congés payés afférents au préavis,
* 3000 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
et la remise sous astreinte de 50 € par jour de retard des documents de fin de contrat.
Au soutien de son recours, il fait essentiellement valoir que :
- la SNCF a violé les dispositions applicables au contrat de travail à durée déterminée en renouvelant à deux reprises le contrat motivé par le remplacement de Mme Z..., en ne régularisant pas d'avenant,
- M. X... a occupé un emploi de réserve, lequel a pour vocation de remplacer les absents en poste fixe et les emplois stables ; que l'accord de branche du 5 mars 2007 interdit l'utilisation des contrats de travail à durée déterminée pour les emplois de service,
- il n'a jamais été informé de la fin de son contrat de travail à durée déterminée.
Vu les conclusions de la SNCF datées du 17 mai 2011 développées oralement par lesquelles elle conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. X... au paiement de la somme de 3000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle rappelle que :
- en cas de remplacement d'un salarié absent, le contrat de travail peut être sans terme précis ; il a alors pour terme la fin de l'absence de la personne remplacée ; il est possible dans ce cas de conclure plusieurs contrats de travail à durée déterminée sans limitation de durée
-M. X... a été informé le 10 décembre 2008 du retour de Mme A..., la salariée remplacée, le 22 décembre 2008, et en conséquence de la fin de son contrat au 21 décembre 2008 ; il est revenu travailler le 24 décembre 2008 pour faire croire à la poursuite de la relation contractuelle au delà du terme,
- le salarié n'a jamais été affecté à un emploi de réserve pendant la durée de la relation contractuelle.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 17 mai 2011.
SUR CE :
Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée :
Considérant qu'il résulte des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du Code du travail que le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'il ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas suivants :
- le remplacement d'un salarié en cas d'absence, de suspension du contrat...,
- l'accroissement temporaire de l'activité,
- les emplois à caractère saisonnier,
- le remplacement d'un chef d'entreprise ou d'exploitation agricole,
Considérant que M. X... a été engagé dans les conditions suivantes :
- contrat de travail à durée déterminée conclu le 27 juillet 2006 jusqu'au 3 août 2006 pour remplacer Mme Z..., absente pour maladie,
- contrat de travail à durée déterminée du 4 août 2006 jusqu'au 23 novembre 2006 pour remplacer Mme Z... en congé de maternité,
- contrat de travail à durée déterminée du 24 novembre 2006 jusqu'au 25 décembre 2006 pour remplacer Mme Z..., absente pour maladie,
- contrat de travail à durée déterminée du 26 décembre 2006, sans terme précis, pour une durée minimale du 26 décembre 2006 au 25 février 2007 pour remplacer Mme A... en congé parental d'éducation,
Que M. X... soutient que les contrats sont affectés des irrégularités suivantes :
- renouvellement à deux reprises du contrat pour remplacer Mme Z... alors que le contrat ne peut être renouvelé qu'une fois conformément aux dispositions de l'article L. 1243-13 du code du travail,
- absence de régularisation d'un avenant,
- l'emploi de service qu'il occupait ne pouvait donner lieu à un contrat de travail à durée déterminée,
- le dernier contrat s'est poursuivi au delà du terme.
Considérant suivant les dispositions de l'article L. 1244-1 du code du travail que plusieurs contrats de travail successifs peuvent être conclus avec le même salarié lorsqu'ils ont pour objet le remplacement d'un salarié absent ; que les contrats conclus entre les parties ayant pour objet le remplacement de Mme Z... absente, sont donc réguliers ; qu'il importe peu que la durée totale de ces contrats excède dix-huit mois ;
Considérant en revanche qu'aux termes de l'accord collectif d'établissement sur la gestion des contrats de travail à durée déterminée conclu au mois de mars 2007, l'établissement d'exploitation Nord Ile de France s'interdit l'emploi des CDD dans des emplois de réserve ; que les bulletins de paie délivrés à M. X... pendant toute la durée de la relation contractuelle portent la mention suivante " indemnité utilisation réserve eex ", ce qui signifie qu'il occupe un emploi de réserve ; que cette notion de réserve est distincte de celle " d'emploi réservé " invoquée par la SNCF et qui est sans rapport avec le cas d'espèce ; que le recours au contrat de travail à durée indéterminé en contravention avec les dispositions de l'accord de branche justifie qu'il soit fait droit à la demande de requalification en un contrat de travail à durée indéterminée à compter à compter du 27 juillet 2006 ; que la rupture de ce contrat de travail le 21 décembre 2008 s'analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; qu'il s'en suit que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions et la SNCF condamnée à payer à M. X... les sommes suivantes, la réintégration n'étant pas de droit, :
* 298, 34 € à titre d'indemnité de licenciement,
* 2496, 04 € à titre d'indemnité de préavis,
* 249, 60 € au titre des congés payés afférents au préavis,
* 8000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le surplus de la demande doit être rejetée comme non fondée ;
Sur la remise des documents :
Considérant qu'il convient de faire droit à cette demande de M. X... dans les conditions prévues au dispositif du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte ;
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que l'équité commande de faire application de cette disposition au profit de M. X... et de rejeter la demande formée de ce chef par la SNCF ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement par ARRÊT CONTRADICTOIRE,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de MONTMORENCY le 20 janvier 2010 ?
Et statuant à nouveau,
REQUALIFIE la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 juillet 2006,
DIT que la rupture s'analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE M. X... de sa demande de réintégration,
CONDAMNE la SNCF à lui payer les sommes suivantes :
* 298, 34 € à titre d'indemnité de licenciement,
* 2496, 04 € à titre d'indemnité de préavis,
* 249, 60 € au titre des congés payés afférents au préavis,
avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2009,
* 8000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,
ORDONNE à la SNCF de remettre à M. X... un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt,
DIT n'y avoir lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte,
DÉBOUTE M. X... du surplus de ses prétentions,
CONDAMNE la SNCF au paiement de la somme de 2800 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SNCF de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SNCF aux dépens afférents aux procédures de première instance et d'appel.
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur DERRIEN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,