COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 01 JUIN 2011
R.G. No 10/01904
AFFAIRE :
Ingrid X...
C/
E.U.R.L. L'IMMOBILIERE CONCORDE GESTION
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY
Section : Activités diverses
No RG : 09/00057
Copies exécutoires délivrées à :
Me Françoise CHAROUX
Me Amélie BEHR
Copies certifiées conformes délivrées à :
Ingrid X...
E.U.R.L. L'IMMOBILIERE CONCORDE GESTION
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE UN JUIN DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Ingrid X...
née le 13 Avril 1973 à RUEIL MALMAISON (92853)
...
95600 EAUBONNE
représentée par Me Françoise CHAROUX, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
E.U.R.L. L'IMMOBILIERE CONCORDE GESTION
213 Avenue Pasteur
78630 ORGEVAL
représentée par Me Amélie BEHR, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle OLLAT, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
Mme Ingrid X... a été engagée par la société L'IMMOBILIERE dans le cadre d'un contrat de qualification à compter du 11 octobre 1999 ; le 1er août 2001, elle a été engagée par cette société en qualité d'employée de gestion et de négociatrice en location, statut agent de maîtrise, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
La société ICG a été constituée au mois de décembre 2002 afin de développer l'activité de gestion locative du portefeuille de mandats appartenant à la société L'IMMOBILIERE et Mme X... a été engagée par cette société en qualité d'employée de gestion , statut agent de maîtrise et reprise de son ancienneté suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 janvier 2003 à raison de 29,5 heures , les 7 autres heures de travail étant consacrées à la société L'IMMOBILIERE pour son activité de négociatrice et de responsable des activités de location.
A compter du 1er août 2008, la société ICG a repris la totalité du contrat de travail de Mme X....
Après convocation du 26 décembre 2008 à un entretien préalable fixé initialement au 7 janvier 2009 reporté au 12 janvier suivant, elle a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée en date du 21 janvier 2009 ainsi motivée: " En effet, comme vous le savez, la société a perdu un important contrat ( cinq mandats) représentant plus de 50% de l'activité de notre secteur gestion locative et près du tiers de notre chiffre d'affaires total. La réduction d'activité qui en résulte affecte fortement notre exploitation et ne nous permet plus de financer l'ensemble de nos charges d'exploitation, ce qui nous contraint à restructurer notre entreprise. En effet, les efforts entrepris depuis plusieurs mois pour rechercher de nouveaux contrats n'ont pas porté les fruits escomptés. Nous ne sommes donc pas en mesure d'envisager un redressement rapide de notre activité. C'est la raison pour laquelle, parmi les mesures de restructuration mises en oeuvre, nous avons résolu de réduire notre effectif salarié et notamment de supprimer votre poste de travail. En outre, aucune solution de reclassement n'a été trouvée afin de sauvegarder votre emploi, en référence avec vos compétences et votre expérience professionnelle. Par conséquent, nous nous trouvons dans l'obligation de vous notifier cette mesure pour les motifs ci-dessus exposés. Nous vous rappelons que vous pouvez éventuellement bénéficier des mesures d'évaluation des compétences et d'accompagnement en vue de votre reclassement qui vous ont été présentées lors de l'entretien préalable..."
Au dernier état de la relation contractuelle, elle percevait une rémunération mensuelle brute de 3098,75 € en ce compris les primes, commissions et intéressement.
Contestant la mesure de licenciement, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy le 16 février 2009 d'une demande dirigée à l'encontre de la société ICG tendant à la voir condamner au paiement de diverses sommes.
Par jugement en date du 23 février 2010 , le conseil de prud'hommes de Poissy a débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.
Mme X... a régulièrement interjeté de la décision.
Vu les conclusions datées du 4 mai 2011 reprises oralement tendant à l'infirmation du jugement et à la condamnation de la société à lui payer la somme de 92 962,45 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et la somme de 5000 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son recours, elle fait essentiellement valoir que:
- des montages ont été successivement mis en place par M.MAHAUT et M.RINGUIERE qui concernent les sociétés L'IMMOBILIERE, L'IMMOBILIERE CONCORDE, LA GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER , GESTION ET VIAGER et la SCI DU 2 PLACE DU GENERAL DE GAULLE , lesquelles fonctionnent selon le principe des vases communicants ,
- les difficultés économiques ne sont pas prouvées,
- l'employeur n'a pas respecté l'obligation de reclassement qui pèse sur lui.
Vu les conclusions de la société ICG datées du 4 mai 2011 soutenues oralement tendant à la confirmation du jugement et à la condamnation de Mme X... au paiement de la somme de 2000 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Après avoir rappelé les motifs qui ont présidé au transfert du portefeuille de gestion locative de la société L'IMMOBILIERE vers la société ICG au cours de l'année 2007, elle explique que l'exploitation de ce nouveau portefeuille a entraîné un accroissement de son chiffre d'affaires mais également un alourdissement de ses charges d'exploitation, notamment les comptes salaires et charges sociales et celui des redevances de location gérance ; que l'accroissement du chiffre d'affaires ne suffisant pas à couvrir les charges d'exploitation, des difficultés de trésorerie sont apparues la contraignant à solliciter des délais de paiement pour le règlement des cotisations retraite et Urssaf ; qu'à ces difficultés s'est ajoutée la perte de cinq mandats de gestion entraînant la perte de 35% de produits d'exploitation , cette situation rendant nécessaire une restructuration.
Elle ajoute qu'aucun poste n'était disponible au sein de la société ICG pour reclasser la salariée ni au sein de la société L'IMMOBILIERE qui rencontrait également des difficultés financières.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 4 mai 2011.
SUR CE :
Sur le licenciement :
Considérant qu'en application de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou à une cessation d'activité ;
Considérant que pour que la réorganisation d'une entreprise soit une cause légitime de licenciement économique, elle doit être justifiée, soit par des difficultés économiques ou des mutations technologiques, soit par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;
Considérant au cas présent que la lettre de licenciement fait référence à la perte de cinq mandats représentant plus de 50% de l'activité du secteur gestion locative et près du tiers du chiffre d'affaires total de la société ; qu'il est précisé que la réduction d'activité qui en résulte affecte fortement l'exploitation et ne permet plus de financer l'ensemble des charges d'exploitation, ce qui la contrainte à restructurer l' entreprise ,
Considérant qu'il est établi et non contesté que le groupe Allard a signifié à la société ICG le 6 septembre 2008 la résiliation de cinq mandats de gestion de locaux commerciaux et d'habitation à effet au 1er janvier 2009 ; que la société ICG rapporte la preuve par la production des documents comptables que la perte de ces cinq mandats a eu une incidence sur la situation économique de l'entreprise qui a ainsi perdu plus du tiers de son chiffre d'affaires; que les difficultés économiques sont avérées et justifient la réorganisation entreprise;
Considérant cependant que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ; à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi de catégorie inférieure; que les offres de reclassement proposés doivent être précises et écrites,
Que les recherches de reclassement s'effectuent parmi l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer une permutation du personnel ,
Considérant que si la société ICG établit , par la production des registres uniques du personnel qu'il n'existait pas de possibilité de reclassement au sein des sociétés ICG et L'IMMOBILIERE, elle ne rapporte pas la preuve qu'elle a recherché des postes disponibles au sein de la SARL GESTION ET VIAGER et de la SCI du 2 AVENUE DU GENERAL DE GAULLE alors qu'une permutation du personnel était possible entre ces sociétés ; que faute par l'employeur d'avoir fait un effort réel de reclassement, il convient de dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris;
Sur l'indemnisation:
Considérant que la demande d'indemnisation doit être examinée au visa des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail suivant lesquelles l'indemnité ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois;
Considérant que Mme X... réclame la somme de 92 962,45 € correspondant à deux ans et demi de salaire en insistant sur son ancienneté, la brutalité de la mesure de licenciement et les difficultés qu'elle a rencontrées pour retrouver un emploi;
Considérant que la cour dispose d'éléments suffisants pour dire que le préjudice sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 26 000 € ; que le surplus de la demande doit être rejetée faute d'être justifié par des éléments objectifs;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'appelante dans la mesure prévue au dispositif de l'arrêt; que cette même demande doit être rejetée en ce qu'elle émane de la société ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement par ARRÊT CONTRADICTOIRE,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Poissy le 23 février 2010 ,
Et statuant à nouveau,
DIT le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société ICG à payer à Mme X... la somme de 26 000 € à titre de dommages-intérêts,
DÉBOUTE Mme X... du surplus de ses prétentions,
CONDAMNE la société ICG à payer à Mme X... la somme de 3000 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la totalité de la procédure,
DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société ICG,
CONDAMNE la société ICG aux dépens afférents aux procédures de première instance et d'appel.
Arrêt- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,