La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2011 | FRANCE | N°09/09660

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 26 mai 2011, 09/09660


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 35Z



1ère chambre

1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 MAI 2011



R.G. N° 09/09660



AFFAIRE :



S.C.I. [Adresse 11]



C/



[J] [Y] [H]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 1

N° Section :

N° RG : 05/8776



E

xpéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



- SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER



- Me Jean-pierre BINOCHE



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT SIX MAI DEUX MILLE ONZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 35Z

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 MAI 2011

R.G. N° 09/09660

AFFAIRE :

S.C.I. [Adresse 11]

C/

[J] [Y] [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 1

N° Section :

N° RG : 05/8776

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER

- Me Jean-pierre BINOCHE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SIX MAI DEUX MILLE ONZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.C.I. [Adresse 11]

société civile immobilière inscrite au RCS de VERSAILLES sous le numéro 400 815 874 ayant son siège [Adresse 8] agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

Monsieur [C] [F] [D]

né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 9] (63)

[Adresse 7]

représentés par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER - N° du dossier 20091381

Rep/assistant : Me Corinne ROUX (avocat au barreau de VERSAILLES)

APPELANTS

****************

Madame [J] [Y] [H]

née le [Date naissance 4] 1967 à [Localité 12] (78)

[Adresse 5]

représentée par Me Jean-pierre BINOCHE - N° du dossier 457/10

Rep/assistant : Me Marie-Françoise DEBON-LACROIX (avocat au barreau de PARIS)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Avril 2011, Madame Bernadette WALLON, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Bernadette WALLON, président,

Madame Evelyne LOUYS, conseiller,

Madame Dominique LONNE, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

M. [C] [D] et Mme [J] [H] se sont mariés le [Date mariage 6] 1994 sous le régime de la séparation de biens.

Le 18 avril 1995, ils ont constitué une SCI dénommée SCI [Adresse 11], immatriculée le 03 mai 1995, dont le capital social de 1.000 francs étant divisé en 500 parts de 2 francs chacune.

Mme [J] [H] , gérante statutaire, détenait 499 parts sociales et M.[D] une part.

Le 09 juin 1995, la SCI [Adresse 11] a acquis un immeuble sis [Adresse 8] et [Adresse 2] sis à [Localité 12] (78) et consistant en des locaux commerciaux.

Cette acquisition a été financée par un prêt de 650.000 francs ( soit 99.081,86 €) de la banque La Henin, remboursable en 12 ans.

A la suite d'une requête initiale en divorce de M.[D] enregistrée le 8 novembre  2004, une ordonnance de conciliation du 11 février 2005 a notamment ordonné une expertise graphologique confiée à M.[O], Mme [H] ayant contesté avoir signé un acte de cession de ses parts au profit de M. [D], le 4 décembre 2001, ainsi qu'une expertise matrimoniale confiée à M.[P] [W] en vue de dresser un inventaire estimatif du patrimoine des époux et faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux.

M.[O] a formulé les conclusions suivantes :

'Les deux signatures originales apposées en lieu et place de la signature de Mme [J] [D] sur deux actes de cession de parts sociales de la SCI [Adresse 11] (documents datés du 04/12/2001) ont montré lors de l'analyse technique du présent dossier de nombreuses similitudes de formes et de conceptions graphiques avec sa signature authentique...

La qualité et la quantité de ces éléments communes aux signatures de question et de comparaison, associées à l'absence d'indice de falsification et aux remarques faites sur un dessin arrêté de la signature en un instant T, nous permettent de conclure que rien ne permet de dire que les signatures de question ne sont pas de la main de Madame [J] [D]'.

Le divorce des époux [H]-[D] a été prononcé le 25 janvier 2008.

La cession de parts du 04 décembre 2001 a été enregistrée à la recette fiscale de [Localité 10] le 17 novembre 2004 .Elle a fait l'objet d'un dépôt au greffe du tribunal de commerce de Versailles le 18 novembre 2004 en même temps qu'un procès-verbal d'assemblée générale de la SCI [Adresse 11] en date du 17 novembre 2004 qui a révoqué Mme [H] de sa fonction de gérante et transféré le siège social de la SCI au [Adresse 8].

Faisant valoir qu'elle avait en 2004 découvert qu'elle aurait cédé à M.[D] par un acte sous seing privé du 4 décembre 2001 ses 499 parts sociales pour leur valeur nominale de 2 francs chacune avec une rétroactivité à la date de la constitution de la SCI [Adresse 11] en 1995 et découvert également qu'aux termes d'une assemblée générale du 17 novembre 2004  dont elle n'avait pas été informée, elle avait été révoquée de sa fonction de gérante, Mme [H] a assigné, le 10 août 2005, M.[D] en contestant l'authenticité de l'acte de cession de parts sociales en date du 04 décembre 2001, enregistré le 17 novembre 2004 , et en sollicitant sa nullité ainsi que celle de l'assemblée générale du 17 novembre 2004 .

Elle sollicitait une vérification de la signature apposée sur l'acte de cession litigieux et la restitution par M.[D] de la somme de 66.192 € au titre des dividendes perçus pendant la période de 1995 à 2003.

Par jugement du 9 décembre 2009, le tribunal de grande instance de Versailles a :

- rejeté la demande de Mme [J] [H] en nouvelle vérification d'écriture,

- dit que Mme [J] [H] a signé l'acte de cession de parts de la SCI [Adresse 11] en date du 4 décembre 2001,

- prononcé l'annulation de la cession de parts de la SCI [Adresse 11] en date du 4 décembre 2001 pour vil prix,

- prononcé l'annulation de l'assemblée générale de la SCI [Adresse 11] du 17 novembre 2004, et tous les actes subséquents,

- ordonné une mesure d'expertise comptable afin de déterminer les dividendes dus par la SCI [Adresse 11] à Mme [J] [H], actionnaire majoritaire, et désigné à cette fin M. [R] [Z] avec mission de se faire communiquer par les parties tous documents qui permettront de déterminer les dividendes que chacun des associés aurait du percevoir depuis le 4 décembre 2001 de la part de la SCI [Adresse 11],

- ordonné l'exécution provisoire,

- sursis à statuer sur le surplus des demandes.

Appelants, la SCI [Adresse 11] et M. [C] [D], aux termes de leurs dernières conclusions en date du 28 mars 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens, demandent à la cour de :

à titre principal et in limine litis, déclarer Mme [J] [H] forclose en son action en nullité de l'acte de cession, dont les modalités et conditions avaient été définies le 1er avril 2000,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 9 décembre 2009 en ce qu'il dit que Mme [J] [H] a signé l'acte de cession de parts de la SCI [Adresse 11] en date du 4 décembre 2001,

- infirmer le surplus des dispositions de ce jugement,

statuant à nouveau, dire :

* que les parties ont clairement exprimé, à deux reprises, les 1er avril 2000 et 4 décembre 2001 leur volonté de fixer la valeur des parts à leur valeur nominale, soit à 2 francs la part,

* que les parties ont clairement exprimé leur volonté, à l'égard de l'administration fiscale, créancière des droits d'enregistrement calculés sur le prix fixé, de faire rétroagir la cession à 1995,

* qu'en fixant le prix à la date de la cession, soit 04 décembre 2001, le jugement dont appel a dénaturé la volonté claire et précise des parties à la cession,

* que la cession des parts sociales avait pour contrepartie non seulement le paiement du prix convenu mais également la prise en charge du passif social de la SCI [Adresse 11] par le seul M. [C] [D], et, de facto, la libération de tout risque de poursuite personnelle du fait de sa contribution aux dettes sociales pour Mme [J] [H], ainsi que la libération de ses obligations de gérante,

subsidiairement, dire que, compte tenu de l'endettement financier et l'insuffisance d'actif que présentait la SCI [Adresse 11] à la date du 4 décembre 2001, la fixation du prix de cession à la valeur nominale des parts cédées, n'était pas dérisoire,

- dire que Mme [J] [H], gérante de la société depuis sa constitution et fille de M. [A] [H] qui avait estimé l'état de l'actif immobilier et estimé partiellement son coût de rénovation, est infondée à invoquer plus de trois ans et demi après la conclusion de la cession, à la vileté de son prix,

- en conséquence, débouter Mme [J] [H] de sa demande en nullité de l'acte de cession des parts sociales qu'elle détenait dans le capital de la SCI [Adresse 11], conclue le 4 décembre 2001,

- la débouter de sa demande en nullité de l'assemblée générale du 17 novembre 2004,

- condamner Mme [J] [H] à verser à la SCI [Adresse 11] et à M. [C] [D] la somme de 5.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [J] [H] aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 31 mars 2011, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [J] [H] demande à la cour de :

- la déclarer recevable en ses demandes,

- dire que le prix des parts sociales doit s'apprécier au jour de la vente soit le 4 décembre 2001,

- constater que Mme [J] [H] était caution solidaire à l'égard de la banque, et qu'elle n'a pas été relevée de ce cautionnement après la cession de parts litigieuse,

- constater l'absence de contrepartie au prix dérisoire des parts sociales,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 9 décembre 2009 en ce qu'il a prononcé la nullité de la cession de parts sociales du 4 décembre 2001 pour vileté du prix, et en ce qu'il a prononcé la nullité de l'assemblée générale du 17 novembre 2004 et de tous les actes subséquents,

Subsidiairement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'acte de cession de parts est de la main de Mme [J] [H],

- donner acte à Mme [J] [H] de ce qu'elle conteste totalement l'authenticité de l'acte de cession de parts sociales daté du 4 décembre 2001, enregistré le 17 novembre 2004 à la recette des impôts à [Localité 10], et de ce qu'elle conteste avoir signé le procès verbal d'assemblée générale du 1er avril 2000,

- ordonner par application des articles 1324 du code civil et 287 à 295 du code de procédure civile qu'il soit procédé à la vérification de l'acte dont s'agit,

Très subsidiairement au cas où la vérification de l'acte ne serait pas ordonnée, constater :

- que M. [C] [D] ne justifie pas avoir remis à Mme [J] [H] un exemplaire de l'acte fallacieux,

- que l'acte litigieux mentionne n'être établi qu'en 4 exemplaires,

- que M. [C] [D] ne communique aucun exemplaire original de l'acte de cession de parts sociales,

- que la preuve de la cession litigieuse n'est pas rapportée

- l'inexistence de la cession de parts sociales datée du 4 décembre 2001 avec toutes conséquences de droit ,

En toutes hypothèses,

- dire nul et de nul effet pour prix vil l'acte de cession de parts sociales daté du 4 décembre 2001, enregistré le 17 novembre 2004 à la recette des impôts de [Localité 10],

- prononcer la nullité de la cession des 499 parts sociales entre M. [C] [D] et Mme [J] [H],

- prononcer la nullité de l'assemblée générale en date du 17 novembre 2004, et la nullité de toute assemblée générale subséquente,

- débouter la SCI [Adresse 11] et M. [C] [D] de leurs demandes,

- condamner M. [C] [D] à verser à Mme [J] [H] une somme de 5.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- le condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Binoche conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 mars 2011.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M.[D] soulève, sur le fondement de l'article 1304 du code civil, devant la cour, la prescription de l'action en nullité pour vileté du prix de Mme [H] au motif que plus de cinq ans se sont écoulés entre un procès-verbal d'assemblée générale du 1er avril 2000 et l'assignation du 10 août 2005 .Il prétend que ce procès-verbal démontre que Mme [H] a expressément consenti à cette date à la fixation du prix de cession de ses 499 parts sociales à leur valeur nominale.

Mais la vente consentie sans prix sérieux est affectée d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'un élément essentiel de ce contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun.

Mme [H] oppose donc à juste titre que, s'agissant d'une action pour vileté du prix introduite sous l'empire de l'ancien article 2262 du code civil, antérieur à la loi du 17 juin 2008 réformant les prescriptions, son action n'est en tout état de cause pas prescrite.

Sur le fond, il convient de rappeler que :

- l'appelant demande l'infirmation du jugement entrepris en ses dispositions autres que la disposition selon laquelle Mme [J] [H] a signé l'acte de cession du 4 décembre 2001,

- Mme [H] demande à titre principal la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la cession de parts sociales du 4 décembre 2001 pour vileté du prix et ce n'est qu'à titre subsidiaire « au cas où la cour estimerait que le prix des parts sociales n'est pas vil » qu'elle demande à la cour de juger qu'elle n'a pas signé l'acte de cession.

L'acte de cession de parts du 04 décembre 2001 contient un paragraphe 7 «Déclaration pour l'enregistrement », ainsi rédigé :

«Les droits de cession des parts sociales sont dus, exigibles lors de l'enregistrement de la présente cession .Les effets de la présente cession sont considérés être rétroactifs à la date de la création de la SCI [Adresse 11] soit le 03 mai 1995 et pour être en conformité avec les conditions de la banque La Henin annexées»

M.[D] se prévaut de cette rétroactivité pour soutenir :

- qu'il résulte de la résolution adoptée par l'assemblée générale de la SCI [Adresse 11] du 1er avril 2000 et des alinéas 2 et 3 de l'article 1er'de la convention du 4 décembre 2001 que les parties ont entendu fixer le prix en fonction de la situation de la SCI en 1995 et que le prix doit donc correspondre à la valeur nominale des parts soit 0,3040 €,

- que dans son offre préalable du prêt de 650.000 francs du 23 février 1995, la banque La Henin avait exigé que les statuts de la société fasse apparaître une répartition de capital prévue dans l'étude, à savoir M.[D] 99% des parts et Mme [D] 1%.

Mais l'acte de cession du 04 décembre 2001 stipule en son article 1 que 'Mme [D] [J] cède ...à M.[D] [C] qui accepte les parts sociales de 2 francs, numérotées de 1 à 499 dont elle est propriétaire.

M.[D] sera propriétaire des parts cédées et en aura la jouissance à compter de ce jour'.

La clause numéro 2 'prix' précise que la cession est consentie et acceptée moyennant le prix de 2 francs (0,3409 €)par part soit au total 998 francs (152,15 €) pour les 499 parts cédées, 'somme payée comptant par le cessionnaire au cédant qui lui en donne quittance'.

L'accord sur la chose et le prix a bien été fixé au jour de la cession soit le 04 décembre 2001, date à laquelle M.[D] est devenu propriétaire des parts.

En outre, il résulte des déclarations fiscales de la SCI [Adresse 11] entre 1995 et 2003 que pendant toute cette période il a toujours été indiqué que la répartition du capital social était de 499 parts sociales pour Mme [H] et une part pour M.[D], ce qui était donc contraire aux exigences alléguées de la banque La Henin.

M.[D] se prévaut également d'un procès-verbal d'assemblée générale de la SCI [Adresse 11] du 1er avril 2000 qu'il produit devant la cour, assemblée générale qui adopte une résolution sur le transfert du siège social de la SCI et 'agrée la cession au profit de [C] [D] de 499 parts'.

Ce procès-verbal entièrement dactylographié comporte toutefois une mention manuscrite, rajoutée après les signatures et suivie elle-même de deux signatures, mention indiquant, précisément sur le point litigieux essentiel qui oppose les parties, '499 parts rétroactivement à la création de la SCI, à la valeur nominale'.

Mme [H] conteste avoir écrit et signé ce procès-verbal.

En tout état de cause, l'article 10 des statuts prévoit que les parts sont librement cessibles entre associés en sorte que pour une cession entre les époux [D], déjà associés, il n'est pas démontré qu' un tel agrément était exigé.

A cet égard, la convention de cession de parts litigieuse du 4 décembre 2001 elle-même rappelle que 'conformément aux dispositions de l'article 10 des statuts, la procédure d'agrément du cessionnaire par les autres associés conjoints n'est pas nécessaire dans le cadre de la présente cession', ajoutant cependant ' Les associés agréent néanmoins la présente cession', en sorte que le procès-verbal du 1er avril 2000 n'était pas nécessaire au regard des statuts, ainsi que le fait justement valoir Mme [H].

En tout état de cause, ainsi que le relève exactement l'intimée, il résulte des termes de ce procès-verbal que les associés se sont réunis pour délibérer sur l'ordre du jour suivant :

'- changement du siège social

- cession de 499 parts au profit de [C] [D]'.

Le vote de la résolution, à savoir le transfert du siège social ( curieusement transféré à la même adresse )et le fait que la collectivité 'agrée la cession au profit de [C] [D] de 499 parts' correspond exactement à la résolution dactylographiée soumise aux associés, ce qui n'est pas le cas en ce qui concerne le contenu de la mention manuscrite ci-dessus rappelée.

Dans ces conditions, le procès-verbal du 1er avril 2000 a une portée limitée à un agrément, ainsi que le fait valoir l'intimée.

Au vu de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que pour rechercher le caractère dérisoire du prix il convenait de se placer à la date de la cession soit le 4 décembre 2001.

A cette date, la SCI [Adresse 11] était propriétaire, depuis un acte du 9 juin 1995, d'un immeuble sis [Adresse 8] et [Adresse 2] à [Localité 12] (78) consistant en locaux commerciaux donnés à bail respectivement :

* à la société Nicolas,

* à la société GT Immobilier dont M.[D] est le gérant , et qui exerce une activité d'agence immobilière sous l'enseigne Century 21 GTI,

* aux époux [B].

L'acte d'acquisition précise qu'à sa date les loyers annuels respectifs s'élèvaient à 31.600 francs, 41.880 francs et 16.800 francs, soit au total 90.280 francs ou 13.763,10 €, sous réserve des indexations contractuelles des loyers entre 1995 et 2001.

La SCI [Adresse 11] était également propriétaire, selon un acte du 22 novembre 2001, d'une place de stationnement située [Adresse 1], servant d'accessoire aux locaux commerciaux, acquise pour le prix de 1.524 €.

S'agissant de l' immeuble sis à [Localité 12] acquis pour 600.000 francs soit 91.469,41 €, dans sa déclaration sur l'honneur M.[D] lui avait lui-même attribué une valeur vénale de 150.000 € le 26 mai 2005 mais M.[W], expert financier, désigné par le juge aux affaires familiales le 11 février 2005, a conclu que cette estimation était sous-évaluée et proposait une valeur de 334.000€ (locaux libres) ou de 268.000 € après abattement de 20% (valeur 2004), cette évaluation incluant celle du parking acquis en 2001.

Au 4 décembre 2001, la valeur des biens immobiliers composant l'actif de la SCI [Adresse 11] était largement supérieure à leur valeur de 1995 et M.[D] n'est pas fondé à se référer uniquement à leur valeur au jour de l'acquisition (91.469,41 €).

Par ailleurs, il résulte du tableau d'amortissement du prêt consenti par la banque La Henin pour l'immeuble de l'[Adresse 8] qu'en décembre 2001 le capital restant dû s'élevait à 377.192,34 francs soit 57.502,60 €, cette somme incluant intérêts et primes d'assurances.

Si les échéances mensuelles s'élevaient selon le tableau d'amortissement initial de 1995 à 8.008,65 francs soit 1.220,91 €, en revanche, le tableau d'amortissement revu en 1998 par la Henin ne les fixe plus qu'à 7.040,15 francs soit 1.073,26 €.

Les déclarations fiscales annuelles de la SCI [Adresse 11] entre 1995 et 2003, versées aux débats, indiquent que la SCI percevait des revenus locatifs bruts suivants :

1996 : environ 107.000 francs

1998: 109.031 francs

1999 : 111.072 francs

2000 : 92.872 francs

2001 : 17.838 € soit 117.009,60 francs.

Sur toute cette période, contrairement à ce que soutient M.[D], hors les intérêts des emprunts, les charges consistaient essentiellement en frais de gérance et en primes d'assurances, sans qu'aucune déduction de charges n'y figure au titre de travaux de réparation, amélioration, entretien, travaux de toiture ou grosses réparations.

Pour justifier de ces travaux, M.[D] verse aux débats des photographies « avant «et «après», qui ne revêtent aucun caractère probant, rien ne permettant de justifier de l'état de l'immeuble concerné par le présent litige.

Il n'est produit qu'un devis en date du 05 décembre 1995 de l'entreprise [H] pour des travaux de réfection de la toiture de l'immeuble [Adresse 8] pour un montant de 138.700 francs hors taxes mais il ne s'agit que d'un devis dont il n'est pas justifié qu'il ait été accepté.

Il produit également une attestation de la société Acerp qui atteste en tant qu'expert- comptable que les travaux réalisés dans les locaux sis [Adresse 8] se sont élevés à un montant de 242.378 € hors taxes mais en 2006 et 2007, soit postérieurement à la cession litigieuse. En outre, la cour relève que la société Acerp est la locataire de la SCI [Adresse 11].

Enfin, s'agissant des travaux, les baux commerciaux n'étant pas produits, la cour est dans l'ignorance des dispositions contractuelles sur la charge des travaux d'entretien et des grosses réparations.

Les premiers juges ont pertinemment relevé qu' aucune pièce ne démontre qu'il convenait dès 2001 de faire des travaux de l'ampleur alléguée en raison d'une insalubrité des locaux.

En outre, M.[W], expert judiciaire désigné par le juge aux affaires familiales en 2005, a :

- indiqué qu'il existait au passif de la société GT Immobilier, locataire de la SCI [Adresse 11], un montant de loyers impayés dus à cette dernière qui s'élevait au 31 décembre 2004 à 51.187 € mais cette chute importante des loyers en raison du non paiement par la société GT immobilier n'a commencé qu' en 2002-2003,

- identifié une dette de la SCI [Adresse 11] à l'égard de M.[D] pour des avances antérieures à la cession de parts au titre seulement de frais de constitution de la société (13.068 €)et de paiement de la taxe foncière 1995 (257€),

- conclu à une valeur de la part de la SCI [Adresse 11] de 655,25 €.

Contrairement à ce que conclut M.[D], il n'est pas établi, au vu des pièces contradictoirement soumis à l'appréciation de la cour, qu'au 04 décembre 2001, date de la cession des 499 parts de Mme [H], il existait un passif social important de la SCI [Adresse 11] dont Mme [H] aurait été déchargée et qui aurait constitué une contrepartie substantielle du prix de cession des parts sociales.

M.[D] oppose également la fonction de gérante de Mme [H].

Mais s'agissant de la gestion réelle de la SCI [Adresse 11], il résulte des pièces versées aux débats que la signature de M.[D] figure sur des chèques tirés sur le compte de la SCI [Adresse 11] et que par une télécopie du 15 septembre 2004 à la BNP Mme [H] a demandé à la banque de supprimer le pouvoir de signature de M.[C] [D].

Il résulte également de pièces du dossier que la société GT Immobilier, par ailleurs elle-même locataire de la SCI [Adresse 11] dans l'immeuble sis [Adresse 8], et qui est exploitée par M.[D] sous l'enseigne Century 21 GTI, gérait cet immeuble ( congé donné par M.[D] en qualité de dirigeant de la société Century 21 à M.[S], locataire, délivrance d'un reçu de loyer à la société Nicolas).

La production d'extraits du grand livre comptable de la société Century 21 GTI démontre qu'y figurait un compte 41100009 au nom de la SCI [Adresse 11] sur lequel étaient encaissés les loyers dus à la SCI [Adresse 11], notamment pour les années 1999 à 2001 et c'est la société GTI -Century 21 qui adressait à la SCI [Adresse 11] le décompte des déclarations de revenus à opérer auprès de l'administration fiscale (courriers des 16 février 1999 et 3 février 2000).

Il y a lieu de rappeler que les déclarations fiscales de la SCI [Adresse 11] entre 1995 et 2003 indiquent que la répartition du capital social est de 499 parts sociales pour Mme [H] et une part pour M.[D].

Aux termes d'une assemblée générale du 17 novembre 2004 ,M.[D] en qualité d'associé unique a révoqué Mme [H] de sa fonction de gérante et est devenu gérant de la SCI à compter de cette date.

Or, aux termes du procès-verbal, il est indiqué que M.[D] est propriétaire des 500 parts sociales de la SCI, alors même que la cession des parts est antérieure de près de trois ans mais que son enregistrement à la recette de [Localité 10] est précisément intervenue également le 17 novembre 2004, l'enregistrement de l'acte de cession de parts étant déposé au greffe du tribunal de commerce de Versailles le 18 novembre 2004.

Cette assemblée générale du 17 novembre 2004 est intervenue alors que l'article 9 des statuts précise que la cession des parts sociales n'est opposable à la société qu'après avoir été signifiée à cette dernière ou acceptée par elle dans un acte authentique et que M.[D] n'a signifié la cession de parts du 4 décembre 2001 à la SCI [Adresse 11] que par acte d'huissier du 31 mai 2007.

En outre, si cette assemblée avait pour objet de révoquer la gérante , Mme [H], cela suppose qu'elle exerçait encore cette fonction jusqu'à cette assemblée.

Or, il n'est pas démontré que c'est elle qui a convoqué cette assemblée ni explicité par qui cette assemblée générale a pu être convoquée dans des conditions régulières.

En outre, l'annulation de la cession de parts du 4 décembre 2001 a pour conséquence que Mme [H] était toujours associée de la SCI.

Or, aucune pièce ne justifie que Mme [H] ait été convoquée ou informée de quelque manière que ce soit de la tenue de cette assemblée générale.

Le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

REJETTE le moyen de prescription,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

DIT qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont dû exposer en cause d'appel,

CONDAMNE M.[C] [D] aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Binoche, Avoué.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 09/09660
Date de la décision : 26/05/2011

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°09/09660 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-26;09.09660 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award