COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 25 MAI 2011
R. G. No 09/ 03544
AFFAIRE :
Anne A...
C/
FEDERATION ADMR DES YVELINES représentée par son président Mr Christian X... directeur
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 30 Juin 2009 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de POISSY
Section : Encadrement
No RG : 08/ 00340
Copies exécutoires délivrées à :
Me Fabrice VINCHANT
Me Philippe ROUSSELIN-JABOULAY
Copies certifiées conformes délivrées à :
Anne A...
FEDERATION ADMR DES YVELINES représentée par son président Mr Christian X... directeur
Madame Anne A...
née le 20 Octobre 1946 à CLERMONT (60600)
...
...
60600 CLERMONT
comparant en personne,
assistée de Me Fabrice VINCHANT, avocat au barreau d'ARRAS
APPELANTE
****************
FEDERATION ADMR DES YVELINES représentée par sa présidente Mr Christian X... directeur
Espace de la Mare au Loup
14 rue de Houdan
78610 LE PERRAY EN YVELINES
représentée par Me Philippe ROUSSELIN-JABOULAY, avocat au barreau de LYON
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 28 Mars 2011, en audience publique, devant la cour composé (e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANEMme A... a été engagée en qualité de responsable fédérale de la fédération ADMR Ile de France suivant lettre d'embauche du 24 juin 1986 à effet au 1er août suivant ; elle est devenue directrice de cette fédération à compter du 1er mai 1989.
Aux termes d'un avenant conclu le 2 janvier 2004, elle est devenue directeur d'entité directement rattachée au président fédéral de l'association ; il est prévu qu'en cas de licenciement, la salariée bénéficiera d'une indemnité de licenciement égale à trois ans de salaire ; le 2 août 2004, un nouvel avenant a été conclu afin de la promouvoir de la catégorie H à la catégorie I, indice 866 avec toutes les conséquences en matière de salaire.
Le 3 avril 2007, la Fédération ADMR des Yvelines lui a proposé une modification de son contrat de travail, compte tenu des difficultés économiques rencontrées et de l'impossibilité d'équilibrer le budget 2007, entraînant un classement en catégorie H et une diminution de salaire.
Elle a refusé cette modification de son contrat de travail le 2 mai 2007.
Après convocation du 14 mai 2007 à un entretien préalable fixé au 23 mai 2007, elle a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée en date du 13 juin 2007 ainsi motivée : "
Comme nous vous l'avons exposé, la Fédération ADMR des Yvelines est exposés situation économique précaire. Ainsi, le budget prévisionnel 2007 de la Fédération établi en début d'exercice a fait apparaître un déficit de 89 650 €. Sur la base du constat non opérationnel de ce budget et de son absence d'équilibre, le conseil d'administration m'a demandé d'engager une procédure de réorganisation de la fédération, dans l'objectif d'un rééquilibrage du budget, y compris par des mesures impactant les charges de personnel. Or, l'analyse du budget 2007 fait apparaître que le poste concernant votre rémunération représente, en tenant compte des charges sociales dues sur la rémunération, 29, 40 % du budget, ce qui n'est économiquement pas supportable par la Fédération. Je vous ai en conséquence proposé par courrier du 3 avril 2007 de réajuster votre statut et votre rémunération sur la base d'un classement en catégorie H qui correspond à l'accord de branche agréé par le Ministère pour un poste de votre qualification. Vous avez refusé cette proposition par courrier du 2 mai 2007. Dans ce contexte, compte tenu de votre refus d'accepter la modification de votre contrat de travail et de l'impérieuse nécessité dans laquelle la Fédération est placée de procéder à cette modification pour parvenir à un équilibre économique, la rupture de votre contrat de travail est inéluctable, en l'absence de toute solution de reclassement interne. Nous vous avons à ce titre adressé des offres de reclassement par courrier du 23 mai 2007 auquel vous n'avez pas répondu favorablement. Par ailleurs, lors de l'entretien préalable, nous vous avons proposé le bénéfice de la convention de reclassement personnalisée et remis à cet effet le dossier nécessaire. Compte tenu de votre refus d'adhérer à ce dispositif, la présente lettre constitue la notification de votre licenciement, sa date de présentation fixant le point de départ du préavis de six mois, dont nous vous dispensons d'exécution, au terme duquel votre contrat de travail sera rompu. Par ailleurs, nous vous informons que si vous en manifestez le désir, vous pouvez bénéficier de la priorité de réembauchage pendant une durée d'un an courant à compter de la rupture de votre contrat.... "
Au dernier état de la relation contractuelle, elle percevait une rémunération mensuelle brute de 7472, 45 €.
Le 11 septembre 2008, Mme A... a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy d'une demande dirigée à l'encontre de la Fédération ADMR des Yvelines tendant à la voir condamner au paiement de la somme de 231 664, 34 € à titre d'indemnité de licenciement prévu à l'avenant du 2 janvier 2004 et de la somme de 1800 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 30 juin 2009, le conseil de prud'hommes de Poissy l'a débouté de ses demandes, a débouté la fédération ADMR de sa demande reconventionnelle et a condamné la demanderesse aux dépens.
Mme A... a régulièrement interjeté appel du jugement.
Vu les conclusions datées du 28 mars 2011 tendant à l'infirmation du jugement et statuant à nouveau à la condamnation de la Fédération ADMR des Yvelines à lui payer les sommes suivantes :
* 243 451, 21 € à titre de solde d'indemnité contractuelle de licenciement avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,
* 195 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt,
A titre subsidiaire,
* 25 000 € à titre d'indemnité pour non respect des critères d'ordre des licenciements avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,
* 4000 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son recours, elle fait essentiellement valoir que :
- l'avenant au contrat de travail conclu le 2 janvier 2004 est parfaitement valable et doit être exécuté par l'employeur ; la clause relative à l'indemnité contractuelle ne constitue pas une clause pénale mais un engagement de l'employeur en cas de licenciement,
- le motif économique n'est ni réel ni sérieux et l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement et l'ordre des licenciements.
Vu les conclusions de la Fédération ADMR des Yvelines datées du 28 mars 2011 reprises oralement tendant à la confirmation du jugement et au rejet des prétentions de l'appelante ; à titre subsidiaire, il demande à la cour de réduire à un euro symbolique la clause pénale ; en tout état de cause, il sollicite l'allocation d'une indemnité d'un montant de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle dénie toute valeur à l'avenant conclu le 2 janvier 2004 dans des conditions irrégulières puisque la présidente de l'association Mme Y... n'avait pas préalablement recueilli l'autorisation du conseil d'administration ; elle insiste par ailleurs sur les relations particulières et complices qui unissaient Mme Y... et Mme A....
A titre subsidiaire, elle soutient qu'il s'agit d'une clause pénale soumise au pouvoir modérateur du juge.
Elle fait valoir que la mesure de licenciement est légitime dès lors que la réorganisation avait pour objet d'assurer la pérennité de l'association au regard du strict équilibre entre les recettes et les dépenses.
Conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 28 mars 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'indemnité contractuelle de licenciement :
Considérant qu'aux termes d'un avenant manuscrit conclu le 2 janvier 2004 sous la signature de Mme Y... présidente de l'association, Mme A... est devenue directeur d'entité directement rattachée au président fédéral de l'association ; qu'il a été convenu entre les parties qu'en cas de licenciement, la salariée bénéficiera d'une indemnité de licenciement égale à trois ans de salaire ;
Que Mme A... poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de ladite indemnité après avoir retenu qu'il n'a pas été valablement conclu dans le respect des règles statutaires de l'association, la présidente n'ayant aucune qualité ni reçu délégation pour modifier une disposition salariale, cette modification étant de la seule compétence du conseil d'administration ; que de son côté, la fédération ADMR conclut à la confirmation du jugement et à la nullité de l'avenant conclut par une personne qui n'avait pas qualité pour engager l'association ; qu'elle soutient également la nullité de l'accord compte tenu des relations entretenues entre les deux parties ;
Considérant que les pouvoirs du président sont définis par les statuts de l'association ; qu'en l'espèce, il est précisé que le président tient ses pouvoirs du conseil d'administration lequel prend seul l'initiative de tous actes de disposition concernant le patrimoine de la fédération et en général tous actes de disposition sans limitation de valeur sous réserve d'en référer à l'assemblée générale suivante ; qu'au regard des statuts, il ne peut être contesté que la présidente de l'association n'avait pas le pouvoir d'engager l'association, le conseil d'administration n'ayant jamais autorisé la modification du calcul de l'indemnité de licenciement de la salariée
Considérant que Mme A... soutient qu'elle a pu légitimement penser qu'elle traitait avec le président agissant en sa qualité de mandataire de l'association dans la limite de ses pouvoirs normaux et que l'association est donc tenue d'exécuter l'avenant à raison d'un mandat apparent ; qu'elle explique à cet effet que Mme Y... fonctionnait la plupart du temps de manière autocratique, notamment à l'égard du conseil d'administration de l'association ; qu'elle met aux débats différents documents de nature à corroborer ses dires ;
Considérant que la responsabilité du mandant peut être recherchée sur le fondement d'un mandat apparent si la croyance du tiers à l'étendue du pouvoir du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs ;
Considérant qu'en sa qualité de directrice fédérale depuis 18 ans, Mme A... participait de droit au conseil d'administration ainsi que cela ressort de l'article 8 des statuts ; qu'elle ne pouvait donc ignorer que le conseil d'administration devait autoriser un engagement financier d'une telle importance, en l'espèce trois ans de salaires, et devait à tout le moins s'assurer que la présidente agissait en accord avec le conseil d'administration, ce qu'elle n'a pas fait ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la Fédération ADMR des Yvelines n'est pas tenue d'exécuter les actes faits par la présidente de l'association au delà du pouvoir qui lui a été donné ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande tendant au paiement de l'indemnité contractuelle de licenciement ;
Sur le licenciement :
Considérant que Mme A... forme une demande nouvelle en cause d'appel tendant à voir dire le licenciement pour motif économique dénué de cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu'en application de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou à une cessation d'activité ;
Considérant que pour que la réorganisation d'une entreprise soit une cause légitime de licenciement économique, elle doit être justifiée, soit par des difficultés économiques ou des mutations technologiques, soit par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;
Considérant enfin que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ; à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi de catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposés doivent être précises et écrites,
Considérant au cas présent que Mme A... a été licenciée après avoir refusé la modification de son contrat de travail proposée pour des motifs économiques ;
Considérant qu'il résulte des pièces mises aux débats que la modification du contrat de travail proposée à Mme A... repose bien sur une raison économique ; que l'examen des comptes des exercices clos le 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2007 met en évidence les difficultés économiques rencontrés par l'association au cours de ces deux années, le déficit s'élevant à 46 113 € en 2006 et à 89 650 € au début de l'année 2007 et à 502 520 € au 31 décembre 2007 ; qu'il est également démontré que le poste " rémunération " représente une charge d'exploitation importante et que le seul salaire de la directrice fédérale augmentée de cotisations sociales représentent à lui seul 29, 40 % du budget de l'association ; qu'en l'état des difficultés économiques persistantes rencontrées par l'association, il apparaît que la modification proposée par l'employeur procède d'une raison économique et d'une volonté d'assurer la pérennité de l'association par un retour à l'équilibre financier ; que la mise en oeuvre de la modification est intervenue dans le respect de la loi ; que la modification ayant été refusée par la salariée, l'employeur a pu l'invoquer dans la lettre de licenciement ;
Considérant que pour démontrer qu'il a satisfait à son obligation de reclassement, l'employeur fait valoir qu'il a adressé deux propositions à la salariée le 23 mai 2007, l'un portant sur un poste d'assistante de vie au sein de l'association de Maule au salaire de 1377 € et l'autre portant sur un poste d'assistante de vie au sein de l'association de Houdan au salaire de 1052 € ; que ces deux seules propositions sur des emplois d'une catégorie très inférieure faites à la salariée le jour de l'entretien préalable alors que l'obligation pèse sur l'employeur dès que le licenciement est envisagé et l'absence de démonstration par l'employeur d'une recherche auprès des autres fédérations ADMR ne permettent pas de retenir l'existence d'une recherche sérieuse de reclassement ; que pour ce motif, il convient de dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
Considérant que la cour trouve en la cause les éléments suffisants, compte tenu de l'ancienneté de la salariée et de son âge, pour dire que le préjudice sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 50 000 € ; que le surplus de la demande doit être rejetée, Mme A... ne justifiant pas de sa situation après le licenciement ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que l'équité commande de faire application de cette disposition au profit de l'appelante dans la mesure prévue au dispositif du présent arrêt ; que la même demande doit être rejetée en ce qu'elle émane de l'association ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et par ARRÊT CONTRADICTOIRE,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Poissy le 30 juin 2009,
Y ajoutant,
DIT le licenciement pour motif économique dénué de cause réelle et sérieuse par suite du non-respect de l'obligation de reclassement,
CONDAMNE la Fédération ADMR des Yvelines à payer à Mme A... la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts avec intérêt au taux légal à compter de la date du présent arrêt,
DÉBOUTE Mme A... du surplus de ses prétentions,
CONDAMNE Fédération ADMR des Yvelines à payer à Mme A... la somme de 3500 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la Fédération ADMR des Yvelines de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Fédération ADMR des Yvelines aux dépens afférents à la procédure d'appel
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,