COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 10B
1ère chambre
1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 MAI 2011
R.G. N° 10/06165
AFFAIRE :
MINISTERE PUBLIC
C/
[N] [Y]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Juillet 2010 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° chambre : 1
N° Section :
Famille-Personne
N° RG : 08/9045
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- MINISTERE PUBLIC
- SCP BOITEAU ET PEDROLETTI
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
MINISTERE PUBLIC
représenté par Madame SCHLANGER, Substitut Général près la Cour d'Appel de Versailles
APPELANT
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Madame [N] [X] née [Y]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 4] (Cameroun)
[Adresse 5]
représentée par la SCP BOITEAU ET PEDROLETTI - N° du dossier 00020423
Rep/assistant : Me Sylvie NOACHOVITCH (avocat au barreau de PARIS)
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mars 2011, Madame Bernadette WALLON, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Madame Evelyne LOUYS, conseiller,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Le 25 août 2003, Mme [N] [Y] née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 4] (Cameroun) de nationalité camerounaise et M. [O] [D]-[K], de nationalité française, né le [Date naissance 2] 1955 se sont mariés par devant l'officier d'Etat civil d'Evry le 5 janvier 2002.
Le 25 août 2003, Mme [Y] a souscrit, devant le juge d'instance d'Evry, une déclaration d'acquisition de nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil.
Cette déclaration a été enregistrée le 1er juin 2004 sous le numéro 16167/04.
Le 26 juillet 2005, M. [D] [K] a déposé une requête en divorce et le divorce des époux [K]-[Y] a été prononcé le 14 février 2008.
Par acte du 7 novembre 2008, M. le procureur de la République de Pontoise a fait assigner Mme [N] [Y] divorcée [D]-[K] devant le tribunal aux fins d'annulation de sa déclaration de nationalité.
Par jugement en date du 9 juillet 2010, le tribunal de grande instance de Pontoise a :
- constaté que les diligences prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies,
Vu l'article 26-4 du code civil,
- déclaré l'action du ministère public irrecevable comme étant prescrite,
- laissé les dépens à la charge du Trésor public.
Appelant, le ministère public, aux termes de ses conclusions signifiées le 17 février 2011 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :
- constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,
- infirmer le jugement de première instance et constater l'extranéité de l'intéressée,
- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Mme [N] [Y] divorcée [D]-[K], aux termes de ses conclusions signifiées le 18 novembre 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :
Vu l'article 26-4alinéa 3 du code civil,
- confirmer le jugement en date du 9 juillet 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise,
- déclarer l'action du ministère public prescrite concernant l'annulation de l'enregistrement de la déclaration qu'elle a souscrite,
- constater l'absence de présomption de fraude, du fait de l'existence d'une réelle communauté de vie affective et matérielle entre les époux,
- condamner le ministère public aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Boiteau Pedroletti conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mars 2011.
MOTIFS DE L'ARRET
Considérant que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;
Sur la recevabilité de l'action du ministère public
Considérant que l'appelante soutient que l'action du ministère public est prescrite au motif que le courrier du 30 juin 2005 par lequel M. [D] [K] a dénoncé au préfet de l'Essonne le mariage blanc entre lui-même et son épouse, constitue le point de départ du délai de deux ans prévu par l'article 26-4 du code civil sachant qu'une copie de ce courrier est adressé au Procureur de la République qui avait donc connaissance de la cessation de la communauté de vie ;
Considérant que le jugement déféré pour déclarer l'action du ministère public prescrite a fixé au 30 septembre 2005 le point de départ de son délai pour agir en retenant, qu'à cette date, le bureau des naturalisations a été informé par le directeur de la police générale du compte rendu d'enquête sociale concernant la situation des époux qui établit la cessation de la communauté de vie ;
Considérant que l'article 26-4 alinéa 3 du code civil énonce que l'enregistrement d'une déclaration de nationalité peut être contestée par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude, dans le délai de deux ans à compter de leur découverte ;
Considérant que la lettre de dénonciation datée du 30 juin 2005 émanant de M. [D] [K] ne peut constituer le point de départ du délai de deux ans permettant au ministère public d'agir ; que l'affirmation de Mme [Y] selon laquelle 'la personne adresse une copie de ce courrier au Procureur de la République' sans autre précision ne peut établir que le ministère public a eu connaissance de la cessation de la communauté de vie entre les époux ; que ladite lettre de M. [D] [K], simple particulier, n'a pu que permettre aux autorités préfectorales d'engager des investigations sur l'exactitude des faits reprochés ;
Considérant que la transmission par les services de police au bureau des naturalisations de la préfecture de police ne peut davantage être retenu dès lors qu'il s'agit d'une autorité administrative qui n'a pas compétence pour engager l'action négatoire de nationalité ;
Considérant qu'il s'avère qu'en réalité c'est par un courrier émanant du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire en date du 8 juillet 2008, que le ministère de la justice a été informé des faits et qu'il a pu transmettre le dossier au procureur de la République compétent, seul habilité à poursuivre de sorte que l'assignation ayant été délivrée le 7 novembre 2008, l'action engagée est manifestement recevable et la fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut qu'être écartée ;
Sur le fond
Considérant que Mme [Y] a souscrit une déclaration acquisitive de nationalité française le 25 août 2003 qui a été enregistrée le 1er juin 2004 ;
Considérant que selon l'article 21-2 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 16 mars 1998 applicable en la cause conformément aux dispositions de l'article 17-2 du même code, la déclaration de nationalité ne peut être souscrite qu'après un délai d'un an à compter du mariage, délai supprimé en cas de naissance d'un enfant et que la communauté de vie n'ait pas cessé entre les époux ;
Considérant que la communauté de vie s'entend d'une communauté tant affective que matérielle ; que pour déterminer si elle existe au moment de la déclaration de nationalité, il convient de rechercher si les deux époux avaient une réelle volonté de vivre durablement en union, volonté qui doit être concrétisée par un ensemble de circonstances matérielles et psychologiques permettant de démontrer que leur mode de vie est celui de personnes unies par les liens du mariage ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26-4 3ème alinéa du code civil, la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration constitue une présomption de fraude ;
Considérant que dans son audition devant les service de police le 18 octobre 2005, Mme [Y] a déclaré qu'elle avait quitté le domicile conjugal à la fin de l'année 2004 ;
Considérant que le départ de cette dernière du domicile conjugal ayant eu lieu moins de douze mois après l'enregistrement de la déclaration faite le 1er juin 2004, la présomption de fraude prévue par l'article 26-4 3ème alinéa sus-énoncé, s'applique ;
Considérant qu'il s'agit d'une présomption simple et que Mme [Y] est donc admise à rapporter la preuve que la rupture est la résultante d'autres causes indépendantes de l'acquisition de la nationalité française ;
Considérant que l'appelante explique qu'à compter de son mariage en janvier 2002, elle a vécu avec son mari ; que ce n'est qu'en août 2002 qu'elle est retournée dans son pays pour obtenir un visa délivré par l'ambassade de France ; qu'elle est rentrée en novembre 2002 et a repris la vie commune ; que les époux ont contracté un véritable mariage d'amour ; qu'elle produit des attestations établissant qu'elle vivait bien avec son mari et que ce dernier l'accompagnait à l'occasion de toutes ses démarches administratives ;
Mais considérant que dans son courrier du 30 juin 2005, M. [D] [K] déclare qu'il n'a jamais vécu avec son épouse et qu'il s'agit d'un mariage blanc ; que ce dernier produit deux témoignages de voisins datés d'avril 2005 qui attestent de ce que M. [D] [K] vivait seul au [Adresse 3] ; que Mme [S] précise qu'il en était ainsi depuis qu'elle connaissait M. [D] [K] soit depuis deux ans ; que les attestations contraires produites pas Mme [Y] rédigées en 2007, en des termes pratiquement identiques, sans aucun renseignement sur les circonstances leur ayant permis de se rendre compte des faits rapportés alors que ces personnes sont toutes domiciliées en des lieux éloignés du domicile conjugal, sont insuffisamment probantes et ne peuvent remettre pas en cause les déclarations des voisins de M. [D] [K] ;
Considérant en outre, que le 11 décembre 2003, Mme [N] [Y] a accouché d'un enfant ; que dans l'ordonnance de non conciliation en date du 27 avril 2006, elle a déclaré qu'elle ne formait pas de demande concernant l'enfant [E]-[R] reconnaissant que M. [D] [K] n'en était pas le père ;
Considérant que Madame [Y] ne renverse donc pas la présomption de fraude ; qu'il convient donc d'annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité qu'elle a souscrite et de constater l'extranéïté de l'intéressée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris.
STATUANT À NOUVEAU,
CONSTATE que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré.
DÉCLARE l'action du ministère public recevable.
CONSTATE l'extranéïté de Mme [N] [X] [Y] née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 4] (Cameroun).
ORDONNE la mention prévue par l'article 28 du code civil.
CONDAMNE Mme [N] [X] [Y] aux dépens de première instance et d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,