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06/04/2011 | FRANCE | N°08/01064

France | France, Cour d'appel de Versailles, 06 avril 2011, 08/01064


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES








Code nac : 80A
15ème chambre


ARRET


CONTRADICTOIRE


DU 06 AVRIL 2011


R.G. No 10/02506


AFFAIRE :


Valérie X... épouse Y...





C/
S.A.S. CHANEL








Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Mars 2010 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE
Section : Encadrement
No RG : 08/01064




Copies exécutoires délivrées à :


Me Montaine G

UESDON-VENNERIE
Me Christine SEVERE




Copies certifiées conformes délivrées à :


Valérie X... épouse Y...



S.A.S. CHANEL




LE SIX AVRIL DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affair...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A
15ème chambre

ARRET

CONTRADICTOIRE

DU 06 AVRIL 2011

R.G. No 10/02506

AFFAIRE :

Valérie X... épouse Y...

C/
S.A.S. CHANEL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Mars 2010 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE
Section : Encadrement
No RG : 08/01064

Copies exécutoires délivrées à :

Me Montaine GUESDON-VENNERIE
Me Christine SEVERE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Valérie X... épouse Y...

S.A.S. CHANEL

LE SIX AVRIL DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Valérie X... épouse Y...

...

75004 PARIS

représentée par Me Montaine GUESDON-VENNERIE, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S. CHANEL
136 avenue Charles de Gaulle
92521 NEUILLY SUR SEINE CEDEX

représenté par Me Christine SEVERE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,

FAITS ET PROCÉDURE,

Madame Valérie X... a été engagée par la société CHANEL suivant contrat à durée indéterminée en date du 28 janvier 2004 en qualité de responsable administration et paie groupe 5 position cadre coefficient 550 . La convention collective régissant la relation de travail était celle des industries chimiques .

La SAS CHANEL ayant souhaité moderniser les systèmes d'information des ressources humaines "S.I.R.H.", madame X... participait largement au projet comme cela lui avait d'ailleurs été proposé lors de son entretien d'embauche .
Elle était devenue chef du projet .
Le comité de pilotage qui s'était tenu le 19 juillet 2007 devait estimer qu'il n'était pas opportun , compte tenu des tests effectués , d'effectuer une mise en oeuvre concomitance sur tous les sites .

A la suite de cette réunion, elle adressait un courriel au directeur des ressources humaines M. A... et à sa supérieure hiérarchique Madame B... libellé dans les termes suivants :

" je tiens à vous faire part de la profonde déception que je ressens à l'issue du comité de pilotage qui vient de s'achever.

A l'heure actuelle, le projet GA-GTA-Paie que j'anime respecte les délais initiaux d'avancement. Au delà, je vous rappelle que nous avons rattrapé les deux mois de retard pris au lancement pour des raisons administratives (signature du contrat en décembre 2006).
Ceci a été rendu possible grâce à l'énorme implication des troupes et de moi-même.

Aujourd'hui, le produit est bien conforme à ce qu'on attend (applicatif et self-service), les actions de communication et de formation sont planifiées... nous seront prêts.

Pourtant, la dommages-intérêts souhaite décaler les démarrages. Je ne me sens donc pas en phase avec les décisions qui seront vraisemblablement entérinées mardi prochain et que vous semblez partager.

Compte tenu de l'implication que ce projet m'a personnellement demandée au risque d'être moins présente comme responsable du service paie et au prix de sacrifices familiaux, je crois préférable dans l'intérêt de CHANEL de me dégager du projet très rapidement pour pouvoir me consacrer pleinement à l'animation du service paie.

Bien évidemment, cela ne préjuge pas de l'aide que l'équipe paie apportera à la continuation du projet."

Par lettre remise en main propre contre décharge Madame X...

était convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 27 septembre 2007.

Son licenciement lui était notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er octobre 2007 motivée dans les termes suivants :

"Suite à l'entretien préalable à licenciement qui s'est déroulé le 25 septembre 2007 à 10 heures dans mon bureau, entretien durant lequel vous étiez assistée de Monsieur René C..., je vous notifie à réception de la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, les explications que vous nous avez apportées ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation.

Vous avez embauchée le 29 mars 2004 pour prendre les responsabilités de Responsable Administration et Paie, incluant, outre la coordination de la gestion administrative et de la paie du personnel de nos sociétés, la coordination et l'optimisation des applications informatiques liées à l'administration, la gestion et la paie.

Au cours du mois de juillet 2007, vous avez fait part à de nombreuses reprises (notamment les 19, 20 et 23 juillet) à votre responsable hiérarchique, Evelyne B..., Directrice des Rémunérations et des Avantages Sociaux ainsi qu'à moi-même, de votre décision de vous décharger de la responsabilité du projet SIRH de mise en place du logiciel HR ACCESS, projet auquel vous devez en grande partie votre embauche dans l'entreprise. A cet égard, je vous rappelle que vous aviez, le 10 décembre 2003, confirmé par écrit votre enthousiasme pour le poste qui vous était proposé, précisant en outre "votre volonté de moderniser le SIRH à moyen terme sera pour moi, certes une chance d'exprimer mes compétences dans ce domaine mais surtout de dynamiser l'équipe autour de son nouvel outil".

Vous avez justifié votre position au mois de juillet par les décisions de décalage de mise en oeuvre du projet SIRH prises lors du Comité de pilotage du 19 juillet, décisions auxquelles vous nous avez dit ne pas souscrire.

Compte tenu des conséquences préjudiciables de votre décision, Evelyne et moi, vous avons fait part de notre stupéfaction et de l'incohérence de votre décision par rapport à votre fonction :

- fait partie intégrante de votre mission depuis votre embauche. Les objectifs 2005 fixés par votre hiérarchie étaient relatifs à cette mise en place : business case en mars- cahiers des charges en juin - appel d'offre en septembre.

- nous entrions dans une phase clé de déploiement du projet, dont le premier module de paie doit être opérationnel en janvier 2008

- votre défection nous obligeait à embaucher très rapidement un prestataire, en mesure d'assurer la sauvegarde du projet, moyennant un coût supplémentaire élevé.

- la crédibilité de la Direction des Ressources Humaines pouvait être largement entaché, notamment vis-à-vis des autres départements de l'entreprise.

Nous ajoutons qu'il nous paraissait difficile de déconnecter la participation à un tel projet, et d'assurer en même temps la coordination des applications informatiques relatives à l'administration de la paie, activité prépondérante de votre emploi actuel.

Malgré nos arguments et notre désaccord, vous nous avez confirmé votre décision de vous décharger du projet le 23 juillet 2007.

N'ayant pas réussi à vous convaincre de revenir sur votre décision d'abandonner le pilotage du projet, nous en avons pris acte.

Au delà de la dégradation légitime de nos relations de confiance, c'est l'exécution même de vos missions contractuelles que vous avez remise en cause, de votre propre initiative.

Compte tenu de cet état de fait et du préjudice causé à l'entreprise, nous vous notifions par la présente votre licenciement.

Votre préavis de trois mois, qui sera partiellement exécuté et totalement rémunéré, débutera à réception de la présente, et prendra fin au plus tard le 4 janvier 2008. Vous accomplirez la période s'étendant entre la première notification de la présente et le 12 octobre inclus.

Nous vous informons que vos droits acquis au titre du Droit Individuel à la formation est de 80 heures et que vous pouvez demander pendant votre préavis à utiliser ces heures pour bénéficier notamment d'une action de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l'expérience. A défaut de demande écrite de votre part formulée avant la fin de votre préavis, le montant correspondant au Droit Individuel à la Formation ne sera pas dû par notre société, en application des dispositions de l'article L.933-6 du Code du Travail."

C'est dans ces circonstances que Madame Valérie X... devait saisir le Conseil de Prud'hommes par acte du 3 avril 2008.

Le Conseil de Prud'hommes par jugement de départage contradictoirement prononcé le 5 février 2010 a considéré que Madame X... n'a pas justifié du bien fondé de l'exercice de son droit de retrait et que le licenciement litigieux a une cause réelle et sérieuse.

Il a en conséquence débouté la salariée de ses demandes.

Madame X... a régulièrement relevé appel de cette décision.

*
* *

Par conclusions déposées au Greffe et soutenues oralement à l'audience Madame X... a formulé les demandes suivantes :

- déclarer Madame X... recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer le jugement rendu le 5 février 2010 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE ;

- dire et juger que le licenciement de Madame X... ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société CHANEL à payer à Madame X... la somme de 135.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société CHANEL à payer à Madame X... la somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de l'inexécution par la société CHANEL de ses obligations en application de l'article L.1222-1 du Code du travail ;

- dire que les condamnations prononcées à titre de dommages-intérêts seront productives d'intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes et ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1153-1 du Code Civil ;

- condamner la société CHANEL à payer à Madame X... la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .

En réplique la société CHANEL a fait conclure par écrit et soutenir oralement à l'audience la confirmation du jugement entrepris outre la condamnation en appel de Madame X... au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que l'article 4131-1 du Code du Travail dispose : "Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d'une telle situation.

L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection" ;

Que l'exercice du droit de retrait, dès lors qu'il est justifié, ne peut entraîner de sanction disciplinaire ni de retenue de salaire à l'encontre du salarié qui en a usé ;

Considérant que Madame X... a prétendu qu'elle était responsable administration et paie et que son contrat ne visait pas des fonctions de chef d'un projet informatique en maîtrise d'ouvrage ;

Que dès lors son désengagement ne saurait , selon elle, constituer une inexécution fautive de ses obligations contractuelles ;

Que par ailleurs elle a soutenu que son retrait correspondait à son avis à une décision "incohérente" et de nature à causer un préjudice à l'entreprise, et ce alors qu'elle s'était impliquée jusqu'à mettre en danger sa santé pour tenir les délais qui avaient été prévus pour la mise en oeuvre du projet ;

Mais considérant que la mise en oeuvre du nouveau système d'information des ressources humaines (SIRH) était incontestablement un élément du contrat de travail de Madame X... que cette dernière l'a elle-même revendiqué dans sa lettre à son employeur le 10 décembre 2003 : "Le contenu et les missions du poste de responsable et paie que vous m'avez présenté correspondent idéalement à mon projet professionnel : Rejoindre la DRH d'un groupe important avec la responsabilité d'y animer une équipe. Votre volonté de moderniser le SIRH à moyen terme sera pour moi certes une chance d'exprimer mes compétences dans ce domaine, mais surtout de dynamiser l'équipe autour de son nouvel outil" ;

Que son expérience en la matière avait été en outre la principale raison de son embauche et qu'au surplus la fiche de son poste mentionne bien :"Vous coordonnerez en les optimisant les applications informatiques liées à l'administration , la gestion et la paie ;

Qu'il s'ensuit que la responsable administration et paie en sa qualité d'utilisatrice de l'outil SIRH était nécessairement au Coeur du projet et y jouait un rôle moteur ;

Considérant que Madame X... s'est désengagée brutalement sous prétexte d'une incohérence pouvant être préjudiciable à l'entreprise, et en raison de sa surcharge de travail préjudiciable à sa santé et à sa vie familiale;

Considérant cependant que le texte susvisé pose des conditions très strictes au droit de retrait du salarié ;

Qu'en l'occurrence Madame X... n'a en rien démontré qu'elle se trouvait dans une situation de danger grave et imminent, ni dans une situation susceptible de recevoir une autre qualification de nature de justifier son retrait ;

Qu'en fait la société CHANEL a dû faire face au départ brutale de Madame X... qui est fautif dans la mesure où la société a été placée devant le fait accompli et la carence de son chef de projet ce qui n'est pas acceptable de la part d'un cadre du niveau de Madame X... ;

Qu'il suit de ce qui précède que le premier juge a fait une exacte application de la loi et une juste appréciation des faits de la cause ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé ;

Considérant qu'il n'est pas contraire à l'équité de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont dû exposer en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant, par arrêt CONTRADICTOIRE, et en dernier ressort,

REÇOIT l'appel de Madame Valérie X... épouse Y...

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de Procédure Civile ;

CONDAMNE madame Valérie X... épouse Y... au paiement des éventuels dépens

Arrêt- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 08/01064
Date de la décision : 06/04/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-04-06;08.01064 ?
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