COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 63B
1ère chambre
1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 31 MARS 2011
R.G. N° 10/00186
AFFAIRE :
S.A. SOCIETE NOUVELLE VISION
C/
S.C.P. [G] [Y] [L]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mars 2008 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS
N° chambre : 1
N° Section : 1
N° RG : 06/11862
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- SCP BOMMART MINAULT
- SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON -GIBOD
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. SOCIETE NOUVELLE VISION
société anonyme inscrite au RCS de VERSAILLES sous le numéro 343 641 155 ayant son siège [Adresse 1] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP BOMMART MINAULT - N° du dossier 37871
Rep/assistant : la SCP COMOLET-MANDIN ET ASSOCIES représentée par Me COMOLET (avocat au barreau de PARIS)
APPELANTE
****************
S.C.P. [G] [Y] [L]
société civile professionnelle titulaire d'un office d'avoués près la Cour d'Appel de Paris ayant son siège [Adresse 2] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Maître [E] [G]
Maître [Z] [Y]
Maître [V] [L]
tous domiciliés [Adresse 2]
représentés par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON-GIBOD - N° du dossier 1047432
Rep/assistant : Me Bruno LEPLUS (avocat au barreau de PARIS)
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Février 2011, Madame Bernadette WALLON, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Madame Evelyne LOUYS, conseiller,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Invoquant à l'encontre de la SCP [G] [Y] [L], de maître [E] [G], de maître [Z] [Y] et de maître [V] [L], avoués, l'omission de faire un acte de procédure dans le délai de deux ans et d'avoir laissé l'instance se périmer, la société Nouvelle Vision les a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, qui, par jugement en date du 12 mars 2008, a :
- débouté la société Nouvelle Vision de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la SCP [G] [Y] [L], de maître [E] [G], de maître [V] [L] et de maître [Z] [Y],
- condamné la société Nouvelle Vision aux dépens et autorisé maître Leplus à les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Nouvelle Vision a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt en date du 8 décembre 2009, la cour d'appel de Paris, faisant application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile a :
- renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Versailles,
- dit que le dossier sera transmis à ladite juridiction par le greffe dans les conditions de l'article 97 du code de procédure civile.
La société Nouvelle Vision, aux termes de ses conclusions signifiées le 19 janvier 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et, la disant bien fondée,
- dire que la SCP [G] [Y] [L] et associés exercent leur ministère d'avoués à la cour de Paris dans le ressort de laquelle ils ont accompli les actes à l'occasion desquels leur responsabilité est recherchée,
- constater que la SCP [G] [Y] [L] n'a effectué aucun acte de procédure dans le délai de deux ans,
- constater que la SCP [G] [Y] [L] a laissé l'instance dont elle avait la charge devant la cour d'appel de Paris se périmer,
En conséquence,
- dire que l'omission de faire un acte de procédure dans les délais constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'avoué,
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute caractérisée imputable à l'avoué,
- infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions et statuant à nouveau,
- dire que la société Nouvelle Vision avait une chance réelle et sérieuse d'obtenir la réformation du jugement rendu par la 6ème chambre du tribunal de grande instance de Paris le 1er février 1995,
- dire, en effet, que la police couvrait tant la responsabilité civile professionnelle que la responsabilité civile décennale de M. [H], architecte DPLG, pour une activité d'architecte d'intérieur nullement limitée aux ouvrages de décoration intérieure mais concernant également la maîtrise d'oeuvre d'ouvrages extérieurs,
- dire que la police ne comportait aucune exclusion susceptible d'être applicable au litige,
- dire qu'à défaut de toute clause de déchéance ou d'exclusion, l'erreur ou l'omission dans la déclaration des missions n'était susceptible conformément à l'article L 113-10 du code des assurances que d'ouvrir droit à une majoration de primes,
- dire, par suite, que la garantie de la SMAI saurait être considérée comme acquise,
- fixer à 90% la perte de chance qu'elle a subie du fait de la faute commise par la SCP [G] [Y] [L], avoués,
- condamner solidairement la SCP [G] [Y] [L] et ses associés personnellement à verser à la SA société nouvelle vision la somme de 241 101,66 euros avec intérêts de droit à compter du 12 novembre 1992
- condamner solidairement la SCP [G] [Y] [L] et ses associés personnellement à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront directement recouvrés par la SCP Bommart Minault, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SCP [G] [Y] [L], maître [E] [G], maître [Z] [Y] et maître [V] [L], aux termes de leurs conclusions signifiées le 29 mars 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris rendu le 12 mars 2008 par le tribunal de grande instance de Paris,
- dire sans fondement l'action engagée par la société Nouvelle Vision contre eux,
- débouter la société Nouvelle Vision de toutes ses demandes,
- condamner la société Nouvelle Vision aux dépens d'appel et dire qu'ils pourront être directement recouvrés par la SCP Lissarague Dupuis Boccon Gibod conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 décembre 2010.
MOTIFS DE L'ARRET
Considérant qu'il suffit de rappeler que, par acte sous seing privé en date du 30 janvier 1989, les époux [D] ont consenti à la société Nouvelle Vision un bail commercial portant sur un immeuble à usage commercial, situé à [Localité 3];
Que le 31 janvier 1989, la dite société a confié à M. [H], architecte DPLG, une mission de maîtrise d'oeuvre complète portant sur l'aménagement intérieur et extérieur du local ;
Qu'arguant de l'existence de malfaçons dans l'exécution des travaux effectués, les bailleurs ont notifié le 24 avril 1989 à la société Nouvelle Vision un commandement visant la clause résolutoire insérée au contrat ;
Considérant que par jugement du 4 novembre 1991, le tribunal de Lagny sur Marne a suspendu les effets de la clause résolutoire et a condamné la société Nouvelle Vision à exécuter divers travaux ;
Que, sur l'appel interjeté par les époux [D], par arrêt en date du 11 février 1993, la cour d'appel de Paris a mis hors de cause M. [H] et son assureur la SMAI contre lesquels aucune demande n'était dirigée, a prononcé la résiliation du bail aux torts exclusifs de la société Nouvelle Vision et a ordonné son expulsion ; que cette dernière a, en outre, été condamnée à payer aux bailleurs la somme totale de 1 209 766,28francs à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que par jugement réputé contradictoire du 1er février 1995, le tribunal de grande instance de Paris a condamné M. [H] à garantir la société Nouvelle Vision des condamnations financières prononcées contre elle au profit des époux [D] et a débouté ladite société de sa demande de garantie contre la SMAI et de sa demande d'expertise en vue de l'évaluation du préjudice résultant pour elle de la résiliation judiciaire du bail conclu le 30 janvier 1989 avec les époux [D] ;
Considérant que par ordonnance du 30 octobre 1996, l'affaire a été retirée du rôle et rétablie le 9 décembre 1998 ;
Considérant que par arrêt du 27 septembre 2000, la cour d'appel de Paris a reçu Messieurs [J] et [C], es-qualites de liquidateurs amiables de la SMAI en leur intervention volontaire, a déclaré leurs conclusions recevables et a constaté la péremption de l'instance ;
Considérant qu'il n'est pas contesté qu'en laissant périmer l'instance, la SCP Bernabe-Chardin-[L] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité professionnelle ;
Que l'intimée fait grief, en revanche, à la société Nouvelle Vision de ne pas justifier de son préjudice n'ayant perdu aucune chance réelle et sérieuse de voir son appel prospérer à l'encontre de la SMAI ;
Considérant que la société Nouvelle Vision soutient que la garantie souscrite par M. [H], était une assurance de responsabilité civile professionnelle complète tant du risque obligatoire que des garanties facultatives ; que l'architecte était ainsi couvert non seulement pour ses travaux de décoration intérieure mais aussi pour des missions de maîtrise d'oeuvre technique concernant des ouvrages extérieurs ; que la police garantissait le sociétaire pour sa responsabilité civile professionnelle de droit commun comme pour sa responsabilité décennale ; qu'aucune clause d'exclusion ne figure dans la police permettant de dire que l'erreur ou l'omission dans les déclarations de missions puisse constituer une clause d'exclusion ou de déchéance de garantie alors que la police prévoyait comme seule sanction conformément à l'article L 113-10 du code des assurances une pénalité forfaitaire ;
Qu'elle ajoute que la SMAI a laissé croire à M. [H] qu'il était couvert pour l'ensemble de ses activités y inclus celles pour lesquelles l'assurance est obligatoire ; que l'assureur a manqué à son devoir de renseignement et de conseil sur la nécessité de souscrire une assurance obligatoire ce qui est constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de son assuré ;
Mais considérant qu'il résulte du dossier que M. [H] a souscrit un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle des architectes d'intérieur puis a successivement les 3 février 1989 et 16 janvier 1990, adressé une déclaration de mission et un avis de fin de mission limitant cette dernière sur le chantier litigieux à une rénovation de façade avec aménagement intérieur de magasin ;
Considérant que le contrat souscrit par M. [H] auprès de la SMAI avait pour objet 'dans les termes et limites de ses conditions générales, de garantir le sociétaire désigné aux conditions particulières dans le cadre de son activité professionnelle d'architecte d'intérieur'(préambule du contrat d'assurance) à savoir la conception ou la maîtrise d'éléments intérieurs ou extérieurs d'ouvrages existant à usage privé, commercial, professionnel ou d'habitation 'c'est-à-dire les activités de décoration, d'agencement ou d'équipement simple desdits ouvrages';
Considérant qu'il s'agit d'une police facultative de responsabilité civile et non une assurance obligatoire en matière de construction au sens de la loi du 4 janvier 1978 comme tente de le faire admettre l'appelante même si le contrat comporte une clause de responsabilité civile décennale dans le cadre de laquelle, en tout état de cause, la société Nouvelle Vision ne s'est pas initialement placée en recherchant la responsabilité contractuelle de maître d'oeuvre sur le fondement de l'article 1147 du code civil en l'absence de réception des ouvrages ;
Considérant qu'il est constant que la garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur ; que les travaux qui ne procèdent pas d'une activité déclarée restent en dehors de l'objet de l'assurance ;
Considérant enfin que M. [H] n'a pas été induit en erreur sur la nature ou l'étendue des garanties souscrites dès lors qu'il est bien précisé tant dans les conditions générales que particulières de la police qu'il s'agit de garantir le sociétaire pour son activité d'architecte 'd'intérieur' ce qui se déduit également de l'appellation même de la compagnie :société mutuelle d'assurance des architectes 'd'intérieur' ;
Considérant qu'il s'ensuit que la SMAI est fondée à opposer à tous une non garantie pour toutes les défectuosités affectant les travaux d'aménagement extérieurs non déclarés et n'entrant pas, notamment pour les travaux de voirie lourde, dans les activités normales d'un architecte d'intérieur ;
Considérant que la société Nouvelle Vision qui ne justifie pas d'une perte réelle et sérieuse d'obtenir une indemnisation auprès de la SMAI, ne peut voir son action en responsabilité dirigée contre les avoués, prospérer ;
Considérant que le jugement entrepris sera donc confirmé ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris,
Y AJOUTANT,
DÉBOUTE la société Nouvelle Vision de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
LA CONDAMNE aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Lissarrague Dupuis Boccon-Gibod, avoués, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,