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10/03/2011 | FRANCE | N°10/00185

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 10 mars 2011, 10/00185


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63B



1ère chambre

1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 MARS 2011



R.G. N° 10/00185





AFFAIRE :



[G] [L]



C/



MONSIEUR LE BÂTONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE PARIS







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Avril 2005 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre :

N° Section :

° RG : 03/12653



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



- SCP TUSET- CHOUTEAU



- SCP JUPIN & ALGRIN







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX MARS DEUX MILLE ONZE,

La cour d'appel de VERSAILL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63B

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MARS 2011

R.G. N° 10/00185

AFFAIRE :

[G] [L]

C/

MONSIEUR LE BÂTONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE PARIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Avril 2005 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 03/12653

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- SCP TUSET- CHOUTEAU

- SCP JUPIN & ALGRIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MARS DEUX MILLE ONZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [G] [L]

[Adresse 2]

représentée par la SCP TUSET-CHOUTEAU - N° du dossier 20100097

rep/assistant : Me Hermance SCHAEPMAN (avocat au barreau de PARIS)

APPELANTE

****************

MONSIEUR LE BÂTONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE PARIS

[Adresse 1]

représenté par la SCP JUPIN & ALGRIN - N° du dossier 0026554

Rep/assistant : Me Jean-Pierre G. DUFFOUR (avocat au barreau de PARIS)

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Janvier 2011 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne LOUYS conseiller faisant fonction de président chargé du rapport en présence de Madame Dominique LONNE conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Evelyne LOUYS, conseiller faisant fonction de président,

Madame Dominique LONNE, conseiller,

Monsieur Philippe DAVID, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Aux termes de deux actes sous seing privé en date des 21 et 26 mars 1996, soumis au visa de M. le Bâtonnier, Mme [U] et Mme [L], toutes deux avocates, ont conclu un protocole prévoyant notamment la présentation de la clientèle de Mme [U] à Mme [L] moyennant la somme de 600 000 francs avec effet au 1er avril 1996 et la signature d'un contrat de collaboration de six mois entre le 1er avril 1996 et le 30 septembre 1996 pour permettre la transmission de la clientèle dans de bonnes conditions, moyennant une rémunération forfaitaire de 15 000 francs HT. Il était prévu que Mme [L] recevrait à compter du 1er avril 1996, les honoraires du cabinet cédé à l'exception des dossiers indiqués limitativement dans la liste en annexe. Mme [L] devait en outre, reprendre la location des locaux à compter du 1er avril 1996;

Un litige est survenu entre Mmes [U] et [L] relativement à l'exécution du contrat, Mme [L] se plaignant d'un détournement de clientèle qui a été soumis, aux termes d'une décision en date du 19 janvier 1998, à un arbitre désigné par le Bâtonnier qui a rendu deux sentences les 27 mai et 29 juillet 1998.

Par arrêt en date du 20 mars 2001, la cour d'appel de Paris a réformé la sentence arbitrale, a prononcé la résolution des conventions conclues entre les parties et a condamné Mme [U] d'une part à restituer à Mme [L] la somme totale de 631 218 francs et d'autre part, à lui verser celle de 400 000 francs à titre de dommages et intérêts.

Mme [L] qui n'a pu recouvrer les dites sommes et qui reproche à l'Ordre des avocats à la cour de Paris sa carence qui a contribué aux graves difficultés qu'elle a rencontrées l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement en date du 13 avril 2005, a :

- débouté Mme [G] [L] de toutes ses demandes,

- condamné Mme [G] [L] à payer à l'Ordre des avocats la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné Mme [G] [L] aux dépens,

Appelante, Mme [G] [L], aux termes de ses conclusions signifiées le 6 janvier 2011 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes et les dire bien fondées,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,

A titre principal,

- constater que l'Ordre des avocats a manqué à sa mission de contrôle du protocole de cession de clientèle,

- dire que ce manquement lui a causé un préjudice,

- en conséquence, condamner l'Ordre des avocats à lui verser la somme de 78 322 euros assortie des intérêts majorés à compter du 3 mai 2000,

- constater que l'arbitre a manqué à son devoir d'équité et d'impartialité,

- dire que ce manquement lui a causé un préjudice,

- en conséquence, condamner l'Ordre des avocats à lui verser la somme de 65 294 euros assortie des intérêts à compter du 27 mai 1998,

- constater que les manquements de l'Ordre des avocats l'ont placée dans une situation financière dramatique et très fortement perturbée les 12 dernières années de sa vie,

- en conséquence, condamner l'Ordre des avocats à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi,

En tout état de cause,

- débouter l'Ordre des avocats de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner l'Ordre des avocats à lui verser la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Ordre des avocats aux entiers dépens, qui seront recouvrés par la SCP Tuset Chouteau selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'Ordre des avocats au Barreau de Paris, aux termes de ses conclusions signifiées le 9 décembre 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :

- déclarer Mme [G] [L] irrecevable en tout cas, mal fondée en son appel,

- en conséquence, débouter purement et simplement Mme [G] [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions et la condamner au paiement d'un euro symbolique à titre de dommages et intérêts pour le caractère abusif de sa procédure,

- la condamner au paiement d'une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens d'appel au profit de la société Jupin et Algrin, qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 janvier 2011.

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant que Mme [L] reproche tout d'abord à l'Ordre des avocats d'avoir manqué à sa mission de contrôle des accords de transmission de clientèle passés entre avocats ; qu'en effet, maître [M] désigné par le Bâtonnier aurait dû attirer son attention sur le fait que l'accord du bailleur sur la cession du bail faisait défaut ; qu'il ne l'a pas davantage alerté sur l'absence d'annexe au protocole au vu de la disposition mentionnant 'qu'elle recevrait à compter du 1er avril 1996 les honoraires du cabinet cédé, à l'exception des dossiers indiqués limitativement dans la liste en annexe' ce qui a donné lieu à des divergences d'interprétation ;

Considérant que l'Ordre des avocats conteste l'existence d'une faute et observe qu'en tout état de cause, ce n'est pas l'économie du contrat que critique Mme [L] mais son inexécution fautive par Mme [U] ;

Considérant que dans le cadre du contrôle exercé par le Conseil de l'Ordre sur les accords passés entre avocats, il doit être veillé à ce que ces accords ne contiennent rien de contraire aux règles de confraternité et de délicatesse qui s'imposent à tout avocat ; qu'il est prévu l'arbitrage du Bâtonnier en cas de difficulté ; qu'à cet égard, maître [M] écrivait le 4 avril 1996 : 'sous réserve de l'opinion que pourra exprimer le conseil de l'Ordre, ces conventions ne me paraissent pas contraires à aucun texte réglementaire ou législatif' et attirait l'attention sur les conséquences fiscales liées aux modalités de paiement du prix ;

Considérant qu'il ne peut être valablement fait grief à l'Ordre des avocats de ne pas avoir attiré l'attention de l'appelante sur le fait que la transmission effective du bail ne constituait pas une condition suspensive de la validité du protocole ainsi que sur l'absence d'annexe sauf à ériger ce dernier en conseil de ses confrères ou en rédacteur d'actes, obligations qui ne lui incombent pas aux termes de son règlement intérieur ;

Considérant qu'il s'ensuit que ce premier moyen doit être écarté ;

Considérant que Mme [L] dénonce en second lieu le manque d'équité et d'impartialité de l'arbitre ; qu'elle remet en cause la désignation de maître [M] en cette qualité au motif qu'il s'était déjà antérieurement prononcé sur la convention ; qu'elle critique son manque d'équité en ce qu'il lui a imposé de constituer une garantie de 300 000 francs ce qui a placé Mme [U] dans une position avantageuse à son détriment ainsi que son manque d'impartialité en ce qu'il n'a pas tiré les conséquences de ses constatations à savoir des agissements frauduleux de Mme [U] jugeant que les torts étaient partagés et en rendant une sentence imposant une compensation entre les sommes qui étaient respectivement dues, sentence qui a été intégralement réformée par la cour d'appel de Paris ;

Considérant que l'Ordre des avocats réfute toute faute ;

Considérant que la contestation portant sur le choix de l'arbitre est manifestement tardive ; que l'Ordre des avocats souligne à bon droit que Mme [L] ne s'est pas manifestée auprès de lui pour solliciter la désignation d'un autre arbitre et qu'elle n'a pas davantage suivi une procédure aux fins de récusation ; que maître [M] a été désigné en raison de ses compétences en la matière ;

Considérant que si l'Ordre des avocats se réfère à tort à l'arbitrage d'amiable composition, la convention d'arbitrage donnant expressément à l'arbitre mission de statuer en droit, Mme [L] ne rapporte pas la preuve des griefs qu'elle impute à maître [M] ; que le manque d'équité ne saurait se déduire du fait que l'arbitre aurait déjà été en charge du contentieux alors que son rôle s'était limité à vérifier la conformité du protocole d'accord des parties aux règles de confraternité et de délicatesse pas plus que dans le fait que maître [M] ait exigé de la part de Mme [L] une garantie de 300 000 francs alors que c'est Mme [U] qui avait saisi le Bâtonnier au motif que Mme [L] refusait de payer le prix de la cession et que les notes adressées à l'arbitre, que vise l'appelante, n'établissent pas qu'à la date de la sentence en 1998, maître [M] disposait des éléments lui permettant de retenir que Mme [L] était bien fondée à refuser le paiement ;

Considérant que l'arbitre a condamné chacune des parties à exécuter les accords, Mme [U] devant restituer à son successeur les honoraires qui lui reviennent et Mme [L] devant payer le prix convenu et le fait que la cour d'appel de Paris ait réformé ladite sentence ne permet pas de déduire que l'arbitre a manqué à ses devoirs d'équité et d'impartialité ;

Considérant qu'il est encore relevé que l'Ordre des avocats s'est abstenu d'engager des poursuites disciplinaires ainsi que des poursuites pénales à l'encontre de Mme [U] pour exercice illégal de la profession d'avocat alors qu'il avait connaissance des manquements graves commis par cette dernière ;

Considérant, sur l'absence de poursuites disciplinaires, que selon l'article 180 du décret du 27 novembre 1991, le conseil de l'Ordre connaît des infractions et des fautes commises par un avocat ou un ancien avocat dès lors qu'à l'époque où les faits ont été commis, il était inscrit au tableau sur la liste du stage ou sur la liste des avocats honoraires d'un barreau ;

Considérant que Mme [U] a démissionné du barreau de Paris le 31 décembre 1996 et n'a pas sollicité l'honorariat ;

Considérant que l'appelante affirme, sans en rapporter la preuve, que les faits de détournements de clientèle ont été commis à partir du mois de mars 1996, tout en écrivant en page 12 de ses conclusions, que l'Ordre des avocats, qui conteste l'existence de détournements commis par Mme [U] avant sa démission, 'était tenu d'engager des poursuites pénales pour exercice illégal de la profession d'avocat dès qu'il a eu connaissance de ses manquements, soit à compter du mois de mars 1998" ;

Considérant que si, comme le souligne l'intimé, interdire à un avocat d'exercer sa profession alors qu'il ne l'exerce déjà plus ne peut conduire qu'à une sanction de principe sans aucune conséquence pécuniaire, Mme [L] fait valoir que le Bâtonnier devait informer des poursuites disciplinaires M. le procureur général ce qui aurait pu déboucher sur des poursuites pénales pour exercice illégal de la profession d'avocat ;

Mais considérant qu'en tout état de cause, l'action publique peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée dans les conditions déterminées par le code de procédure pénale ; que force est de constater que si Mme [L] a introduit une plainte auprès d'un juge d'instruction pour organisation frauduleuse d'insolvabilité dont elle s'est par la suite désistée, elle n'a à aucun moment tenter d'engager des poursuites pénales pour exercice illégal de la profession d'avocat ;

Considérant que Mme [L] ne peut dès lors valablement reprocher à l'Ordre des avocats son inaction alors qu'elle pouvait parfaitement elle-même déposer une plainte du chef du délit qu'elle invoque aujourd'hui ;

Considérant qu'il s'infère de ces développements qu'aucun des griefs soutenus par Mme [L] contre l'Ordre des avocats du Barreau de Paris n'est fondé ;

Que ses demandes ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées et le jugement entrepris, confirmé ;

Considérant que faute de démontrer le caractère abusif de la procédure et l'existence d'un préjudice subi, la demande de dommages et intérêts formée par l'Ordre des avocats du Barreau de Paris sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris.

Y AJOUTANT,

DÉBOUTE l'Ordre des avocats du barreau de Paris de sa demande de dommages et intérêts,

CONDAMNE Mme [G] [L] à verser à l'Ordre des avocats du barreau de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Jupin Algrin, avoués, conformément à l'article 699 du même code.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne LOUYS, conseiller faisant fonction de président et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 10/00185
Date de la décision : 10/03/2011

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°10/00185 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-10;10.00185 ?
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