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09/03/2011 | FRANCE | N°10/023648

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15, 09 mars 2011, 10/023648


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A

15ème chambre
Renvoi après cassation

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 09 MARS 2011

R. G. No 10/ 02364

AFFAIRE :

Lidwine X...

C/
Société ARMATIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juillet 2005 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOBIGNY
No Section : AD
No RG : 03/ 2390

Copies exécutoires délivrées à :

Me Judith BOUHANA
Me Laurence MEYER-TAIEB

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Lidwine X...

Société ARMATIS

le : REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE NEUF MARS DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu ...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A

15ème chambre
Renvoi après cassation

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 09 MARS 2011

R. G. No 10/ 02364

AFFAIRE :

Lidwine X...

C/
Société ARMATIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juillet 2005 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOBIGNY
No Section : AD
No RG : 03/ 2390

Copies exécutoires délivrées à :

Me Judith BOUHANA
Me Laurence MEYER-TAIEB

Copies certifiées conformes délivrées à :

Lidwine X...

Société ARMATIS

le : REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE NEUF MARS DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 12 mai 2010 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 2010 cassant et annulant l'arrêt rendu le 16 janvier 2008 par la cour d'appel de PARIS 21 e Chambre A

Madame Lidwine X...
...
75019 PARIS

comparant en personne,
assistée de Me Judith BOUHANA, avocat au barreau de PARIS

****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

Société ARMATIS
Immeuble Le Quintet Bât D
79 Avenue Edouard Vaillant
92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

représentée par Me Laurence MEYER-TAIEB, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Janvier 2011, devant la cour composée de :

Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,
dans l'affaire,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE

Mme Lidwine X... a été engagée par la société MATRIIX spécialisée dans le télémarketing et les télé-services en qualité de télé-enquêteur suivant contrats de travail à durée déterminée en date 24 mars 1999, du 9 avril 1999, du 16 avril 1999 et des 3 et 10 mai 1999 ; la relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 1999.

La convention collective SYNTEC est applicable aux relations contractuelles.

La société MATRIIX devenue la société CONVERGYS puis la société CONVERCALL lors de son acquisition par le groupe ARMATIS au mois d'août 2002, a été absorbée par la société ARMATIS à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine le 30 septembre 2003.

Mme Lidwine X... a été nommée téléconseiller résident commercial à compter du 27 février 2001.

Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 20 mars 2002 puis en congé de maternité jusqu'au 16 décembre 2002 ; elle a ensuite été placée en arrêt maladie à compter de cette date et devait reprendre son travail le 24 mars 2003 ; elle a bénéficié d'un congé parental d'éducation à temps partiel à compter du 25 mars 2003.

Elle a été placée en congé exceptionnel du 9 au 16 mai 2003, a suivi un stage de formation du 20 au 28 mai 2003 puis a été placée en congé exceptionnel du 2 au 9 juin 2003 puis en dispense d'activité jusqu'à nouvel ordre à compter du 20 juin 2003.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 30 mai 2003 d'une demande dirigée à l'encontre de son employeur tendant à titre principal à voir ordonner la poursuite de son contrat de travail dans les fonctions de commerciale résidentielle chargée de clientèle et à titre subsidiaire de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de condamnation de la société au paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 28 juillet 2005, le conseil des prud'hommes de Bobigny a :
- ordonné à la société ARMATIS de poursuivre le contrat de travail de Mme X... en qualité de chargée de clientèle,
- condamné la société à lui payer la somme de 37, 10 € à titre de paiement des tickets restaurant avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2003,
- condamné la société à lui payer la somme de 400 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme X... du surplus de ses demandes,
- mis les dépens à la charge de la société ARMATIS

La salariée a été licenciée pour faute grave le 12 octobre 2007 pour abandon de poste depuis le 8 mai 2007.

Sur appel interjeté par Mme X..., la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 16 janvier 2008 :
- confirmé le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- dit le licenciement fondé sur une faute grave,
- débouté Mme X... de ses prétentions,
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X... aux dépens.

Aux termes d'un arrêt rendu le 17 février 2010, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 16 janvier 2008 sauf en ce qu'il a ordonné à l'employeur de poursuivre le contrat de travail en qualité de chargée de clientèle et a condamné la société ARMATIS à payer à Mme X..., avec intérêts de droit, la somme de 37, 10 € à titre de tickets restaurant et a renvoyé la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt devant la cour d'appel de Versailles.

Mme X... a saisi la cour d'appel de Versailles le 11 mai 2010.
Vu les conclusions datées du 24 janvier 2011 reprises oralement tendant à l'infirmation du jugement rendu le 25 juillet 2005 sauf en ce qu'il a ordonné la poursuite du contrat de travail en qualité de chargée de clientèle et condamné la société ARMATIS au paiement de la somme de 37, 10 € au titre des tickets restaurant et celle de 400 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; elle demande à la cour de :
- dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
subsidiairement,
- dire le licenciement nul,
- condamner la société ARMATIS à lui payer les sommes suivantes :
* 3890, 56 € brut à titre de rappel de salaire du 24 mars au 14 décembre 2003,
* 389, 05 € brut au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,
* 3201, 42 € brut à titre d'indemnité conventionnelle de préavis,
* 320, 14 € brut au titre des congés payés afférents au préavis,
* 1890, 51 € net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 38 400 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour licenciement nul,
* 40 000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de sa grossesse, pressions et harcèlement moral,
avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2003 et le bénéfice de la capitalisation des intérêts,
- ordonné la remise des documents de fin de contrat sou astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt que la cour se réserve de liquider,
-10 000 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son recours, elle fait essentiellement valoir que :
- son employeur a multiplié les difficultés dès l'annonce de sa grossesse afin de la contraindre à démissionner en l'affectant à des postes ne correspondant pas à sa véritable qualification, en ne la rémunérant pas au salaire normal, en la rétrogradant à des fonctions inférieures à celles de téléconseiller, en la mettant en dispense d'activité forcée, en la laissant isolée et sans directives dans la salle de pause et en exerçant des pressions psychologiques pendant ses arrêts maladie,
- après l'avoir ignoré pendant près de trois mois, du 8 mai 2007 au 22 juillet 2007, l'employeur va subitement mettre en oeuvre une procédure de licenciement sans même chercher à connaître les raisons de son absence et alors que son contrat de travail était suspendu en l'absence de visite médicale de reprise ; les faits énoncés dans la lettre de licenciement sont prescrits ;

Vu les conclusions de la société ARMATIS datées du 24 janvier 2011 soutenues oralement tendant à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny, au rejet des prétentions de Mme X... et à sa condamnation au paiement de la somme de 1000 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle conteste l'existence d'un harcèlement moral et de discrimination à l'encontre de Mme X....
Elle rappelle que l'employeur peut sanctionner un comportement fautif qu'il connaît depuis plus de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi pendant ce délai, ce qui est le cas de l'abandon de poste reproché à Mme X... ; la salariée n'a jamais produit les justificatifs d'arrêts maladie ou de prolongations d'arrêt maladie à compter du 8 mai 2007 et a refusé de reprendre le travail.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 24 janvier 2011.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Considérant que les points demeurant en litige concernent les dommages-intérêts pour harcèlement moral, discrimination et pressions, les indemnités et dommages-intérêts afférents au licenciement et la demande de rappel de salaires ; qu'ils n'avaient fait l'objet d'aucune demande devant le conseil de prud'hommes, la demande principale de Mme X... portant sur la poursuite du contrat de travail et le licenciement ayant été prononcé postérieurement à ce jugement ;

- Sur le harcèlement moral, la discrimination à raison de la grossesse :

Considérant suivant les dispositions de l'article 1152-1 énonçant qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ainsi que les dispositions de droit commun concernant l'exécution des contrats ; qu'il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d'instruction qu'il estime utile ; qu'en ce qui concerne la discrimination, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer une discrimination directe ou indirecte et au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Considérant qu'il convient de reprendre successivement pour les examiner les faits dénoncés par Mme X... ainsi que les éléments mis aux débats :

* sur la mise en congés forcés au mois de mars 2002 par un employeur qui n'acceptait pas sa grossesse :

Considérant que la salariée dit avoir été mise en congés forcés au mois du 4 au 16 mars 2002 et avoir signé la demande de congé sous la pression de Melle A... ; qu'aucun élément n'est mis aux débats de nature à accréditer l'existence de pression, les seuls comptes-rendus établis par Mme X..., à une date non précisée, comportant sa propre analyse de la situation à l'annonce de sa grossesse et des circonstances dans lesquelles elle a signé sa demande de congés, ne permettant de présumer de l'existence d'un harcèlement ou d'une discrimination à raison de sa grossesse ;

* sur les pressions à la reprise du travail au mois de mars 2003 :

Considérant que Mme X... fait valoir qu'elle n'a pas retrouvé son précédent emploi ou un emploi similaire lors de son retour de congé maternité et ce, au mépris des dispositions de l'article L. 1225-25 du code du travail ; qu'elle a demandé à reprendre son activité en qualité de chargée de clientèle, fonction à laquelle avaient accédé ses collègues de travails téléconseillers commerciaux au mois de septembre 2002 alors qu'elle était en congé maternité ; qu'elle lui reproche également de ne pas lui avoir fourni de travail et de n'avoir pas recherché une affectation conforme à sa qualification ; que la société ARMATIS explique que la salariée ne pouvait pas être réintégrée sur l'opération Microsoft au poste qu'elle occupait avant son départ en congé maternité car la société MICROSOFT avait résilié le contrat confié à la société suivant lettre recommandée en date du 14 février 2003 à effet au 10 mai 2003 mise aux débats ; qu'elle lui a proposé une modification de son contrat de travail le 25 mars 2003, le poste proposé étant celui de téléconseiller junior ; qu'elle a d'abord proposé à Mme X... de l'affecter sur le compte " Marketing " le 21 mai 2003- lettre non retirée par la salariée-puis sur le compte " Gdf " le 17 septembre 2003 " avec indication du maintien de la rémunération, des fonctions et de la classification, poste refusé par la salariée en l'absence de précisions sur la nature du poste, les horaires de travail et la rémunération ;

Considérant que les dispositions de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris ont acquis force de chose jugée en ce qu'elles ont confirmé le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 28 juillet 2005 ayant ordonné à l'employeur de poursuivre le contrat de travail de Mme X... en qualité de chargée de clientèle ; qu'il en résulte que le manquement de l'employeur à son obligation dès le mois de mars 2003 de proposer à la salariée un emploi similaire à son précédent emploi est établi de manière certaine ; que ce manquement s'est poursuivi jusqu'au 14 mars 2006, date à laquelle l'employeur a proposé à Mme X... un poste de chargée de clientèle sur l'opération " Edf " sur le site de Boulogne-Billancourt dès son retour d'arrêt de travail, respectant ainsi les dispositions du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny du 28 juillet 2005 qui n'a été notifié aux parties que le 23 février 2006 ; que Mme X... qualifie cette proposition de " simulacre " sans même prendre la peine d'étayer cette affirmation ; que la cour retient que cette proposition est sérieuse ; qu'il n'en demeure pas moins qu'entre le mois de mars 2003 et le mois de mars 2006, l'employeur ne justifie d'aucune recherche sérieuse d'un emploi similaire, qu'il a placé la salariée en congé exceptionnel ou en dispense d'activité à plusieurs reprises au cours de l'année 2003 ou en ne lui confiant aucun travail en la laissant en salle de pause ; qu'il a par ailleurs reproché à la salariée ses 121 jours d'absence entre juillet 2002 et octobre 2003 et lui a demandé de prendre toutes mesures afin d'éviter ces absences répétitives alors que lesdites absences sont justifiées par des arrêts maladie ; qu'enfin, il l'a convoquée à deux entretiens préalables à une mesure de licenciement, le premier le 4 mars 2004 alors qu'elle venait de demander la prolongation de son congé parental d'éducation et le second le 26 janvier 2005 pour ensuite abandonner ces procédures ; que ces agissements caractérisent le harcèlement moral portant atteinte aux droits de la salariée ;

Considérant en revanche que Mme X... qui fait état d'incessantes pressions psychologiques jusqu'au 15 mai 2007 n'établit l'existence d'aucun fait de cette nature en 2006 et 2007 ; qu'il convient de rappeler qu'elle a été absente pour maladie pendant toute l'année 2006 et jusqu'au 1er mai 2007 puis absente pour un motif non précisé au delà de cette date, sans qu'aucun lien ne soit établi entre ses arrêts et ses conditions de travail redevenues normales le 14 mars 2006 par suite de la proposition d'occuper un poste de chargée de clientèle dès la fin de son arrêt de travail pour maladie ; que les trois courriers adressés par l'employeur en 2006-7 février, 16 mars et 10 mai 2006- et le courrier adressé le 14 mai 2007 lui réclamant le paiement d'un trop perçu au titre des salaires, au demeurant non contesté, ou les erreurs administratives figurant sur quelques bulletins de paie ne constituent pas les indices d'un harcèlement ou d'une discrimination pendant la période considérée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'existence d'un harcèlement moral est établi pour la période comprise entre le mois de mars 2003 et le mois de mars 2006 ; que la cour trouve en la cause les éléments suffisants pour dire que le préjudice subi par la salariée pendant cette période sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 12 000 € ; que le surplus de la demande doit être rejeté comme non fondé ;

- Sur le licenciement :

Considérant selon l'article L. 1232-6 du Code du travail que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de notification du licenciement ; que ce ou ces motifs doivent être matériellement vérifiables et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ; ; qu'à défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

Considérant, au cas présent, que Mme X... a été licenciée pour faute grave le 12 octobre 2007 pour abandon de poste sans justification depuis le 8 mai 2007 malgré une mise en demeure de reprendre le travail en date du 23 juillet 2007 et de justifier des absences antérieures ; que cette décision est intervenue après que l'employeur a accepté de reporter à deux reprises la date de l'entretien préalable à la demande de la salariée ; que le refus de l'employeur d'ajourner une troisième fois l'entretien préalable à la demande de Mme X... qui avait pris rendez vous le même jour avec le médecin du travail, n'affecte en rien la régularité de la procédure ;

Considérant que Mme X... critique le licenciement en opposant à titre principal la prescription des faits fautifs et à titre subsidiaire la nullité du licenciement :

* sur la prescription des faits fautifs :

Considérant que Mme X... soulève la prescription des fautes reprochées en faisant valoir que le licenciement est fondé sur l'abandon de poste depuis le 8 mai 2007 et que la procédure de licenciement a été engagée le 31 juillet 2007 par l'envoi d'une convocation à entretien préalable, soit au delà de deux mois prévu à l'article L. 1334-2 du code du travail qui dispose que " aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. "

Considérant cependant que l'article L. 1334-2 du code du travail ne s'oppose pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai ; qu'en l'espèce, l'abandon de poste reproché à Mme X... s'est poursuivi jusqu'à la date de notification du licenciement ;

* sur la nullité du licenciement :

Considérant que pour conclure à la nullité du licenciement, Mme X... fait valoir que le contrat de travail était suspendu en l'absence de mise en oeuvre par l'employeur de la visite médicale de reprise alors qu'il est tenu d'une obligation de résultat en matière de protection de la santé des travailleurs ; qu'elle soutient que son absence n'est pas fautive puisque son contrat de travail était suspendu et rappelle que l'employeur ne peut pas licencier un salarié quand le contrat de travail est suspendu sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié, conditions non remplies en l'espèce ;

Considérant que la suspension du contrat de travail ne dispense pas le salarié de son obligation d'adresser à l'employeur les justificatifs de ses absences dues à la maladie ; que le moyen opposé par Mme X... est donc inopérant ; qu'en ce qui concerne la visite médicale de reprise du travail, elle a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours suivant les dispositions de l'article R. 4624-22 du code du travail ; qu'en l'espèce, force est de constater que la salariée n'a jamais repris son travail si bien que l'employeur n'a commis aucun manquement à son obligation de résultat en matière de protection de la santé du salarié en ne mettant pas en oeuvre la visite médicale de reprise ;

Considérant que durant la période de suspension du contrat de travail, le contrat de travail peut être rompu pour faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour une raison non liée à l'état de santé ; qu'en l'espèce, l'employeur s'est placé sur le terrain de la faute grave et non sur celui de l'impossibilité de maintenir le contrat ; que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, la cour n'examinera que la faute grave ;

Qu'en l'espèce, Mme X... a été licenciée pour abandon de poste depuis le 8 mai 2007 ; que l'abandon de poste est établi, la salariée n'ayant produit aucun justificatif d'arrêt maladie ou de prolongation d'arrêt maladie en dépit des mises en demeure qui lui ont été adressées par son employeur les 6 et 23 juillet 2007 ; que si elle a justifié de son absence uniquement pour la période du 21 au 26 septembre 2007 par la production d'un bulletin d'hospitalisation, le justificatif n'a été remis à l'employeur que le 31 octobre 2007 soit postérieurement au licenciement prononcé le12 octobre 2007 et ne couvre pas toute la période d'absence ; que le fait par Mme X... de ne produire aucun justificatif d'absence pour les mois de juin, juillet, août et jusqu'au 20 septembre 2007 et de ne justifier d'aucune circonstance qui l'aurait empêchée de les transmettre, alors que l'employeur a reporté à deux reprises l'entretien préalable lui permettant ainsi de rassembler les justificatifs, constitue une faute grave ; qu'il n'existe à l'évidence aucun lien entre le licenciement et l'état de santé de la salariée puisqu'elle ne justifie d'aucun motif médical depuis le mois de mai 2007 ; que les demandes afférentes au licenciement doivent en conséquence être rejetées ;

Sur le rappel de salaires :

Considérant que Mme X... conclut à la condamnation de la société ARMATIS à lui payer la somme de 3890, 56 € à titre de rappel de salaires outre celle de 389, 05 € au titre des congés payés en expliquant qu'à son retour de congé maternité, son salaire n'a pas été aligné sur celui de ses collègues chargés de clientèle, soit 1600, 71 €, et qu'il est demeuré fixé à 1158, 58 €, soit une différence de 442, 13 € par mois entre mars et décembre 2003 ; que la société ARMATIS s'oppose à cette demande en faisant valoir que la situation des salariés visés par Mme X... n'est pas comparable à la sienne ;

Considérant que Mme X... a perçu pendant la période considérée une rémunération mensuelle de 1158, 58 € pour 121, 33 heures, ce qui représente une somme de 1448 € pour 151, 67 heures, cette référence étant nécessaire pour les besoins de la comparaison avec d'autres salariés travaillant à temps plein ; qu'il est vérifié que, à fonction, coefficient et qualification identiques et avec des anciennetés proches,
- pour un temps plein, M. Y...perçoit un salaire de 1372, 04 €,
- pour un temps plein, Mme B... perçoit une rémunération mensuelle de 1448, 27 €
- pour un temps plein, Mme C... perçoit un salaire de 1600, 71 €
- pour un temps plein, Mme Z... perçoit un salaire de 1600, 71 €,

Que plus généralement sur 39 chargés de clientèle au même coefficient et échelon, 9 ont un salaire identique à celui perçu par Mme X... ramené sur la base d'un temps plein, 11 perçoivent un salaire inférieur à celui perçu par Mme X..., les 19 autres percevant un salaire supérieur à celui de Mme X... dont cinq ont une ancienneté supérieure à la sienne ; que ces éléments permettent de vérifier que Mme X... ne fait l'objet d'aucune discrimination salariale et que son salaire ramené sur la base d'un temps plein se situe dans la moyenne des salaires versés aux chargés de clientèle ; que la demande tendant au paiement d'un rappel de salaire et congés payés en raison d'une discrimination salariale n'est donc pas fondée ;

Sur la remise de documents sous astreinte :

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande eu égard à l'issue du litige ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande de faire application de cette disposition au profit de Mme X... dans la mesure prévue au dispositif du présent arrêt ; que cette même demande doit être rejetée en ce qu'elle émane de la société ARMATIS ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et par ARRÊT CONTRADICTOIRE,

Vu le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 28 juillet 2005, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 janvier 2008 et l'arrêt rendu par la cour de cassation le 17 février 2010,

- CONDAMNE la société ARMATIS à payer à Mme X... la somme de 12 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral consécutif au harcèlement moral subi entre le mois de mars 2003 et le mois de mars 2006, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

- ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil,

- DIT le licenciement fondé sur une faute grave,

- DEBOUTE Mme X... du surplus de ses prétentions,

Y ajoutant,

DEBOUTE la société ARMATIS sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société ARMATIS à payer à Mme X... la somme complémentaire de 4000 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la société ARMATIS aux dépens afférents aux procédures de première instance et d'appel.

Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15
Numéro d'arrêt : 10/023648
Date de la décision : 09/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2011-03-09;10.023648 ?
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