COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 09 MARS 2011
Jonction
R. G. No 10/ 03622-10/ 03680
AFFAIRE :
Rabah X...
C/
S. A. R. L. POINT BLEU " UNITED OFFICE UNITEC ELECTRIC "
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 18 Mai 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Industrie
No RG : 09/ 00863
Copies exécutoires délivrées à :
Me Véronique RABILLER
Me Marie Christine HALPERN
Copies certifiées conformes délivrées à :
Rabah X...
S. A. R. L. POINT BLEU " UNITED OFFICE UNITEC ELECTRIC "
LE NEUF MARS DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Rabah X...
...
92270 BOIS COLOMBES
comparant en personne,
assisté de Me Véronique RABILLER,
avocat au barreau de PARIS
****************
S. A. R. L. POINT BLEU " UNITED OFFICE UNITEC ELECTRIC "
16 rue Grange Dame Rose
78140 VELIZY VILLACOUBLAY
représentée par Me Marie Christine HALPERN,
avocat au barreau de PARIS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle OLLAT, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
M. Rabah X... a été engagé par la Sarl Point Bleu en qualité de peintre suivant lettre d'embauche en date du 7 novembre 2007 valant contrat de travail à durée indéterminée moyennant le paiement d'une rémunération mensuelle brute de 1700 € outre une prime de panier journalier d'un montant de 7, 50 €.
La convention collective de la métallurgie est applicable aux relations contractuelles.
Après convocation du 31 mars 2009 à un entretien préalable qui s'est tenu le 10 avril 2009 reporté au 11 mai 2009, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée en date du 19 mai 2009 ainsi motivée " Nous vous rappelons les faits qui nous conduisent à procéder à votre licenciement : non respect fréquent des temps d'exécution de travaux qui vous sont confiés, insubordination envers votre chef d'où des erreurs graves dans l'exécution des chantiers, travail non conforme aux normes professionnelles et refusé par le client d'où la nécessité de faire refaire le travail par un autre salarié. "
Au dernier état de la relation contractuelle, M. X... percevait une rémunération mensuelle brute de 1800 € ; la société emploie plus de onze salariés.
Contestant la mesure de licenciement, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles le 7 septembre 2009 d'une demande dirigée à l'encontre de la société Point Bleu tendant à titre principal à la nullité du licenciement et à titre subsidiaire à l'absence de cause réelle et sérieuse et la voir condamner au paiement des sommes suivantes :
* 21 600 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
* 424, 69 € au titre des salaires,
* 42, 46 € au titre des congés payés afférents,
* 82, 75 € à titre de rappel de primes,
* 200, 75 € à titre de remboursement de frais de dépannage,
* 2500 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
avec le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par jugement en date du 18 mai 2010, le conseil de prud'hommes de Versailles a :
- dit le licenciement de M. X... dénué de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société à lui payer les sommes suivantes :
* 10 800 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
* 1000 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs plus amples prétentions,
- ordonné à la société la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle emploi conforme au jugement,
- condamné la société aux dépens.
La SARL Point Bleu a régulièrement interjeté appel du jugement.
Vu les conclusions datées du 25 janvier 2011 soutenues oralement par lesquelles elle conclut à l'infirmation du jugement et au rejet des prétentions de M. X....
Au soutien de son recours, elle fait essentiellement valoir que :
- elle n'avait aucune obligation de soumettre le salarié à une visite médicale de reprise, aucune des absences n'étant supérieure à 21 jours,
- les faits énoncés dans la lettre de licenciement sont prouvés et sont la marque d'une insuffisance professionnelle du salarié,
- le salarié n'a réalisé aucune heure supplémentaire à sa demande.
M. X... a formé appel incident.
Vu les conclusions datées du 25 janvier 2011 développées oralement tendant à titre principal à l'infirmation du jugement en ce qu'il a refusé de prononcer la nullité du licenciement et en sa disposition relative aux dommages-intérêts ; il demande à la cour de dire le licenciement nul et de condamner la société à lui payer la somme de 21 600 € à titre de dommages-intérêts ; à titre subsidiaire, il conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et à l'infirmation en ce qui concerne le montant de l'indemnisation qu'il demande à la cour de porter à la somme de 21 600 €, en ce qui concerne les heures supplémentaires et le remboursement des frais de déplacement et conclut à la condamnation de la société à lui payer les sommes de :
* 424, 69 € au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents,
* 200, 75 € en remboursement des frais de dépannage,
* 192, 50 € au titre de la prime de panier,
* 2500 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
et la remise des documents de fin de contrat rectifiés.
Il fait valoir qu'il aurait dû bénéficier d'une visite médicale de reprise conformément aux dispositions de l'article R. 4624-1 du code du travail compte tenu de ses arrêts maladie répétés, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; que le licenciement pour cause réelle et sérieuse prononcé alors que le contrat de travail était suspendu est nul ; qu'à défaut, il est dépourvu de cause réelle et sérieuse, la lettre de licenciement étant insuffisamment motivé et les faits n'étant pas établis.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 25 janvier 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur la jonction :
Considérant qu'il est dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des instances répertoriées sous les numéros 10/ 03680 et 10/ 03622 afin de statuer par un seul et même arrêt ; que l'affaire sera désormais appelée sous le numéro10/ 03622 ;
- Sur la nullité du licenciement :
Considérant que M. X... rappelle les dispositions de l'article R. 4624-21 du code du travail suivant lesquelles le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail en cas d'absences répétées pour raisons de santé et reproche à la société de les avoir méconnues, ce qui rend son licenciement nul ; que la société Point Bleu s'oppose à cette demande en expliquant que les absences répétées ne sont pas précisément définies ;
Considérant que l'article R. 4624-21 du code du travail dispose que le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail en cas d'absences répétées pour raisons de santé ; que cette visite a pour objet d'apprécier l'aptitude du salarié à reprendre son ancien emploi et la nécessité d'une adaptation de ses conditions de travail ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... a été absent pour maladie du 5 au 9 mars 2009, du 13 au 27 mars 2009 et du 1er au 20 avril 2009 ; que le texte ne précise pas le nombre ni la périodicité des absences mais qu'il peut en être déduit que des absences suffisamment nombreuses et rapprochées peuvent faire présumer que le salarié ne peut pas continuer à occuper son emploi sans aménagement de celui-ci et rendent nécessaires un examen de reprise du travail ;
Considérant que les trois arrêts médicaux très rapprochés dans le temps et dont la durée totale est de 39 jours en moins de deux mois constituent des absences répétées au sens de la disposition susvisée ; que l'employeur tenu d'une obligation de résultat en matière de protection de la santé des travailleurs, doit en assurer l'effectivité et ne devait pas laisser M. X... reprendre son travail après ces trois absences consécutives sans le faire bénéficier d'une visite médicale de reprise destinée à apprécier son aptitude ; qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement et de dire le licenciement nul, les conditions de la dérogation à l'interdiction de licencier n'étant pas réunies en l'absence de faute grave ;
- Sur l'indemnisation :
Considérant que le salarié a droit à une indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins équivalente à celle prévue à l'article L. 1235-3 du code du travail ;
Considérant que M. X... qui avait moins de deux ans d'ancienneté réclame l'allocation d'une indemnité d'un montant de 21 600 € équivalente à douze mois de salaire en faisant valoir qu'il n'a pas retrouvé d'emploi,
Considérant que la cour trouve en la cause les éléments suffisants pour dire que le préjudice subi par M. X... sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 16 000 € ; que le surplus de la demande doit être rejeté comme non fondé ;
- Sur les heures supplémentaires :
Considérant que M. X... réclame le paiement de la somme de 424, 69 € outre les congés payés afférents en paiement des heures supplémentaires accomplies en effectuant des travaux au domicile personnel de M. Y... pendant plusieurs week-ends et sur un chantier de nuit au musée de la Marine ; que si l'employeur a rémunéré quelques heures, il demeure redevable de onze heures supplémentaires réalisés le 27 septembre 2007 et 10 heures réalisés au musée au mois de janvier 2009 ; que l'employeur s'oppose à cette demande en faisant valoir que le contrat de bail de M. Y... ayant pris effet au 1er octobre 2007, le salarié ne peut avoir effectué des heures supplémentaires le 27 septembre précédent ; qu'en ce qui concerne le chantier du musée de la Marine, le salarié a bénéficié du règlement de dix heures supplémentaires non effectuées ;
Considérant aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le même texte ajoute que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, à l'appui de sa demande ;
Considérant que pour étayer sa demande, M. X... met aux débats les mises en demeure adressée à la société le 16 juillet 2009 et le 28 juillet 2009 d'avoir à lui payer les heures supplémentaires réalisées chez M. Y... et sur le chantier du musée de la Marine ; que ces seuls courriers ne caractérisent pas l'accomplissement d'heures supplémentaires, si bien que la demande ne peut qu'être rejetée ; que le jugement doit être confirmé sur ce point ;
- Sur le remboursement des frais de dépannage :
Considérant que M. X... réclame le remboursement de la facture de dépannage de son véhicule personnel qu'il a été contraint d'utiliser pour se rendre sur un chantier situé à Orléans ; qu'il fonde sa demande sur l'article 2. 2. 2 de l'annexe IV à la convention collective relative aux petits déplacements, ce à quoi l'employeur s'oppose ;
Considérant que les textes invoqués par le salarié ne concernent que la prise en charge des fais de transport ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande ;
- Sur la prime de panier :
Considérant que M. X... conclut à la condamnation de la société Point Bleu à lui payer les indemnités de petits déplacements pour le mois de décembre 2007 ; que l'employeur réplique que les conditions du versement ne sont pas réunies en l'espèce, le temps de trajet n'excédant pas une heure trente ;
Considérant que M. X... ne met aux débats aucune pièce de nature à établir que le trajet entre Vélizy et Orléans excède une heure trente alors que cette durée est celle retenue sur le site d'information Mappy de calcul des temps de trajet ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;
- Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que l'équité commande de faire application de cette disposition au profit de l'appelant dans la mesure prévue au dispositif du présent arrêt ; que cette même demande doit être rejetée en ce qu'elle émane de la société intimée ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et par ARRÊT CONTRADICTOIRE,
ORDONNE la jonction des instances répertoriées sous les numéros 10/ 03680 et 10/ 03622 et dit que l'affaire sera désormais appelée sous le numéro10/ 03622,
CONFIRME le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Versailles le 18 mai 2010 sauf en ses dispositions relatives à la qualification de la rupture du contrat de travail et à l'indemnisation,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
DIT nul le licenciement de M. X...,
CONDAMNE la Sarl Point Bleu " United Office Electric " à lui payer la somme de 16 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2010,
DÉBOUTE M. X... du surplus de ses prétentions,
DÉBOUTE la Sarl Point Bleu " United Office Electric " de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
CONDAMNE la Sarl Point Bleu " United Office Electric " au paiement de la somme complémentaire de 1500 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Sarl Point Bleu " United Office Electric aux dépens afférents aux procédures d'appel.
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.