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09/02/2011 | FRANCE | N°08/00839

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 février 2011, 08/00839


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES



Code nac : 80A
15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 09 FEVRIER 2011

R. G. No 09/ 04020

AFFAIRE :

Natalia X... NEE Y...




C/
S. A. SOFRIGAM



Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 01 Septembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
No RG : 08/ 00839



Copies exécutoires délivrées à :

Me Stéphanie KALOFF
la SELARL ODINOT & Associés



Copies certifiées conformes délivrées à :

Natalia X... NEE Y...


S. A. SOFRIGAM

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF FEVRIER DEUX MILLE ONZE,
La cour d...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A
15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 09 FEVRIER 2011

R. G. No 09/ 04020

AFFAIRE :

Natalia X... NEE Y...

C/
S. A. SOFRIGAM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 01 Septembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
No RG : 08/ 00839

Copies exécutoires délivrées à :

Me Stéphanie KALOFF
la SELARL ODINOT & Associés

Copies certifiées conformes délivrées à :

Natalia X... NEE Y...

S. A. SOFRIGAM

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF FEVRIER DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Natalia X... NEE Y...

...

75008 PARIS

comparant en personne,
assistée de Me Stéphanie KALOFF, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************
S. A. SOFRIGAM
212 Avenue Paul Doumer
92500 RUEIL MALMAISON

représentée par la SELARL ODINOT & Associés, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président chargé (e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :

Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Nicole BURKEL, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Madame Natalia Y... épouse X... a été engagée par le société SOFRIGAM suivant contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 25 novembre 2002, en qualité d'assistante de direction.

Par avenant du 1er octobre 2003 elle était nommée " Responsable Commerciale France ".

La convention collective régissant la relation de travail était celle de la Chimie.

Victime d'une dépression sévère Madame X... était arrêté du 10 décembre 2007 au 2 janvier 2008.

Le 3 janvier 2008 lors de la visite de reprise, le médecin du travail constatait la détérioration de la santé de la salariée et concluait : " inapte à son poste de responsable commerciale. Il n'y aura pas de second examen conformément à la procédure de danger immédiat prévue à l'article R241-52-1 du Code du travail. L'état de santé de la salariée ne permet pas de formuler des propositions de reclassement. Apte à un poste de responsable commercial dans un autre contexte professionnel ".

Le 11 janvier 2008 l'employeur formulait alors deux propositions de reclassement :

La première sur le site de production de MOUCHY LE PREUX situé à 200 kms de son domicile, la seconde consistant à des fonctions de visites aux clients auprès des clients de la société sur l'ensemble du territoire.

Dans le même courrier l'employeur précisait :

" Dans l'intervalle, et ce sera peut être d'ailleurs l'occasion de l'évoquer, il faut envisager, si aucune de ces propositions ne vous convient, de procéder à votre licenciement.

Vous voudrez bien, en conséquence, vous présenter à un entretien préalable à ladite mesure le 21 janvier prochain à 10 heures à mon bureau.

Nous vous précisons que vous avez la possibilité de vous faire assister etc... ".

Par lettre du 21 janvier elle qualifiait ces propositions qu'elle refusait d'hypocrite et se disait victime du harcèlement moral de Monsieur C....

Elle était licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 janvier 2008. Elle était libellée dans les termes suivants :

" Je donne suite à l'entretien préalable auquel je vous avais convoquée le 24 janvier courant et auquel vous n'avez pas jugé utile d'assister.

Je le regrette, car cela nous aurait permis d'explorer ensemble les propositions de reclassement que j'ai eu l'occasion de vous faire et notamment d'envisager celle que vous avez évoquée dans votre correspondance du 21 janvier dernier, c'est à dire la perspective de continuer à collaborer avec la société SOFRIGAM non plus au travers d'un contrat de travail, mais au travers d'un contrat d'Agent Commercial.

En tout état de cause, j'ai bien compris de votre courrier du 21 janvier, mais également de nos échanges précédents, que, ce qui vous pèse, est de devoir collaborer avec moi, de devoir me rendre compte de votre activité et donc le lien de subordination qui s'évince de toute relation salariée et qui en est même le fondement.

Je le regrette, contrairement à ce que vous affirmer faussement, car je n'ai jamais souhaité que vous ne fassiez plus partie de l'Entreprise et c'est d'ailleurs avec surprise, comme je vous l'ai écrit, que j'ai pris connaissance de l'avis de la médecine du travail, suite à la visite de reprise que vous avez effectuée le 3 janvier dernier, et c'est la raison pour laquelle, toujours contrairement à ce que vous prétendiez, nous avons recherché activement pour vous un reclassement au travers de deux propositions, que vous avez refusées au motif finalement que, quel que soit le mode d'exécution de vos fonctions, vous demeuriez sous ma subordination hiérarchique.

Aussi, confronté à cet avis de la Médecine du Travail et à votre refus d'accepter nos propositions de reclassement, je ne peux que procéder à votre licenciement, regrettant à nouveau que vous ne vous soyez pas présentée à l'entretien préalable pour discuter éventuellement des conditions dans lesquelles vous auriez pu continuer votre collaboration avec l'entreprise sous le statut d'Agent Commercial, sachant néanmoins que vous auriez, en vertu même de ce statut, dû continuer à me rendre compte directement de votre activité.

Par ailleurs, toujours contrairement à ce que vous indiquez, je conteste vigoureusement être à l'origine de l'état de santé physique et moral que vous décrivez.

Je note d'ailleurs dans votre correspondance du 21 janvier 2008 que je ne serais soucieux que de chiffres et de résultats commerciaux alors même-et vous le savez bien-qu'il n'en est rien, et que c'est vous, tout au contraire, consciente d'une part, que vous n'atteindriez pas votre objectif 2007 et, d'autre part, que les conditions de négociation de votre partie variable pour 2008 seraient moins sereines que précédemment, qui avez construit artificiellement le reproche de harcèlement moral que vous me faites.

Le licenciement qui vous est ainsi notifié prendra effet à la date de la présente correspondance.

Votre préavis est d'une durée de trois mois et débute également à la date du présent courrier.

Pour autant, dès lors que vous n'êtes pas à même de l'effectuer, il ne vous sera pas réglé.

Par ailleurs, nous vous informons que vous disposez de 74 heures au titre du Droit Individuel à la Formation.

L'ensemble des documents afférents à la terminaison de votre contrat de travail (certificat de travail et Attestation ASSEDIC) sera à votre disposition au siège de l'Entreprise ; compte tenu des circonstances, nous vous adresserons l'ensemble de ces éléments par courrier, sauf à ce que vous souhaitiez venir effectivement les chercher au siège de l'Entreprise compte tenu des difficultés de la Poste dans votre arrondissement.

Je vous rappelle, par ailleurs, que vous demeurerez tenue de votre contrat de travail, de l'obligation de confidentialité contenue audit contrat.

De même, je vous rappelle qu'à la terminaison de votre contrat de travail, vous devrez vous interdire de tout acte de concurrence déloyale à l'endroit de la société SOFRIGAM et notamment :

- de dénigrer les produits, où la politique commerciale de la société SOFRIGAM,

- d'entretenir volontairement une confusion entre la société SOFRIGAM et la structure ou l'entité juridique au profit de laquelle vous exercerez éventuellement de nouvelles fonctions,

- de détourner soit à votre profit, soit au profit de tiers, la clientèle de la société SOFRIGAM, notamment au travers de manoeuvres de prospection de la clientèle que vous auriez été amené à connaître et à gérer dans le cadre de vos fonctions au sein de la société SOFRIGAM, notamment au travers de manoeuvres de prospection de la clientèle que vous auriez été amené à connaître et à gérer dans le cadre de vos fonctions au sein de la société SOFRIGAM,

- de tenter de débaucher, ou de débaucher, les salariés de la société SOFRIGAM. "

C'est dans ces circonstances que Madame X... devait saisir le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE aux fins de contester la légitimité de son licenciement et se voir allouer notamment la somme de 130. 000 € à titre de dommages-intérêts ou la même somme pour la nullité de la rupture résultant du harcèlement moral de Monsieur C....

Par jugement contradictoirement prononcé le 1er septembre 2009 le Conseil de Prud'hommes a rendu la décision suivante :

- dit et juge que le licenciement prononcé à l'égard de Madame Natalia Y... épouse X... repose sur une cause réelle et sérieuse,

- condamne en outre la société SA SOFRIGAM à verser à Madame Natalia Y... épouse X... la somme de 14. 850 à titre de prime sur chiffre d'affaires pour l'année 2007 avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2008.

- dit que les intérêts échus depuis plus d'un an à compter du présent jugement seront eux-mêmes productifs d'intérêts,

- ordonne la remise par la société SA SOFRIGAM à Madame Natalia Y... épouse X... de son attestation ASSEDIC et de son bulletin de paye de février 2008 rectifiés,

- rappelle que sont exécutoires de droit à titre provisoire les condamnations ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletin de paie, certificat de travail...) ainsi que celles ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R1454-14 (anc. R. 516-18) du Code du travail dans la limite de neuf mensualités étant précisé que la moyenne des salaires des trois derniers mois doit être fixée à 5. 400 €.

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire pour le surplus,

- condamne la société SA SOFRIGAM à verser à Madame Natalia Y... épouse X... la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- déboute Madame Natalia Y... épouse X... du surplus de ses demandes,

- reçoit et déboute la SA SOFRIGAM de ses demandes reconventionnelles,

- condamne la SA SOFRIGAM aux entiers dépens

Ainsi jugé, et mis à la disposition des parties au greffe, les an, mois et jour sus-indiqués, le présent jugement a été signé par le Greffier et le Président d'audience.

Par conclusions déposées au greffe et soutenues oralement à l'audience l'appelante a formulé les demandes suivantes :

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de NANTERRE en date du 1er septembre 2009 en ce qu'il a condamné la société SOFRIGAM à verser à Madame X... la somme de 14. 850 € à titre de primes sur le chiffre d'affaires pour l'année 2007 avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2008 et dit qu'en application de l'article 1154 du Code Civil les créances salariales seront productives d'intérêts au taux légal.

Pour le surplus,

- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de NANTERRE en date du 1er septembre 2009,

à titre principal,

- constater le harcèlement moral subi par Madame X...,

- dire et juger le licenciement de Madame X... nul,

En conséquence,

- condamner la société SOFRIGAM à payer à Madame X... la somme de 153. 000 € à titre de dommages-intérêts,

A titre subsidiaire,

- constater le manquement de la société SOFRIGAM à son obligation de sécurité de résultat,

- dire et juger le licenciement de Madame X... sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner la société SOFRIGAM à payer à Madame X... la somme de 130. 000 € à titre de dommages-intérêts,

A titre infiniment subsidiaire,

- constater l'absence de recherches sérieuses, précises et loyales de reclassement,

- dire et juger le licenciement de Madame X... sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner la société SOFRIGAM à payer à Madame X... la somme de 130. 000 € à titre de dommages-intérêts,

En tout état de cause,

- condamner la société SOFRIGAM à payer à Madame X... les sommes de :

-16. 234, 93 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

-1. 623, 49 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

-1. 485 € à titre des congés payés sur la prime sur chiffre d'affaires pour l'année 2007

-3. 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile

-débouter la société SOFRIGAM de ses demandes reconventionnelles

-assortir les condamnations à intervenir des intérêts à taux légal à compter de la demande introductive d'instance et vu l'article 1154 du Code civil, ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société SOFRIGAM aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En réplique la société SOFRIGAM a fait conclure et soutenir oralement les demandes suivantes :

- recevoir la société SOFRIGAM en ses présentes écritures et y faisant droit,

Vu les pièces versées aux débats,

Statuant sur l'appel principal de Madame Natalia X... :

- dire et juger que le licenciement prononcé à l'endroit de Madame Natalia X... ne saurait être frappé de nullité

A titre subsidiaire,

- constater qu'il est parfaitement pourvu d'une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- débouter Madame Natalia X... de son appel et de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Statuant sur l'appel incident de la société SOFRIGAM :

- condamner Madame Natalia X... à verser à la société SOFRIGAM la somme de 2. 230, 96 € à titre de remboursement des avances perçues sur la prime 2007 et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2008, date de l'établissement du solde de tout compte et de la constatation de ce trop perçu en faveur de l'employeur,

- condamner Madame Natalia X... à verser à la société SOFRIGAM la somme de 14. 850 € versée au titre de l'exécution provisoire,

- condamner, en outre, Madame Natalia X... à payer à la société SOFRIGAM la somme de 5. 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que Madame Natalia X... a prétendu avoir fait l'objet de harcèlement moral de la part de Monsieur C... Président directeur général de la société à partir de 2007 qui a eu pour effet de provoquer chez elle une dépression nerveuse profonde ;

Considérant que l'article 1182-1 du Code du travail dispose : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ;

Que l'employeur a à cet égard une obligation de sécurité qui est une obligation de résultat ;

Que pour ce qui est du régime de la preuve le salarié qui prétend avoir été harcelé est tenu d'apporter des éléments de faits suffisants permettant de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, l'employeur devant quant à lui, justifier que les agissements invoqués par le salarié ne sont pas constitutifs de harcèlement ;

Qu'enfin en application de l'article 1152-3 du Code du travail " toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul " ;

Considérant que, dans le cas présent, il est établi que Madame Natalia X... a été engagée à compter du 25 novembre 2002, que très vite cette dernière devait donner entière satisfaction puisque les avenants versés aux débats établissent qu'elle devait connaître une progression professionnelle rapide ; de secrétaire de direction, elle devait en effet être nommée coordonatrice commerciale avec pour mission de gérer le chiffre d'affaires de la société ainsi que toutes demandes commerciales, que Monsieur C... dirigeant de la société par avenant du 1er octobre 2003 la promouvait au poste de " responsable commerciale France ", statut cadre, avec une rémunération forfaitaire mensuel brut de 3. 335 € outre une rémunération variable sur le chiffre d'affaires ; qu'il apparaît que Madame X... développait de façon significative le chiffre d'affaires France ;

Considérant qu'il apparaît néanmoins que la situation de Madame X... a progressivement changée, qu'en 2005 était embauché une directrice commerciale Anne A...qui reprenait une partie des activités de Madame X... que désormais elle " chapeauterait " ;

Qu'à partir de l'automne 2007, alors qu'après le licenciement de Madame A..., Madame X... avait repris ses fonctions commerciales où elle réussissait toujours bien, cette dernière s'est trouvée faire l'objet de critiques systématiques de la part de Monsieur C... notamment devant les autres salariés, que Monsieur B..., ancien salarié de la société, dont il n'y a pas lieu de mettre en doute la loyauté a attesté : " J'ai ainsi observé que Madame X... subissait de façon quotidienne des pressions excessives ainsi que des réflexions déplacées... Madame X... était devenue au fil des années " le bouc émissaire " de Monsieur C.... Cette situation était, les mois précédents mon départ, devenue tellement forte qu'entre salariés, lorsque survenait une situation que nous savions qu'elle provoquerait le mécontentement de Monsieur C..., il m'arrivait de dire, comme d'autres en plaisantant : " de toute façon, ce sera la faute à Natalia !... L'attitude de Monsieur C... a été particulièrement injuste " ;

Que cette situation est confirmée par le comportement vivement critique de ce dernier à l'égard de Madame X..., alors qu'il apparaît que celle-ci continuait à travailler comme auparavant et à générer un chiffre d'affaires en progression ; que Monsieur C... humiliait la salariée dont la progression de carrière dans la société établit qu'elle avait toujours donné satisfaction, en mettant en avant son " immobilisme commercial " et " son attitude désoeuvrée " et que l'unique mérite relatif au chiffre d'affaires de la société revenait " aux clients eux-mêmes, à la capacité de l'entreprise à les livrer et à la participation très active de ses collègues " ;

Que Madame X... a protesté avec véhémence à ces allégations par différents courriers versés aux débats notamment le 17 octobre 2007 : " Je suis navrée d'avoir à me justifier sur de tels points mais ne pense vous laisser procéder à de telles affirmations qui ne reflètent pas la réalité.
En effet si je consomme du café, c'est toujours seule, dans mon bureau, en même temps que je travaille et non à l'occasion de pauses avec mes collègues.
Concernant mes conversations téléphoniques d'ordre privé, elles demeurent exceptionnelles et toujours rapides, afin de ne pas empiéter sur mon temps de travail.
De même les pauses cigarettes communes lorsqu'elles ont lieu, me permettent en général d'échanger avec d'autres salariés avec qui je travaille en collaboration sur des sujets d'ordre professionnels... " ;

Qu'il résulte bien de ces constatations des mesquineries répétées et humiliantes qui en tout état de cause ne sont pas utiles à l'exercice de l'autorité hiérarchique et légitime et permettent largement de faire présumer un comportement de harcèlement moral de la part de Monsieur C... ;

Considérant qu'il est en outre établi que les tickets restaurant qui étaient attribués à Madame X... ont été brutalement supprimés par la responsable des ressources humaines qui était d'ailleurs l'épouse de Monsieur C..., sans explication particulière alors que d'autres salariés continuaient à en bénéficier ; que Madame X... a aussitôt protesté dans ces termes : " Je ne comprends pas la motivation de cette soudaine décision qui m'apparaît comme une mesure de représaille " ;

Qu'alors qu'il lui était reproché pour la première fois de ne pas quadriller la France par des visites de prospection, il lui était refusé par sa direction le remboursement de ses frais kilométriques suivant le barème alors applicable, aucune voiture de fonction n'étant par ailleurs mise à disposition ; que c'est seulement le 26 novembre 2007 qu'une note d'information était finalement diffusée au sein de l'entreprise aux termes de laquelle les frais kilométriques dépassant une puissance fiscale supérieure à 7 CV ne seraient pas remboursés alors que la direction de la société n'ignorait pas que Madame X... disposait d'un véhicule automobile d'une puissance fiscale bien plus élevée ;

Que le 6 décembre 2007 Madame X... adressait un courriel à Monsieur Gilles C... dans lequel elle protestait avec la même véhémence contre tous les reproches qui lui étaient systématiquement faits, qu'elle y précisait notamment : " Cette insinuation qui vise manifestement à me diminuer psychologiquement, n'a égale que votre comportement inexcusable à mon égard lors de la réunion du 26 novembre dernier au cours de laquelle devant l'ensemble des membres de la société, j'ai dû faire face à un véritable tribunal. En effet après avoir amplement critiqué mon action à laquelle je m'efforçais de répondre, vous avez marqué un total mépris à mon égard en vous détournant de moi pour discuter avec un autre groupe, les réponses que je vous apportais n'ayant manifestement aucun intérêt à vos yeux.

Lorsque je vous ai demandé si ce que je vous indiquais vous intéressait vous avez devant l'assemblée prétendu que je ne maîtrisais pas toutes les nuances de la langue française et que cela devait poser problème auprès des clients " alors qu'il est constant que Madame X... travaillait pour la société depuis 2002 et qu'aucun reproche de cet ordre, particulièrement humiliant ne lui avait été fait ;

Qu'il apparaît ainsi que ses conditions de travail s'étaient largement dégradées altérant sa santé physique et mentale puisque Madame X... devait être arrêté pour dépression nerveuse dès le 26 septembre 2007 alors que le chef d'entreprise a une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés ;

Que face à cette situation le médecin du travail a déclaré Madame X... inapte suivant la procédure de danger immédiat ; qu'il précisait dans son avis : " Apte à un poste de responsabilité commerciale dans un autre contexte professionnel " ;

Considérant que la société SOFRIGAM n'a pas sérieusement justifié des griefs formulés par la salariée qui était soumise à une pression quotidienne de son employeur consistant en des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet de dégrader ses conditions de travail, d'altérer sa santé mentale et de compromettre son avenir professionnel ;

Que dès lors la rupture du contrat de travail litigieux intervenu en méconnaissance des dispositions susvisées résultant de l'article 1152-1 du Code du travail sera déclarée nulle ;

Considérant que Madame X... n'a pas souhaité réintégrer les effectifs de la société SOFRIGAM pour ne pas se retrouver sous l'autorité de Monsieur C..., qu'outre les indemnités de rupture qu'il y a lieu de lui accorder, elle est en droit de prétendre à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice qui résulte du caractère illicite de son licenciement ;
Que compte tenu des éléments justificatifs versés à la Cour, il y a lieu d'allouer à Madame X... la somme de 50. 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société SOFRIGAM à verser à Madame X... la somme de 14. 850 € à titre de prime sur chiffre d'affaires pour l'année 2007 par adoption des motifs pertinents du 1er juge ;

Considérant qu'il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la salariée les frais non taxables qu'elle a dû exposer en cause d'appel ; que toutefois sa demande excessive dans son montant sera réduite à 2. 000 €

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Reçoit l'appel principal de Madame Natalia Y... épouse X... ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame Natalia Y... épouse X... de sa demande de nullité de son licenciement pour harcèlement moral ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Constate le harcèlement moral subi par cette dernière ;

En conséquence condamne la SA SOFRIGAM à payer à Madame Natalia Y... épouse X... les sommes suivantes :

-16. 234 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-1. 623 € au titre des congés payés y afférents ;

-1. 485 € au titre des congés payés sur la prime pour le chiffre d'affaires pour l'année 2007 allouée par le premier juge ;

-50. 000 € à titre de dommages-intérêts pour la nullité du licenciement ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions non contraires ;

Condamne en outre la société SOFRIGAM à verser la somme de 2. 000 € à Madame Natalia Y... épouse X... sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonne le remboursement par la SA SOFRIGAM aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Madame Natalia Y... épouse X... à compter du jour du licenciement dans la limite de cinq mois ;

Condamne la SA SOFRIGAM aux entiers dépens ;

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

et signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, et par Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 08/00839
Date de la décision : 09/02/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-09;08.00839 ?
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