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09/02/2011 | FRANCE | N°07/1392

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 février 2011, 07/1392


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES


Code nac : 80A


15ème chambre


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 09 FEVRIER 2011


R.G. No 10/00996


AFFAIRE :


S.A. PIERRE FABRE MEDICAMENTS




C/
Paul X...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 07 Janvier 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
No RG : 07/1392




Copies exécutoires délivrées à :


Me Pascal SAINT GENIEST


Me Laurent SEYTE




Copies certifiées conformes délivrées à :


S.A. PIERRE FABRE MEDICAMENTS


Paul X...



le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE NEUF FEVRIER DEUX ...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 09 FEVRIER 2011

R.G. No 10/00996

AFFAIRE :

S.A. PIERRE FABRE MEDICAMENTS

C/
Paul X...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 07 Janvier 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
No RG : 07/1392

Copies exécutoires délivrées à :

Me Pascal SAINT GENIEST
Me Laurent SEYTE

Copies certifiées conformes délivrées à :

S.A. PIERRE FABRE MEDICAMENTS

Paul X...

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF FEVRIER DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. PIERRE FABRE MEDICAMENT
29 Avenue du Sidobre
81106 CASTRES

représentée par Me Pascal SAINT GENIEST, avocat au barreau de TOULOUSE

APPELANT
****************
Monsieur Paul X...

...

31500 TOULOUSE

représenté par Me Laurent SEYTE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME
****************
Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2010, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Nicole BURKEL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE

PROCEDURE

La SA PIERRE FABRE MEDICAMENT, branche Santé, domiciliée à Castres ( 81), représentant la S.A PIERRE FABRE MEDICAMENT, en vertu d'un mandat ad litem du 2 mai 2006, ayant son siège social à Boulogne-Billancourt (92) a régulièrement interjeté appel du jugement déféré le 21 janvier 2010, l'appel visant la totalité des dispositions du jugement.

FAITS

La S.A PIERRE FABRE est la société holding du groupe PIERRE FABRE, et compte trois filiales principales :
- la société PIERRE FABRE MEDICAMENT, anciennement dénommée FIMEX, qui dispose de quinze filiales étrangères, dont une filiale italienne dénommée PIERRE FABRE PHARMA, située à Milan ; la société PIERRE FABRE MEDICAMENT intervient dans le secteur du médicament promu auprès des prescripteurs (médecins principalement), et fait appel aux services de visiteurs médicaux.
- la société PIERRE FABRE DERMO-COSMETIQUE, qui intervient essentiellement dans la vente aux pharmacies dans le secteur de la dermo-cosmétologie, en faisant appel aux services d'agents commerciaux.
- la société LABORATOIRES DOLISOS, rachetée ne 1998 par le groupe, qui compte trois filiales française et sept étrangères, dont une filiale italienne dénommée DOLISOS ITALIA, située dans la province de Rome ; elle intervient dans la vente aux pharmacies dans le secteur de l'homéopathie, et fait appel aux services d'agents commerciaux.

Monsieur Paul X... a été engagé par la société FIMEX, devenue la société PIERRE FABRE MEDICAMENT par contrat à durée indéterminée, le 2 janvier 1978 en qualité de médecin assistant du directeur médical.
Son lieu d'activité était Castres.

Il était nommé directeur marketing des laboratoires Robapharm (ayant son siège à Bâle en Suisse) par contrat du 17 décembre 1991, à effet du 1er janvier 1992, avec reprise de son ancienneté à partir de son entrée dans le groupe Pierre Fabre le 2 janvier 1978.

Il était nommé directeur du département Sinbio/Robapharm de la société PIERRE FABRE MEDICAMENT par contrat du 4 janvier 1993 et devait selon l'article 2 du contrat de travail, assumer notamment les fonctions précisées dans la définition de fonctions, établie conformément aux normes du groupe.

Au mois d'Août 1997, il occupait le poste de directeur du département commercial Marketing coefficient 800, statut cadre, groupe 9, niveau B, moyennant une rémunération brute mensuelle de 7. 473, 35 €.

Par avenant d'expatriation du 1er septembre 1997, il était nommé pour une durée de 3 ans, au poste de directeur de la société PIERRE FABRE PHARMA, société de droit italien, basée à Milan, en qualité de cadre expatrié, fondé de pouvoir et son contrat du 4 janvier 1993 auprès de la société PFM était suspendu.

La lettre d'expatriation précisait que son activité principale s'exercera à Milan conformément aux directives qui lui seront données par la direction des filiales étrangères, qu'il serait rémunéré par la société PFP, outre le bénéfice de primes fixes et d'intéressement payables en France.
La clause de fin de mission précisait qu'à la date de la cessation de sa fonction au sein de PFP, le contrat qui lie M. X... reprendra tous ses effets et il sera proposé un nouveau poste correspondant à son profil, étant ajouté que la durée de son expatriation en Italie sera prise en compte pour le calcul de ses droits liés à l'ancienneté et que dans l'hypothèse où il serait mis un terme anticipé à son expatriation, son rapatriement serait assuré par la société et il lui serait proposé un autre poste dans le groupe.

Cet avenant était renouvelé pour un an le 22 juin 2000, soit jusqu'au 31 Août 2001.

A compter du 1er septembre 2001 jusqu'en septembre 2002, le contrat d'expatriation de monsieur X... fut scindé en deux :
- il était détaché auprès de la société DOLISOS ITALIA à Rome, en qualité de directeur (contrat à durée indéterminée à temps partiel de 25 heures/semaine)
- il continuait à avoir une activité, mais à temps partiel pour la société PIERRE FABRE PHARMA en qualité de responsable des services communs des sociétés et de fondé de pouvoir "Procuratore Generale " (contrat du 3 septembre 2001), sans rémunération et sans rapport de subordination avec PFP
Par courrier du 14 juin 2001, monsieur X... confirmait qu'il entendait que son expatriation reste régie par le contrat conclu avec la société PIERRE FABRE MEDICAMENT.
Le 13 mai 2002, la société PFP dénonçait auprès de la société Dolisos Italia le contrat du 3 septembre 2001.
Monsieur X... était désigné membre et président du directoire de la S.A Laboratoires DOLISOS ayant son siège social à Boulogne-Billancourt, le 25 septembre 2002 par délibération du conseil de surveillance de ladite société..
Il a conclu avec la société LABORATOIRES DOLISOS un contrat à durée indéterminée à temps complet en date du 27 septembre 2002, à effet du 1er octobre 2002, en qualité de directeur des Laboratoires DOLISOS. Le contrat précisait, en son article 2, que monsieur X... est "rattaché hiérarchiquement à la direction générale du groupe PIERRE FABRE" et selon l'article 3, le contrat est conclu avec reprise de l'ancienneté au 1er janvier 1978.
Son lieu de travail habituel était basé à Toulouse.
Il disposait d'une rémunération fixe et annuelle et d'une prime d'activité à l'étranger.
Par délibération du conseil d'administration du 27 août 2003 de la société Laboratoires Dolisos Italia, il était nommé président du C.A
Le 4 mai 2004, la société Dolisos lui faisait savoir que son lieu de travail était transféré à Castres.
Il a fait l'objet le 13 juillet 2004 d'une convocation à entretien préalable à licenciement, accompagnée d'une mise à pied à titre conservatoire, par la société LABORATOIRES DOLISOS, tenu le 22 juillet 2004, et a été licencié le 27 juillet 2004 pour faute grave (anomalies de gestion de la filiale Pierre Fabre Pharma-Italia qu'il avait dirigée de septembre 1997 jusqu'en mai 2002 et de Dolisos Italia de nature à entacher la réputation du groupe Pierre Fabre et révélés par un rapport d'audit interne de juin 2004).
Le 4 septembre 2004, le salarié adressait un courrier de contestation.
Le 27 janvier 2005, monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse à l'encontre de la SA Laboratoires Dolisos, ayant son siège à Boulogne-Billancourt, qui, par jugement du 12 mars 2007, a :
- dit et jugé que la société des Laboratoires DOLISOS SA n'avait pas qualité à procéder au licenciement de monsieur X...,
- déclaré en conséquence le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société LABORATOIRES DOLISOS à payer à monsieur X... les sommes de :
* 4.755,03 euros au titre du paiement de la mise à pied,
* 475,55 euros au titre des congés payés sur la mise à pied,
* 53. 498,13 euros au titre du préavis,
* 5. 349,81 euros au titre des congés payés sur préavis,
* 251. 494,70 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 107.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1. 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné le remboursement à l'ASSEDIC des allocations de chômage versées à monsieur X...

Il n'a pas été interjeté appel de ce jugement, qui est devenu définitif.

Parallèlement, Monsieur X... était licencié par la société DOLISOS ITALIA par courrier du 3 janvier 2005 pour "juste cause" (graves irrégularités constatées dans la gestion des sociétés PFP et Dolisos, confirmées par un rapport d'audit du groupe du 1er octobre 2004 et rappelées dans un courrier du 30 novembre 2004).
Par courrier du 25 avril 2007, monsieur X... indiquait considérer que suite à ses licenciements des sociétés LABORATOIRES DOLISOS et DOLISOS ITALIA, l'exécution de son contrat de travail de janvier 1993 avec la société PIERRE FABRE MEDICAMENT aurait dû reprendre. Il l'invitait à lui indiquer le site qu'elle souhaitait lui voir rejoindre, ainsi que les fonctions qui lui seraient confiées.
La société PIERRE FABRE MEDICAMENT, par courrier du 28 mai 2007, a répondu à Monsieur X... qu'elle considérait que le conseil de prud'hommes de Toulouse lui avait attribué des dommages et intérêts destinés à compenser la totalité de son préjudice concernant l'intégralité de ses relations contractuelles avec les sociétés du groupe PIERRE FABRE.
Malgré ses demandes (25 avril, 28 mai et 12 juin 2007), il n'a pas été réintégré dans ses fonctions au sein de la société PIERRE FABRE MEDICAMENTS.

Les sociétés susvisées emploient au moins onze salariés, la convention collective applicable est celle de l'industrie pharmaceutique en date du 6 avril 1956.

M. X... a saisi le CPH de Boulogne-Billancourt le 13 septembre 2007 contre la SA Pierre Fabre Médicaments et a saisi le tribunal de Velletri en Italie aux fins d'obtenir la condamnation de la société Laboratoires Dolisos Italia à lui verser diverses indemnités, cette procédure étant pendante devant la juridiction italienne.

D'après monsieur X..., il a perçu des allocations de chômage durant 39 mois (à partir de janvier 2005) et a retrouvé un emploi en qualité de consultant au sein de l'EURL qu'il a constituée le 31 janvier 2007.

La société BOIRON est venue aux droits de la société DOLISOS.

DECISION DEFEREE

Par jugement rendu le 7 janvier 2010, le C.P.H de Boulogne-Billancourt (section Encadrement) a :
- déclaré la demande de monsieur X... recevable,
- constaté que le contrat de travail liant la société PIERRE FABRE MEDICAMENT et monsieur X... n'a jamais été rompu,
- constaté la carence de l'employeur dans l'exécution de ses obligations en matière de contrat de travail,
- condamné en conséquence la société PIERRE FABRE MEDICAMENT :
* au paiement des salaires ayant couru depuis le 25 avril 2007, date à laquelle, n'ayant plus aucun lien contractuel avec la société DOLISOS ITALIA et tout autre filiale, et le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse étant devenu définitif, il recouvre son lien contractuel à plein temps avec la société PIERRE FABRE MEDICAMENT, sur la base du dernier salaire dont il bénéficiait, corrigé des dernières augmentations survenues au sein de l'entreprise et réactualisé pour tenir compte des délais entre les écritures et le présent jugement, soit un salaire mensuel brut de 11.223,18 euros portant le rappel de salaire à 395.059,46 euros au 31 décembre 2009,
* au paiement des congés payés afférents pour un montant de 39.505,895 euros au 31 décembre 2009,
* au paiement de la somme de 950 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la société PIERRE FABRE MEDICAMENT :
* le paiement des salaires et accessoires, sur la base d'un salaire mensuel brut de 11.223,18 euros à parfaire en fonction des augmentations contractuelles et conventionnelles survenues ou à survenir, à dater du 1er janvier 2010,
* l'exécution de ses obligations légales en matière d'exécution de contrat de travail, notamment en ce qui concerne la fourniture de travail et des moyens pour y parvenir, y compris en matière de formation et d'adaptation à l'emploi,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,
- débouté monsieur X... du surplus de ses demandes,
- débouté la société PIERRE FABRE MEDICAMENT de ses demandes,
- condamné la société PIERRE FABRE MEDICAMENT aux frais et dépens de la présente instance.

DEMANDES

La société PIERRE FABRE MEDICAMENT, par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :
Vu le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse le 12 mars 2007,
Vu les articles R.1452-6 du code du travail, les articles 120 et suivants du code de procédure civile, les articles 1350 et 1351 du code civil,
- dire irrecevables les demandes présentées par monsieur X... à son encontre,
- débouter monsieur X... de l'ensemble de ses demandes, fins ou conclusions,
- condamner monsieur X... à payer à la société PIERRE FABRE MEDICAMENT une indemnité de 10.00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner monsieur X... en tous les dépens

Monsieur X..., par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :

1. A titre préalable :
- dire qu'il n'était pas lié par le même contrat de travail à l'égard des filiales du groupe PIERRE FABRE et qu'il n'y a pas de situation de co-emploi,
En conséquence,
- dire que ses demandes sont recevables et que tant le principe de l'unicité de l'instance (article R.1452-6 du code du travail) que celui d'autorité de la chose jugée (article 1351 du code civil) ne sont pas en l'espèce applicables,
- débouter la société PIERRE FABRE MEDICAMENT de ses demandes d'irrecevabilité,
2. A titre principal :
- constater que la suspension du contrat de travail le liant à la société PIERRE FABRE MEDICAMENT, qui a débuté le 1er septembre 1997, a pris fin au 15 janvier 2005 suite au licenciement prononcé par la société DOLISOS ITALIA auprès de laquelle il était détaché depuis la société PIERRE FABRE MEDICAMENT,
- constater qu'une obligation de réintégration s'imposait à la société PIERRE FABRE MEDICAMENT à compter du 15 janvier 2005 et ordonner ladite réintégration,
- condamner la société PIERRE FABRE MEDICAMENT à lui verser les salaires réactualisés qu'elle aurait dû lui verser depuis la naissance de son obligation de réintégration à savoir depuis le 15 janvier 2005 et jusqu'au prononcé du jugement soit la somme de 819.671,36 euros actualisée au 31 décembre 2010,
3. A titre subsidiaire, si la réintégration était refusée ou n'était pas ordonnée :
- condamner tout de même la société PIERRE FABRE MEDICAMENT à lui verser les salaires réactualisés qu'elle aurait dû lui verser depuis la naissance de son obligation de réintégration à savoir depuis le 15 janvier 2005 et jusqu'au prononcé de la décision soit la somme de 819.671,36 euros actualisée au 31 décembre 2010,
- constater l'inexécution fautive par la société PIERRE FABRE MEDICAMENT de ses obligations en termes de fourniture de travail et de paiement d'un salaire à son égard et prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts,
- en conséquence, la condamner à lui verser :
* au titre des indemnités de rupture :
- 340.813,06 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 35.015,04 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 3.501,50 euros au titre des congés payés sur préavis,
* 385.165,44 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (33 mois),
4. En tout état de cause,
- condamner la société PIERRE FABRE MEDICAMENT à lui verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles la somme de 15.000 euros.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur les moyens d'irrecevabilité soulevés par l'appelante

Considérant que l'employeur oppose deux fins de non-recevoir à l'action du salarié tirées de l'unicité de l'instance prud'homale et de l'autorité de la chose jugée ;

Considérant que l'employeur fait valoir que le salarié était co-employé par la société Pierre Fabre Médicament et par la société Laboratoires Dolisos, que le jugement déféré fait référence de façon injustifiée à la notion de "travail à temps partagé" (article L 3123-1 du code du travail), alors que M. X... exerçait son activité à temps plein, qu'il répartissait son activité à sa guise pour toutes les sociétés du groupe auxquelles il s'intéressait, qu'il était un cadre dirigeant au sens de l'article L 3111-2 du code du travail, que la situation de co-emploi dans laquelle le salarié se trouvait, l'empêche de reprendre l'instance devant le CPH de Boulogne-Billancourt, contrevenant ainsi à l'autorité de la chose jugée (art. 1350 et 1351 du code civil) et au principe de l'unicité de l'instance (art. R 1452-6 du code du travail), qu'il n'a jamais été lié que par un seul et même contrat de travail à l'égard des filiales du groupe Pierre Fabre, dans le cadre d'un co-emploi, qu'il y a confusion d'intérêts, d'activité et de direction entre les sociétés dépendant du groupe Pierre Fabre, que le salarié était dans un état de subordination juridique à l'égard du groupe, qu'il y a confusion des activités du salarié entre les sociétés Dolisos et Pierre Fabre Médicament, que pour le salarié lui-même, son détachement chez Dolisos s'intègre entièrement dans son contrat PFM, qu'il résulte du jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse, que le contrat de travail liant le salarié à la société Pierre Fabre Médicament a été rompu par la lettre de licenciement du 27 juillet 2004, que le salarié n'a pas appelé dans la cause PFM devant cette juridiction ;

Qu'il ajoute que le salarié ne saurait prétendre qu'il serait resté à la disposition de la société Pierre Fabre Médicament, alors qu'il est inscrit au chômage, que l'article L 1231-5 du code du travail ne pouvait avoir vocation à s'appliquer, que le jugement déféré a ordonné à tort la réintégration du salarié (art. L 1235-3 du code du travail), que sa demande de rappel de salaire est sans fondement ;

Considérant que le salarié réplique que de façon cumulative, il était à compter du 1er octobre 2002, embauché en qualité de salarié direct par la SA Laboratoires Dolisos aux fonctions de directeur des Laboratoires Dolisos jusqu'à son licenciement le 27 juillet 2004, que dans le contrat de travail du 27 septembre 2002, il était précisé qu'il était rattaché hiérarchiquement à la direction générale du groupe Pierre Fabre, mais il n'existait aucun rattachement quelconque avec la société PFM, qui constitue une filiale de la société Pierre Fabre SA, qu'il expose qu'à compter de son licenciement en 2005, il est resté à la disposition de la société Pierre Fabre Médicament, que le jugement du CPH de Toulouse a jugé qu'il avait conservé un statut de salarié détaché de la société Pierre Fabre Médicament au sein de la société Dolisos Italia, qu'il fait observer que son licenciement par la SA Laboratoires Dolisos et par la Sa Dolisos Italia ainsi que l'abstention volontaire de réintégration par la SA PFM, ont tous trois pour origine les problèmes internes que le groupe ne s'est pas laissé le temps de résoudre en matière de "doublons" de certains salariés des sociétés Dolisos et d'autres salariés occupant un poste identique au sein de la société Boiron avec laquelle la fusion s'est opérée de manière effective au 1er juillet 2005, qu'il est resté salarié de la société PFM conformément aux termes de son contrat de travail, suspendu en septembre 1997 et qui a repris ses effets en janvier 2005, que le jugement du CPH de Toulouse ne concernait que la relation de travail le liant à la société Laboratoires Dolisos, que lorsqu'il est mis un terme au détachement, l'entreprise d'origine doit réintégrer le salarié sauf si elle justifie d'un motif autonome de rupture du contrat de travail non liée à la période de détachement dans l'entreprise d'accueil (art. L 122-14-8 alinéa 1 du code du travail), que le lien conservé avec son entreprise d'origine (PFM) est juridiquement incontestable, que la clause de fin de mission insérée dans l'avenant d'expatriation du 1er septembre 1997 doit être appliquée, que du fait de la rupture du contrat avec la société Dolisos Italia, il doit être réintégré par la société qui l'avait détaché, c'est à dire, PFM, que contrairement à ce que soutient l'employeur, la situation de co-emploi n'est pas caractérisée, du fait que l'on se trouve en présence de deux contrats distincts, que la notion de temps de travail partagé a à bon droit été retenue par le premier juge, qu'il prétend qu'il n'a jamais existé de lien de subordination entre lui et la société PFM pendant tout le temps durant lequel il a exercé ses fonctions pour le compte de la société Laboratoires Dolisos, que l'appelante fait un amalgame entre la société PFM et la société Pierre Fabre SA, que les motifs du licenciement intervenu le 28 juillet 2004 par la société Laboratoire Delisos ne démontrent nullement une quelconque imbrication des contrats de travail, que la société PFM n'était nullement concernée par cette procédure, qu'il avait un double statut entre ses deux contrats de travail (celui pour le Laboratoire Dolisos et celui pour la société Dolisos Italia) avec des attributions de mandataire social, que la lettre de licenciement établie par la société Laboratoires Dolisos le 27 juillet 2004, ne peut concerner le contrat de travail liant le salarié à la société PFM, que la société intimée ne justifie à aucun moment d'une quelconque identité d'intérêts, d'activité et de direction, pour invoquer la notion de co-emploi ou de contrat de travail unique ;

Qu'il fait observer que la règle de l'unicité de l'instance n'est applicable que dans l'hypothèse où les parties sont les mêmes, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant de deux contrats de travail distincts, que le CPH de Toulouse n'a pas statué sur l'ensemble de la relation contractuelle ;

Considérant que selon l'article R 1452-6 du code du travail, "toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, lorsqu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne se soit révélé postérieurement à la saisine du Conseil de prud'hommes ";

Que selon ce texte, toutes les demandes dérivant du contrat entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une même instance sans qu'il soit fait aucune distinction entre les dispositions par lesquelles il a été statué sur la première des instances ;
Considérant en principe, qu'une société appartenant au même groupe que l'employeur n'est pas tenue, en cette seule qualité, d'une obligation de reclassement envers les salariés au service de ce dernier et les contrats de travail successifs avec plusieurs sociétés appartenant à un même groupe ne permettent pas au salarié de se prévaloir de l'ancienneté acquise dans l'une de ces sociétés ;

Mais considérant en l'espèce, que les dispositions contractuelles, qui font la loi des parties par application de l'article 1134 du code civil, organisent une situation de co-emploi, alléguée à juste titre par l'appelante qui est caractérisée par la confusion d'intérêts, d'activité et de direction entre la société LABORATOIRES DOLISOS et la société PIERRE FABRE MEDICAMENT dépendant l'une et l'autre du groupe Pierre Fabre et qui placent le salarié dans un état de subordination de fait à l'égard des filiales du groupe Pierre Fabre ;
Considérant en effet, d'une part, que si la société LABORATOIRES DOLISOS, filiale française de la S.A PIERRE FABRE, société holding du groupe PIERRE FABRE, qui a conclu un contrat à durée indéterminée à temps complet en date du 27 septembre 2002, à effet du 1er octobre 2002, avec M. X... en qualité de directeur desdits Laboratoires, prononcé le licenciement du salarié le 27 juillet 2004 , constitue une personne morale distincte de la société PIERRE FABRE MEDICAMENT, ayant une filiale italienne dénommée PIERRE FABRE PHARMA auprès de laquelle M. X... bénéficiait d'un contrat d'expatriation à compter du 1er septembre 1997 en qualité de directeur de ladite société, le salarié licencié par la première société, pouvait prétendre à sa réintégration au sein du groupe Pierre Fabre dans un emploi correspondant à sa qualification antérieure, en vertu de la clause de fin de mission insérée dans la lettre d'expatriation valant avenant au contrat de travail conclu avec la société PIERRE FABRE MEDICAMENT le 4 janvier 1993, prévoyant que la durée de son expatriation en Italie sera prise en compte pour le calcul de ses droits liés à l'ancienneté et que dans l'hypothèse où il serait mis un terme anticipé à son expatriation, son rapatriement serait assuré par la société et il lui serait proposé un autre poste dans le groupe ;
Considérant d'autre part, qu'en vertu de l'article 2 du contrat à durée indéterminée à temps complet en date du 27 septembre 2002, à effet du 1er octobre 2002, conclu avec la société LABORATOIRES DOLISOS, en qualité de directeur des Laboratoires DOLISOS, monsieur X... était "rattaché hiérarchiquement à la direction générale du groupe PIERRE FABRE" et selon l'article 3, le contrat était conclu avec reprise de l'ancienneté au 1er janvier 1978, éléments de nature à conférer à cette convention la nature d'un contrat tripartite ;
Que même si selon le salarié, il n'a jamais existé de lien de subordination entre lui et la société PFM pendant tout le temps durant lequel il a exercé ses fonctions pour le compte de la société Laboratoires Dolisos, il convient de rappeler que par courrier du 14 juin 2001, monsieur X... avait confirmé qu'il entendait que son expatriation reste régie par le contrat conclu avec la société PIERRE FABRE MEDICAMENT, le 4 janvier 1993, prévoyant notamment qu'il devait assumer "notamment les fonctions précisées dans la définition de fonctions, établie conformément aux normes du groupe" ;
Que les deux sociétés disposent du même siège social à Boulogne-Billancourt, 45 place Abel Gance et leur activité regroupe le même périmètre de la pharmacie et de la parapharmacie ;
Que les motifs des licenciements prononcés le 27 juillet 2004 pour faute grave par la société LABORATOIRES DOLISOS et le 3 janvier 2005 par la société DOLISOS ITALIA pour "juste cause" sont identiques : graves irrégularités constatées dans la gestion des sociétés PFP et Dolisos, filiales de la SA Pierre Fabre, confirmées par un rapport d'audit du groupe de 2004, de nature à entacher la réputation du groupe Pierre Fabre ;
Qu'il en résulte que comme le soutient l'appelante, le salarié n'a jamais été lié que par un seul et même contrat de travail à l'égard des filiales du groupe Pierre Fabre, dans le cadre d'un co-emploi, que le CPH de Toulouse a statué sur l'ensemble de la relation contractuelle, a attribué au salarié des dommages et intérêts destinés à compenser la totalité de son préjudice concernant l'intégralité de ses relations contractuelles avec les sociétés du groupe PIERRE FABRE, "après 27 ans de bons et loyaux services au sein du groupe Pierre Fabre", comme le soulignait le salarié devant le CPH de Toulouse et la règle de l'unicité de l'instance résultant de l'article R 1452-6 du code du travail, destinée à éviter l'éparpillement des procédures, qui n'est applicable que lorsque la première instance s'est achevée par un jugement sur le fond, comme en l'espèce, fait obstacle à ce que le salarié reprenne l'instance devant le CPH de Boulogne-Billancourt, contrevenant ainsi à l'autorité de la chose jugée (articles 1350 et 1351 du code civil), dès lors que la rupture des relations contractuelles a été fixée au 28 juillet 2004 ;
Qu'en effet, le contrat de travail liant le salarié à la société Pierre Fabre Médicament a été rompu par la lettre de licenciement du 27 juillet 2004, que le salarié n'a pas appelé dans la cause PFM devant le CPH de Toulouse ;
Qu'en outre, ainsi que le fait observer l'appelante, la situation de demandeur d'emploi exclut celle de salarié et le fait que M. X... puisse prétendre être resté à la disposition de son employeur, après le prononcé du jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse, le 12 mars 2007 ainsi que postérieurement au jugement déféré (courriers de janvier et de février 2010 ) ;
Qu'enfin, le salarié prétend à tort que son contrat de travail d'origine du 4 janvier 1993, suspendu en septembre 1997, suite à son expatriation à l'étranger, aurait repris ses effets en janvier 2005, à la fin de son contrat de travail avec Dolisos Italia du fait du licenciement prononcé le 3 janvier 2005, alors que les motifs du jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 12 mars 2007, mentionnant que "si M. X... était lié directement par un contrat de travail à la société des Laboratoires Dolisos, il n'en avait pas moins conservé un statut de salarié détaché du groupe PFM au sein de Dolisos Italia", ne sont pas revêtus de l'autorité de la chose jugée ;
Que la société appelante sera donc reçue en ses demandes d'irrecevabilité et le jugement déféré sera donc infirmé en l'ensemble de ses dispositions ;

- Sur l'article 700 du CPC

Considérant qu'il sera alloué une indemnité au titre des frais irrépétibles à la société appelante, ainsi que précisé au présent dispositif ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les demandes présentées par Monsieur X... à l'encontre de la société PIERRE FABRE MEDICAMENT
Condamne reconventionnellement Monsieur X... à payer à la société PIERRE FABRE MEDICAMENT une indemnité de 2. 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur X... en tous les dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

et signé par Monsieur Jean Michel LIMOUJOUX Président et par Monsieur LANE Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat .

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 07/1392
Date de la décision : 09/02/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-09;07.1392 ?
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