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19/01/2011 | FRANCE | N°08/00369

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19 janvier 2011, 08/00369


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

N. B.

Code nac : 80A
15ème chambre

ARRET CONTRADICTOIRE

DU 19 JANVIER 2011

R. G. No 10/ 02308

AFFAIRE :

Damien X...


C/
S. A. POIDS LOURDS SERVICE CHARTAIN représenté par Mr Thierry Y...directeur général

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 10 Juillet 2009 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de CHARTRES

No RG : 08/ 00369

Copies exécutoires délivrées à :

Me Antoine GUEPIN
Me Olivier DUPUY

Copies certifi

ées conformes délivrées à :

Damien X...


S. A. POIDS LOURDS SERVICE CHARTAINreprésenté par Mr Thierry Y...directeur général

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NO...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

N. B.

Code nac : 80A
15ème chambre

ARRET CONTRADICTOIRE

DU 19 JANVIER 2011

R. G. No 10/ 02308

AFFAIRE :

Damien X...

C/
S. A. POIDS LOURDS SERVICE CHARTAIN représenté par Mr Thierry Y...directeur général

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 10 Juillet 2009 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de CHARTRES

No RG : 08/ 00369

Copies exécutoires délivrées à :

Me Antoine GUEPIN
Me Olivier DUPUY

Copies certifiées conformes délivrées à :

Damien X...

S. A. POIDS LOURDS SERVICE CHARTAINreprésenté par Mr Thierry Y...directeur général

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Damien X...

...

28190 BILLANCELLES

représenté par Me Antoine GUEPIN, avocat au barreau de CHARTRES

APPELANT

****************
S. A. POIDS LOURDS SERVICE CHARTAINreprésenté par Mr Thierry Y...directeur général

...

28011 CHARTRES CEDEX

représentée par Me Olivier DUPUY, avocat au barreau de CHARTRES

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nicole BURKEL, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :

Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Nicole BURKEL, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,

FAITS ET PROCEDURE
Attendu que le conseil de prud'hommes de Chartres, section commerce, par jugement contradictoire du 10 juillet 2009, a :
- condamné la Sa Poids Lourds Service Chartrain à verser à monsieur X...les sommes suivantes :
* 9159, 19 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
* 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-débouté monsieur X...du surplus de ses demandes
-condamné la Sa Poids Lourds Service Chartrain aux entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution éventuels ;

Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par monsieur X...;
Attendu que l'affaire a été appelée à l'audience du 5 mai 2010 ;
Que le magistrat chargé d'instruire l'affaire a rendu le 12 mai 2010 une ordonnance de retrait de rôle ;
Que par lettre datée du 21 mai réceptionnée au greffe le 25 mai 2010 le conseil de l'appelant a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle de la cour ;
Que l'affaire a reçu fixation à l'audience du 23 novembre 2010 ;

Attendu que monsieur X...a été engagé par la société Poids Lourds Service Chartrain à compter du 4 novembre 1991 par contrat à durée indéterminée du 31 octobre 1991 en qualité de mécanicien, niveau II, échelon 1, coefficient 170 ;
Que son revenu mensuel brut s'est élevé à 2113, 66 euros ;

Attendu que par avenant du 1er mars 2007, monsieur X...est soumis à une clause d'astreinte dépannage remorquage ;

Attendu que monsieur X...a été en arrêt de travail à compter du 31 janvier 2008 ;
Que la CPAM d'Eure et Loir, sur déclaration du 29 février 2008, a reconnu le 21 juillet 2008 le caractère professionnel de la maladie ;
Qu'il a été reconnu travailleur handicapé par la Cotorep le 28 juillet 2008, et ce jusqu'au 28 juillet 2013 ;

Attendu que monsieur X...a été déclaré inapte par le médecin du travail lors des visites du 19 mai et 9 juin 2008 ;

Que l'employeur, après avoir recueilli l'avis favorable des délégués du personnel titulaire et suppléant, a proposé à monsieur X..., par lettre du 24 juin 2008, son reclassement à un poste de magasinier avec réponse au plus tard le 2 juillet 2008 qui n'aurait pas été donnée ;

Que monsieur X...a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 21 juillet 2008 par lettre du 9 juillet 2008 et licencié par lettre du 25 juillet 2008 pour faute grave ;

Attendu que le conseil de monsieur X...a précisé à l'audience que son client âgé de 47 ans au moment de la rupture des relations contractuelles, a perçu des allocations chômage et a créé sa propre société de réparations en petite mécanique ;

Attendu que l'entreprise emploie plus de 11 salariés (12) et est dotée d'institutions représentatives du personnel ;
Que la convention collective applicable est celle des services de l'automobile ;

Attendu que monsieur X...demande à la cour par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, de :
- infirmer le jugement entrepris
-statuant à nouveau, le déclarer recevable et fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions
-dire que le licenciement dont il a fait l'objet est dénué de cause réelle et sérieuse
-condamner la Sa Poids Lourds Service Chartrain au paiement des sommes suivantes :
* 50. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 4227, 32 euros à titre d'indemnité compensatrice de l'article L1226-14 du code du travail outre 422, 73 euros au titre des congés payés y afférents
* 18. 318, 38 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement en application de l'article L1226-14 du code du travail
* 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Attendu que la Sa Poids Lourds Service Chartrain demande à la cour par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, de :
- constater que l'employeur a proposé un poste de reclassement conforme aux prescriptions du médecin du travail
-constater que le poste de reclassement n'entraînait pas de modification du contrat de travail
-constater qu'en conséquence le refus de reclassement est abusif
-confirmer le jugement entrepris
-débouter monsieur X...de l'ensemble de ses demandes
-condamner monsieur X...à lui verser 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement ;

MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que monsieur X...a été embauché en qualité de mécanicien, niveau II, échelon 1 coefficient 170 ;
Qu'il a été classé par l'employeur, par lettre du 6 juin 2003, mécanicien automobile spécialiste, l'appellation de l'emploi étant mécanicien VUL (véhicule utilitaire léger) et PL (poids lourds) spécialiste, échelon 7 ;

Attendu que monsieur X...a fait l'objet d'une première visite le 19 mai 2008, aux termes de laquelle le médecin du travail a formulé les conclusions suivantes :
« inaptitude temporaire-étude de poste à faire – à revoir dans 15 jours » ;
Que le médecin du travail a réalisé une étude de poste de monsieur X...le 30 mai 2008 de laquelle il résulte que le temps de travail du salarié se repartit en mécanicien 80 %, carrosserie 20 % et assistance 24h/ 24 : dépannage et les préconisations de reclassement sont : « sans manutention manuelle répété de charges lourdes, sans utilisation outils pneumatiques, sans vissage » ;
Que par avis du 9 juin 2008, monsieur X...est déclaré « inapte au poste de mécanicien de poids lourds » ;

Attendu que l'employeur a proposé, par lettre du 24 juin 2008, à monsieur X..., après consultation des délégués du personnel, un reclassement en tant que magasinier dont les fonctions sont :
« ranger les commandes de stock, identifier et débiter les pièces, répondre au téléphone, aller chercher des pièces chez des fournisseurs, ranger le magasin, conduite d'engins autoportés et servir le comptoir atelier » et lui a précisé « vos conditions d'emploi restent inchangées (classification de la convention collective, salaire, horaire de travail etc.) mais nous vous rappelons que l'indemnité d'astreinte que vous perceviez pour les permanences de dépannage ne sera plus versée » ;

Attendu que monsieur X..., lors de l'entretien préalable à licenciement qui s'est tenu le 21 juillet 2008, répondant à la question « pourquoi refuser ce poste ? » par « ce poste ne me convient pas » ;

Attendu que monsieur X...a été licencié par la Sa Poids Lourds Service Chartrain, pour faute grave, par lettre du 25 juillet 2008, rédigée en ces termes :
« A la suite de votre absence pour maladie, vous avez été déclaré, par le médecin du travail, inapte à votre poste de mécanicien de poids lourds.
Le médecin a insisté, dans l'optique d'un reclassement, sur la nécessité de vous affecter à un poste :
- sans manutention manuelle répétée de charges lourdes,
- sans utilisation d'outils pneumatiques,
- sans vissage.
Par conséquent, vous n'étiez plus en mesure d'occuper vos fonctions précédentes qui impliquaient des contraintes physiques posturales et la manutention manuelle de charges ainsi que l'utilisation d'outils pneumatiques exposant aux vibrations.
Après avoir recensé avec le Médecin du Travail les emplois disponibles dans'l'entreprise et envisagé les conditions de mise en œ uvre d'un aménagement de ces postes, nous vous avons proposé, par courrier en date du 24 juin 2008, un poste de reclassement à la suite de l'avis d'inaptitude émis par le Médecin du'
Travail.
Nous vous demandions de nous faire part de votre réponse au plus tard le2 juillet 2008, votre arrêt de travail pour maladie prenant fin le 5 juillet 2008.
Sans nouvelle de vous, nous vous avons convoqué à un entretien préalable pour le lundi 21 juillet 2008.
Lors de cet entretien, vous avez indiqué ne pas vouloir accepter ce poste car il ne vous convient pas.
Cette attitude est extrêmement dommageable car nous avons réussi à vous proposer un poste correspondant exactement aux prescriptions médicales du Médecin du Travail et à vos qualifications, sans aucun changement de conditions de travail (statut, rémunération, horaires, etc).
Dans ces conditions, le caractère désinvolte de votre refus de reprendre votre travail, qui se manifeste tant par l'absence de réponses à notre proposition que par l'absence de toute justification à votre refus, exprimé lors de l'entretien préalable, nous conduit à prononcer votre licenciement pour faute.
Compte-tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de présentation de cette lettre, sans
indemnité de préavis ni de licenciement. » ;

Attendu qu'en application de l'article L1226-10 du code du travail, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités ;
Que l'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œ uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ;

Attendu que l'employeur a entendu se placer exclusivement sur le terrain disciplinaire ;

Attendu que ne peut être déclaré abusif le refus par un salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur dès lors que la proposition de reclassement entraîne une modification du contrat de travail ;
Que la proposition de reclassement faite à monsieur X..., qui occupait des fonctions de mécanicien spécialiste, vers un poste de magasinier entraîne pour ce dernier, contrairement aux affirmations de l'employeur, une modification de sa qualification jusque là reconnue et de la nature des fonctions exercées, mis en évidence par le simple comparatif entre le descriptif de fonction établie par le médecin de travail le 30 mai 2008 et celui du poste proposé le 24 juin 2008 ;
Que le système de rémunération de monsieur X...est également affecté par la perte de l'astreinte de dépannage-remorquage, instituée par avenant du 1er mars 2007 ;
Que si l'employeur évoque l'engagement contractuel faisant référence à une simple possibilité d'accomplir des périodes d'astreinte, dans les faits, monsieur X...a perçu, depuis la signature de l'avenant, chaque mois de façon continue une « prime d'astreinte », selon la terminologie employée par la société Poids Lourds Service Chartrain sur les bulletins de salaires, impliquant la reconnaissance d'une systématisation de cette sujétion inhérente à la fonction occupée de mécanicien ;

Attendu que le fait que l'employeur fasse de longs développements sur les avantages consentis à monsieur X..., « preuve de sa parfaite loyauté envers son salarié » est sans incidence sur la solution du litige ;

Attendu que le licenciement dont monsieur X...a été l'objet est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, monsieur X...avait au moins deux années d'ancienneté, l'entreprise employant habituellement au moins onze salariés ;
Qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, il peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement ;
Attendu que la cour dispose d'éléments suffisants, eu égard à l'âge du salarié, aux circonstances particulières ayant entouré la rupture des relations contractuelles et aux difficultés réelles de réinsertion professionnelle rencontrées, pour allouer à monsieur X...une indemnité définitive devant lui revenir personnellement, pouvant être justement évaluée à la somme de 30. 000 euros ;

Attendu que monsieur X...est fondé en ses demandes :
* d'indemnité compensatrice de préavis de 2 mois, en application de l'article L1234-5 du code du travail, à hauteur de la somme de 4227, 32 euros outre les congés payés y afférents
* d'indemnité spéciale de licenciement telle que définie à l'article L1226-14 du code du travail soit 18. 318, 38 euros, le calcul opéré par le salarié de l'indemnité légale avant doublement selon les modalités définies à l'article R1234-2 du code du travail n'étant aucunement contesté par l'employeur ;

Attendu que le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que les dépens d'instance et d'appel resteront à la charge exclusive de la société intimée qui succombe en ses demandes et sera déboutée de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les considérations d'équité justifient que soit allouée à monsieur X...une indemnité de 2000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt contradictoire
Reçoit l'appel

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions

STATUANT A NOUVEAU

DIT que le licenciement dont monsieur X...fait l'objet est dénué de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la Sa Poids Lourds Service Chartrain à payer à monsieur X...les sommes suivantes :
* 30. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 4227, 32 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 422, 73 euros au titre des congés payés y afférents
* 18. 318, 38 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement en application de l'article L1226-14 du code du travail

* 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la Sa Poids Lourds Service Chartrain aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

et signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, et par Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 08/00369
Date de la décision : 19/01/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-19;08.00369 ?
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