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21/10/2010 | FRANCE | N°09/07163

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 21 octobre 2010, 09/07163


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63B



1ère chambre

1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 OCTOBRE 2010





R.G. N° 09/07163



AFFAIRE :



LA SCP [N]-

[D]



C/



[W] [Y]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Janvier 2008 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 07/3073





Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



- SCP KEIME GUTTIN JARRY



- SCP FIEVET- LAFON



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE DIX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suiv...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63B

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 OCTOBRE 2010

R.G. N° 09/07163

AFFAIRE :

LA SCP [N]-

[D]

C/

[W] [Y]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Janvier 2008 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 07/3073

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- SCP KEIME GUTTIN JARRY

- SCP FIEVET- LAFON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE DIX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

La SCP [N]-[K]-[I]

société civile professionnelle ayant son siège [Adresse 1] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY - N° du dossier 08000149

Rep/assistant : Me Barthelémy LACAN (avocat au barreau de PARIS)

APPELANTE

****************

Madame [W] [J] [P] [Y]

née le [Date naissance 6] 1936 à [Localité 13]

[Adresse 2]

Madame [G] [V] épouse [C]

née le [Date naissance 5] 1921 à [Localité 12]

[Adresse 8]

Madame [R] [A] [F] [U] divorcée [O]

née le [Date naissance 7] 1952 à[Localité 11])

[Adresse 9]

représentées par la SCP FIEVET-LAFON - N° du dossier 280328

Rep/assistant : Me Dominique LARROUMET (avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE)

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Septembre 2010 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne LOUYS conseiller en présence de Madame Dominique LONNE conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bernadette WALLON, président,

Madame Evelyne LOUYS, conseiller,

Madame Dominique LONNE, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Par acte d'huissier en date du 27 février 2007, Mmes [W] [Y], [R] [U] épouse [O] et [G] [V] épouse [C] ont fait assigner la SCP [N] [K] [I], titulaire d'un office notarial, aux fins de la voir condamnée à les indemniser du préjudice résultant de la perte du testament olographe qui lui avait été remis, le 3 mars 1986, par [A] [E] décédée le [Date décès 3] 2005, les instituant légataires universelles.

Par jugement en date du 10 janvier 2008, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- condamné la SCP [N] [K] [I] à verser à chacune des demanderesses, Mme [W] [Y], Mme [G] [V] épouse [C] et Mme [R] [U] épouse [O] les sommes de 270 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement en toutes ses dispositions y compris les dépens auxquels la SCP [N] [K] [I] est condamnée et qui pourront être recouvrés par la SCP Fricaudet et Larroumet, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La SCP [N] [K] [I] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 3 juin 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, elle demande à la cour de :

Infirmant le jugement entrepris,

- dire que les intimées ne font pas preuve du préjudice qu'elles allèguent en conséquence de la perte du testament qui avait été confié à la concluante et les débouter de toutes leurs demandes,

- dire, à tout le moins, que le préjudice qu'elles allèguent a constitué une perte de chance, évaluer cette perte de chance à la moitié de la valeur des droits qu'elles auraient retirés du testament litigieux dans l'hypothèse où celui-ci aurait eu le contenu qu'elles affirment,

- constater, pour ce qui est de la situation particulière de Mme [W] [Y], qu'elle vient ab intestat à la succession de [A] [E], constater que la mesure de sa vocation ab intestat doit venir en déduction de sa vocation de légataire qu'elle allègue, constater que Mme [Y] ne fait pas preuve de la mesure de son préjudice dès lors qu'elle n'établit pas la mesure de sa vocation ab intestat qui constitue un paramètre nécessaire à l'évaluation de son préjudice,

- sous réserve de la situation particulière de Mme [Y], évaluer la valeur des droits de légataires prétendus par les intimées, après incidence de la fiscalité qu'elles auraient supportée, à la somme de 99 474,38 euros pour chacune d'elle et appliquer sur cette valeur de 99 474 euros, l'appréciation de la perte de chance,

- condamner in solidum les trois intimées aux entiers dépens de l'instance.

Mmes [W] [Y], [R] [U] épouse [O] et [G] [V] épouse [C], aux termes de leurs conclusions signifiées le 28 mai 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 10 janvier 2008 en ce qu'il a estimé que la SCP [N] [K] [I] a manqué à ses obligations professionnelles en ne pouvant présenter le testament olographe qui lui avait été confié par [A] [E] le 3 mars 1986 et en privant les légataires de la possibilité de recueillir la succession,

- condamner la SCP [N] [K] [I] à payer à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, au titre des sommes qu'elles auraient perçues en exécution du testament égaré :

à chacune de Mme [R] [U] épouse [O] et Mme [G] [V] épouse [C] la somme de 204 965,30 euros,

à Mme [W] [Y], la somme de 128 280,49 euros,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné l'appelante à payer à chacune d'elles la somme de 1 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCP [N] [K] [I] à payer à chacune des concluantes la somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles devant la cour ainsi qu'aux dépens.

.L'ordonnance a été rendue le 1er juillet 2007.

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant que dans le courant de l'année 2005, Mme [A] [E] a élaboré son testament olographe avec son notaire, maître [H] [N] à partir d'un projet dactylographié qu'elle avait établi le 5 avril 1983 ;

Que la première page de ce document comporte la mention manuscrite apposée par Mme [A] [E] : 'Projet de testament d'après lequel le définitif a été établi le 5 avril 1985" ainsi que la mention marginale 'Vu et corrigé par maître [H] [N] le 1er juillet 1985" ;

Considérant que les pages 2,3 et 4 sont parsemées d'annotations manuscrites apposées tant par Mme [A] [E] que par le notaire et chaque page est signée au bas par l'auteur ;

Considérant que Mme [W] [Y] est instituée en qualité d'exécuteur testamentaire et que sont instituées légataires universelles chacune pour un quart : Mmes [W] [Y], [G] [V] épouse [C], [L] [Z], décédée le [Date décès 4] 1994 soit antérieurement au décès de [A] [E] et [R] [U] épouse [O] ;

Considérant qu'à la suite du testament est annexée une lettre entièrement manuscrite de [A] [E] commençant ainsi : 'Le lundi 3 mars 1986, j'ai été, à 16 h, à l'étude de maître [H] [N] et lui ai remis mon testament sous pli cacheté daté du 5 avril 1985 ainsi qu'un billet de 100 francs pour frais d'inscription au service de regroupement à [Localité 10]. Il a mis ce testament dans son coffre-fort' ;

Considérant que le 3 mars 1986, maître [N] a procédé à une déclaration d'enregistrement du testament au fichier central des dispositions des dernières volontés ;

Considérant que [A] [E] est décédée le [Date décès 3] 2005 ;

Considérant qu'ensuite de ce décès, Mme [Y] a appris de l'étude notariale que le testament de [A] [E] avait été 'égaré' ;

Considérant qu'il est encore constant que le 13 octobre 2005, maître [B] [K], a établi l'acte de dépôt du testament dactylographié et de la lettre d'accompagnement de [A] [E] et déposé ledit testament au greffe du tribunal de grande instance de Nanterre le 17 janvier 2006 et que le notaire a le 21 octobre 2005 dressé un acte de notoriété ;

Considérant que par ordonnance en date du 1er juin 2006, le tribunal saisi d'une requête afin d'envoi en possession, a opposé un refus ;

Considérant que sur l'action introduite par les légataires universelles, le notaire fait valoir que le contenu et la régularité formelle du testament du 3 mars 1986 ne sont pas démontrés de sorte que sa responsabilité ne peut être recherchée ;

Mais considérant que le notaire, officier ministériel, a la qualité de dépositaire de confiance lui imposant de conserver et faire exécuter le testament qui lui a été confié ;

Qu'il est parfaitement établi que le 5 avril 1983, [A] [E] a élaboré un projet de testament prévoyant notamment l'institution de quatre légataires universelles pour un quart chacune ; que les mentions manuscrites apposées sur ce document en 1985 par elle-même et par son notaire, maître [H] [N] font la démonstration de ce qu'elle a rédigé à partir de ce projet le testament du 5 avril 1985 et que son notaire lui avait à cette occasion prodigué ses conseils ;

Considérant que c'est vainement que la SCP [N]- [K]-[I] fait état de plusieurs testaments remaniés ; qu'il ne peut davantage être invoqué qu'il ne s'agissait que d'un projet et que dès lors [A] [E] avait eu tout le temps nécessaire entre le 5 avril 1985 et le 3 mars 1986 de modifier ses dispositions testamentaires dès lors que sur son testament dactylographié de 1983, [A] [E] précise qu'il s'agit d'un projet de testament d'après lequel le 'définitif a été établi le 5 avril 1985" et que la lettre manuscrite rédigée par [A] [E] annexée à son projet de testament mentionne bien qu'elle a remis au notaire le 3 mars 1986 le testament daté du 5 avril 1985, qui sera enregistré le même jour ;

Considérant que la régularité formelle du testament ne peut pas non plus être remise en cause puisqu'il est établi que [A] [E], qui s'entourait des conseils d'un professionnel averti, était nécessairement informée des conditions requises en matière de testament olographe ;

Considérant qu'il s'ensuit que le notaire a incontestablement commis une faute en ne pouvant pas restituer le testament qui lui avait confié par [A] [E] ; qu'il doit donc répondre des conséquences préjudiciables qui en sont résultées pour les intimées ;

Considérant que la SCP [N]- [K]-[I] sur la réparation, conteste à Mme [Y] l'existence d'un préjudice avéré compte tenu de sa vocation successorale ab intestat du fait de son lien de parenté avec la défunte en soutenant qu'elle ne peut être subrogée dans les droits héréditaires de cette dernière ; qu'elle argumente encore que c'est à tort que les intimées revendiquent un partage en trois en raison de décès de [L] [Z] en l'absence de clause d'accroissement prévue par [A] [E] et qu'enfin, le préjudice doit tenir compte de la fiscalité applicable de telle sorte que la part de chacune des intimées ne pourraient être que de 99 474,38 euros, somme sur laquelle devrait être apprécié le dommage en termes de perte de chance à hauteur de la moitié ;

Mais considérant que contrairement à ce que soutient l'étude notariale, Mme [Y], la seule intimée ayant un lien de parenté avec la défunte, qui se trouve être la petite cousine de [A] [E], établit qu'elle a reçu de la succession ab intestat qui a été réglée, la somme de 76 684,81 euros qu'elle propose de déduire de la part lui revenant en sa qualité de légataire universelle ;

Considérant que l'appelante ne peut être suivie dans sa thèse tendant à examiner le préjudice subi par les légataires universelles en termes de perte de chance ; qu'en effet, l'existence d'un aléa inhérent à cette notion, fait en l'espèce défaut ;

Considérant que sur la question de l'accroissement des legs universels du fait du décès de [L] [Z] le 27 juillet 1994, [A] [E] ayant effectué en réalité, un legs à titre universel de quotité compte tenu de l'indication de parts et s'agissant d'une même quotité, en l'espèce un quart, la défaillance d'un des légataires accroit la part des autres car les bénéficiaires ont vocation à la totalité de la quote-part ;

Considérant qu'il résulte de la déclaration de succession de [A] [E] et des pièces produites que l'actif successoral s'élève à 1 160 025,90 euros ; que déduction faite du passif et après abattement de 60 % sur les liquidités et la part des fonds placés en assurance-vie mais dont les versements ont été effectués par [A] [E] après l'âge de 70 ans, la part de chacune des légataires universelles étant d'un tiers, il aurait dû revenir à chacune d'elle un montant de 204 965,30 euros ;

Que toutefois devra être déduite de cette somme, celles déjà perçues par Mme [Y] en sa qualité d'héritière, soit 76 684,18 euros de sorte que cette dernière a subi un préjudice de 128 280,49 euros ;

Considérant que si le testament de [A] [E] n'avait pas fait l'objet d'une perte par le notaire, ces sommes auraient été perçues par Mmes Mmes [W] [Y], [R] [U] épouse [O] et [G] [V] épouse [C] ; que la SCP [N]- [K]-[I] doit donc être condamnée au paiement desdites sommes à titre de dommages et intérêts ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris sauf sur la condamnation à payer à Mmes [W] [Y], [R] [U] épouse [O] et [G] [V] épouse [C] la somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

STATUANT À NOUVEAU,

CONDAMNE la SCP [N]- [K]-[I] à payer à Mmes [R] [U] épouse [O] et [G] [V] épouse [C] la somme de 204 965 euros chacune et à Mme [W] [Y] celle de 128 280 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 1 500 euros à chacune d'elles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCP [N]- [K]-[I] aux dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la SCP Fievet Lafon, avoués, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 09/07163
Date de la décision : 21/10/2010

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°09/07163 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-21;09.07163 ?
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