COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 29 SEPTEMBRE 2010
R. G. No 09/ 03974
AFFAIRE :
Nathalie X...
C/
S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE, en la personne de son représentant légal, son Directeur Général
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 12 Septembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de CHARTRES
Section : Encadrement
No RG : 07/ 00241
Copies exécutoires délivrées à :
Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU
la SCP FIDAL
Copies certifiées conformes délivrées à :
Nathalie X...
S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE, en la personne de son représentant légal, son Directeur Général, S. A. S. MANFROTTO DISTRIBUTION SAS venant aux droits de SAS BOGEN IMAGING FRANCE
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Nathalie X...
...
28300 MAINVILLIERS
représentée par Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU, avocat au barreau de CHARTRES
APPELANT
****************
S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE, en la personne de son représentant légal, son Directeur Général
Par TERTIAIRE
SILIC-44, rue de la couture
94573 RUNGIS CEDEX
représentée par la SCP FIDAL, avocats au barreau de CRETEIL
S. A. S. MANFROTTO DISTRIBUTION SAS venant aux droits de SAS BOGEN IMAGING FRANCE
Parc Tertiaire Silic d'Orly Rungis
44 rue de la Couture
94150 RUNGIS
représentée par la SCP FIDAL, avocats au barreau de CRETEIL
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 28 Juin 2010, en audience publique, devant la cour composé (e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Monsieur Hubert LIFFRAN, conseiller,
Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Madame Nathalie X... a été engagée par la société S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE à compter du 1er janvier 1989 en qualité de secrétaire comptable.
Le 2 janvier 1992, elle était promue responsable administratif et financier.
Elle occupait en dernier lieu les fonctions de directrice des ventes, statut cadre.
Par courrier du 15 février 2007, son employeur l'informait de la modification de son lieu de travail et de sa mutation sur le site de RUNGIS.
Par courrier du 15 mars 2007, Madame Nathalie X... faisait part de son refus.
Le 22 mars 2007, elle était convoquée à un entretien préalable fixé au 2 avril suivant.
Par courrier en recommandé avec accusée de réception du 20 avril 2007, elle faisait l'objet d'un licenciement pour motif économique motivé dans les termes suivants :
" Nous revenons vers vous suite à notre entretien du 2 avril 2007 par lequel nous vous avions convoquée par courrier remis en main propre le 22 mars 2007.
Nous vous avons rappelé que nous vous l'avons indiqué lors de nos différentes réunions collectives et entretiens individuels qui se sont tenus depuis le mois de septembre 2006, notre société a pris la décision de déménager et d'implanter ses locaux et son siège social à RUNGIS (94).
Cette décision s'expliquait par plusieurs raisons.
Le bail des locaux de Saint-Maur-des-Fossés que nous occupions a expiré le 31 décembre 2006, ce qui a amené la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE à rechercher une nouvelle localisation.
En second lieu, la Direction a recherché pour notre entreprise une implantation cohérente et sur un site unique, afin d'assurer d'une part un meilleur service à notre clientèle et d'autre part de permettre une meilleure organisation et un meilleur fonctionnement de nos propres services.
Par ailleurs, la zone de RUNGIS constitue une implantation stratégique et facile d'accès.
Il ressort, également, que dans un environnement concurrentiel toujours plus agressif, nous devons veiller à rationaliser et optimiser notre exploitation, condition essentielle et nécessaire pour assurer la sauvegarde de notre compétitivité et par là même la pérennité de notre société sur nos marchés.
Enfin, nous entendions également que ce site présente pour notre personnel des conditions de travail optimum et qu'il soit dans un environnement particulièrement adapté notamment en offres de service pour les salariés.
Nous vous avons donc alors informée, en date du 15 février 2007, par lettre recommandée, que votre nouveau lieu de travail serait à compter du 1er mai 2007 à :
Parc Tertiaire SILIC
Immeuble Kingston
44 rue de la Couture
94573 RUNGIS CEDEX
Toutefois, cette mutation dans une zone géographique autre que celle de votre lieu actuel de travail constituant une modification de votre contrat de travail, cela nécessitait votre accord préalable.
Aussi, en application de l'article L 321-1-2 du Code du Travail, nous vous avons demandé dans ce même courrier du 15 février 2007 de nous faire connaître au terme d'un délai de réflexion d'un (1) mois à compter de sa présentation et ce, par écrit, votre acceptation ou votre refus de cette proposition.
Nous vous invitions à nous retourner un formulaire-réponse, daté et signé avant le 19 mars 2007 après avoir coché la case correspondant à votre décision.
A défaut de réponse de votre part dans le délai d'un mois, vous étiez réputée avoir accepté la modification proposée.
En cas de refus de cette proposition, nous vous avisions que nous serions amenés à devoir envisager votre licenciement pour motif économique. "
Madame Nathalie X... bénéficiait de plus de 2 ans d'ancienneté et la société comptait plus de 11 salariés.
Elle percevait en dernier lieu un salaire mensuel de 4. 576 € et la relation de travail était régie par la convention collective du commerce de gros.
C'est dans ces circonstances que Madame Nathalie X... a saisi le Conseil des Prud'hommes de CHARTRES de demandes tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre et condamner son employeur à lui verser diverses sommes à ce titre.
Par jugement rendu le 12 septembre 2008, le Conseil des Prud'hommes de CHARTRES a :
- débouté Madame Nathalie X... de l'ensemble de ses demandes.
- condamné Madame Nathalie X... à payer à la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- condamné Madame Nathalie X... aux entiers dépens comprenant les éventuels frais d'exécution.
Par conclusions écrites déposées au greffe et soutenues oralement, l'appelante a présenté les demandes suivantes :
- condamner la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE à verser à Madame Nathalie X... :
• 134. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul à titre principal
• 134. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire
• 3. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-voir dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision, et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article 10 du décret du 30 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la partie adverse.
- condamner la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE aux entiers dépens comprenant l'intégralité des frais et débours d'exécution.
Par conclusions écrites déposées au greffe et soutenues oralement la société intimée a présenté les demandes suivantes :
- confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes en toutes ses dispositions,
A titre principal,
- dire et juger que la lettre de licenciement a été régulièrement signée par Monsieur Y... David en sa qualité de directeur général de la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE, dûment habilité par le président de la société,
En conséquence,
- dire et juger que le licenciement de Madame Nathalie X... n'est pas nul,
- débouter Madame Nathalie X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que le licenciement de Madame Nathalie X... repose sur une cause réelle et sérieuse,
- dire et juger que la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE a respecté son obligation de reclassement,
- débouter Madame Nathalie X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
- condamner Madame Nathalie X... au paiement de la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I-Sur la nullité du licenciement
Considérant que l'appelant a demandé la nullité du licenciement litigieux en se fondant sur l'article L 227-6 du code de commerce, qu'il est en effet impossible de déterminer le signataire de la lettre de rupture, dans la mesure où cette lettre porte pour seule mention qu'elle émane de " la direction " sans que l'identité du signataire ne soit précisée ;
Que la lettre de licenciement n'émane donc ni du président de la SAS, ni d'un directeur général délégué disposant d'une délégation comme le prescrit l'article susvisé ;
Mais considérant que l'article L 227-6 du code de commerce règle uniquement les rapports entre les sociétés par actions simplifiées et les tiers ; que le salarié n'étant pas un tiers, les dispositions de ce texte ne sont pas applicables en matière de licenciement ; que par ailleurs aucune disposition légale n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; que Monsieur David Y..., directeur des ressources humaines (managing director), a signé tous les courriers adressés à la salariée dans le cadre de la procédure de licenciement ;
Qu'il a en effet signé la lettre de convocation à l'entretien préalable, mené cet entretien, procédé aux investigations nécessaires, prononcé le licenciement, signé l'attestation ASSEDIC et le certificat de travail ; que la procédure de licenciement avait ainsi été engagée et menée à son terme par une personne appartenant à l'entreprise et ayant autorité sur le salarié ce dont il résulte que sauf preuve contraire non apportée en l'espèce par la salariée, Monsieur David Y... disposait d'une délégation de pouvoir l'habilitant à procéder au licenciement ; qu'au surplus et en toute hypothèse, le défaut de qualité du signataire de la lettre de licenciement ne prouvait dès lors que le signataire faisait partie de la société et avait autorité sur le salarié, entraîner la nullité du licenciement ;
Que dès lors la demande de nullité du licenciement soulevée par Madame Nathalie X... sera rejetée ;
II-Sur la cause du licenciement
Considérant qu'il est établi que la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE a été amené à prendre la décision de déménager et d'implanter ses locaux et son siège social à RUNGIS, ce qui entraînait la mutation de Madame Nathalie X... ;
Qu'il résulte également des pièces du dossier que cette restructuration de l'entreprise française répondait à la nécessité de sauvegarder sa compétitivité ;
Que Madame Nathalie X... ayant refusé la proposition de mutation, la société était donc en droit de procéder à son licenciement économique, mais seulement après avoir rechercher de façon sérieuse si une ou plusieurs possibilités de reclassement dans l'entreprise elle-même ou dans le groupe pouvait être offerte à la salariée sur des emplois de même niveau ou éventuellement de niveau inférieur avec l'accord du salarié par application de l'article 1233-4 du code du travail ;
Considérant qu'il est constant que la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE appartient à un groupe international ayant plusieurs entreprises en Europe notamment dans des pays frontaliers de la France ;
Considérant que la lettre de licenciement en date du 20 avril 2007 dont les termes ont été ci-avant rapportés, ne fait pas la moindre allusion à cette recherche de reclassement qui certes et de moyen, mais dont l'employeur à l'obligation de rapporter la preuve qu'il y a procédé ;
Considérant que malgré cette carence la société a versé au débat deux attestations de directeurs des relations humaines du groupe VITEC auquel appartient la S. A. S. BOGEN IMAGING, de février et avril 2008, donc postérieurs à la saisine de la juridiction prud'homale, affirmant que Monsieur Y..., leur avait bien demandé si un poste était vacant ;
Que toutefois ces deux attestations ne sont corroborées par aucun élément objectif concomitant à la procédure de licenciement, qu'il s'ensuit que la preuve n'est pas suffisamment rapportée par l'employeur d'une recherche sérieuse de reclassement tant dans l'entreprise français elle-même que dans le groupe conformément aux dispositions légales ; que dès lors le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant, compte tenu de son ancienneté et du nombre de salariés dans l'entreprise, Madame Nathalie X... est en droit de prétendre à une indemnité minimum correspondant à la moyenne de ses six derniers mois de salaire soit 4. 576 € ;
Considérant qu'a cet égard Madame Nathalie X... avait une grande ancienneté dans l'entreprise sans avoir démérite, qu'elle parait avoir eu de grandes difficultés pour retrouver un emploi, qu'il lui sera alloué à titre de dommages et intérêts la somme de 40. 000 € ;
Considérant qu'il serait en outre inéquitable de laisser à la charge du salarié la totalité des frais qu'il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 2. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Reçoit l'appel de Madame Nathalie X....
Statuant à nouveau,
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Déclare le licenciement de Madame Nathalie X..., intervenue le 20 avril 2007, sans cause réelle et sérieuse,
- Condamne en conséquence la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE à payer à Madame Nathalie X... la somme de 40. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamne la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE en outre à verser à Madame Nathalie X... la somme de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE à rembourser dans la limite de six mois, les allocations de chômage qui ont été versées à Madame Nathalie X... par pôle emploi de l'ouest francilien ;
- Condamne la S. A. S. BOGEN IMAGING FRANCE aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
et signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,