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24/06/2010 | FRANCE | N°07/03133

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 24 juin 2010, 07/03133


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 28A



1ère chambre

1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 JUIN 2010



R.G. N° 07/03133



AFFAIRE :



[S] [B] [P] née [L]

...

C/



[E] [O]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Février 2007 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 2

N° Section :

N° RG : 03/10725


r>Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



- SCP BOMMART MINAULT



- SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER



- SCP JUPIN & ALGRIN

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE DIX,

La cour d'app...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 28A

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 JUIN 2010

R.G. N° 07/03133

AFFAIRE :

[S] [B] [P] née [L]

...

C/

[E] [O]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Février 2007 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 2

N° Section :

N° RG : 03/10725

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- SCP BOMMART MINAULT

- SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

- SCP JUPIN & ALGRIN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE DIX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [S] [B] [L] épouse [P]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 14] (78)

[Adresse 6]

Madame [T] [Y] [L] épouse [ZA]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 14] (78)

[Adresse 5]

représentées par la SCP BOMMART MINAULT - N° du dossier 00034424

Rep/assistant : Me Edith VALAY (avocat au barreau de VERSAILLES)

APPELANTES

****************

Monsieur [E] [O]

[Adresse 9]

S.C.P. ROBIDAIRE & SAVOURE

société civile professionnelle ayant son siège social [Adresse 1] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentés par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER - N° du dossier 20070666

Rep/assistant : cabinet Me FLICHY-MAIGNE Elisabeth (avocat au barreau de VERSAILLES)

Madame [U] [C] née [L]

née le [Date naissance 10] 1962 à [Localité 14] (78)

[Adresse 7]

représentée par la SCP JUPIN & ALGRIN - N° du dossier 07/03133

Rep/assistant : Me Pascal KOERFER (avocat au barreau de VERSAILLES)

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Mai 2010, Madame Bernadette WALLON, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Bernadette WALLON, président,

Madame Evelyne LOUYS, conseiller,

Madame Dominique LONNE, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

[A] [L], marié sous le régime de la séparation de biens avec [Y] [G] décédée le [Date décès 4] 1991, est décédé le [Date décès 8] 2002 laissant pour lui succéder ses trois filles légitimes, [S] [L] épouse [P], [T] [L] épouse [ZA] et [U] [L] épouse [C].

Par acte authentique du 18 avril 2000, il avait fait donation partage en nue-propriété à ses trois filles par parts égales des actions de la société de transport lui appartenant, laquelle fut vendue en juin 2002.

Par testament olographe du 10 novembre 2000 enregistré le même jour chez maître [O], notaire à Versailles, il a légué à sa fille [U] [L] épouse [C] la quotité disponible de sa succession précisant qu'il souhaitait que celle-ci dispose de l'immeuble de la [Adresse 12] et de sa maison à [Adresse 11] avec les meubles meublants. Il a réitéré ces volontés par testament authentique reçu le 21 novembre 2000 en présence de deux témoins.

Par acte du 8 juillet 2003, [U] [L] épouse [C] a fait assigner ses deux soeurs devant le tribunal de grande instance de Versailles en ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de [A] [L].

Se prévalant de l'insanité d'esprit de leur père à l'époque de la rédaction des testaments, [S] [L] épouse [P] et [T] [L] épouse [ZA] ont saisi le même tribunal d'une demande de nullité du testament olographe du 10 novembre 2000 et du testament authentique du 21 novembre 2000.

Ces deux instances ont été jointes. Maître [E] [O], notaire, a été assigné le 22 juin 2005 en intervention forcée par [U] [L] épouse [C]. Par conclusions signifiées le 25 août 2005, la SCP Robidaire & [FY], notaires à Versailles, a déclaré intervenir volontairement aux débats.

Par jugement du 20 février 2007, le tribunal de grande instance de Versailles a reçu l'intervention volontaire de la SCP Robidaire & [FY], constaté qu'aucune demande n'est formée à son encontre ni à celle de Maître [O], ordonné le partage des biens dépendant de la succession de [A] [L] et commis pour y procéder le président de la chambre interdépartementale des Yvelines avec faculté de délégation, débouté [S] [L] épouse [P] et [T] [L] épouse [ZA] de leur demande en nullité des testaments et de leurs demandes de rapport à la succession, débouté [U] [L] épouse [C] de ses demandes relatives au bien immobilier situé [Adresse 12], débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire du jugement, condamné solidairement [S] [L] épouse [P] et [T] [L] épouse [ZA] aux dépens.

[S] [L] épouse [P] et [T] [L] épouse [ZA] ont interjeté appel de ce jugement le 20 avril 2007.

Par ordonnance du 18 octobre 2007, le conseiller de la mise en état a ordonné une expertise médicale sur pièces confiée à madame [F] [I]. L'expert a déposé son rapport le 17 avril 2008.

Par arrêt du 22 janvier 2009, cette cour a :

- ordonné le rejet des débats des pièces numérotées 82, 83, 84 communiquées par Mme [U] [L] épouse [C] le 19 novembre 2008,

- débouté Mmes [S] [L] épouse [P] et [T] [L] épouse [ZA] de leur demande de rejet des débats des conclusions signifiées le 19 novembre 2008,

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a reçu l'intervention volontaire de la SCP Robidaire et Savouré et ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de [A] [L],

- infirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mmes [S] [L] épouse [P] et [T] [L] épouse [ZA] de leur demande de rapport à succession de la somme de 15 245 euros,

Statuant à nouveau de ce chef,

- ordonné le rapport par Mme [U] [L] épouse [C] à la succession de son père de la somme de 15 245 euros,

- prononcé la nullité du rapport d'expertise de madame le docteur [I],

Avant dire droit sur la demande de nullité des testaments,

- ordonné une nouvelle mesure d'expertise médicale sur pièces confiée à un collège de trois experts,

avec pour mission de :

entendre les parties et leurs conseils,

se faire remettre le dossier médical de [A] [L],

entendre tous sachants notamment les médecins qui ont suivi [A] [L] depuis 1998 jusqu'à son décès , maître [O] en sa qualité de notaire ayant reçu le testament , le cas échéant des témoins,

dire si [A] [L] pouvait disposer de toutes ses facultés mentales et de discernement au mois de novembre 2000 lors de l'établissement des testaments compte tenu de la pathologie dont il souffrait depuis plusieurs années et des traitements dont il bénéficiait,

- réservé les dépens.

Les trois experts, le professeur [Z], le professeur [D] et le docteur [X] ont rédigé leur rapport le 18 mai 2009; celui-ci a été déposé au greffe le 13 juillet 2009.

Mme [S] [L] épouse [P] et Mme [T] [L] épouse [ZA], aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 6 avril 2010 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, demandent à la cour de :

- annuler le rapport des professeurs [Z] et [D] et du docteur [X] déposé le 18 mai 2009,

A titre subsidiaire,

- dire que les experts ont manqué d'objectivité et d'impartialité dans la sélection des pièces transmises par les parties,

- dire qu'en se bornant à examiner les dossiers des parties sans se faire remettre les dossiers complets d'hospitalisation de [A] [L], les experts n'ont pas rempli la mission fixée par la cour,

- en conséquence, écarter le rapport des professeurs [Z] et [D] et du docteur [X],

- ordonner une contre expertise confiée à trois médecins experts, dont un gériatre, et deux géronto-psychiatres ayant une pratique et/ou des compétences en électroencéphalographie et imagerie cérébrale afin qu'ils puissent faire plein usage des éléments cliniques et para clinique des dossiers médicaux produits,

Avec notamment pour mission de :

consulter outre les documents produits par les parties, l'intégralité des dossiers d'hospitalisation de [A] [L] et tous les électroencéphalogrammes et examens d'imagerie cérébrale qu'il a subis jusqu'à son décès,

dire au vu de ces dossiers si [A] [L] pouvait ne pas disposer de toutes ses facultés mentales et de discernement en novembre 2000 lors de l'établissement de ses testaments,

- fixer la provision pour frais d'expertise à la charge de Mmes [P] et [ZA],

- débouter Mme [C] de tous ses chefs de demande,

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ne ferait pas droit à la demande de contre expertise,

- constater que la cour dispose de suffisamment d'éléments pour infirmer le jugement déféré et pour dire que [A] [L] n'était pas sain d'esprit en novembre 2000 et qu'il convient d'annuler les testaments,

- en toute hypothèse condamner Mme [C] à payer à Mmes [P] et [ZA] la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à raison de 5 000€ chacune,

- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage recouvrés par la SCP Bommart Minault, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [U] [C], aux termes de ses conclusions signifiées en dernier lieu le 23 avril 2010 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- déclarer mal fondées Mmes [P] et [ZA] en leur demande d'annulation des testaments de [A] [L],

Ce faisant :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 27 février 2007, en ce qu'il a débouté Mmes [P] et [ZA] de leur demande d'annulation des testaments établis par [A] [L] les 10 novembre 2000 et 21 novembre 2000,

- débouter Mmes [P] et [ZA] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- ordonner qu'il soit procédé aux opérations de compte liquidation partage de la succession de [A] [L] par Me [W], notaire désigné par le président de la chambre des notaires, conformément au présent arrêt,

- condamner Mmes [ZA] et [P] à verser à Mme [U] [C] une somme de 10.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés et de partage avec droit de recouvrement au profit de la SCP Jupin & Algrin.

M. [E] [O] et la SCP Robidaire & [FY], aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 26 avril 2010 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, demandent à la cour de :

- déclarer Mmes [P] et [ZA] mal fondées en leur appel dirigé contre maître [O] et la SCP Robidaire & Savoure,

- confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à maître [O] et à la SCP Robidaire & Savoure,

- leur donner acte de leurs explications devant la cour,

- condamner in solidum Mmes [P] et [ZA] à verser à la SCP Robidaire & Savoure la somme de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera effectué par la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2010.

Par conclusions signifiées le 11 mai 2010, Mme [U] [L] épouse [C] demande à la cour de rejeter des débats la pièce n°171 intitulée 'commentaires sur le rapport du collège des experts du dossier médical de monsieur [A] [L]' communiquée la veille de l'ordonnance de clôture dont les parties n'ont pu débattre contradictoirement.

MOTIFS

sur la demande de rejet des débats

En produisant aux débats, la veille de l'ordonnance de clôture, une nouvelle pièces sous le numéro 171 intitulée 'commentaires sur le rapport du collège des experts du dossier médical de monsieur [A] [L] présentés par le docteur [H] [R]' qui consiste en une analyse critique du travail des experts judiciaires qui auraient omis de prendre en compte l'intégralité des pièces médicales, Mmes [S] [L] épouse [P] et [T] [L] épouse [ZA] n'ont pas permis à l'intimée d'en prendre connaissance et d'y répondre et ont ainsi méconnu le principe de la contradiction. Cette pièces sera écartée des débats.

sur la nullité du rapport d'expertise

Mmes [S] [P] et [T] [ZA] sollicitent la nullité du rapport d'expertise du collège d'experts pour violation du principe du contradictoire dans la mesure où les experts indiquent avoir entendu tous sachants sans toutefois reproduire leurs déclarations, et s'être fait communiquer le dossier médical sans annexer ces documents à leur rapport et les soumettre au débat contradictoire.

Elles invoquent des insuffisances du rapport d'expertise car les experts, qui n'ont pas rédigé de pré-rapport et se sont contentés de reproduire les dires sans y répondre, n'ont analysé qu' un nombre limité de pièces ce qui donne une impression de partialité, ils ne se sont pas fait remettre les dossiers des hospitalisations et n'ont apparemment entendu aucun médecin.

Conformément à la mission qui leur avait été confiée, les experts ont entendu les parties et leurs conseils ce qui n'est pas contesté, ont entendu tous sachants dont l'audition était utile et ont considéré que seule l'audition de maître [O] était de nature à les éclairer, se sont fait remettre les pièces médicales détenues par les parties.

Dans leur rapport ils ont scrupuleusement rendu compte de l'audition de maître [O] qui a eu lieu en présence de toutes les parties de sorte que le principe du contradictoire a été respecté. Aucune pièce du dossier ne permet de penser que les experts ont entendu d'autres personnes notamment des médecins dont ils n'auraient pas mentionné le contenu des propos. Il n'est pas davantage établi qu'ils auraient disposé de documents médicaux non communiqués par les parties.

Il s'ensuit que les experts ont accompli leurs mission dans le respect du principe du contradictoire.

C'est en vain qu'il est fait état d'une 'impression de partialité' résultant de la sélection des pièces communiquées par les parties alors que les experts, s'ils ont effectivement limité leur analyse détaillée aux seules pièces pertinentes pour eux, à savoir les documents médicaux et les témoignages des soignants, ont néanmoins examiné l'intégralité des pièces produites comme le démontre leur commentaire en page 12 sous la rubrique 4) 'les éléments dont nous avons pris connaissance contenaient de nombreuses attestations clairement divergentes de la part de personnes n'étant ni médecins ni soignants'. Considérant que ces témoignages n'étaient pas de nature à étayer l'avis technique qui leur était demandé, ils n'ont à juste titre pas estimé nécessaire de procéder à un examen exhaustif de ces pièces dont les juges peuvent se convaincre de la pertinence. Les experts n'avaient pas non plus à se livrer dans leur rapport à une description de chacune des pièces médicales produites, étant observé que pour un grand nombre d'entre elles, elles consistent en des notes sur l'évolution de l'état du patient au jour le jour pendant les hospitalisations. Ils se sont prononcés en fonction de l'ensemble des documents produits par les parties et il ne peut leur être reproché de ne pas avoir examiné des documents dont les parties n'ont obtenu la communication qu'après le dépôt du rapport d'expertise alors que la présente instance est en cours depuis plusieurs années.

Quant aux dires des parties, les experts, après en avoir pris connaissance et en avoir relaté le contenu essentiel, les ont joints au rapport. S'agissant d'observations des parties sur des points purement factuels et non de contestations techniques, ces dires ne nécessitaient pas de réponse spécifique de leur part. Les experts n'ont ainsi pas omis de répondre aux dires des parties.

En conséquence, la demande de nullité du rapport du collège d'experts sera rejetée.

sur la validité du testament

Selon les dispositions de l'article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit . La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence.

L'insanité d'esprit comprend toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement altérée.

La charge de la preuve de l'insanité d'esprit au moment de la rédaction du testament incombe à celui qui agit en annulation dudit testament.

Chacune des parties produisant aux débats de très nombreux témoignages totalement opposés et divergents sur l'état mental de [A] [L] dans les dernières années de sa vie, aucune conclusion sérieuse ne peut être tirée de ces attestations au contenu contradictoire.

Il ressort du rapport du collège d'experts que [A] [L] a présenté un trouble bipolaire nécessitant des soins médicaux, qu'il a présenté des phases de désinhibition euphorique et des phases dépressives. Les experts relèvent qu'il est courant mais non obligatoire que ce type de trouble impose une mesure de curatelle ce qui ne fut pas le cas pour [A] [L]. Ils indiquent qu'il a présenté en outre un diabète pouvant entraîner des phases psychotiques aiguës (état délirant, confusion mentale): c'est ce qui fut notamment noté à l'hôpital de [Localité 13] en 1988, 1998, 2000. Jusqu'en avril 2000, [A] [L] a reçu un traitement classique de prévention des phases aiguës de maladie bipolaire, Téralithe (prescription du 27/04/00). En mai 2000, le patient présentait un état de confusion mentale aiguë d'où les hospitalisations successives à la clinique du Vésinet (29/05/00 au 2/06/00), à l'hôpital de [Localité 13] ( 02/06/00 au 27/06/00) puis à l'hôpital américain. L'étiologie de ce état confusionnel fut manifestement considérée iatrogène et ceci a précédé un changement de traitement thymorégulateur (arrêt du Téralithe remplacé par Dépamide). Ils ajoutent qu'il est vrai que lors du processus de vieillissement avec fragilisation neuronale le Téralithe peut devenir moins bien toléré. Ils affirment que le Dépamide aurait aggravé l'état confusionnel si celui-ci avait été persistant à la date du 27 juillet 2000. Ils concluent que [A] [L] pouvait disposer de toutes ses facultés mentales et de discernement au mois de novembre 2000 lors de l'établissement des testaments compte tenu de la pathologie dont il souffrait depuis plusieurs années et des traitements dont il bénéficiait.

Pour écarter l'hypothèse d'absence d'une altération durable du fonctionnement mental et du comportement de [A] [L], étant rappelé qu'il n'est pas contesté que ce denier a présenté des épisodes de confusion mentale qui ont justifié son hospitalisation notamment en juin et juillet 2000, les experts précisent que les médecins psychiatres traitants n'ont jamais sollicité une mesure de protection civile, qu'à la date de son décès il était toujours le curateur de son frère ce qui laisse supposer qu'il était en mesure de rendre compte de son mandat au juge des tutelles, que la famille elle-même n'a pas demandé de mesure de protection. Mais surtout, ils indiquent que la confusion mentale est un état transitoire le plus souvent imputable à une iatrogénie ou à un désordre métabolique, que les documents médicaux analysés permettent d'affirmer que l'état confus de [A] [L] en mai-juin 2000 était levé à la fin du mois de juillet 2000 car il a alors reçu une prescription incompatible avec un état confusionnel (Dépamide et Tranxène) qui, à supposer qu'elle ait été faite à tort (c'est à dire sur un état de confusion), aurait significativement aggravé la situation jusqu'à plonger le patient en état de confusion aigu voire comateux ce qui permet d'écarter le diagnostic de confusion mentale chronique.

Les appelantes font valoir que postérieurement au dépôt du rapport du collège d'experts, elles ont obtenu de nouvelles pièces médicales qui sont de nature à modifier les conclusions des experts comme l'indique le docteur [R] auquel elles en ont confié l'analyse.

Le rapport d'expertise médicale rédigé à la demande des appelantes par le docteur [H] [R] n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions des experts judiciaires. En effet, outre le fait que ce rapport est établi uniquement à partir des pièces produites par les appelantes, il ne démontre pas, par une analyse incontestable, que les documents médicaux complémentaires conduisent inéluctablement à une conclusion différente de celle du collège d'experts. En effet, le docteur [R], comme les experts judiciaires, a relevé l'état confusionnel présenté par [A] [L] en mai-juin 2000, mais pour rejeter le caractère aigu de cet état, il retient qu'il a duré près de trois mois sans réel soulagement thérapeutique et affirme , sans s'appuyer sur aucun document médical puisqu'il reconnait en page 13 qu'il n'a pu obtenir d'informations relatives à la période des vingt deux mois suivants la sortie de l'hôpital américain, que, selon le 'Corpus de gériatrie', les troubles de la vigilance préalables à son admission ont perduré à sa sortie sans être atténués par les traitements symptomatiques. Or le professeur [V], neuro-psychiatre, qui a suivi [A] [L] et a prescrit le traitement que les experts judiciaires affirment formellement contre-indiqué en cas d'état confusionnel , atteste qu'en dépit de ses problèmes médicaux et hors les périodes d'hospitalisation, le patient était en possession de ses facultés de jugement et de décisions et donc parfaitement capable de faire face aux actes de la vie civile.

Plusieurs médecins ou soignants ( Mme [K], le docteur [J], le docteur [M], le docteur [N]) qui ont connu [A] [L] attestent de sa bonne santé mentale.

Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une contre-expertise qui n'est pas justifiée par les nouvelles pièces produites aux débats qui ne sont pas contemporaines de l'établissement du testament. Il convient en effet de rappeler qu'il est indifférent pour la solution du litige de savoir si [A] [L] a présenté des épisodes confusionnels en mai-juin 2000, ni si ses facultés intellectuelles ont été altérées en 2002, mais seulement de déterminer si en novembre 2000, il disposait de ses facultés mentales et de discernement.

Aux conclusions des experts judiciaires, qui sont claires et dépourvues de toute ambiguïté, il y a lieu d'ajouter que [A] [L] a vécu chez lui à compter de fin juillet 2000 jusqu'en 2002, qu'il n'a bénéficié d'aucune mesure de protection, qu'il a continué à exercer les fonctions de curateur de son frère jusqu'à son décès, qu'il a présidé les assemblées générales de la société jusqu'en juin 2002. Il s'est présenté à deux reprises chez le notaire , une première fois pour déposer un testament olographe et une seconde fois pour établir un testament authentique en présence de deux témoins ce qui démontre une volonté bien affirmée et constante de disposer de ses biens pour le temps où il n'existera plus. Maitre [O] a confirmé la totale lucidité de [A] [L] lors de la rédaction du testament authentique qu'il a reçu en présence de deux témoins et en l'absence de Mme [C].

A supposer même que [A] [L] ait été atteint de la maladie d'Alzheimer à la fin de sa vie, un traitement spécifique à cette maladie lui ayant été prescrit en mai 2002, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer qu'en novembre 2000, il présentait déjà les symptomes de cette pathologie alors qu'il souffrait par ailleurs d'autres pathologies susceptibles d'engendrer un état confusionnel aigu et qu'il n'était plus en mesure de prendre des décisions raisonnées.

Faute pour Mmes [P] et [ZA] de rapporter la preuve de l'insanité d'esprit de leur père au moment de la rédaction des testaments litigieux, elles ne peuvent qu'être déboutées de leur demande de nullité desdits testaments.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

VU l'arrêt de cette cour du 22 janvier 2009

ORDONNE le rejet des débats de la pièce n°171 produite par les appelantes

DÉBOUTE Mme [S] [L] épouse [P] et Mme [T] [L] épouse [ZA] de leur demande de nullité du rapport d'expertise du collège d'experts

DÉBOUTE Mme [S] [L] épouse [P] et Mme [T] [L] épouse [ZA] de leur demande de contre-expertise

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [S] [L] épouse [P] et Mme [T] [L] épouse [ZA] de leur demande de nullité du testament olographe du 10 novembre 2000 et du testament authentique du 21 novembre 2000 et a constaté qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de maître [O] et de la SCP Robidaire et Savoure

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [S] [L] épouse [P], Mme [T] [L] épouse [ZA] et Mme [U] [L] épouse [C]

CONDAMNE Mme [S] [L] épouse [P] et Mme [T] [L] épouse [ZA] à payer à la SCP Robidaire et Savoure la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 07/03133
Date de la décision : 24/06/2010

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°07/03133 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-24;07.03133 ?
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