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10/06/2010 | FRANCE | N°10/00005

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 10 juin 2010, 10/00005


COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

[Adresse 2]

[Localité 4]

1ère chambre 1ère section













ARRÊT DU 10/06/2010



REFUS DE TRANSMISSION

DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ







DOSSIER : 10/00005

N° Minute :





Demandeur à la question prioritaire :



Monsieur [K] [E]

[Adresse 3]



Rep/assistant : la SCP DEBRAY-CHEMIN représenté par Me DEBRAY en ses observations (avoué à la Cour) - n° du dossier

09000767







En présence de :





CHAMBRE DES AVOUES PRES LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES

représentée par son Président en exercice Maître [P] [S] comparant et domicilié en cette qualité [Adresse 1]





Monsieur le PR...

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

[Adresse 2]

[Localité 4]

1ère chambre 1ère section

ARRÊT DU 10/06/2010

REFUS DE TRANSMISSION

DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

DOSSIER : 10/00005

N° Minute :

Demandeur à la question prioritaire :

Monsieur [K] [E]

[Adresse 3]

Rep/assistant : la SCP DEBRAY-CHEMIN représenté par Me DEBRAY en ses observations (avoué à la Cour) - n° du dossier 09000767

En présence de :

CHAMBRE DES AVOUES PRES LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES

représentée par son Président en exercice Maître [P] [S] comparant et domicilié en cette qualité [Adresse 1]

Monsieur le PROCUREUR GENERAL

représenté par Monsieur CHOLET Avocat Général à qui la présente cause a été communiquée

COMPOSITION :

Bernadette WALLON, Président

Evelyne LOUYS, conseiller

Dominique LONNE, conseiller

assistée de Sylvie RENOULT, greffier

----------------------------

L'affaire a été plaidée le 31 mai 2010, les parties ont été informées par le président de la date du délibéré fixée au 10 juin 2010.

En application de l'article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

En application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

En l'espèce, M.[K] [E], par conclusions signifiées le 14 avril 2010 et déposées au greffe le même jour portant le numéro RG 09/7321et par conclusions signifiées le 14 avril 2010 et déposées au greffe le même jour portant le numéro RG 09/7412, prétend que les dispositions des articles 2 et 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 et du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 cumulées à celles des articles 441-10 et 131-27 du code pénal ne sont pas conformes à la Constitution . Il demande en conséquence à la cour de:

- constater qu'il conteste la recevabilité des poursuites disciplinaires exercées à son encontre en vertu des articles 2 et 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 et du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 comme n'étant pas conformes avec les droits fondamentaux garantis par la Constitution et notamment le droit à un procès équitable, alors que pour les mêmes faits il a déjà été condamné par un arrêt définitif de la juridiction pénale à une interdiction d'exercer de cinq ans,

- constater que la régularité du cumul des dispositions des articles 2 et 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 et du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 et des articles 441-10 et 131-27 du code pénal au regard des garanties édictées par la Constitution concerne directement le présent litige,

- constater que le Conseil constitutionnel n'a jamais été saisi du point de savoir si le cumul des poursuites et des condamnations disciplinaires et pénales pour un même fait était de nature à porter atteinte, comme a pu déjà le juger la CEDH, aux principes du procès équitable et des droits de la défense consacrés par la Constitution,

- en conséquence, conformément aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, transmettre à la Cour de cassation pour saisine du Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité objet du mémoire distinct tenant à l'inconstitutionnalité du cumul des dispositions des articles 2 et 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 et du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 et des articles 441-10 et 131-27 du code pénal.

Il soutient que la disposition contestée est applicable au litige, que cette question de la conformité à la constitution de poursuites, à la fois pénales et disciplinaires, pour les mêmes faits, n'a jamais été examinée par le Conseil constitutionnel, que la question est sérieuse car la règle 'non bis in idem' fait partie du principe à valeur constitutionnelle de la nécessité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 et tout citoyen a droit à un procès équitable, que le principe 'non bis in idem' est repris en droit international et notamment en droit européen (Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme).

La Chambre des avoués près la cour d'appel de Versailles a présenté ses observations par lettre du 7 mai 2010. Elle émet protestations et réserves sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité dans la mesure où la critique ne porte pas sur l'inconstitutionnalité de l'ordonnance du 28 juin 1945 mais sur les conditions de son application, à savoir le cumul de poursuites, pénales et disciplinaires. Elle s'en rapporte à justice sur le bien fondé de la question prioritaire de constitutionnalité.

Le dossier a été communiqué au ministère public qui a requis l'irrecevabilité de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au motif que l'ordonnance du 28 juin 1945 n'a pas valeur législative. Subsidiairement, il fait valoir que la question n'est pas sérieuse car les poursuites disciplinaires reposent sur des fondements différents de ceux ayant motivé l'action publique, l'intérêt protégé n'est pas identique puisqu'il est professionnel dans un cas et social dans l'autre.

Les parties ont été entendues en leurs observations à l'audience du 31 mai 2010 en présence du ministère public représenté par M.Cholet, avocat général, qui a repris son avis formulé par écrit.

MOTIFS

Les dossiers enregistrés sous les numéros 09/7321 et 09/7412 ayant été joints par ordonnance du 18 janvier 2010 et l'instance se poursuivant sous le numéro 09/7321, la cour n'est saisie que d'une demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution par les dispositions des articles 2 et 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 et du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973

Le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 14 avril 2010 dans un écrit distinct des conclusions de M.[E], et motivé. Il est donc recevable.

sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation

L'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :

La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure , ou constitue le fondement des poursuites,

Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances,

La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux..

Toute disposition de forme législative , votée par le Parlement et promulguée par le Président de la République, peut faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité. Les lois antérieures à l'entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958, non expressément abrogées, entrent dans le champ de la nouvelle procédure. L'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, prise par le gouvernement provisoire de la République française, au visa de l'ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité français de la libération nationale, ensemble les ordonnances des 3 juin et 4 septembre 1944, et de l'ordonnance du 9 août 1944 portant rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, a été publiée au Journal Officiel de la République française et exécutée comme loi conformément à son article 52. Il s'agit donc d'une disposition législative qui peut faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.

En revanche, le décret n°73-1202 du 28 décembre 1973, acte réglementaire du Gouvernement, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 61-1 de la Constitution.

Il n'est pas contesté que les dispositions des articles 2 et 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 sont applicables au litige.

Les dispositions contestées n'ont pas déjà été déclarées conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

M. [E] ne soutient pas que les dispositions des articles 2 et 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 portent en elles-mêmes atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit mais fait valoir que l'application cumulée de ces dispositions avec celles des articles 441-10 et 131-27 du code pénal méconnait le droit à un procès équitable et le principe à valeur constitutionnelle de la nécessité des peines incluant la règle 'non bis in idem' garantit par la Déclaration des droits de l'Homme de 1789.

Or la règle 'non bis in idem' ne peut être valablement invoquée lorsqu'une personne fait l'objet, pour les mêmes faits, de poursuites pénales et de poursuites disciplinaires car la peine prononcée par le juge pénal et les sanctions disciplinaires sont de nature différentes et doivent être exécutées successivement comme l'a jugé à plusieurs reprises la Cour de cassation. L'appréciation des faits reprochés n'est pas identique. Il s'agit, lors de poursuites pénales, de rechercher dans l'intérêt de la société si l'infraction pénale est constituée et de fixer la peine qui peut être privative de liberté, et lors de poursuites disciplinaires, de déterminer si les faits constituent un manquement aux règles d'une profession et de prononcer une sanction disciplinaire strictement limitée aux conditions de l'exercice professionnel. Il a d'ailleurs été déjà jugé par la Cour de cassation que la sanction de la destitution prononcée contre un officier ministériel telle que prévue à l'article 3 de l'ordonnance du 28 juin 1945 ,ne méconnait ni l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme ni l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme.

Il ne peut pas davantage être retenu que les dispositions législatives susvisées porteraient atteinte au droit à un procès équitable et violeraient le principe des droits de la défense alors que l'instance disciplinaire relève de la procédure contradictoire au cours de laquelle l'officier ministériel poursuivi est entendu, peut être assisté d'un avocat et dispose d'une voie de recours.

Quant au moyen tiré du défaut de compatibilité de la disposition législative contestée aux engagements internationaux et européens de la France, il ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité mais relève de la compétence des juridictions administratives et judiciaires comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision 2010-605 du 12 mai 2010 après avoir relevé que 'pour mettre en oeuvre le droit reconnu par l'article 61-1 de la Constitution à tout justiciable de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative méconnait les droits et libertés que la Constitution garantit, le 5ème alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et le 2ème alinéa de son article 23-5 précisent l'articulation entre le contrôle de conformité des lois à la Constitution qui incombe au Conseil constitutionnel et le contrôle de leur compatibilité avec les engagements internationaux ou européens de la France qui incombe aux juridictions administratives et judiciaires'.

Le moyen tiré du défaut de conformité à la Constitution du cumul des dispositions des articles 2 et 3 de l'ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 et du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 et des articles 441-10 et 131-27 du code pénal est dépourvu de caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de transmettre à la Cour de cassation la question posée dans la présente instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, susceptible du seul recours prévu par l'article 126-7 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité,

DIT que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision,

RENVOIE l'affaire à l'audience du 27 septembre 2010 à 09 heures pour plaidoiries,

RÉSERVE les dépens.

Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 10/00005
Date de la décision : 10/06/2010
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°10/00005 : Déclare la demande ou le recours irrecevable


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-10;10.00005 ?
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