COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 82B
1ère chambre
1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 MAI 2010
R.G. N° 08/01584
AFFAIRE :
SYNDICAT CGT DU PERSONNEL DE LA SOCIETE ALDI MARCHE
...
C/
ALDI MARCHE
Fédération CGT COMMERCE DISTRIBUTION ET SERVICES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Février 2008 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 04
N° Section :
N° RG : 05/02667
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- SCP TUSET- CHOUTEAU (2)
- SCP GAS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT MAI DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SYNDICAT CGT DU PERSONNEL DE LA SOCIETE ALDI MARCHE
syndicat professionnel ayant son siège [Adresse 4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Monsieur [L] [R]
ès-qualités de délégué du personnel et de délégué syndical
[Adresse 3]
représentés par la SCP TUSET-CHOUTEAU - N° du dossier 20080113
Rep/assistant : cabinet Roger KOSKAS (avocat au barreau de PARIS)
APPELANTS
COMITE D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE ALDI MARCHE
ayant son siège [Adresse 4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
(Ordonnance de désistement en date du 27 novembre 2008)
COMITE D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL - CHSCT DE LA SOCIETE ALDI MARCHE
ayant son siège [Adresse 4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
(Ordonnance de désistement en date du 27 novembre 2008)
****************
S.A.R.L. ALDI MARCHE
société à responsabilité limitée ayant son siège [Adresse 4] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP GAS - N° du dossier 20080223
Rep/assistant : Me Anne-Marie SENECHAL-L'HOMME (avocat au barreau de PARIS)
INTIMEE
****************
Fédération CGT COMMERCE DISTRIBUTION ET SERVICES
syndicat professionnel ayant son siège [Adresse 1]
représentée par la SCP TUSET-CHOUTEAU - N° du dossier 20080113
Rep/assistant : cabinet Roger KOSKAS (avocat au barreau de PARIS)
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Avril 2010 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bernadette WALLON président chargé du rapport en présence de Madame Dominique LONNE conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Madame Evelyne LOUYS, conseiller,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,
La société Aldi Marché dont le siège est à [Localité 2] est une société spécialisée dans la distribution alimentaire qu'elle organise au travers de magasins répartis dans l'ouest de la France.
Elle est née de la scission en 1999 de la société Aldi Marché ayant son siège à Dammartin.
Parmi les accords d'entreprise applicables, il existait un accord du 16 mars 1995 définissant les règles de fonctionnement des instances représentatives qui a continué à s'appliquer et a été étendu à l'ensemble des représentants du personnel.
Au cours de l'année 2003, la direction de la société Aldi Marché a adressé aux représentants du personnel plusieurs courriers aux termes desquels elle dénonçait certaines pratiques adoptées par quelques représentants du personnel et susceptibles d'être considérées par eux comme ayant valeur d'usage.
Le 15 avril 2004 a été signé avec le seul syndicat CFTC un accord ayant pour objet les règles de fonctionnement applicables aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux de la société.
Par acte d'huissier du 1er mars 2005, le comité d'entreprise, le CHSCT et le syndicat CGT de la société Aldi Marché ainsi que M. [L] [R] et Mme [E] [J] ont assigné la société Aldi Marché pour voir notamment constater l'irrégularité de la dénonciation des usages des 30 mai et 16 octobre 2003.
Par jugement en date du 7 février 2008, le tribunal de grande instance de Versailles a :
- constaté le désistement d'instance de Mme [E] [J] et lui en a donné acte,
- rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Aldi Marché,
- rejeté les demandes tant principale que reconventionnelle,
- condamné les demandeurs aux dépens.
Le comité d'entreprise de la société Aldi Marché, le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail - CHSCT-, le syndicat CGT du personnel de la société Aldi Marché et M. [L] [R] ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions signifiées le 23 octobre 2008, la fédération CGT commerce distribution et services est intervenue volontairement à la procédure.
Une ordonnance en date du 27 novembre 2008 a constaté le désistement du comité d'entreprise et du CHSCT de la société Aldi Marché.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 5 décembre 2008, le syndicat CGT du personnel de la société Aldi Marché, la fédération CGT commerce distribution et services et M. [L] [R], es-qualites de délégué du personnel et de délégué syndical, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens, demandent à la cour de :
- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes,
- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Versailles rendu le 7 février 2008,
- prendre acte de l'intervention volontaire dans le présent débat de la fédération CGT commerce, distribution et services,
- dire que la dispersion géographique de l'entreprise décidée par l'employeur ne saurait porter atteinte aux conditions de fonctionnement des institutions représentatives du personnel telles qu'elles sont prévues par les dispositions du code du travail,
- dire que l'employeur ne peut donc limiter l'exercice régulier des mandats des représentants du personnel dans l'entreprise en refusant la prise en charge des frais et du temps de déplacement des représentants du personnel pour l'exercice de leur mission en dehors de leur lieu habituel de travail et des réunions organisées à son initiative,
- dire nulles ou à tout le moins inopposables les dispositions de l'accord du 15 avril 2004 qui porte atteinte au libre exercice du mandat,
- constater l'absence de dénonciation régulière des usages relatifs au paiement des frais et du temps de déplacement des représentants du personnel,
- condamner la société Aldi Marche à payer à M. [L] [R], au syndicat CGT du personnel de la société Aldi marché et à la fédération CGT commerce distribution et services, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Aldi Marche, aux termes de ses conclusions signifiées le 20 novembre 2008 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :
- la recevoir en ses conclusions et l'y dire bien fondée,
- prendre acte du désistement du comité d'entreprise et du CHSCT,
- dire que le syndicat CGT du personnel de la société Aldi Marche n'a pas qualité à agir et est donc irrecevable en sa demande,
- dire que M. [L] [R] ne démontre pas en l'état sa qualité à agir et est donc irrecevable en sa demande,
- sur le fond, confirmer la décision du tribunal de grande instance de Versailles,
- condamner les appelants et intervenante volontaire à lui régler la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2010.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la qualité à agir du syndicat CGT du personnel de la société Aldi Marché
Considérant que la société Aldi Marché dénie audit syndicat la qualité à agir au motif que l'appellation syndicat CGT du personnel de la société Aldi Marché dont le siège social est situé [Adresse 4] renverrait à la section syndicale de la CGT, dépourvue de la personnalité morale et donc de la possibilité d'ester en justice ;
Mais considérant que cette affirmation est démentie par la production des statuts du syndicat qui ont été déposés le 21 février 2001 comme l'atteste le récépissé de dépôt figurant au dossier ;
Considérant qu'il convient donc d'écarter la fin de non-recevoir soulevée par l'intimée et de déclarer l'action du syndicat en cause recevable ;
Sur la qualité à agir de M. [L] [R] es-qualites de délégué syndical et de délégué du personnel de la société Aldi Marché
Considérant qu'un délégué syndical et un délégué du personnel n'a pas qualité pour ester en justice sauf mandat spécial du syndicat qui l'a désigné ;
Considérant qu'il s'ensuit que l'action de M. [L] [R] n'est donc pas recevable ;
Sur l'intervention volontaire de la fédération CGT commerce distribution et services
Considérant qu'il y a lieu de constater la dite intervention volontaire de la fédération CGT commerce distribution et services régulière et de lui en donner acte ;
Sur le désistement du comité d'entreprise et du CHSCT
Considérant qu'une ordonnance en date du 27 novembre 2008 a constaté le désistement de ces deux institutions représentatives du personnel ;
Sur le fond
Sur la validité de l'accord du 15 avril 2004
Considérant que les appelants soutiennent l'inopposabilité et la nullité des stipulations de l'accord collectif du 15 avril 2004 relatives au temps et aux frais de déplacement comme contraires aux règles d'ordre public relatives aux missions des institutions représentatives du personnel ;
Qu'ils font valoir qu'en prévoyant que le temps de déplacement du représentant du personnel pour effectuer ses missions 'hors réunions à l'initiative de l'employeur' sera imputé sur son crédit d'heures de délégation et que les frais occasionnés pour ces mêmes déplacements ne seront pas pris en charge par l'employeur, ledit accord porte nécessairement atteinte aux missions et aux dispositions d'ordre public consacrant la liberté de circulation des représentants du personnel pour l'exercice de leur mission ;
Qu'ils insistent sur le fait que les textes applicables ne limitent pas la mission des représentants du personnel aux seules réunions organisées par l'employeur ; qu'il leur incombent d'être en contact régulier avec les salariés de l'entreprise afin d'assurer la défense de leurs intérêts et de leurs droits ce qui dans une structure éclatée comme la société Aldi Marché nécessite des déplacements pouvant être longs sachant que la distance moyenne qui sépare l'ensemble des magasins de la société est d'environ 183 kms ;
Considérant que l'accord du 15 avril 2004, antérieur à la loi du 4 mai 2004, stipule que le temps passé en déplacement est considéré comme temps de travail effectif lorsqu'il s'agit de se rendre à une réunion se tenant à l'initiative de l'employeur mais s'impute sur le crédit d'heures pour tout autre déplacement pendant les horaires de travail et d'autre part que les frais de déplacement sont pris en charge lorsqu'il s'agit de se rendre à une réunion se tenant à l'initiative de l'employeur ; qu'il énonce encore que les frais de déplacement des délégués du personnel pour accomplir leur mission en dehors des réunions se tenant à l'initiative de l'employeur seront pris en charge sur la base des remboursements habituellement en vigueur dans la société et sous réserve de justificatifs d'itinéraires rationnels ;
Considérant que si les textes applicables tels que rappelés par les appelants posent le principe de la libre circulation dans l'entreprise des représentants du personnel dans le cadre de l'exercice de leur mission, ils ne consacrent pas pour autant, comme tentent de le faire admettre le syndicat CGT et la fédération CGT concernée, le principe d'une prise en charge de tous les frais de déplacement des représentants du personnel et la non imputation sur leurs crédits d'heures de tous les temps de déplacement ;
Considérant qu'à cet égard, ni la loi ni la jurisprudence n'ont défini les conditions de prise en charge des temps et frais de déplacement ce qui a permis et justifié la conclusion d'accords collectifs sur ce point ;
Considérant que le seul fait que l'accord du 15 avril 2004 issu de la négociation collective définissant le statut des délégués syndicaux et des délégués du personnel, comporte des limites en ce qu'il ne prévoit pas la prise en charge du temps et des frais de déplacement pour des réunions autres que celles se tenant à l'initiative de l'employeur ne saurait suffire à lui conférer un caractère illicite de nature à entraîner son inopposabilité ou sa nullité ;
Considérant ainsi que ledit accord signé par la direction et le syndicat CFTC le 15 avril 2004 s'impose et sa force obligatoire ne peut être valablement remise en cause ;
Considérant que les demandes du syndicat CGT et de la fédération CGT commerce distribution et services doivent donc être rejetées ;
Sur la dénonciation des usages
Considérant que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 octobre 2003, la société Aldi Marche a dénoncé avec effet au 1er février 2004 'certaines pratiques adoptées par quelques représentants du personnel et/ou représentants syndicaux, susceptibles d'être considérés par eux comme ayant valeur d'usages' ;
Considérant que s'il n'y a pas lieu d'examiner l'argumentation tirée de l'existence d'usages en matière de temps et de frais de déplacement en ce qui concerne les membres du comité d'entreprise et du CHSCT dès lors que ces deux institutions se sont désistées de leur appel, cette question conserve son intérêt à l'égard des délégués syndicaux et des délégués du personnel pour la période intermédiaire entre le 1er février 2004, date de la dénonciation et le 15 avril 2004, date de l'accord applicable à partir de sa date ;
Considérant qu'il est constant qu'il existait au sein de la société Aldi Marche Dammartin un accord d'entreprise du 16 mars 1995 'définissant les règles de fonctionnement des instances représentatives avec des règles spécifiques aux frais de déplacement des délégués syndicaux et des délégués du personnel du secteur magasin';
Que cet accord a cessé d'être applicable lors de la scission de la société intervenue en 1999 et la création de la société Aldi Marche Ablis ; que néanmoins en l'absence de conclusion d'un accord dit de substitution au sein de cette dernière entité, les règles instaurées par l'accord de 1995 ont perduré ;
Considérant que les appelants font valoir ainsi que le remboursement des frais de déplacement des représentants du personnel dans l'exercice de leur mandat ainsi que la non imputation du temps de déplacement de ces derniers sur leur crédit d'heures de délégation sont constitutifs d'un usage que la société Aldi Marche n'a pas dénoncé régulièrement ;
Considérant que ladite société réplique qu'il ne saurait y avoir usage au sens juridique du terme ; qu'il s'agissait de pratiques et même de pratiques abusives qu'elle a dénoncées dans ses différents courriers des 30 mai 2003, 27 juin 2003 et 16 octobre 2003 ;
Considérant qu'une pratique d'entreprise acquiert la valeur contraignante d'un usage dont les salariés peuvent se prévaloir à la condition d'être constante, générale et fixe ; que s'agissant du caractère général de l'usage, ce critère implique que l'avantage bénéficie à l'ensemble du personnel ou tout au moins, à une catégorie déterminée d'entre eux ;
Considérant que le remboursement des frais de déplacement était accordé à l'ensemble des représentants du personnel de la société, de façon régulière et selon les mêmes modalités objectives ;
Que de la même manière, le temps de déplacement n'était pas imputé sur les crédits d'heure de délégation des représentants du personnel ; que la société Aldi Marche qui n'exigeait pas de ces derniers qu'ils notent les temps de trajet ne les prenait pas en compte, en d'autres termes ne les imputaient pas sur le crédit d'heures de délégation, ce de façon générale et constante jusqu'en 2003 ;
Considérant qu'il y a donc lieu de retenir l'existence d'usages relatifs au temps et au frais de déplacement des représentants du personnel au sein de la société Aldi Marché antérieurement à l'accord du 15 avril 2004 ;
Considérant que pour dénoncer valablement un usage, l'employeur doit :
- informer les institutions représentatives du personnel,
- informer individuellement chaque salarié,
- respecter un délai de prévenance suffisant ;
Considérant que si la société Aldi Marche a dénoncé lesdits usages à l'ensemble des représentants du personnel pris individuellement, elle a omis de consulter le comité d'entreprise préalablement à cette dénonciation sachant que l'information doit être donnée par l'employeur en réunion du comité, après inscription à l'ordre du jour ;
Considérant que dès lors, les dénonciations d'usage dont tente de se prévaloir la société Aldi Marche sont irrégulières de sorte que lesdits usages doivent recevoir application pour la période concernée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DONNE ACTE du désistement du comité d'entreprise de la société Aldi Marché et du CHSCT,
CONSTATE l'intervention volontaire de la fédération CGT commerce distribution et services, recevable,
REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la société Aldi Marché à l'encontre du syndicat CGT du personnel de la société Aldi Marché,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a constaté le désistement de Mme [E] [J] et lui en a donné acte, en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Aldi Marche à l'encontre de M. [R] et rejeté la demande tendant à voir déclarer nul l'accord du 15 avril 2004,
L'INFIRME sur le surplus,
STATUANT À NOUVEAU,
DIT que faute de dénonciation régulière des usages applicables au sein de la société Aldi Marché aux délégués syndicaux et aux délégués du personnel, ils demeurent en vigueur pour la période courant entre le 1er février 2004, date des effets de la dénonciation et l'accord conclu le 15 avril 2004,
DIT n' avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE le syndicat CGT du personnel de la société Aldi Marche, M. [L] [R] et la fédération CGT commerce distribution et services aux dépens avec pour ceux d'appel, droit de recouvrement direct au profit de la SCP Gas, avoués, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,