COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
1ère chambre
1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 MARS 2010
R.G. N° 09/04387
AFFAIRE :
[X] [N]
C/
Société MIRABAUD & CIE
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance d'exequatur rendue le 28 Octobre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° chambre :
N° Section :
N° RG :
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD
- SCP DEBRAY-CHEMIN
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX HUIT MARS DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [X] [N]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5]
[Adresse 4]
représenté par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD - N° du dossier 0846011
rep/assistant : Me Eric DELFLY (avocat au barreau de LILLE)
APPELANT
****************
Société MIRABAUD & CIE
[Adresse 3] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN - N° du dossier 08001029
Rep/assistant : Me Nathalie MASSART (avocat au barreau de PARIS)
Société MIRABAUD GESTION
société anonyme inscrite au RCS de [Localité 6] sous le numéro B 444 631 600 ayant son siège [Adresse 2] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN - N° du dossier 08001029
Rep/assistant : Me Nathalie MASSART (avocat au barreau de PARIS)
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Février 2010, Madame Bernadette WALLON, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Madame Evelyne LOUYS, conseiller,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Une ordonnance rendue le 28 octobre 2008 par M. le président du tribunal de grande instance de Versailles a, au visa des dispositions de la convention de Lugano, ordonné l'exequatur d'un arrêt rendu le 14 mars 2008 par la cour correctionnelle sans jury de la République et Canton de Genève.
M. [X] [N] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 2 décembre 2009 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, il demande à la cour de :
- réformer la décision entreprise,
- constater que l'arrêt de la cour correctionnelle de Genève en date du 14 mars 2008 :
- viole l'article 5 alinéa 3 de la convention de Lugano,
- est contraire à l'ordre public international français en ce qu'il s'appuie sur une pièce obtenue en fraude de la loi française et notamment en violation du secret professionnel fait prévu et réprimé à l'article L 226-13 du code pénal français,
- constitue une fraude à la loi.
- condamner tant la société Mirabeau Gestion que la société Mirabaud &Cie à lui payer une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société Mirabaud&Cie et la SA Mirabaud Gestion qui ont signifié le 31 août 2009 des conclusions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens, demandent à la cour de :
- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer l'ordonnance entreprise,
- condamner M. [X] [N] à leur verser, à chacune d'elle, une somme de 10 000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS DE L'ARRET
Considérant que l'arrêt de la cour correctionnelle de Genève du 14 mars 2008 a condamné M. [X] [N] à une peine privative de liberté de 18 mois pour crime manqué d'extorsion de fonds et chantage et admis ce dernier au bénéfice du sursis avec un délai d'épreuve de trois ans ; qu'accueillant les constitutions de partie civile des sociétés Mirabaud &Cie et Mirabaud Gestion, la cour a également condamné M. [N] au paiement de diverses sommes en réparation des dommages causés ;
Considérant que pour s'opposer à l'exequatur de cette décision, M. [N] fait tout d'abord valoir que l'arrêt aurait été rendu en violation des dispositions de l'article 5 alinéa 3 de la convention de Lugano selon lesquelles le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant, 'en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit' ;
Qu'il soutient que la tentative d'infraction n'était qu'en germe lors de la réunion du 22 février 2005 qui s'est tenue à Genève au cours de laquelle les menaces ou propos auraient été tenus et qu'elle a été complètement exécutée le 23 février 2005 du fait de la correspondance échangée entre les avocats demandant la remise des fonds de sorte que l'infraction se situait en France ; que la société Mirabaud Gestion n'avait aucune pertinence à déposer plainte devant les tribunaux suisses et que les juridictions genevoises ont fait litière de ce qu'était le droit français ;
Mais considérant qu'en l'espèce, il importe de relever que l'article 5 alinéa 3 de la convention de Lugano, qui vise une action en responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle, n'est pas applicable s'agissant d'une action jointe à celle du ministère public genevois qui relève de l'article 4 de ladite convention ;
Considérant qu'en effet ce texte énonce : 'Le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant ....4) s'il s'agit d'une action en réparation de dommage ou d'une action en restitution fondées sur une infraction, devant le tribunal saisi de l'action publique dans la mesure où, selon sa loi, ce tribunal peut connaître de l'action civile' ;
Considérant que la cour correctionnelle genevoise était donc compétente pour connaître de l'action des parties civiles jointe à celle de l'autorité de poursuite ;
Considérant que l'appelant fait, ensuite, état de ce que l'arrêt du 14 mars 2008 violerait l'ordre public international français en ce qu'il a retenu à titre de preuve, la production d'un échange de correspondance entre avocats français intervenus sur le territoire français et ce contrairement aux dispositions de l'article 226-13 du code pénal français ;
Mais considérant qu'il est constant que la confidentialité des correspondances échangées entre l'avocat et son client ne s'impose qu'au premier et non au second qui, n'étant pas tenu au secret professionnel peut les rendre publiques ;
Considérant que l'arrêt du 14 mars 2008 mentionne à la page 20, in fine : 'La lettre de Me Delfly à Me Massart du 23 février 2005, versée à la procédure dans sa version intégrale, par l'accusé, présente effectivement le calcul des indemnités auxquelles l'accusé estime pouvoir prétendre ...' ;
Considérant que M. [N] qui prétend avoir été contraint de produire la pièce ne justifie pas de ses allégations ;
Considérant que ce moyen pas plus fondé que le précédent sera donc également écarté ;
Considérant qu'enfin, M. [X] [N] invoque la fraude à la loi en soutenant que l'infraction a été fabriquée de toutes pièces pour les besoins de la procédure ;
Mais considérant qu'il est constant que s'il appartient au juge de l'exequatur de s'assurer de la conformité de la décision qui lui est soumise à l'ordre public international français, ce contrôle ne peut conduire à réviser au fond une décision ayant acquis autorité de chose jugée dans l'Etat dont elle émane après épuisement des voies de recours dans cet Etat ;
Considérant qu'il n'est rapporté la preuve d'aucune fraude à la loi ;
Considérant que l'arrêt du 14 mars 2008 rendu par la cour correctionnelle genevoise remplit les conditions exigées pour pouvoir bénéficier de l'exequatur ;
Considérant que l'ordonnance entreprise sera donc confirmée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME l'ordonnance entreprise,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE M. [X] [N] à verser à la société Mirabaud&Cie et à la société Mirabaud Gestion la somme de 4 000 euros à chacune d'elle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Debray-Chemin, avoués, conformément à l'article 699 du même code.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,