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25/02/2010 | FRANCE | N°07/11304

France | France, Cour d'appel de Versailles, 25 février 2010, 07/11304


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

12ème chambre section 1

ARRET No CONTRADICTOIRE DU 25 FEVRIER 2010

R. G. No 09/ 00120

AFFAIRE : M. Abdel Y... C/- S. A. S. COCA-COLA SERVICES FRANCE
-THE COCA-COLA COMPANY
-S. A. S. COCA-COLA ENTREPRISE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Novembre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No chambre : 1
No RG : 07/ 11304 Expéditions exécutoires

LE VINGT CINQ FEVRIER DEUX MILLE DIX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Monsieur Abdel Y...

né le 23 Mars 1977 à LILLE (59000)
demeurant ... 93350 LE BOURGET Concluant par Me Claire ...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

12ème chambre section 1

ARRET No CONTRADICTOIRE DU 25 FEVRIER 2010

R. G. No 09/ 00120

AFFAIRE : M. Abdel Y... C/- S. A. S. COCA-COLA SERVICES FRANCE
-THE COCA-COLA COMPANY
-S. A. S. COCA-COLA ENTREPRISE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Novembre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No chambre : 1
No RG : 07/ 11304 Expéditions exécutoires

LE VINGT CINQ FEVRIER DEUX MILLE DIX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Abdel Y...

né le 23 Mars 1977 à LILLE (59000)
demeurant ... 93350 LE BOURGET Concluant par Me Claire RICARD, avoué-No du dossier 290006
Plaidant par Me Michael SICAKYUZ, avocat au barreau de PARIS
APPELANT

S. A. S. COCA-COLA SERVICES FRANCE-CCSF
ayant son siège 27 rue Camille Desmoulins 92784 ISSY LES MOULINEAUX CEDEX 9, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Concluant par la SCP FIEVET-LAFON, avoués-No du dossier 290047
Plaidant par Me Annick LECOMTE, membre de l'association FALQUE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS-THE COCA-COLA COMPANY
ayant son siège One Coca-Cola Plazza Atlanta ETATS-UNIS D'AMERIQUE, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Concluant par la SCP FIEVET-LAFON, avoués-No du dossier 290047
Plaidant par Me Annick LECOMTE, membre de l'association FALQUE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS-S. A. S. COCA-COLA ENTREPRISE
ayant son siège 27 rue Camille Desmoulins 92784 ISSY LES MOULINEAUX CEDEX 9, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Concluant par la SCP FIEVET-LAFON, avoués-No du dossier 290047
Plaidant par Me Annick LECOMTE, membre de l'association FALQUE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
INTIMEES

Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Janvier 2010, Madame Dominique ROSENTHAL, président, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de : Madame Dominique ROSENTHAL, président,
Madame Marie-Hélène POINSEAUX, conseiller,
Monsieur Claude TESTUT, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLE

Vu l'appel interjeté le 7 janvier 2009, par Abdel Y... d'un jugement rendu le 20 novembre 2008 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :
* mis hors de cause la société Coca-Cola Entreprise,

* déclaré les sociétés Coca-Cola Services France et The Coca-Cola Company recevables en leurs interventions volontaires,

* débouté Abdel Y... de ses demandes,

* condamné Abdel Y... à payer aux sociétés Coca-Cola Entreprise, Coca-Cola Services France et The Coca-Cola Company la somme globale de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Vu les dernières écritures en date du 5 mai 2009, par lesquelles Abdel Y..., poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la cour de :
* condamner in solidum les sociétés Coca-Cola Entreprise, Coca-Cola Services France et The Coca-Cola Company au paiement de la somme de 20. 000 euros en raison du préjudice moral subi du fait de l'utilisation sans son autorisation de son nom patronymique et de son nom d'auteur en tant que marque,

* condamner in solidum les sociétés Coca-Cola Entreprise, Coca-Cola Services France et The Coca-Cola Company au paiement de la somme de 20. 000 euros en réparation du préjudice commercial subi du fait des difficultés qu'il rencontre en sa qualité d'auteur, son nom étant immédiatement associé au nom d'une boisson et du fait de l'absence de paiement de royalties suite à l'usage de son nom patronymique,

* ordonner l'annulation du dépôt de la marque " Y... ",

* condamner in solidum les sociétés Coca-Cola Entreprise, Coca-Cola Services France et The Coca-Cola Company au paiement de la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Vu les dernières écritures en date du 13 octobre 2009, aux termes desquelles les sociétés Coca-Cola Entreprise, Coca-Cola Services France et The Coca-Cola Company prient la cour de confirmer la décision déférée, sauf en ce qu'elle n'a pas fait droit à leur demande au titre du caractère abusif de la procédure et statuant à nouveau de :
* condamner Abdel Y... au versement, à chacune d'elles, de la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts,

* condamner Abdel Y... au paiement de la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

SUR CE,

LA COUR

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :
* la société de droit américain The Coca-Cola Company commercialise une gamme de produits Coca-Cola qui comprend une variété Coca-Cola light sango à la saveur d'orange,

* elle a déposé la marque éponyme le 30 novembre 2005, enregistrée sous le no3394608 pour désigner des boissons non alcoolisées de la classe 32,

* la société Coca-Cola Entreprise commercialise et distribue en France les produits de la société américaine,

* la société Coca-Cola Services France est le prestataire de services de la société Coca-Cola Services NV qui est chargée de la communication et du marketing des boissons vendues sous les marques Coca-Cola,

* le 20 août 2006, Abdel Y... a fait adresser par son conseil une lettre de mise en demeure à la société Coca-Cola Entreprise de cesser la commercialisation des produits Coca-Cola light sango qui, selon lui, utiliserait son nom de famille et son nom d'artiste,

* par lettre du 7 septembre 2006, le conseil de la société Coca-Cola Services France a exposé les raisons pour lesquelles la réclamation de Abdel Y... n'était pas fondée,
* par un courrier du 13 décembre 2006, Abdel Y... a revendiqué également la protection de son nom d'auteur,

* le 21 décembre 2006, la société Coca-Cola Services France a réitéré et précisé sa réponse,

* le 3 septembre 2007, Abdel Y... a assigné la société Coca-Cola Entreprise en indemnisation des préjudices prétendus moral et patrimonial à raison de l'utilisation de son nom en tant que marque,

* les sociétés The Coca-Cola Company et Coca-Cola Services France sont intervenues volontairement à l'instance,

* c'est dans ces circonstances, qu'est intervenue la décision déférée ;

Considérant que ne sont pas remises en cause devant la cour les dispositions du jugement entrepris qui ont prononcé la mise hors de cause de la société Coca-Cola Entreprise ;

Considérant que Abdel Y... revendique la protection de son nom au titre du droit d'auteur et au titre des dispositions relatives au droit des marques ;

Sur la protection du nom de Abdel Y... au titre du droit d'auteur :

Considérant que Abdel Y... soutient qu'en sa qualité d'auteur, scénariste, il est fondé à s'opposer à l'usage de la dénomination " Y... " pour désigner une boisson commercialisée par les sociétés du groupe Coca-Cola ;

Considérant que selon l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre ; que ces dispositions instaurent au profit de l'auteur le droit à la paternité et au respect de l'oeuvre ;

Or considérant en l'espèce, que si Abdel Y... peut revendiquer les attributs du droit moral de l'auteur sur ses oeuvres originales, en revanche, il ne saurait prétendre à la protection de son nom patronymique en tant que tel, fût il utilisé pour l'exercice de son activité artistique, ce nom, quelque soit sa renommée prétendue, ne constituant pas, en lui-même, une oeuvre de l'esprit ;

Qu'il s'ensuit que la décision déférée, qui a dit que Abdel Y... ne peut se prévaloir des dispositions sur le droit d'auteur, mérite confirmation ;

Sur la protection du nom de Abdel Y... au fondement du droit des marques :

Considérant que Abdel Y... rappelant les dispositions de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, fait valoir que l'usage de son nom patronymique à des fins commerciales constitue une usurpation qui lui porte préjudice ;

Considérant que selon ces dispositions légales, ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs notamment aux droits de la personnalité d'un tiers, notamment à son nom patronymique ;

Considérant que ce texte conduit à ne rendre indisponible à titre de marque le nom patronymique d'un tiers que si le choix de ce nom porte atteinte au droit de la personnalité de ce tiers intéressé ; Considérant en l'espèce, que Abdel Y... soutient que le nom patronymique Y... bénéficie d'un renom exceptionnel puisque le sango est la langue du groupe oubanguien de la République centrafricaine, parlée par deux millions de personnes ;

Mais considérant, étant relevé que Abdel Y... ne démontre aucun intérêt à agir pour la défense de la langue véhiculaire de la République centrafricaine, qu'il convient de constater, ainsi que l'a retenu le tribunal, par des motifs pertinents adoptés par la cour, qu'en dépit des développements relatifs à la naissance et à l'usage de la langue sango, que Abdel Y... ne démontre nullement qu'auprès des consommateurs français normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés ou auprès des professionnels du cinéma ou de l'audiovisuel, le patronyme Y... aurait acquis une notoriété certaine attachée à la personnalité de Abdel Y..., alors qu'il résulte, au contraire, des extraits des pages jaunes obtenues à l'aide du moteur de recherches Google que ce nom est amplement porté notamment dans le département des Hauts de Seine ;

Considérant que par voie de conséquence, il n'est pas démontré que le patronyme Y... bénéficiait d'une notoriété dans la vie civile ou artistique de sorte que le choix de ce nom pour former une marque ne peut induire un risque de confusion susceptible de porter atteinte aux droits de la personnalité de Abdel Y... ;

Que ce risque est d'autant plus exclu que le vocable Y... est associé, au sein de la marque critiquée, à la dénomination notoire Coca-Cola, ce qui conduit le consommateur à l'associer immédiatement aux boissons commercialisés par les sociétés Coca-Cola Company et Coca-Cola Services France et à l'image qui s'y attache ;

Considérant qu'il en résulte que la décision entreprise, qui a débouté Abdel Y... de sa demande au fondement du droit des marques, sera également confirmée ;

Sur les autres demandes :

Considérant que l'action en justice, comme l'exercice du droit d'appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou encore de légèreté blâmable ; que ces exigences ne sont pas satisfaites en l'espèce ; que la demande reconventionnelle sera rejetée ;

Considérant en revanche que les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile doivent bénéficier aux sociétés The Coca-Cola Company et Coca-Cola Services France ; qu'il leur sera alloué à ce titre la somme globale complémentaire de 10. 000 euros ; que Abdel Y... qui succombe en ses prétentions doit être débouté de sa demande formée sur ce même fondement ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- Y AJOUTANT,

- CONDAMNE Abdel Y... à payer aux sociétés The Coca-Cola Company et Coca-Cola Services France la somme complémentaire globale de 10. 000 euros (dix mille euros) au titre des frais irrépétibles d'appel,

- REJETTE toutes autres demandes contraires à la motivation,

- CONDAMNE Abdel Y... aux dépens et DIT que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la SCP FIEVET-LAFON, avoués.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Dominique ROSENTHAL, président, et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 07/11304
Date de la décision : 25/02/2010

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nanterre


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-25;07.11304 ?
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