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24/02/2010 | FRANCE | N°08/02869

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17ème chambre, 24 février 2010, 08/02869


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



17ème chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 FEVRIER 2010



R.G. N° 08/02869

AT/AM

AFFAIRE :



Association VERS LA VIE POUR L'EDUCATION DES JEUNES dite AVVEJ





C/

[Z] [W]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Juin 2008 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE

Section : Activités Diverses

N° RG

: 06/2011





Copies exécutoires délivrées à :



Me Alain EPELBEIM

Me Agnès BENICHOU-BOURGEON





Copies certifiées conformes délivrées à :



Association VERS LA VIE POUR L'EDUCATION DES JEUNES dite AVVEJ



[Z] [W], [J] [X], [P] [M], [F] [B], [...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17ème chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 FEVRIER 2010

R.G. N° 08/02869

AT/AM

AFFAIRE :

Association VERS LA VIE POUR L'EDUCATION DES JEUNES dite AVVEJ

C/

[Z] [W]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Juin 2008 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE

Section : Activités Diverses

N° RG : 06/2011

Copies exécutoires délivrées à :

Me Alain EPELBEIM

Me Agnès BENICHOU-BOURGEON

Copies certifiées conformes délivrées à :

Association VERS LA VIE POUR L'EDUCATION DES JEUNES dite AVVEJ

[Z] [W], [J] [X], [P] [M], [F] [B], [C] [D], [T] [O], [H] [V], [N] [E], [L] [R]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE DIX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

L'Association VERS LA VIE POUR L'EDUCATION DES JEUNES dite AVVEJ

[Adresse 21]

[Adresse 21]

[Localité 10]

Représentée par Me Alain EPELBEIM (avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 510)

APPELANTE

****************

Monsieur [Z] [W]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Comparant en personne, assisté de Me Agnès BENICHOU-BOURGEON

(avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 971)

Monsieur [J] [X]

[Adresse 11]

[Localité 13]

Non comparant représenté par Me Agnès BENICHOU-BOURGEON

(avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 971)

Monsieur [P] [M]

[Adresse 1]

[Localité 22]

Comparant en personne assisté de Me Agnès BENICHOU-BOURGEON

(avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 971)

Madame [F] [B]

[Adresse 5]

[Localité 15]

Comparant en personne assisté de Me Agnès BENICHOU-BOURGEON

(avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 971)

Madame [C] [D]

[Adresse 2]

[Localité 18]

Comparant en personne assisté de Me Agnès BENICHOU-BOURGEON

(avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 971)

Madame [T] [O]

[Adresse 8]

[Localité 17]

Non comparante représentée par Me Agnès BENICHOU-BOURGEON

(avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 971)

Madame [H] [V]

[Adresse 7]

[Localité 12]

Non comparante représentée par Me Agnès BENICHOU-BOURGEON

(avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 971)

Madame [N] [E]

[Adresse 6]

[Localité 16]

Non comparante représentée par Me Agnès BENICHOU-BOURGEON

(avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 971)

Madame [L] [R]

[Adresse 3]

[Localité 14]

Non comparante représentée par Me Agnès BENICHOU-BOURGEON

(avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 971)

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Agnès TAPIN, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Christian HALLARD, Président,

Madame Régine CAPRA, Conseiller,

Madame Agnès TAPIN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE,

EXPOSE DU LITIGE

L'ASSOCIATION VERS LA VIE POUR L'EDUCATION DES JEUNES dite AVVEJ est chargée de recevoir et de prendre en charge des enfants, des adolescents et des adultes présentant des difficultés. Elle est constituée en unités polyvalentes d'action éducative spécialisée et comprend un certain nombre d'établissements et de services implantés notamment sur [Localité 22] et en région parisienne, parmi lesquels "le service d'accueil d'urgence" dénommé "SAU/92" et les foyers Clairefontaine.

Le SAU/92 accueille en urgence, à longueur d'année et à tout moment, de jour comme de nuit, 26 jeunes de 0 à 21 ans soit en hébergement collectif de 9 places, soit en familles relais pour 17 places. Il répond en priorité à toutes les demandes à caractère d'urgence présentées par l'aide sociale à l'enfance, les juges, le parquet, les services sociaux ou éducatifs.

Les foyers Clairefontaine, qui sont agréés par l'aide sociale à l'enfance et le ministère de la justice, recoivent des jeunes mères et des adolescentes enceintes de 12 à 18 ans présentant des troubles du comportement ou de la personnalité. Les foyers Clairefontaine comprennent deux services, le premier situé à [Localité 20] qui dispose d'une crèche intégrée, et le second situé à [Localité 19].

Par contrat à durée indéterminée du 7 juin 1991, Monsieur [J] [X] a été embauché par l'AVVEJ ' SAU/92 à temps complet, à compter du 4 juin 1991, en qualité d'éducateur spécialisé au coefficient 459.

Il a quitté l'AVVEJ ' SAU/92 le 19 mars 2007 après avoir démissonné.

Par contrat de qualification du 17 décembre 1999, Monsieur [Z] [W] a été embauché par l'AVVEJ ' SAU/92, à compter du 20 septembre 1999, pour une durée de 21 mois en vue de se préparer aux fonctions de moniteur éducateur.

Par avenant du 28 juin 2001, le contrat à durée déterminée a été prolongé à compter du 1er juillet 2001 pour un mois en vue de remplacer une salariée absente.

Ensuite, par contrat à durée indéterminée du 3 septembre 2001, M.[W] a été embauché en qualité de moniteur éducateur au coefficient 421.

Il a quitté l'AVVEJ ' SAU/92 le 30 septembre 2007 après avoir démissonné.

Par contrat à durée indéterminée du 5 juin 2000, Monsieur [P] [M] a été embauché par l'AVVEJ ' SAU/92 à temps complet, à compter du 15 mai 2000, en qualité d'éducateur spécialisé au coefficient 446.

Par lettre du 17 avril 2001, M.[M] donne sa démission, son préavis se terminant le 14 mai 2001.

Par contrat à durée indéterminée du 18 décembre 2001, M.[M] est réembauché par l'AVVEJ ' SAU/92 à temps complet, à compter du 17 décembre 2001, en qualité d'éducateur spécialisé au coefficient 446.

Par contrat à durée indéterminée du 28 décembre 1992, Madame [H] [V] a été embauchée par l'AVVEJ ' les foyers Clairefontaine (celui de [Localité 20] au début puis le service de l'accueil individualisé situé à [Localité 19] à compter du 1er avril 2004), à temps complet, à compter du 4 janvier 1993, en qualité d'éducatrice spécialisée au coefficient 587.

Par contrat à durée déterminée du 11 juillet 2001, Mademoiselle [C] [D] a été embauchée par l'AVVEJ ' les foyers Clairefontaine à [Localité 20], à compter du 18 juin 2001, à temps complet, en qualité d'éducatrice spécialisée au coefficient 446, pour une durée de 9 semaines en remplacement du personnel en congés annuels.

Par contrat du 27 septembre 2001, elle a été réembauchée à durée indéterminée, à temps complet à effet, à compter du 10 septembre 2001 aux mêmes conditions que le contrat à durée déterminée.

Elle a quitté l'AVVEJ le 30 septembre 2005 après avoir démissonné par lettre du 1er septembre 2005.

Par contrat à durée indéterminée du 31 janvier 2002, Madame [N] [E] a été embauchée par l'AVVEJ ' les foyers Clairefontaine à [Localité 20], à temps complet, à compter du 25 janvier 2002, en qualité d'éducatrice de jeunes enfants au coefficient 421.

Par contrat à durée déterminée du 20 janvier 2004, Mademoiselle [F] [B] a été embauchée par l'AVVEJ ' les foyers Clairefontaine à [Localité 20] à compter du 8 janvier 2004, à temps complet, en qualité d'éducatrice spécialisée au coefficient 446, pour une durée de 10 mois en remplacement d'une éducatrice en congé parental d'éducation.

Par avenant du 29 septembre 2004, son contrat a été transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2004 avec un coefficient hiérarchique porté à 459.

Elle a quitté l'AVVEJ le 17 novembre 2006 après avoir démissonné par lettre du 18 octobre 2006.

Par contrat à durée indéterminée du 3 février 2004, Madame [T] [O] a été embauchée par l'AVVEJ ' les foyers Clairefontaine à [Localité 20], à temps complet, à compter du 5 février 2004, en qualité d'éducatrice spécialisée au coefficient 552.

Par contrat à durée indéterminée du 3 octobre 2005, Mademoiselle [L] [R] a été embauchée par l'AVVEJ ' les foyers Clairefontaine au Plessis-Robinson, à temps complet, à compter du 26 septembre 2005, en qualité d'éducatrice spécialisée au coefficient 446.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées à but non lucratif du 15 mars 1996.

L'AVVEJ employait entre 1999 et 2006 environ 700 personnes dans l'ensemble de ses établissements et services.

Estimant ne pas avoir été payés intégralement de leurs permanences de nuit depuis leurs embauches, M.[X], M.[W], M.[M], Mme [V], Melle [D], Mme [E], Melle [B], Mme [O] et Melle [R], ci-après les consorts [X], saisissaient le conseil de prud'hommes de Nanterre les 12 juillet 2006 pour Mrs [X], [W], [M], 22 novembre 2006 pour Mme [V], 29 novembre 2006 pour Mme [E], 21 décembre 2006 pour Mme [R] et 8 novembre 2006 pour Mesdames [B], [D] et [O] pour obtenir paiement des sommes suivantes, selon le dernier état de leurs demandes à l'audience de jugement, outre les intérêts au taux légal et 450 € pour chacun au titre des frais irrépétibles, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

Pour M.[X] :

41705 € à titre d'heures supplémentaires,

4170,50 € de congés payés afférents,

2141 € de rappel de salaires sur des temps de pause,

2141 € de repos compensateurs,

68000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

Pour M.[W] :

10542 € à titre d'heures supplémentaires de 2001 à 2006,

1054 € de congés payés afférents,

541 € de rappel de salaires sur des temps de pause ,

3289 € de repos compensateurs,

15000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

Pour M.[M] :

23278 € à titre d'heures supplémentaires de 2001 à 2005,

2327,80 € de congés payés afférents,

1168 € de rappel de salaires sur des temps de pause,

11862 € de repos compensateurs,

35000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

Pour Mme [V] :

11282 € à titre d'heures supplémentaires,

1128,20 € de congés payés afférents,

617 € de rappel de salaires sur des temps de pause,

3881 € de repos compensateurs,

15000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

Pour Melle [D] :

14536 € à titre d'heures supplémentaires de 2001 à 2005,

1453,60 € de congés payés afférents,

746 € de rappel de salaires sur des temps de pause

4946 € de repos compensateurs,

20000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

Pour Mme [E] :

10338 € à titre d'heures supplémentaires,

1033,80 € de congés payés afférents,

530 € de rappel de salaires sur des temps de pause,

2813 € de repos compensateurs,

15000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

Pour Melle [B] :

9480 € à titre d'heures supplémentaires,

948 € de congés payés afférents,

486 € de rappel de salaires sur des temps de pause

3229 € de repos compensateurs,

15000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

Pour Mme [O] :

11776 € à titre d'heures supplémentaires depuis le 16 février 2004,

1177,60 € de congés payés afférents,

604 € de rappel de salaires sur des temps de pause,

3531 € de repos compensateurs,

15000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

Pour Melle [R] :

3623 € à titre d'heures supplémentaires,

362,30 € de congés payés afférents,

185 € de rappel de salaires sur des temps de pause,

660 € de repos compensateurs,

5000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens.

Par jugement du 30 juin 2008, le conseil a joint les dossiers des neufs requérants et à condamner l'AVVEJ à leur verser les sommes suivantes outre 450 € à chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile :

à M.[X] :

2141 € au titre des pauses,

20000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

à M.[W] :

541 € au titre des pauses,

5000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

à M.[M] :

1168 € au titre des pauses,

10000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

à Mme [V] :

617 € au titre des pauses,

5000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

à Melle [D] :

746 € au titre des pauses,

7000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

à Mme [E] :

530 € au titre des pauses,

5000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

à Melle [B] :

486 € au titre des pauses,

5000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

à Mme [O] :

604 € au titre des pauses,

5000 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens,

à Melle [R] :

135 € au titre des pauses,

1700 € de dommages et intérêts pour non respect des pauses et des repos quotidiens.

L'AVVEJ a régulièrement relevé appel de la décision le 22 juillet 2008 limité aux seules dispositions du jugement qui lui font grief.

L'AVVEJ réclame, dans le dernier état de ses demandes, la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs au motif que le régime de rémunération par équivalence pour la surveillance nocturne des éducateurs n'est pas contraire aux normes européennes pour la période comprise entre le 1er février 2000 et 2006, et l'infirmation des autres demandes des requérants.

L'AVVEJ conclut au débouté des requérants, subsidiairement à la réduction des dommages et intérêts à 1 € et enfin au paiement par chacun de 1000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [X] réclament l'infirmation partielle du jugement et y ajoutant la condamnation de l'AVVEJ à payer à chacun d'entre eux diverses sommes qui sont exactement les mêmes que celles réclamées devant le conseil de prud'hommes, avec intérêts au taux légal, outre 4500 € au titre des frais irrépétibles.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS

SUR LES HEURES SUPPLEMENTAIRES ET LES REPOS COMPENSATEUR :

L'AVVEJ souligne que les arrêts de la Cour de Cassation du 21 avril 2001 et de la Cour de Justice des Communautés européennes, dite CJCE, du 1er décembre 2005, sur lesquels se fondent les consorts [X], sont dépassés et que la jurisprudence française valide désormais systématiquement le régime d'équivalence.

Elle expose que le régime d'équivalence, depuis la loi Aubry II, a été institué par voie légale et non par décret qui n'a pour objet que de fixer ses modalités d'application. Elle ajoute que le juge n'avait pas le pouvoir de contrôler la constitutionnalité de la loi et qu'en l'état des dernières décisions de la Cour de Cassation du 13 juin 2007 et du Conseil d'Etat du 24 avril 2006, il ne fait aucun doute que le régime d'équivalence prévue par la loi Aubry II a été maintenu et continue à s'appliquer, ne serait ce parce que le nouveau décret du 29 janvier 2007 reprend le même dispositif en tenant compte des réserves exprimées par l'arrêt précité de la CJCE.

Pour tous ces motifs, l'AVVEJ fait valoir que les consorts [X] ne peuvent pas prétendre au paiement d'heures supplémentaires, précisant que le régime de surveillance de nuit n'est plus applicable à Mme [V] depuis son affectation au service d'accueil individualisé situé à [Localité 19] où elle est placée sous le régime de l'astreinte dont elle a été régulièrement indemnisée.

Les consorts [X] qui sollicitent le paiement des heures de permanence de nuit effectuées heure par heure comme du temps de travail effectif selon l'arrêt [A] de la CJCE, s'appuient sur l'annulation rétroactive du décret du 31 décembre 2001 qui a pour conséquence, selon eux, qu'aucun texte ne justifie leur paiement par équivalence au cours de la période de décembre 2000 à février 2007.

Pour eux, la loi de validation du 19 janvier 2000 est inapplicable parce qu'elle a été censurée par la Cour européenne des droits de l'homme le 9 janvier 2007, toutes les décisions citées par l'AVVEJ ne faisant référence qu'à des réclamations portant sur des années antérieures à 2000 et non postérieures comme en l'espèce.

Pour déterminer les textes applicables aux demandes en paiement de rappel de salaires, il convient de fixer précisément pour chacun des salariés la période réclamée en fonction des date d'embauche résultant des contrats de travail.

Ainsi :

1 ' Pour M.[X], sa demande en paiement s'étend du mois de janvier 2000 au mois de décembre 2005,

2 - Pour M.[W], sa demande en paiement s'étend du mois de novembre 2001 au mois de juillet 2006,

3 - Pour M.[M], sa demande en paiement s'étend du mois de juillet 2001 au mois de novembre 2005,

4 - Pour Mme [V], sa demande en paiement s'étend du mois de janvier 2002 au mois de mai 2004,

5 - Pour Melle [D], sa demande en paiement s'étend du mois de novembre 2001 au mois de septembre 2005,

6 - Pour Mme [E], sa demande en paiement s'étend du mois de janvier 2002 au mois de février 2006,

7 - Pour Melle [B], sa demande en paiement s'étend du 8 janvier 2004, date de son embauche, au mois de novembre 2006,

8 - Pour Mme [O], sa demande en paiement s'étend du 14 février 2004, date figurant dans sa saisine du conseil de prud'hommes, au mois d'octobre 2006,

9 - Pour Melle [R], sa demande en paiement s'étend du mois d'octobre 2005 au mois d'août 2006.

Les demandes en paiement des consorts [X] s'étendant du mois de janvier 2000 au mois de novembre 2006, il y a lieu, au regard des textes en vigueur, de distinguer trois périodes successives pour répondre à la question de l'application ou non d'un système d'équivalence aux heures de permanence nocturne effectuées en chambre de veille et statuer en conséquence sur les demandes heures supplémentaires et de repos compensateurs :

1 ' le mois de janvier 2000,

2 ' du 1er février 2000 au 2 janvier 2002,

3 ' puis du 3 janvier 2002 au mois de novembre 2006.

1 ' La période du mois de janvier 2000 :

Cette période ne concerne que M.[X], qui a effectué des heures de permanence nocturne en chambre de veille avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction du temps de travail, entrée en vigueur le 1er février 2000, mais qui a engagé son action devant le conseil de prud'hommes de Nanterre postérieurement à cette date d'entrée en vigueur, c'est à dire le 12 juillet 2006.

Pour cette période, le texte régissant le calcul et la rémunération des permanence nocturne des éducateurs spécialisés en chambre de veille est l'article 11 de l'annexe 3 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées à but non lucratif du 15 mars 1996 qui institue un système d'équivalence en disant que :

"Dans le cas où le personnel éducatif en internat est appelé à assumer en chambre de "veille" la responsabilité de surveillance nocturne, ce service s'étend du coucher au lever des pensionnaires sans que sa durée ne puisse excèder 12 heures.

Ce service fait l'objet d'une compensation dans les conditions suivantes :

les 9 premières heures sont assimilées à 3 heures de travail éducatif;

entre 9 et 12 heures, chaque heure est assimilée à une demi-heure de travail éducatif."

Cependant suite à un arrêt de la Cour de Cassation du 29 juin 1999 indiquant que cette convention collective qui n'avait pas fait l'objet d'un agrément, ne permet donc pas d'instituer un régime d'équivalence, a été voté par le parlement l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 ainsi rédigé :

"Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération de périodes de permanence nocturne comportant des périodes d'inaction, effectuées sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux de travail, agréés en vertu de l'article 16 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité desdites clauses."

Cet article valide rétroactivement le régime d'équivalence institué par l'article 11 de l'annexe 3 de la convention collective précitée et ses conséquences relatives au mode de calcul des heures de permanence nocturne des éducateurs spécialisés en chambre de veille et à leur rémunération. Ce texte de "validation" a vocation à faire échec dans le secteur d'activité qu'il définit, à toute revendication de salaire fondée sur la mise en cause de la validité du régime d'équivalence et tendant à voir rémunérer les périodes en chambre de veille dans leur intégralité comme du temps de travail effectif.

Cette validation est valable pour les actions judiciaires engagées, comme celle de M.[X], après la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000, à l'exclusion de celles engagées avant celle-ci et qui sont en effet incompatibles avec l'exigence de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme cela a été jugé dans deux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme du 9 janvier 2007 : [K] et autres c/France et Arnolin et autres c/France.

Il ressort de ces éléments que le paiement des heures de permanence nocturne en chambre de veille effectuées par M.[X] en janvier 2000, selon le régime d'équivalence prévu à l'article 11 de l'annexe 3 de la convention collective, est légal et donc valable par application de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000. Ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et de repos compensateurs pour le mois de janvier 2000 sont donc rejetées.

2 ' La période du 1er février 2000 au 2 février 2002 :

Cette période commence à la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000 et se termine le jour d'avant l'entrée en vigueur fixée au 3 janvier 2002 du décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001 pris pour l'application de l'article L.212-4 du code du travail et instituant une durée d'équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif.

Cette période concerne Mrs [X], [W] et [M] et Melle [D] qui ont effectué pendant celle-ci des heures de permanence nocturne en chambre de veille :

à compter du mois de février 2000 pour M.[X],

à compter du mois de novembre 2001 pour M.[W],

à compter du mois de juillet 2001 pour M.[M],

à compter du mois de novembre 2001 pour Melle [D],

et qui ont engagé leur action judiciaire postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000.

La loi du 19 janvier 2000, en plus de la validation rétroactive du régime d'équivalence institué par l'article 11 de l'annexe 3 de la convention collective effectuée dans son article 29, a créé un dispositif législatif et réglementaire de reconnaissance et de mise en place d'un système d'équivalence dans certaines professions dont celle des éducateurs spécialisés.

Ainsi son article 3 a ajouté un cinquième alinéa à l'article L.212-4 du code du travail ainsi rédigé :

"Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat. Ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs."

Aucune convention et aucun accord de branche n'ayant abouti pour la durée d'équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif, un décret en Conseil d'Etat a du être pris par le gouvernement pour ce faire. Il s'agit de celui du 31 décembre 2001 précité.

Au vu de ces éléments, se pose la question, comme en l'espèce pour Mrs [X], [W] et [M], du fondement juridique, ou de son absence, d'un système d'équivalence appliqué aux heures de permanence nocturne en chambre de veille effectuées par les éducateurs spécialisés pendant la période allant de l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000, dont son article 3, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 31 décembre 2001, c'est à dire pendant pratiquement deux années.

Certes la loi du 19 janvier 2000 est muette sur cette question dont découle nécessairement celle des demandes de rappels de rémunération ou d'heures supplémentaires, mais toutes ses dispositions, dont son article 29 susvisé, doivent recevoir application dès leur entrée en vigueur jusqu'à ce que les textes réglementaires visés à l'article 3 prennent le relais juridique. Cette position juridique a été entérinée par la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt [U] et autres c/France du 9 janvier 2007.

Il suit que le paiement des heures de permanence nocturne en chambre de veille effectuées par Mrs.[X], [W] et [M] du mois de février 2000 au 2 janvier 2002, selon le régime d'équivalence prévu à l'article 11 de l'annexe 3 de la convention collective, est légal et donc valablepar application de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000, et, que leurs demandes en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et de repos compensateurs pour la période considérée sont aussi rejetées.

3 'La période du 3 janvier 2002 au mois de novembre 2006 :

Cette période débute à la date d'entrée en vigueur du décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001 "pris pour l'application de l'article L.212-4 du code du travail et instituant une durée d'équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif", et fixé au 3 janvier 2002. Elle se termine au mois de nombre 2006, le mois le plus éloigné des demandes des consorts [X] qui ont tous effectué des heures de permanence ou de surveillance nocturne en chambre de veille au cours de celle-ci et qui ont engagé leur action judiciaire postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000.

L'alinéa premier de l'article L.212-4 du code du travail, en vigueur pour la période considérée, définit le temps de travail effectif comme "le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles." Il s'agit de la transposition de la définition du "temps de travail" figurant à l'article 2 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

Le décret du 31 décembre 2001 pris pour l'application du cinquième alinéa de l'article L.212-4 du même code a institué un système d'équivalence pour les emplois du personnel éducatif assurant en chambre de veille la responsabilité d'une surveillance de nuit au sein d'établissements sociaux et médicaux tels ceux gérés par l'AVVEJ où travaillaient les consorts [X] pendant la période considérée.

En effet, ce décret prévoyait dans son article 2 que "pour le calcul de la durée légale du travail dans les établissements .... chacune des périodes de surveillance nocturne en chambre de veille est décomptée comme trois heures de travail effectif pour les neuf premières heures et comme une demi-heure pour chaque heure au-delà de neuf heures."

Son article 3 précisait que "la période de présence en chambre de veille s'étend du coucher au lever des personnes accueillies tels qu'ils sont fixés par les tableaux de service sans que sa durée ne puisse excéder douze heures."

Ce décret, avant d'être abrogé, a été ensuite codifié par le décret n° 2004-1136 du 21 octobre 2004 relatif au code de l'action sociale et des familles (partie réglementaire) pour être introduit dans le code de l'action sociale et des familles sous les articles R.314-201, R.314-202 et R.314-203.

Le Conseil d'Etat, saisi d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir du décret du 31 décembre 2001 par M.[A] et des organisations syndicales, a sursis à statuer le 3 décembre 2003 jusqu'à ce que la CJCE se soit prononcée sur deux questions préjudicielles.

Suite à l'arrêt de la CJCE du 1er décembre 2005 (aff.C-14/04 [G] [A] et autres c/la France), le Conseil d'Etat a, par décision du 28 avril 2006, annulé le décret "en tant qu'il ne fixe pas les limites dans lesquelles doivent être mis en oeuvre le régime d'équivalence qu'il définit pour garantir le respect des seuils et plafonds communautaires prévus par la directive du 23 novembre 1993" et "enjoint le Premier ministre de prendre, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision, le décret en Conseil d'Etat nécessaire au regard des motifs de cette décision".

Ce décret, pris le 29 janvier 2007, a inséré de nouveaux articles R.314-203-1 et R.314-203-2 dans le code de de l'action sociale et des familles, posant les limites dans lesquelles doivent être mis en oeuvre le régime d'équivalence, défini aux articles R.314-201 et suivants, pour garantir le respect des seuils et plafonds communautaires prévus par la directive 93/104 en matière de durée hebdomadaire moyenne de travail, de durée de travail et de repos des travailleurs de nuit et de durée des temps de pause. Ces nouveaux articles suivent les articles R.314-201, R.314-202 et R.314-203 du même code qui ont subsisté dans l'ordonnancement juridique.

Contrairement à ce que soutiennent les consorts [X], la CJCE n'a pas condamné le principe d'une rémunération différente des heures de travail selon leur intensité à l'initiative soit du gouvernement, soit des partenaires sociaux, notamment quand elle a indiqué dans son arrêt que "la directive 93/104 ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs", et, le Conseil d'Etat a annulé le décret pour ce qui concerne les limites de la durée du travail, et non le système de rémunération des heures d'équivalence qui pouvait légalement être appliqué après la décision du 28 avril 2006 jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 29 janvier 2007.

Le Conseil d'Etat indique en effet que "le décret pouvait légalement définir un rapport d'équivalence pour l'appréciation des règles relatives aux rémunérations et aux heures supplémentaires" ainsi que de celles concernant les durées maximales de travail fixées par le droit national, et que n'était pas ainsi en jeu la question de la rémunération des heures d'équivalence, à la différence de celle du respect des seuils et plafonds communautaires sur les temps de pause, la durée maximale hebdomadaire de 48 heures en moyenne, et pour les travailleurs de nuit, la durée maximale de travail quotidien de 8 heures en moyenne sur une période déterminée.

La rémunération des surveillances nocturnes en chambre de veille effectuées par les consorts [X]

au cours de la période s'étendant du 3 janvier 2002 au mois de novembre 2006, selon les modalités prévues aux articles R.314-201 et suivants du code de l'action sociale et des familles, a donc été faite par l'AVVEJ conformément au droit communautaire et au droit français.

Sont donc rejetées leurs demandes tendant à obtenir le paiement, pour la période considérée, de toutes les heures de surveillance en chambre de veille, des congés payés afférents, ainsi que des repos compensateurs liés aux heures supplémentaires.

Le jugement du conseil de prud'hommes est donc confirmé de ce chef.

SUR LES TEMPS DE PAUSE :

A l'appui du rejet de la réclamation des salariés, l'AVVEJ explique tout d'abord que le maintien du régime d'équivalence a eu pour conséquence d'empêcher une remise en cause du système de rémunération en découlant, et ainsi de faire échec aux rappels de salaires en particulier au titre du temps de pause. Elle affirme ensuite que le décret du 31 décembre 2001, contrairement à celui du 29 janvier 2007, ne contient aucune disposition prévoyant la rémunération des temps de pause dans le cadre du système d'équivalence et qu'il n'existe également aucune disposition contractuelle la prévoyant.

Elle ajoute que la circonstance que le décret de 2001 ait été annulé partiellement, ne fait naître aucun droit en faveur des salariés, qui retombent sous le régime de la loi de validation du 19 janvier 2000 continuant à produire ses effets pour les procès engagés après son adoption, et qui ne contient aucune disposition prévoyant la rémunération des temps de pause.

Enfin, selon elle, aucun élément n'établit que les salariés ne se sont pas octroyés les temps de pause dont ils réclament le paiement.

Les consorts [X] sollicitent l'application de l'article L.220-2 du code de travail que l'employeur ne respectait pas dans le cadre des surveillances noctures parce qu'il considérait qu'elles n'étaient pas du temps de travail effectif.

L'article 4 de la directive 93/104 indique que "les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à 6 heures, d'un temps de pause dont les modalités et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixés par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation nationale."

Le Conseil d'Etat a décidé le 28 avril 2006 que le décret du 31 décembre 2001 ne respecte pas les prescriptions minimales de la directive 93/104 faute de comporter des règles prévoyant notamment, sans application du rapport d'équivalence qu'il définit, un temps de pause après 6 heures de travail effectif.

Le gouvernement s'est conformé à l'injonction du Conseil d'Etat en prévoyant plus particulièrement à l'article R.314-203-2 du code de l'aide sociale et des familles, issu du décret du 29 janvier 2007, qu'aucun salarié auquel est appliqué le régime d'équivalence prévu par l'article R.314-202 ne peut accomplir un temps de travail, décompté heure par heure, excédant six heures consécutives, sans bénéficier d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes."

Mais, ces dispositions ne sont applicables qu'à compter de la publication du décret le 30 janvier 2007. Elles ne le sont donc pas pour les demandes des consorts [X] qui couvrent une période antérieure.

Certes, il n'est pas établi par les pièces produites aux débats que les consorts [X] ont bénéficié d'un temps de pause comme le prévoit l'article 4 de la directive 93/104 durant les périodes où ils effectuaient des surveillances nocturnes dans des chambres de veille. Mais ils ne sont pas fondés à demander le paiement de rappel de salaires de ce chef parce que le respect des exigences communautaires impose de ne pas tenir compte du régime d'équivalence, non pas pour la rémunération que sont les rappels de salaires demandés, mais pour le calcul des temps de pause. Si ce dernier n'est pas respecté, il se résoud pour les salariés en dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi.

Il y a donc lieu de débouter les consorts [X] de leurs demandes en paiement de rappel de salaires sur des temps de pause non pris.

SUR LES DOMMAGES ET INTERETS POUR NON RESPECT DES TEMPS DE PAUSE, DES REPOS QUOTIDIENS, DE LA DUREE HEBDOMADAIRE DE TRAVAIL ET DE LA DUREE JOURNALIERE DE TRAVAIL :

L'AVVEJ fait valoir qu'il n'y a pas matière à indemnisation du préjudice invoqué par les salariés, la réglementation nationale ne prévoyant pas de telles prescriptions dans le cadre du régime d'équivalence au cours de la période considérée, de sorte qu'il ne pouvait lui être fait grief d'avoir méconnu des règles de droit qui n'existaient pas ou ne lui étaient pas opposables.

Elle ajoute susbidiairement que s'il est indéniable que le respect des seuils et plafonds communautaires a été méconnu, il ne peut lui en être fait grief, seule la responsabilité de l'Etat pouvant être engagée car elle a appliqué de bonne foi et sans faute une réglementation nationale dont certaines dispositions ont été remises en cause ultérieurement. Il ne peut lui être reproché, selon elle, de ne pas avoir su anticiper une annulation partielle du décret de 2001 en appliquant de bonne foi l'ensemble de ses dispositions qui ne contenaient aucune restriction en rapport avec l'application des seuils et plafonds communautaires.

L'AVVEJ, relevant que le régime d'équivalence appliqué dans les deux établissements du SAU de Colombes et des foyers Clairefontaine et négociés avec les représentants du personnel, est beaucoup plus favorable que celui issu de la loi Aubry II, termine en déclarant qu'il n'est produit aucun élément permettant de connaître précisément les dépassements d'amplitude allégués.

Les consorts [X], qui reprochent à l'employeur de ne pas avoir communiqué de pièces relatives à la comptabilisation de leur temps de travail, répliquent que les heures supplémentaires effectuées et non prises en compte en raison du système d'équivalence leur faisaient excéder tant les limites hebdomadaires de travail de 48 h que les limites journalières de 12 h de travail effectif sur une période de 24 h, contrairement à la réglementation européenne et à l'article R.314-203-1 du code de l'action sociale et des familles.

Ils expliquent en effet travailler suivant trois types d'amplitudes horaire qui dépassent constamment les amplitudes journalières alors que leurs emplois du temps sont irréguliers.

Ils maintiennent leurs demandes relatives au non respect des temps de pause et de repos quotidiens.

Chaque grief des consorts [X], à savoir le non-respect des temps de pause, des repos quotidiens, de la durée maximale hebdomadaire de travail, et de la durée journalière de travail, sera examiné successivement au regard tant du droit communautaire applicable dont l'AVVEJ ne peut légalement revendiquer la méconnaissance dans un domaine la concernant particulièrement dès lors qu'elle déclare avoir plus de 700 salariés sur l'ensemble du territoire national, que du droit national.

1 - Le non-respect des temps de pause :

Comme indiqué précédemment, il n'est pas établi par les pièces produites aux débats que les consorts [X] ont bénéficié d'un temps de pause comme le prévoit l'article 4 de la directive 93/104 durant les périodes où ils effectuaient des surveillances nocturnes dans des chambres de veille, entre janvier 2000 et novembre 2006.

Le tableau dressé par l'AVVEJ pour chaque salariée qui travaillait aux foyers Clairefontaine, et indiquant que des temps de pause ont été décomptés, n'établit nullement ce décompte qui est effectué année par année sans aucune indication des heures prises jour par jour et apparait avoir été fait mathématiquement a posteriori. Ces tableaux trop imprécis sont inexploitables. La production des plannings hebdomadaires et/ou des fiches horaires en place dans certains établissements depuis novembre 2001, comme l'indiquent certaines salariées, aurait permis d'opérer des vérifications et des calculs.

Enfin aucun document concernant les trois salariés travaillant au SAU/92 ne fait apparaître qu'ils ont bénéficé de temps de pause au cours de leurs permanences noctures en chambre de veille.

Dans ces conditions, tous les salariés sont bien fondés à demander des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef.

2 - Le non-respect des repos quotidiens :

Selon l'article L.220-1 du code du travail, qui est la transposition de l'article 3 de la directive 93/104, applicable pour la période considérée entre janvier 2000 et novembre 2006, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien minimale de 11 heures consécutives par période de 24 heures. Aucune disposition dérogeant à cet article n'est invoquée par les parties.

Ne sont produits pour les six salariées ayant travaillé ou travaillant encore aux foyers Clairefontaine que leurs bulletins de paie, un récapitulatif et des tableaux détaillant mois par mois les permanences de nuit en chambre de veille qu'elles ont réalisées et comportant la durée de ces permanences (entre 23 h et 7 h), leur décompte avec l'application du système d'équivalence, leur rémunération et le montant qu'elles réclament en sus.

Ces documents n'étayent pas le non-respect des repos quotidiens définis par les législations communautaire et nationale. Là aussi, la production des plannings hebdomadaires et/ou des fiches horaires en place dans certains établissements depuis novembre 2001, comme l'indiquent certaines salariées, aurait permis d'opérer des vérifications et des calculs.

Dès lors, le non-respect des repos quotidiens ne peut pas être retenu à leur bénéfice.

En revanche, pour ce qui concerne les trois salariés travaillant au SAU/92, il est acquis que les heures de surveillance nocturne en chambre de veille ne sauraient être considérées comme temps de repos au regard de l'article 2 de la directive 93/104 qui dit qu'une période de repos est une période qui n'est pas du temps de travail, ce dernier étant lui même toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions ainsi que de la jurisprudence communautaire résultant de l'arrêt du 1er décembre 2005 de la CJCE.

L'AVVEJ ne conteste pas que pendant les heures de travail des salariés, comprenant les heures de surveillance nocturne et les samedis et dimanches, ils pouvaient être tenus d'intervenir, étant à sa disposition et dans l'exercice de leur activité.

Tous les plannings hebdomadaires de travail du SAU/92 des années 2001 à 2006, révèlent que Mrs [X], [W] et [M] n'ont pas bénéficié d'un repos quotidien minimale de 11 h consécutives par période de 24 heures lorsqu'ils travaillaient les samedis et/ou les dimanches. En effet, il ressort de ces plannings que leur amplitude horaire de travail pour ces jours là était entre 16 h et 18 h continues, les repos ou temps de pause n'étant nullement indiqués sur ces plannings.

Cela est constaté principalement pour M.[X] en 2001, puis pour lui et M.[M] en 2002, et ensuite de façon importante pour les deux jusqu'en 2006, M.[W] ayant commencé à travailler les samedis et dimanches à compter de 2003 pour le faire de manière fréquente à compter de 2004.

Ils sont tous trois, dans ces conditions, bien fondés à demander des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

3 ' Le non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

Le droit applicable en l'espèce, en matière de durée hebdomadaire de travail autorisée, doit se lire à la lumière de l'article 6 de la directive 93/104/CE consacré à la durée maximale hebdomadaire de travail et qui prévoit que :

"Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs :

1 - la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux,

2 - la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'exécède pas 48 heures, y compris les heures supplémentaires."

La période de référence pour l'application de cet article ne doit pas dépasser quatre mois selon l'article 16 point 2 de la même directive.

L'article L.212-7 du code du travail, applicable en l'espèce et qui a transposé la directive, indique :

1 ' qu'au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures,

2 ' et que la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures.

Il convient de ne pas retenir le non-respect des dispositions susvisées au bénéfice des trois salariées travaillant aux foyers Clairefontaine pour les mêmes motifs que ceux développés pour le non-respect du repos quotidien.

Il résulte par ailleurs des plannings hebdomadaires du SAU/92 sur lesquels figurent toutes les heures de travail de Mrs [X], [W] et [M] que la durée hebdomadaire moyenne maximale de travail européenne de 48 h est respectée par l'AVVEJ ainsi que celle nationale de 44 h, pendant les périodes de référence.

Le non-respect de ces dispositions ne peut donc pas être retenu à leur bénéfice.

4 - Le non-respect de la durée journalière de travail :

Le seuil communautaire qui résulte de la directive 93/104 modifiée par la directive 2000/34/CE du Parlement et du Conseil du 22 juin 2000, fixant à 11 h consécutives la période minimale du repos journalier (reprise à l'article L.220-1 du code du travail applicable à l'espèce), se traduit en droit interne par l'interdiction de dépasser l'amplitude journalière de 13 h, celle-ci étant définie comme le temps séparant la prise de poste de sa fin.

Comme pour le calcul du repos quotidien résultant de la directive 93/104, celui de l'amplitude journalière doit s'effectuer sur une même journée de 0 h à 24 h.

Là aussi, il y a lieu de ne pas retenir le non-respect des dispositions susvisées au bénéfice des trois salariées travaillant aux foyers Clairefontaine pour les mêmes motifs que ceux développés pour le non-respect du repos quotidien.

Pour Mrs [X], [W] et [M], les constatations effectuées pour le non-respect du repos quotidien, sont valables, par effet de symétrie, pour le non-respect de la durée journalière de travail. En effet, tous les plannings hebdomadaires de travail du SAU/92 des années 2001 à 2006, révèlent que les trois salariés ont travaillé à de nombreuses reprises plus de 13 heures consécutives sur une même journée de 0 h à 24 h les samedis et/ou les dimanches. Il ressort en effet de ces plannings que leur amplitude horaire de travail pour ces jours étaient entre 16 h et 18 h continues.

Ils sont bien fondés à demander des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ce non-respect des règles communautaires et nationales.

5 ' Les dommages et intérêts :

Le non-respect des dispositions communautaires et nationales concernant les temps de pause, la durée quotidienne de travail et le repos quotidien a causé un préjudice à chaque salarié car il porte atteinte à leur sécurité et à celle des personnes qu'ils surveillaient, en raison de l'absence de temps de pause constatés pour l'ensemble d'entre eux, de temps de repos quotidien réduit pour les trois salariés du SAU/92 les samedis et les dimanches et de la durée quotidienne de travail excessive ces mêmes jours pour ces mêmes salariés. Ce non-respect porte aussi atteinte à la santé des salariés puisqu'ils est justifé notamment pour les trois du SAU/92 qu'ils travaillaient le jour et la nuit en cycles décalés, sur des plages horaires importantes où ils étaient à la disposition de leur employeur pour répondre à toutes les urgences.

Il est dès lors justifié, au vu de ces éléments, et de la durée du non-respect des règles communautaires et nationales, d'allouer les dommages et intérêts suivants à chacun des salariés requérants :

1 - Mr [J] [X], 15000 €

2 - Mr [Z] [W], 8000 €

3 - Mr [P] [M], 10000 €,

4 - Mme [H] [V], 5000 €,

5 - Melle [C] [D], 5000 €

6 - Mme [N] [E], 5000 €

7 - Melle [F] [B], 3000 €

8 - Mme [T] [O], 3000 €

9 - Melle [L] [R], 2000 €

L'AVVEJ est condamnée à leur verser ces sommes. Le jugement est donc confirmé pour M.[M], Mesdames [V] et [E].

Conformément aux dispositions légales, les créances indemnitaires allouées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil pour les montants confirmés en faveur de M.[M], Mme [V] et Mme [E], et à compter du présent arrêt pour les sommes allouées aux autres salariés.

SUR L'INDEMNITE DE PROCEDURE ET LES DEPENS :

L'AVVEJ, qui succombe principalement dans la présente instance, doit supporter les dépens et est déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il est en revanche injustifié de laisser à la charge des consorts [X] les frais irrépétibles qu'ils ont exposés dans cette procédure. L'AVVEJ est donc condamnée à leur verser à chacun la somme de 1000 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 30 juin 2008 :

en ce qu'il a débouté Mr [J] [X], Mr [Z] [W], Mr [P] [M], Mme [H] [V], Melle [C] [D], Mme [N] [E], Melle [F] [B], Mme [T] [O] et Melle [L] [R] de leurs demandes en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et de repos compensateurs portant sur la période du mois de janvier 2000 jusqu'au mois de novembre 2006 ;

en ce qu'il a condamné 'association "vers la vie pour l'éducation des jeunes" à verser les dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect de dispositions légales relatives sur les temps de pause et/ou le repos quotidien et/ou la durée quotidienne du travail, à :

1 - Mr [P] [M],10000 €,

2 - Mme [H] [V], 5000 €,

3 - Mme [N] [E], 5000 € ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Déboute Mr [J] [X], Mr [Z] [W], Mr [P] [M], Mme [H] [V], Melle [C] [D], Mme [N] [E], Melle [F] [B], Mme [T] [O] et Melle [L] [R] de leurs demandes en paiement de rappel de salaires au titre des temps de pause non pris entre janvier 2000 et novembre 2006 ;

Condamne 'association "vers la vie pour l'éducation des jeunes" à payer les dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect de dispositions légales relatives sur les temps de pause et/ou le repos quotidien et/ou la durée quotidienne du travail, à :

1 - Mr [J] [X], 15000 €,

2 - Mr [Z] [W], 8000 €,

3 - Melle [C] [D], 5000 €,

4 - Melle [F] [B], 3000 €,

5 - Mme [T] [O], 3000 €,

6 - Melle [L] [R], 2000 € ;

Dit que les créances indemnitaires allouées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil de prud'hommes pour les sommes allouées à Mr [P] [M], Mme [H] [V] et Mme [N] [E], et, à compter du présent arrêt pour celles allouées à Mr [J] [X], Mr [Z] [W], Melle [C] [D], Melle [F] [B], Mme [T] [O] et Melle [L] [R] ;

Y ajoutant :

Condamne l'association "vers la vie pour l'éducation des jeunes" à payer à chacune des personnes suivantes: Mr [J] [X], Mr [Z] [W], Mr [P] [M], Mme [H] [V], Melle [C] [D], Mme [N] [E], Melle [F] [B], Mme [T] [O] et Melle [L] [R], la somme de 1000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute l'association "vers la vie pour l'éducation des jeunes" de sa demande fondée le même article ;

Condamne l'association "vers la vie pour l'éducation des jeunes" aux dépens.

Arrêt prononcé et signé par Monsieur Christian HALLARD, President, et signé par Madame Agnès MARIE, Greffier present lors du prononcé.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17ème chambre
Numéro d'arrêt : 08/02869
Date de la décision : 24/02/2010

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°08/02869 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-24;08.02869 ?
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