COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
DR
Code nac : 39C
12ème chambre section 1
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 18 FEVRIER 2010
R. G. No 09 / 00434
AFFAIRE :
Société VEDEOS (anciennement VEOLYS PROPRETE)
C /
Société VEOLIA ENVIRONNEMENT
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
No chambre : 3
No RG : 07 / 5593
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
- Me Jean-Michel TREYNET
-SCP FIEVET-LAFON
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société VEDEOS (anciennement VEOLYS PROPRETE)
ayant son siège 18 avenue de la Jonchère Centre Commercial Elysée Village 78170 LA CELLE SAINT CLOUD, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Concluant par Me Jean-Michel TREYNET, avoué-No du dossier 19120
Plaidant par Me Rachid MEKOUAR, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Société VEOLIA ENVIRONNEMENT-VE, représentée par Monsieur Edouard Z... en sa qualité de directeur général
ayant son siège 36-38 avenue Kléber 75016 PARIS, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Concluant par la SCP FIEVET-LAFON, avoués-No du dossier 290131
Plaidant par Me Arnaud MICHEL, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Janvier 2010, Madame Dominique ROSENTHAL, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Dominique ROSENTHAL, président,
Madame Marie-Hélène POINSEAUX, conseiller,
Monsieur Claude TESTUT, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLE
Vu l'appel interjeté le 19 janvier 2009, par la société Veolys Propreté d'un jugement rendu le 2 décembre 2008 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a :
* dit que l'immatriculation de la société Veolys Propreté sous cette dénomination sociale a été faite frauduleusement,
* dit que la reprise par la société Veolys Propreté de la marque " VEOLIA " dans sa dénomination sociale constitue un acte de contrefaçon et un acte de parasitisme économique,
* interdit à la société Veolys Propreté d'utiliser le terme " VEOLYS " dans sa dénomination sociale à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement,
* condamné la société Veolys Propreté à payer à la société Veolia Environnement les sommes de :
-3. 000 euros en réparation de son préjudice du fait des actes de contrefaçon de marque,
-3. 000 euros en réparation de son préjudice du fait des actes de parasitisme économique,
* rejeté les demandes reconventionnelles de la société Veolys Propreté,
* condamné la société Veolys Propreté à payer à la société Veolia Environnement la somme de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Vu les dernières écritures en date du 19 mai 2009, par lesquelles la société Vedeos, anciennement dénommée Veolys Propreté, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la Cour de :
* condamner la société Veolia Environnement au paiement de la somme de 50. 000 euros pour procédure abusive,
* la condamner au paiement de la somme de 3. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Vu les dernières écritures en date du 8 septembre 2009, aux termes desquelles la société Veolia Environnement prie la Cour de confirmer le jugement déféré à l'exception des dispositions relatives au montant des condamnations et statuant à nouveau, de :
* condamner la société Vedeos, anciennement dénommée Veolys Propreté, au versement de la somme de 15. 000 euros pour contrefaçon de la marque notoire " VEOLIA " no033217557,
* la condamner au versement de la somme de 15. 000 euros au titre du parasitisme,
* la condamner au versement de la somme de 20. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
SUR CE, LA COUR
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :
* la société Vivendi Environnement créée en 1999, afin de regrouper l'ensemble des activités de service à l'environnement du groupe Vivendi, a modifié sa dénomination sociale au mois d'avril 2003 et est devenue Veolia Environnement,
* le 27 mars 2003, cette société a déposé à l'INPI la marque verbale " VEOLIA " enregistrée sous le no033217557 pour désigner en classes 12, 32, 36 et 45 les produits et services suivants : véhicules, eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; rénovation de bâtiments ; installation, entretien et réparation de dispositifs d'alarme ; destruction des animaux nuisibles autres que dans l'agriculture ; nettoyage de bâtiments (ménage), dératisation, désinfection, nettoyage d'édifices (surface extérieure), entretien de mobilier, nettoyage de vitres ; lavage ; travaux de plomberie et de peinture ; traitement des déchets ; agences de surveillance nocturne, services de sécurité pour la protection des biens et individus,
* Karim X..., salarié de la société Renosol filiale de la société Veolia Environnement a été licencié le 15 avril 2003,
* il a créé la société Veolys Propreté, immatriculée le 2 décembre 2003, ayant pour objet : nettoyage industriel, nettoyage spécialisé, maintenance et entretien d'immeubles et locaux, désinfection, désinsectisation, dératisation, remise en état de locaux, en sous traitance : traitement des déchets,
* il a déposé le 21 novembre 2003, la demande d'enregistrement no033258352 portant sur le signe semi-figuratif " VEOLYS PROPRETÉ " pour désigner en classes 37, 42 et 45 les services suivants : nettoyage industriel, nettoyage spécialisé, maintenance et entretien d'immeubles et locaux, désinfection, désinsectisation, dératisation, remise en état de locaux, traitement des déchets ; nettoyage en entretien de véhicules ; services de bar, services de traiteur, services de restauration (alimentation) ; services de sécurité pour la protection des biens et individus ; agences de surveillance nocturne ; surveillance des alarmes anti-intrusion,
* le 26 février 2004, la société Veolia Environnement a formé opposition à la demande d'enregistrement de la marque " VEOLYS PROPRETÉ " sur le fondement de la marque " VEOLIA ",
* cette opposition a été reconnue justifiée par décision du directeur de l'INPI rendue le 24 août 2004,
* par arrêt du 14 janvier 2005, la cour d'appel de Paris a annulé cette décision,
* par arrêt du 20 février 2007, la Cour de cassation a cassé cet arrêt,
* Karim X... n'ayant pas saisi la cour d'appel de renvoi, la décision du directeur de l'INPI, qui a rejeté la demande d'enregistrement de la marque " VEOLYS PROPRETÉ " est devenue définitive,
* c'est à l'occasion de cette procédure, que la société Veolia Environnement a découvert que le dépôt de la marque " VEOLYS PROPRETÉ " et l'adoption de la dénomination sociale Veolys Propreté étaient le fait d'un ancien salarié,
* dans ces circonstances, la société Veolia Environnement a assigné le 1er juin 2007, la société Veolys Propreté devant le tribunal de grande instance de Versailles en contrefaçon et parasitisme ;
Sur la contrefaçon :
Considérant que Karim X..., qui ne dément pas avoir été salarié d'une société du groupe Veolia Environnement jusqu'au mois d'avril 2003, conteste avoir, en fraude des droits de la société Veolia Environnement, déposé en novembre 2003, la demande d'enregistrement de la marque " VEOLYS PROPRETÉ " et utilisé cette dénomination pour designer la société qu'il a créée en décembre 2003 ;
Mais considérant que force est de constater que par l'usage qui en a été fait depuis son enregistrement et la couverture médiatique qui a accompagné le changement de dénomination sociale de la société Vivendi Environnement (campagnes de presse, communiqués de presse, dépenses publicitaires) la dénomination " VEOLIA " a acquis, dès le mois d'avril 2003, une notoriété certaine auprès du public pour désigner des services liés à l'environnement et des services de propreté ;
Que dans ces circonstances, Karim X... n'a pu sans mauvaise foi, procéder à la demande d'enregistrement du signe litigieux qu'il a choisi pour dénommer la société qu'il a créée en décembre 2003 ;
Considérant que pour s'opposer au grief de contrefaçon, la société Veolys Propreté fait valoir qu'il n'existe aucun risque de confusion entre la marque verbale " VEOLIA " et le signe semi-figuratif " VEOLYS PROPRETÉ " ;
Considérant que le signe critiqué n'étant pas identique à la marque opposée faute de la reproduire sans modification ni ajout, il convient de rechercher s'il existe entre les deux dénominations un risque de confusion visuel, auditif, conceptuel, au terme d'une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants et de l'identité ou la similitude entre les produits et services en présence ;
Considérant qu'il n'est pas sérieusement démenti que les services désignés aux dépôts de la marque antérieure et du signe contesté sont identiques ou à tout le moins similaires ;
Considérant que le vocable " VEOLIA " élément verbal de la marque antérieure exerce à lui seul la fonction distinctive de la marque ;
Que visuellement, les termes " VEOLIA " et " VEOLYS " présentent le même nombre de lettres, dont quatre sont communes et placées dans le même ordre ;
Que phonétiquement, elles ont un rythme identique et une prononciation proche, sont constituées de trois syllabes marquées par la séquence d'attaque commune vé-o, la seule différence tenant à la substitution en fin de signe de la lettres S à la voyelle A étant insignifiante dès lors qu'elle laisse subsister la séquence dominante ve-oli ;
Que conceptuellement, les deux signes sont des termes de fantaisie et n'ont pas de signification particulière ;
Que la présence au sein du signe contesté du terme " PROPRETÉ ", dépourvu de distinctivité au regard des services visés au dépôt et d'un logo n'affecte pas la même impression d'ensemble qui se dégage des deux signes en présence ;
Qu'il en résulte un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui sera conduit à attribuer aux deux signes une origine commune ;
Qu'il s'ensuit qu'en déposant et en faisant usage à titre de dénomination sociale du signe " VEOLYS PROPRETÉ ", la société Veolys Propreté, actuellement dénommée Vedeos, a commis des actes de contrefaçon de la marque " VEOLIA " ;
Que le jugement entrepris mérite ainsi confirmation ;
Sur les agissements parasitaires :
Considérant que la société Veolia Environnement reproche également à la société Veolys Propreté, devenue Vedeos, des actes de parasitisme exposant que le choix de la dénomination " VEOLYS PROPRETÉ ", par un ancien salarié, pour désigner une société ayant des activités dans le domaine de la propreté vise à faire croire à l'existence d'un partenariat et à une offre de services de même qualité que ceux développés par le groupe Veolia, notamment par son département Veolia Propreté ;
Considérant qu'il est communiqué aux débats le montant des investissements publicitaires, s'élevant à plus de 57 millions d'euros, supportés par la société Veolia Environnement pour créer son nouveau nom et le promouvoir par les médias ;
Considérant dans ces circonstances, qu'en adoptant et en faisant usage de la dénomination " VEOLYS PROPRETÉ " pour développer son activité, la société Veolys Propreté a cherché à tirer à profit indûment de ces investissements et de la notoriété attachée au nom de la société Veolia Environnement, leader mondial des services de l'environnement et de la propreté, de sorte que la décision déférée sera également confirmée sur ce point ;
Sur la réparation du préjudice :
Considérant que les actes de contrefaçon ont nécessairement porté préjudice à la marque de la société Veolia Environnement en la dévalorisant ; que le préjudice en résultant a été justement indemnisé par le tribunal par l'allocation de la somme de 3. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Qu'eu égard aux faits de l'espèce, le préjudice lié aux agissements parasitaires a été exactement réparé par l'octroi de la somme de 3. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Que les mesures d'interdiction prononcées par le tribunal, justifiées pour mettre un terme aux agissements litigieux, seront également confirmées ;
Sur les autres demandes :
Considérant que la solution du litige commande de rejeter la demande reconventionnelle formée par la société Vedeos pour procédure abusive ;
Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que cette société ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en revanche, l'équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser à la société Veolia Environnement une indemnité complémentaire de 3. 500 euros ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- Y AJOUTANT,
- CONDAMNE la société Vedeos, anciennement dénommée Veolys Propreté, à payer à la société Veolia Environnement la somme complémentaire de 3. 500 euros (trois mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles d'appel,
- REJETTE toutes autres demandes contraires à la motivation,
- CONDAMNE la société Vedeos, anciennement dénommée Veolys Propreté, aux dépens et DIT que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la SCP FIEVET-LAFON, avoués.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Dominique ROSENTHAL, président, et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,