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04/02/2010 | FRANCE | N°08/07460

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre - 1ère section, 04 février 2010, 08/07460


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 59B

1ère chambre- 1ère section

ARRET No

CONTRADICTOIRE
DU 04 FEVRIER 2010
R. G. No 08/ 07460
AFFAIRE :
PÔLE EMPLOI
L'UNEDIC... C/

Jean-Jacques X...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No chambre : 2 No Section : No RG : 08/ 00582

Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :

- SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD
-SCP KEIME GUTTIN JARRY
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU

NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUATRE FEVRIER DEUX MILLE DIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 59B

1ère chambre- 1ère section

ARRET No

CONTRADICTOIRE
DU 04 FEVRIER 2010
R. G. No 08/ 07460
AFFAIRE :
PÔLE EMPLOI
L'UNEDIC... C/

Jean-Jacques X...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No chambre : 2 No Section : No RG : 08/ 00582

Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :

- SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD
-SCP KEIME GUTTIN JARRY
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUATRE FEVRIER DEUX MILLE DIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

PÔLE EMPLOI institution nationale publique pris en son établissement Pôle Emploi Ile de France venant aux lieu et place de L'ASSEDIC DE L'OUEST FRANCILIEN ayant son siège Galilée-4 rue Galilée-93198 NOISY LE GRAND CEDEX et actuellement 1 place Jean-Baptiste Clément-93192 NOISY LE GRAND CEDEX représenté par son directeur régional élisant domicile en ses bureaux Immeuble Lafayette-2 Place des Vosges-92051 PARIS LA DEFENSE CEDEX agissant pour le compte de l'UNEDIC

l'U. N. E. D. I. C. Association déclarée conformément à la loi du 1er juillet 1901 ayant son siège 80, rue de Reuilly-75012 PARIS agissant poursuites et diligences de son président domicilié en cette qualité audit siège

représentées par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD-No du dossier 0845765 assisté de Me Romain PIETRI de la SCP LAFARGE avocat au barreau de PARIS

APPELANTES

****************

Monsieur Jean-Jacques X... né le 24 Janvier 1948 à LORREZ LE BOCAGE PREAUX (77) ... représenté par la SCP KEIME GUTTIN JARRY-No du dossier 08000780 assisté de Maitre SCAPOLI,- L. 197- avocat au barreau de PARIS,

INTIME

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Décembre 2009, Madame Bernadette WALLON, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président, Madame Evelyne LOUYS, conseiller, Madame Dominique LONNE, conseiller,

qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT.
M. Jean-Jacques X... a signé avec la société ITG en septembre 1999 un contrat de travail à durée déterminée, puis le 1er avril 2000 un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour un emploi de consultant statut cadre coefficient 110. Il était chargé d'exécuter les missions qu'il aurait lui-même obtenues. Sa rémunération comportait une partie fixe et une partie variable calculée à partir des sommes hors TVA résultant de son activité facturées et encaissées pour son compte par ITG déduction faite des frais de gestion et des charges liées directement à l'activité du consultant. Il était soumis à la convention collective du Syntec.

Selon avenant du 2 janvier 2002, M. Jean-Jacques X... s'est engagé à générer un volume de facturation trimestriel de 13. 000 euros hors TVA.

Par lettre du 27 août 2003, M. Jean-Jacques X... a été licencié faute d'avoir rempli les objectifs convenus.

Selon attestation ASSEDIC délivrée par la société ITG, M. Jean-Jacques X... a travaillé pour des horaires de 126 à 136 heures jusqu'au 30 avril 2003 et n'a ensuite pas travaillé en mai 2003, en juin il a exécuté 14 heures et en août 16 heures.

Le 8 décembre 2003, M. Jean-Jacques X... a demandé le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi qui lui a été refusée par lettre des ASSEDIC du 11 février 2004 au motif qu'il n'avait pas une activité salariée. Malgré plusieurs réclamations de M. X..., l'ASSEDIC a maintenu sa position d'absence de lien de subordination entre la société de portage et le porté qui exerce son activité en toute autonomie, prospecte ses clients, négocie la durée et le montant de ses missions, la simple transmission d'un compte rendu périodique et d'un état des heures travaillées en vue de leur refacturation à l'entreprise cliente étant insuffisante pour caractériser l'existence d'un contrat de travail.

Pour faire reconnaître ses droits, M. X... a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre, qui par jugement du 5 septembre 2008, a :- ordonné à l'ASSEDIC de l'ouest francilien de faire bénéficier M. Jean-Jacques X... du régime des allocations chômage pour les périodes cotisées au titre de son contrat de travail avec ITG à peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard passé un mois de la signification du présent jugement,- dit n'y avoir lieu à condamnation à des dommages et intérêts,- condamné l'ASSEDIC de l'ouest francilien à payer à Jean-Jacques X... la somme de 2. 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- débouté les défenderesses de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,- prononcé l'exécution provisoire,- condamné l'ASSEDIC de l'ouest francilien aux dépens.

Appelants, Pôle emploi et l'UNEDIC, aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 24 novembre 2009 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demandent à la cour, au visa des articles 370 et 373 du code de procédure civile, de :- constater que l'ASSEDIC de l'Ouest francilien ayant perdu la capacité d'ester en justice relativement aux missions qu'elle assurait avant la date de création de Pôle emploi et légalement confiées à celui-ci, l'instance a été interrompue à compter de la notification qui en a été régulièrement faite-constater que Pôle emploi dispose seul, depuis le 1er janvier 2009, de la capacité d'ester en justice relativement aux missions qui lui ont été confiées par la loi du 13 février 2008- reprendre l'instance en présence de Pôle emploi, venant aux lieu et place de l'ASSEDIC de l'Ouest francilien en l'état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue-mettre, en tant que besoin, purement et simplement hors de cause l'ASSEDIC de l'Ouest francilien-donner acte à Pôle emploi qu'il agit pour le compte de l'UNEDIC et aux lieu et place de l'ASSEDIC de l'Ouest francilien-infirmer le jugement déféré-débouter le demandeur de toutes ses demandes, fins et conclusions comme contraires aux présentes

En tout état de cause,- dire que M. Jean-Jacques X... ne peut plus prétendre à une indemnisation chômage depuis le 1er février 2008- le condamner au paiement d'une indemnité de 1. 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile-le condamner aux dépens-dire que ceux d'appel pourront être directement recouvrés par la SCP Lissarrague Dupuis Boccon-Gibod, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. Jean-Jacques X..., aux termes de ses conclusions signifiées en dernier lieu le 9 novembre 2009 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, demande à la cour de :- constater qu'il est lié à la société ITG par un contrat de travail,

En conséquence,- confirmer le jugement entrepris,- ordonner au Pôle emploi : • de prendre en compte les périodes cotisées au titre de son contrat de travail avec la société ITG, • de régulariser sa situation depuis l'ouverture de ses droits à allocation chômage, à l'issue de son contrat de travail, ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

- se réserver la liquidation de l'astreinte,- condamner le Pôle emploi à lui payer 10. 000 euros par année à compter de la fin de son contrat de travail, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel subi,- condamner le Pôle emploi à lui payer la somme de 7. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner le Pôle emploi aux entiers dépens, en disant que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP Keime Guttin Jarry, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 décembre 2009.

MOTIFS

Il est donné acte à Pôle emploi de son intervention volontaire dans la présente instance aux lieu et place de l'ASSEDIC de l'ouest francilien qui a perdu la capacité d'ester en justice, et de son intervention pour le compte de l'UNEDIC aux lieu et place de l'ASSEDIC de l'ouest francilien.
M. Jean-Jacques X... soutient avoir travaillé pour le compte de la société ITG dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et produit aux débats le contrat signé par les parties le 1er avril 2000.
Pôle emploi soutient que ce contrat de travail est fictif et que l'activité de M. X..., dans le cadre d'une convention de portage, ne peut s'analyser comme une activité salariée ouvrant droit aux prestations de chômage.
La rupture du contrat étant intervenue le 27 août 2003 par l'envoi d'une lettre de licenciement, M. X... ne peut se prévaloir des dispositions des articles L 1251-64 et suivants du code du travail issues de la loi no2008-596 du 25 juin 2008 qui ne valent que pour l'avenir et n'ont pas d'effet rétroactif.
Conformément à l'article L 5421-1 du code du travail, seuls les salariés involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi ont droit à un revenu de remplacement qui prend, selon les cas, la forme d'une allocation d'assurance, des allocations de solidarité, d'allocations et indemnités régies par les régimes particuliers. Pour bénéficier de ces revenus de remplacement il faut donc avoir la qualité de salarié.
Le contrat de travail suppose l'existence d'un lien de subordination qui est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Il ne dépend ni de la volonté exprimée des parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles s'est exercée l'activité.
Selon son contrat de travail, M. X... a été engagé en qualité de consultant de la société ITG, société de portage, pour se voir confier l'exécution des missions qu'il avait lui-même obtenues. Les prestations du salarié au profit des clients sont définies par le contrat d'intervention signé entre la société ITG et le client. Le salarié doit exercer ses fonctions sous l'autorité et les directives, notamment d'organisation, de la société ITG à qui il doit rendre compte de son activité effective et remettre chaque mois une fiche de gestion d'activité. Sa rémunération comporte une partie fixe au taux horaire de base de 100 F multiplié par le nombre d'heures d'activité facturées et/ ou agréées déclarées par le salarié sur sa feuille d'activité et une partie variable calculée à partir des sommes hors TVA résultant de l'activité du consultant facturées et encaissées pour son compte par ITG déduction faite des frais de gestion et des charges. Le salarié s'engage à réaliser ses prestations en respectant strictement les normes de la charte de qualité des consultants et les règles déontologiques de la profession. Il est soumis au règlement intérieur de son employeur.
Il apparaît ainsi que si M. X... devait rechercher les clients auxquels il apporterait sa prestation et négocier les conditions d'exécution de celle-ci, la société ITG concluait le contrat avec le client et se réservait le droit de ne pas accepter telle ou telle intervention pour quelque raison que ce soit. Elle confiait la mission au consultant qui devait rendre compte de son activité et respecter la charte de qualité des consultants élaborée par l'employeur. Il est acquis qu'il exerçait son travail en toute autonomie ce qui ne fait pas obstacle à l'existence d'un lien de subordination. Dès lors que la société ITG était signataire de la convention avec le client, elle fournissait bien le travail à son salarié, le fait que celui-ci ait recherché le client et préparé la conclusion du contrat est sans conséquence sur l'existence de la relation de travail, de nombreux salariés ayant pour attribution d'effectuer la prospection de nouveaux clients pour leur employeur. Le temps de prospection était d'ailleurs expressément inclus dans son temps de travail rémunéré ce qui démontre qu'il s'effectuait bien dans le cadre du contrat de travail. Il est donc vain pour Pöle emploi de soutenir que le contrat de travail est dépourvu d'objet car l'employeur ne fournit aucun travail.
M. X... devait remettre chaque mois à la société ITG une fiche de gestion d'activité faisant état des jours travaillés et facturés et/ ou éventuellement et avec l'accord de la société ITG, des jours consacrés à d'autres activités professionnelles telles que prospection, rédaction de propositions, de devis, de rapports. Cette fiche, dont un exemplaire vierge est produit aux débats, qui décrit avec précision le nombre de jours d'activité, en distinguant les journées en mission de celles consacrées au développement, l'activité de chaque jour avec l'identité du client et le lieu de la mission, était bien destinée à assurer un contrôle par la société ITG du travail réalisé par M. X... en fonction de l'objet que l'employeur voulait atteindre, et n'avait pas seulement pour vocation de déterminer le montant de la rémunération.
M. X... pouvait bénéficier d'actions de formation mises en place par l'employeur.
La société ITG mettait à sa disposition des moyens matériels et de personnel puisqu'elle prenait en charge ses frais professionnels, ses dépenses de fonctionnement et payait des heures de prospection et de gestion de la facturation.
La rémunération versée à M. X... en contrepartie de son travail telle qu'elle ressort des fiches de paie et du contrat de travail comportait outre une partie variable calculée en fonction des factures encaissées, une partie fixe sur la base d'un taux horaire multiplié par le nombre d'heures de travail ce qui permettait le paiement d'un salaire avant l'encaissement des factures.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le contrat de travail litigieux ne présente pas un caractère fictif et qu'il existe un lien de subordination.
Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions sauf à préciser que M. X... ne peut plus prétendre à une indemnisation pour perte d'emploi depuis le 1er février 2008 puisqu'âgé de 60 ans il cumulait à cette date le nombre de trimestres requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein.
M. X... ne démontre pas en quoi la résistance de Pôle emploi aurait été abusive et lui aurait causé un préjudice moral alors qu'à l'époque de la rupture du contrat, les conventions de portage ne bénéficiaient pas d'un cadre juridique et que la particularité de la situation de consultant permettait une discussion sur le caractère salarié de l'activité exercée par l'appelant. Il sera débouté de sa demande en dommages-intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort
Donne acte à Pôle emploi de son intervention volontaire aux débats aux lieu et place de l'ASSEDIC ouest francilien et de son intervention pour le compte de l'UNEDIC aux lieu et place de l'ASSEDIC de l'ouest francilien.
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Dit que M. X... ne peut plus prétendre à une indemnisation pour perte d'emploi depuis le 1er février 2008,
Condamne Pôle emploi et l'UNEDIC à payer à M. X... la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Pôle Emploi et l'UNEDIC aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Keime Guttin Jarry, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre - 1ère section
Numéro d'arrêt : 08/07460
Date de la décision : 04/02/2010

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, FORMATION - Définition - Lien de subordination - Eléments constitutifs - Appréciation - Critères - // JDF

Le fait pour un consultant de devoir rechercher des clients et d'exercer son travail en toute autonomie ne fait pas obstacle à l'existence d'un lien de subordination dès lors que la société de portage l'employant était signataire de la convention avec le client, que le temps de prospection était expressément inclus dans son temps de travail rémunéré, mettait à sa disposition des moyens matériels et de personnel et qu'il devait remettre, chaque mois, une fiche destinée à assurer un contrôle par la société du travail réalisé en fonction de l'objet qu'elle voulait atteindre ainsi qu'à déterminer le montant de la rémunération. Il ressort de ces éléments que le contrat de travail n'est pas fictif.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nanterre, 05 décembre 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2010-02-04;08.07460 ?
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