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24/09/2009 | FRANCE | N°07/03789

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, section 2, 24 septembre 2009, 07/03789


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

12e chambre section 2
D. C. / P. G. ARRET N° Code nac : 59C

contradictoire
DU 24 SEPTEMBRE 2009
R. G. N° 07 / 03789
AFFAIRE :
Jean-David X...

C / Sociéété STUDIOCANAL, S. A.

S. A. 55 PRODUCTIONS,
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mars 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE N° Chambre : 5 N° Section : N° RG : 2005F04035

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP BOMMART MINAULT SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

Monsieur Jean-David X... d

emeurant... ...

Monsieur Patrick Y... demeurant...
représentés par la SCP BOMMART MINAULT, avoués-N° du dossier 00034...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

12e chambre section 2
D. C. / P. G. ARRET N° Code nac : 59C

contradictoire
DU 24 SEPTEMBRE 2009
R. G. N° 07 / 03789
AFFAIRE :
Jean-David X...

C / Sociéété STUDIOCANAL, S. A.

S. A. 55 PRODUCTIONS,
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mars 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE N° Chambre : 5 N° Section : N° RG : 2005F04035

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP BOMMART MINAULT SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

Monsieur Jean-David X... demeurant... ...

Monsieur Patrick Y... demeurant...
représentés par la SCP BOMMART MINAULT, avoués-N° du dossier 00034522 Rep / assistant : Me Audrey SONNENBER, avocat au barreau de PARIS (R. 122).

APPELANTS
Société STUDIOCANAL, S. A. Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 056 801 293 RCS NANTERRE, ayant son siège 1 Place du Spectacle 92863 ISSY LES MOULINEAUX CEDEX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués-N° du dossier 20070693 Rep / assistant : Me Anne BOISSARD, avocat au barreau de PARIS (P. 153).

INTIMEE
S. A. 55 PRODUCTIONS, Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 441 466 117 RCS NANTERRE, ayant son siège 45 Boulevard du Château 92200 NEUILLY SUR SEINE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par la SCP BOMMART MINAULT, avoués-N° du dossier 00034522 Rep / assistant : Me Audrey SONNENBER, avocat au barreau de PARIS (R. 122).

ASSIGNEE EN APPEL PROVOQUE PAR Mrs X... et Y...
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Juin 2009 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis COUPIN, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Albert MARON, Président, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, (rédacteur) Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur Jean-David X... et monsieur Patrick Y... ont constitué la société 55 PRODUCTIONS qui a pour objet la production de films de long métrage.
Le 05 juillet 2002, était conclu entre la société 55 PRODUCTIONS, messieurs X... et Y... et la société STUDIOCANAL un accord stipulant les modalités d'une coopération de coproduction et de commercialisation pour une durée de cinq ans. La société STUDIOCANAL s'engageait à verser, chaque année, à la société 55 PRODUCTIONS 450. 000 euros à titre d'avance sur frais de structure, 400. 000 euros à un fonds de développement des projets de films et 300. 000 euros en contrepartie d'une exclusivité.
Entre les mois de juillet 2002 et de janvier 2003, la société 55 PRODUCTIONS a développé en exécution du contrat cinq projets de films qui ont retenu l'attention de la société STUDIOCANAL, laquelle a payé, pour les deux années 2002 et 2003, les sommes convenues.
La société STUDIOCANAL a modifié ses objectifs au cours de l'année 2003 et le 03 mai 2004 les sociétés 55 PRODUCTIONS et STUDIOCANAL ont conclu un accord, auquel n'étaient pas parties messieurs X... et Y..., de résiliation amiable du contrat. La société STUDIOCANAL s'y est engagée à coproduire le film " Cavalcade " pour un montant forfaitaire de 2. 000. 000 euros et a renoncé au remboursement des sommes investies jusqu'au mois de décembre 2003. Une somme de 525. 000 euros versée en janvier 2004 venait en déduction et la société STUDIOCANAL ne payait à la production du film que 1. 475. 000 euros. L'exploitation de la premiè re diffusion cryptée du film " Cavalcade " était attribuée à la société STUDIOCANAL moyennant une somme de 300. 000 euros HT payable dans les 45 jours de la sortie du film en salles. Requalifiant en prêt les sommes antérieurement versées à la société 55 PRODUCTIONS à titre d'avance, l'accord prévoyait la restitution de la TVA à la société STUDIOCANAL à hauteur de 422. 380 euros.
En exécution de ce protocole, la société STUDIOCANAL a établi le contrat de distribution du film " Cavalcade " et l'a adressé le 05 avril 2005 à la société 55 PRODUCTIONS qui l'a signé à une date controversée.
En juillet 2005, monsieur de E..., adaptateur et co-scénariste du film, s'estimant créancier de la société 55 PRODUCTIONS, a procédé à l'encontre de la société STUDIOCANAL à une saisie pour une somme globale de 23. 425, 05 euros. Il a ensuite engagé une action en référé contre la production pour voir constater l'effet de la clause résolutoire de son contrat d'auteur.
Dans ces circonstances, la société STUDIOCANAL a refusé de se dessaisir de la somme de 300. 000 euros due au titre de l'acquisition des droits de premiè re diffusion cryptée.
Le 29 septembre 2005, la société 55 PRODUCTIONS, messieurs X... et Y... ont assigné la société STUDIOCANAL devant le tribunal de commerce de Nanterre pour lui réclamer 3. 500. 000 euros en réparation de préjudices résultant d'un défaut d'exécution loyale et de bonne foi du protocole transactionnel du 03 mai 2004 comme du contrat de distribution du 05 avril 2005, pour voir déclarer inopposable à messieurs X... et Y... le protocole transactionnel, pour voir condamner la société STUDIOCANAL à payer à la société 55 PRODUCTIONS les sommes de 807. 000 euros TTC pour la contribution aux frais de structure, de 358. 800 euros TTC en contrepartie de l'exclusivité, de 3. 811. 292 euros TTC au titre de son obligation de financement de la production du film " Cavalcade ", de 494. 748, 12 euros au titre du salaire producteur et des frais généraux dudit film, pour voir condamner la société STUDIOCANAL à payer à messieurs X... et Y... 2. 000. 000 euros en réparation de leur préjudice, et respectivement à la société 55 PRODUCTIONS, messieurs X... et Y... 50. 000 euros en réparation de leur préjudice moral. Ils sollicitaient l'exécution provisoire et 5. 000 euros pour leurs frais irrépétibles.
La société STUDIOCANAL répliquait en s'opposant à toutes les demandes et en réclamant la condamnation de la société 55 PRODUCTIONS à lui rembourser la somme de 422. 380 euros au titre de la TVA avec intérêts légaux et condamner solidairement les trois demandeurs à lui payer 50. 000 euros de dommages et intérêts pour comportement abusif ainsi que 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 16 mars 2007, le tribunal a débouté messieurs X... et Y... de toutes leurs demandes fondées sur le contrat du 05 juillet 2002, a débouté la société 55 PRODUCTIONS, messieurs X... et Y... de toutes leurs demandes fondées sur les stipulations du contrat de distribution du 05 avril 2005, a condamné la société 55 PRODUCTIONS à payer à la société STUDIOCANAL la somme de 422. 380 euros majorée des intérêts légaux à compter du 08 juillet 2005, a ordonné l'exécution provisoire, a débouté la société STUDIOCANAL de sa demande en paiement de dommages et intérêts mais a condamné la société 55 PRODUCTIONS, d'une part, messieurs X... et Y... solidairement, d'autre part, à lui payer les sommes respectives de 9. 000 euros et de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Messieurs X... et Y..., qui ont interjeté appel de cette décision, procè dent à un long rappel des conventions et dénoncent les violations par la société STUDIOCANAL des obligations souscrites au protocole du 03 mai 2004 et au contrat de distribution du film " Cavalcade " en qualifiant de déloyale l'argumentation de la société STUDIOCANAL pour s'y soustraire.
Ils exposent que l'appel interjeté par la société 55 PRODUCTIONS a été déclaré irrecevable et qu'ils ont assigné cette derniè re en un appel provoqué dont ils soutiennent la recevabilité.
Ils s'affirment parties au contrat du 05 juillet 2002 qui comporte pour eux des droits et des obligations et précisent qu'ils agissent à titre personnel. Ils s'en déduisent recevables à agir et fondés à solliciter l'exécution de l'ensemble des obligations indivisibles souscrites par la société STUDIOCANAL.
Ils soulignent qu'ils n'ont pas été signataires du protocole du 03 mai 2004 qui leur est ainsi inopposable et réfutent les arguments de la société STUDIOCANAL à cet égard.
Ils rappellent les obligations souscrites par la société STUDIOCANAL envers la société 55 PRODUCTIONS et envers eux-mê mes et affirment que la société STUDIOCANAL doit assurer la totalité du financement de la coproduction du film " Cavalcade " alors que, sur le coût définitif de 4. 136. 699 euros HT, elle n'a financé que 2. 000. 000 euros dont elle n'a effectivement versé que 1. 475. 000 euros.
Ils soutiennent que la société STUDIOCANAL doit payer le salaire producteur et les frais généraux et participer aux frais de structure, dans les termes du contrat, comme contrepartie à l'exclusivité.
Ils contestent l'affirmation de la société STUDIOCANAL selon laquelle ils ne seraient pas en mesure d'exécuter le contrat et font valoir qu'en tout état de cause, la société STUDIOCANAL doit payer ce qui correspond à la part déjà exécutée de la coproduction.
Ils font grief à la société STUDIOCANAL d'un défaut d'exécution loyale de ses obligations souscrites dans le contrat du 05 juillet 2002 et réclament l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis et qui sont constitués, selon eux, de la perte des importants investissements financiers et de temps consacrés au développement de leurs cinq projets de films et à la vaine exécution du contrat.
Ils demandent, en conséquence, à la cour :
- de les déclarer recevables en leur appel principal et en leur appel provoqué à l'encontre de la société 55 PRODUCTIONS,- d'infirmer le jugement,

- de condamner la société STUDIOCANAL à payer à la société 55 PRODUCTIONS en exécution de l'accord du 05 juillet 2002 les sommes de :-3. 811. 292 euros TTC pour le financement de la production du film " Cavalcade ",-494. 748, 12 euros TTC, au titre du salaire producteur et des frais généraux de la production,-1. 076. 400 euros de contribution aux frais de structure,-717. 600 euros en contrepartie de l'exclusivité consentie par la société 55 PRODUCTIONS, Subsidiairement,- de condamner la société STUDIOCANAL à payer à la société 55 PRODUCTIONS les sommes de :-3. 811. 292 euros TTC pour le financement de la production du film " Cavalcade ",-494. 748, 12 euros TTC, au titre du salaire producteur et des frais généraux de la production, Dans tous les cas,- de condamner la société STUDIOCANAL à leur payer respectivement une somme de 2. 000. 000 euros en réparation de leur préjudice,- de condamner la société STUDIOCANAL à leur payer 10. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- de la condamner à tous les dépens.

La société STUDIOCANAL réplique que l'appel provoqué formé par messieurs X... et Y... à l'encontre de la société 55 PRODUCTIONS est irrecevable en rappelant que l'appel principal de la société 55 PRODUCTIONS a été déclaré nul par un arrêt de cette cour du 12 juin 2008 et en expliquant qu'elle-mê me n'a jamais formé le moindre appel incident contre messieurs X... et Y... susceptible de justifier un tel appel provoqué.
Elle discute point par point les griefs qui sont articulés contre elle relativement aux conditions de sortie du film " Cavalcade " et en déduit que, mê me à supposer l'appel provoqué recevable, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société 55 PRODUCTIONS de toutes ses prétentions.
Elle dénonce la tentative de la société 55 PRODUCTIONS de renvoyer sur elle ses propres manquements et explique les raisons pour lesquelles elle n'a payé la somme de 300. 000 euros qu'aprè s avoir été certaine que la diffusion du film ne risquait pas d'être interdite ou interrompue par les revendications des auteurs et du co-scénariste.
Elle rappelle les engagements souscrits par la société 55 PRODUCTIONS relativement au remboursement de la TVA et conteste formellement qu'un quelconque accord en aurait fait dépendre l'exécution de l'encaissement des recettes du film.
Rappelant les conventions et la transaction signée par la société 55 PRODUCTIONS, elle tient pour irrecevables messieurs X... et Y... en leurs demandes en paiement de sommes au bénéfice de la société 55 PRODUCTIONS qui a signé la transaction du 03 mai 2004.
Elle demande ainsi à la cour de débouter messieurs X... et Y... de leur appel et de confirmer le jugement en les condamnant, in solidum, à lui payer 50. 000 euros de dommages et intérêts pour comportement abusif et 20. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Recherchée en appel provoqué par messieurs X... et Y..., la société 55 PRODUCTIONS reproche à la société STUDIOCANAL le défaut d'exécution de ses obligations contenues au protocole du 03 mai 2004 en expliquant qu'elle ne lui a pas versé, dans les délais convenus, la somme de 300. 000 euros et qu'elle a manqué aux obligations souscrites dans le contrat de distribution.
Elle affirme que ces manquements ont eu pour conséquence l'échec commercial du film " Cavalcade ", la perte du coût de son développement ainsi que du manque à gagner sur les recettes.
Elle ajoute que la situation créée par la société STUDIOCANAL l'a privée du gain possible sur les autres films dont elle avait financé le développement et dont le coût s'est trouvé perdu.
Elle explique que, en accord avec la société STUDIOCANAL, le remboursement de TVA ne devait intervenir que sur les recettes du film " Cavalcade " et elle tient, en conséquence, la société STUDIOCANAL pour irrecevable en sa demande de ce chef.
Elle conclut ainsi à l'infirmation du jugement, à la condamnation de la société STUDIOCANAL à lui payer 3. 500. 000 euros de dommages et intérêts ainsi que 8. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et au débouté de la société STUDIOCANAL en ses demandes. La procédure a été clôôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 30 avril 2009.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel principal de messieurs X... et Y...
Considérant que la recevabilité de l'appel principal interjeté par messieurs X... et Y... n'est pas contestée ;
Que, ainsi qu'ils le sollicitent, cet appel sera déclaré recevable ;
Sur la recevabilité de l'appel provoqué par messieurs X... et Y... contre la société 55 PRODUCTIONS
Considérant que messieurs X... et Y... et la société 55 PRODUCTIONS ont interjeté appel, le 18 mai 2007, du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 16 mars 2007 ; que, par un arrêt du 12 juin 2008, la cour, statuant sur déféré, a réformé une ordonnance rendue le 20 décembre 2007 par le conseiller de la mise en état et a prononcé la nullité de la déclaration d'appel formée par la société 55 PRODUCTIONS ;
Considérant que c'est dans ces circonstances que, par acte extra judiciaire du 30 décembre 2008, messieurs X... et Y... ont assigné la société 55 PRODUCTIONS en appel provoqué ;
Considérant que les articles 548 et 549 du code de procédure civile édictent que l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé ou peut émaner, sur appel principal ou incident, de toute personne ayant été partie en premiè re instance ; qu'il n'est recevable qu'à la condition qu'il découle d'un appel incident formé par l'intimé ; que l'appel incident qui sert de support à l'appel provoqué ne doit pas tendre seulement à la confirmation du jugement, avec demande additionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive et remboursement de frais irrépétibles ;
Or considérant en l'espè ce que la société STUDIOCANAL, intimée, se bornait dans ses divers jeux d'écritures à solliciter de la cour le débouté des appelants de leur appel, la confirmation du jugement qui avait notamment condamné la société 55 PRODUCTIONS à lui payer 422. 380 euros, ainsi qu'à réclamer 50. 000 euros de dommages et intérêts pour comportement abusif et 20. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant ainsi que les conclusions de la société STUDIOCANAL ne comportaient aucune demande susceptible de justifier l'appel provoqué interjeté contre la société 55 PRODUCTIONS ;
Considérant, de surcroît, que messieurs X... et Y... n'articulent à l'encontre de la société 55 PRODUCTIONS qu'ils ont assignée en appel provoqué, aucune demande ;
Considérant ainsi que l'appel signifié le 30 décembre 2008, ne remplissait pas les conditions nécessaires pour recevoir la qualification d'appel provoqué ; qu'il constituait en réalité un appel principal visant à contourner la décision qui avait déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société 55 PRODUCTIONS ;
Considérant qu'exercé hors délai, l'appel interjeté par messieurs X... et Y... le 30 décembre 2008 contre la société 55 PRODUCTIONS doit être déclaré irrecevable ;
Sur le contrat du 05 juillet 2002
Considérant que, par une lettre du 05 juillet 2002, la société STUDIOCANAL a confirmé son " accord pour mettre en place avec votre société 55 PRODUCTIONS un partenariat de nature à permettre le développement de vos projets de longs métrages et le financement de leur production " ;
Considérant que cette lettre, développée sur huit pages, précisait les droits et obligations respectives de chacune des deux sociétés STUDIOCANAL et 55 PRODUCTIONS ; que les noms de messieurs X... et Y... n'y sont mentionnés que dans les articles 12 et 13 respectivement intitulés " DROIT DE PREEMPTION " et " INTUITU PERSONAE-NON CONCURRENCE-EXCLUSIVITE " en considération de leur position de dirigeants et d'animateurs de la société 55 PRODUCTIONS et de leur implication personnelle dans le projet ;
Considérant qu'aux termes de ces articles messieurs X... et Y... accordaient à la société STUDIOCANAL une priorité en cas de cessions de leurs actions et s'obligeaient à conserver la direction de la société et la propriété du tiers au moins des actions ; qu'ils souscrivaient aussi un engagement d'exclusivité et de non-concurrence au bénéfice de la société 55 PRODUCTIONS ;
Considérant que la société 55 PRODUCTIONS et la société STUDIOCANAL ont signé le 03 mai 2004 un PROTOCOLE TRANSACTIONNEL emportant résiliation de l'accord du 05 juillet 2002, abandon par la société STUDIOCANAL des sommes versées à la société 55 PRODUCTIONS, renonciation à tous ses droits et fixant de nouveaux accords pour la co-production du seul film " Cavalcade " et pour les modalités de son exploitation commerciale ;
Considérant que messieurs X... et Y..., qui ne sont pas parties signataires de cette résiliation transactionnelle, sont parfaitement fondés à la tenir pour inopposable à leur endroit, dè s lors que, comme ils le soutiennent, ils sont intervenus à l'accord du 05 juillet 2002 en leur nom personnel et pas en qualité de représentants de la société 55 PRODUCTIONS ;
Mais considérant que la recevabilité de messieurs X... et Y... à agir sur le fondement de l'accord du 05 juillet 2002 n'a pas pour portée de leur permettre d'en solliciter l'exécution pour les obligations de la société STUDIOCANAL qui n'étaient souscrites qu'au bénéfice de la seule société 55 PRODUCTIONS, laquelle y a renoncé par la transaction qu'elle a signée ;
Considérant que, contrairement à ce que messieurs X... et Y... soutiennent, les différentes dispositions contractuelles souscrites, par la société 55 PRODUCTIONS d'une part et à son bénéfice et par eux-mê mes d'autre part, ne constituent pas un ensemble de droits et obligations indissociables ou indivisibles puisqu'elles pouvaient être exécutées partiellement, par la société 55 PRODUCTIONS d'une part et par ses actionnaires et dirigeants d'autre part ; qu'ainsi, et comme le souligne la société STUDIOCANAL, messieurs X... et Y... auraient pu souscrire par un acte séparé leurs engagements personnels qui ne visaient pas le contrat cadre de co-production, mais leur position et leur rôôle au sein de la société 55 PRODUCTIONS ;
Considérant que la société STUDIOCANAL n'a souscrit aucun engagement au bénéfice de messieurs X... et Y... qui sont seulement intervenus au contrat pour accorder à la société STUDIOCANAL un droit de préemption sur tout projet de cession de leurs actions de la société 55 PRODUCTIONS et pour s'engager à maintenir leur implication personnelle dans le projet de cette derniè re en conservant leur position de dirigeants et d'animateurs ;
Considérant ainsi que, sauf à admettre qu'il serait possible de plaider par procureur, les prétentions de messieurs X... et Y..., au titre de l'exécution du contrat du 05 juillet 2002, ne peuvent dépasser les seuls engagements souscrits par la société STUDIOCANAL à leur bénéfice et ne sauraient s'élargir à ceux qui bénéficiaient à la société 55 PRODUCTIONS, personne morale indépendante de ses actionnaires et dirigeants, et qui, de surcroîît, a accepté de résilier la convention aux termes d'une transaction qui a, entre la société STUDIOCANAL et elle, l'autorité de la chose jugée ;
Considérant que les griefs articulés par messieurs X... et Y... à l'encontre de la société STUDIOCANAL visent le manquement à l'obligation de cette derniè re de contribuer à divers frais et financements ainsi qu'au paiement du " salaire producteur et aux frais généraux du film " Cavalcade " et aux frais de structure et à la contrepartie de l'exclusivité ;
Mais considérant que toutes ces demandes concernent des obligations qui avaient été souscrites par la société STUDIOCANAL au bénéfice de la seule la société 55 PRODUCTIONS qui y a renoncé de telle sorte que messieurs X... et Y... ne sont pas fondés à les articuler ;
Considérant qu'il convient à cet égard de relever que messieurs X... et Y... demandent la condamnation de la société STUDIOCANAL à payer ces diverses sommes à la société 55 PRODUCTIONS qui n'est pas en cause d'appel par l'effet de l'annulation de l'appel qu'elle avait interjeté et de l'irrecevabilité prononcée de l'appel provoqué ;
Considérant que messieurs X... et Y... réclament, par ailleurs, la condamnation de la société STUDIOCANAL à leur payer respectivement une somme de 2. 000. 000 euros en réparation de leur préjudice résultant, selon eux, du défaut d'exécution loyale par la société STUDIOCANAL de ses obligations contractuelles ; Mais considérant que la société STUDIOCANAL n'avait souscrit, dans la lettre du 05 juillet 2002, aucun engagement à l'égard de messieurs X... et Y... ; qu'afin de les associer aux objectifs de l'accord cadre de coproduction, elle a obtenu d'eux des engagements unilatéraux de pérennité de leur intervention dans la société 55 PRODUCTIONS ;

Considérant que la circonstance que messieurs X... et Y... ont mis tout en œuvre pour, en exécution de leurs engagements unilatéraux, consacrer la totalité de leurs activités professionnelles à l'exécution du contrat et que la résiliation du contrat leur aurait fait perdre des chances de gains sur la coproduction de cinq films au moins, ne constitue pas la preuve d'une faute commise par la société STUDIOCANAL ;
Considérant qu'en négociant avec la société 55 PRODUCTIONS une résiliation anticipée du contrat, la société STUDIOCANAL n'a aucunement manqué à une exécution loyale et de bonne foi des obligations contractuelles la liant à messieurs X... et Y... ; qu'il convient de relever que la transaction est signée, pour le compte de la société 55 PRODUCTIONS, par monsieur Y..., es qualités ; que ce dernier était donc nécessairement informé, à titre personnel, de la portée des accords passés par la société 55 PRODUCTIONS dont il assurait la direction ; qu'il n'allègue ni ne démontre pourtant avoir protesté du caractè re préjudiciable qu'aurait comporté à son endroit, la transaction signée ;
Considérant que la transaction du 03 mai 2004 a mis fin au litige entre les sociétés 55 PRODUCTIONS et STUDIOCANAL ; que la mauvaise exécution du contrat résilié ne peut pas, dès lors, être invoquée, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, par messieurs X... et Y... à l'appui d'une demande indemnitaire ;
Considérant que messieurs X... et Y... n'apportent pas la preuve des " importants investissements tant financiers qu'en temps " dont ils font état ; qu'ils commettent manifestement, à cet égard, une confusion entre leur position d'actionnaires et leur qualité de dirigeants de la société 55 PRODUCTIONS ;
Considérant que, pour chiffrer leur préjudice, ils invoquent les ressources qu'auraient reçues la société 55 PRODUCTIONS dans l'hypothè se de la non-interruption du contrat et affirment qu'ils n'ont pas perçus les légitimes fruits de leur engagement dans l'exécution du contrat ;
Mais considérant qu'ils omettent de prendre en considération que la production d'un film est une entreprise aléatoire dont les fruits dépendent du succè s rencontré par l'œuvre cinématographique ; que cette réalité est démontrée par l'échec du film " Cavalcade " et les pertes alléguées par messieurs X... et Y... eux-mêmes ;
Considérant que ces derniers, qui n'apportent la preuve ni d'une faute de la société STUDIOCANAL, ni de l'existence d'un préjudice certain, doivent être déboutés de toutes leurs demandes indemnitaires au titre du contrat du 05 juillet 2002 ;
Sur le contrat du 05 avril 2005
Considérant qu'en exécution du protocole transactionnel de résiliation de l'accord cadre de co-production, les sociétés 55 PRODUCTIONS et STUDIOCANAL ont signé un contrat pour la distribution du film " CAVALCADE " auquel n'ont pas été parties messieurs X... et Y... ;
Considérant que ces derniers, dès lors qu'ils n'en sont pas signataires, sont irrecevables à soulever le défaut d'exécution par la société STUDIOCANAL des dispositions du protocole du 03 mai 2004 et du contrat de distribution du 05 avril 2005 qui en était le corollaire ou la conséquence, et à demander la condamnation de la société STUDIOCANAL à payer à la société 55 PRODUCTIONS les sommes de 3. 811. 292 euros TTC pour le financement de la production du film " Cavalcade " et de 494. 748, 12 euros TTC au titre du salaire producteur et des frais généraux de la production ;
Considérant qu'il convient de relever la contradiction majeure apparaissant dans l'argumentation de messieurs X... et Y... qui soutiennent, à bon droit, que le protocole transactionnel du 03 mai 2004 leur est inopposable, qui poursuivent l'exécution du contrat cadre du 05 juillet 2002 et qui, dans le mê me temps, critiquent les conditions dans lesquelles la société STUDIOCANAL s'est acquittée des obligations résultant de la transaction ;
Sur la demande de remboursement de la TVA
Considérant que, par l'effet de la transaction du 03 mai 2004, les avances consenties par la société STUDIOCANAL au titre des frais de structure et de fonds de développement ont changé de nature et sont devenues un prêt non soumis à TVA, abandonné par la société STUDIOCANAL ;
Considérant qu'il est constant que la société 55 PRODUCTIONS a obtenu du Trésor Public la restitution de la TVA qu'elle avait reversée au titre de ces avances reççues et qu'elle a reconnu devoir la restituer à la société STUDIOCANAL ;
Considérant que c'est sur ce fondement que les premiers juges ont condamné la société 55 PRODUCTIONS à payer à la société STUDIOCANAL la somme de 422. 380 euros avec intérêts calculés au taux légal à compte du 08 juillet 2005 ;
Considérant que messieurs X... et Y... n'ont aucune qualité pour réclamer l'infirmation du jugement de ce chef au bénéfice de la société 55 PRODUCTIONS qui n'est pas en cause d'appel ;
Que la demande d'infirmation du jugement de ce chef sera, en conséquence déclarée irrecevable ;
Sur les autres demandes
Considérant que la société STUDIOCANAL ne démontre pas que l'exercice par messieurs X... et Y... d'une voie de recours que la loi leur réservait aurait dégénéré en abus, ni ne justifie du préjudice qu'elle allègue ; que sa demande en paiement de dommages et intérêts doit être rejetée ;
Considérant, en revanche, qu'il serait inéquitable de lui laisser la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; que messieurs X... et Y... seront condamnés in solidum à lui payer une indemnité complémentaire de 10. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer des sommes sur le fondement du mê me texte aux appelants qui, succombant dans l'exercice de leur recours, doivent être condamnés aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement et en dernier ressort,
Vu l'arrêt de cette cour du 12 juin 2008,
Déclare recevable l'appel principal interjeté par messieurs Jean-David X... et Patrick Y...,
Déclare irrecevable l'appel interjeté par monsieur Jean-David X... et monsieur Patrick Y... le 30 décembre 2008 contre la société 55 PRODUCTIONS,
Déboute monsieur Jean-David X... et monsieur Patrick Y... de toutes leurs demandes indemnitaires au titre du contrat du 05 juillet 2002,
Déclare monsieur Jean-David X... et monsieur Patrick Y... irrecevables à soulever le défaut d'exécution du protocole du 03 mai 2004 et du contrat de distribution du 05 avril 2005 et à demander, de ce chef, la condamnation de la société STUDIOCANAL au profit de la société 55 PRODUCTIONS,
Confirme en toutes ses dispositions déférées le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Déboute la société STUDIOCANAL de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour comportement abusif,
Condamne in solidum monsieur Jean-David X... et monsieur Patrick Y... à payer à la société STUDIOCANAL la somme complémentaire de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application du mê me texte au bénéfice de monsieur Jean-David X... et de monsieur Patrick Y...,
Condamne in solidum monsieur Jean-David X... et monsieur Patrick Y... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxiè me alinéa de l''article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre, section 2
Numéro d'arrêt : 07/03789
Date de la décision : 24/09/2009

Analyses

APPEL CIVIL - Appel provoqué par l'appel incident - Recevabilité -

Selon les articles 548 et 549 du code de procédure civile, l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé ou peut émaner, sur appel principal ou incident, de toute personne ayant été partie en première instance. Il n'est recevable qu'à la condition qu'il découle d'un appel incident formé par l'intimé. L'appel incident qui sert de support à l'appel provoqué ne doit pas tendre seulement à la confirmation du jugement, avec demande additionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive et remboursement de frais irrépétibles. Dès lors que les conclusions de la société intimée ne comportaient aucune demande susceptible de justifier l'appel provoqué interjeté, ce dernier, exercé hors délai, doit être déclaré irrecevable.


Références :

articles 548 et 549 du code de procédure civile

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre, 16 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2009-09-24;07.03789 ?
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