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10/09/2009 | FRANCE | N°08/04982

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, section 2, 10 septembre 2009, 08/04982


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

12e chambre section 2

ARRET N° Code nac : 59C

contradictoire
DU 10 SEPTEMBRE 2009
R. G. N° 08 / 04982
AFFAIRE :
S. A. R. L. Y... PRIVATE CLIENTS LTD
C / S. C. I. 96 98 VILLIERS-2-4-6- VATIMESNIL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE N° Chambre : 4 N° Section : N° RG : 2005F3185

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : Me Jean-Pierre BINOCHE SCP JUPIN et ALGRIN

LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE NEUF, La cour d'app

el de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S. A. R. L. Y... PRIVATE CLIENTS LTD ayant son ...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

12e chambre section 2

ARRET N° Code nac : 59C

contradictoire
DU 10 SEPTEMBRE 2009
R. G. N° 08 / 04982
AFFAIRE :
S. A. R. L. Y... PRIVATE CLIENTS LTD
C / S. C. I. 96 98 VILLIERS-2-4-6- VATIMESNIL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE N° Chambre : 4 N° Section : N° RG : 2005F3185

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : Me Jean-Pierre BINOCHE SCP JUPIN et ALGRIN

LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE NEUF, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S. A. R. L. Y... PRIVATE CLIENTS LTD ayant son siè ge 39 Northumberland, Road Ballsbridge, DUBLIN 4 (IRLANDE DU NORD), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE, avoué-N° du dossier 325 / 07 Rep / assistant : Me Laurent MARTINET, avocat au barreau de PARIS (L. 118).

APPELANTE ********

S. C. I. 96 98 VILLIERS-2-4-6- VATIMESNIL ayant son siège 37-39 rue Camille Pelletan 92300 LEVALLOIS PERRET, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par la SCP JUPIN et ALGRIN, avoués-N° du dossier 023850 Rep / assistant : Me Jacques Henri KOHN, avocat au barreau de PARIS (P. 233).

INTIMEE ******

Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Juin 2009 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Albert MARON, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Albert MARON, Président, (rédacteur) Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Denise VAILLANT,
FAITS ET PROCEDURE :
La SCI 96-98 VILLIERS-2-4-6 VATIMESNIL (ci-après la SCI) est une filiale de la société SCRIM ILE DE FRANCE (la SCRIM) gérée par Jean Marc X..., elle-même société filiale vouée à la promotion immobilière de la société d'économie mixte SEMARELP, missionnée par la ville de LEVALLOIS PERRET en qualité d'aménageur de la zone d'aménagement concertée du Front de Seine, dans le périmètre duquel sont situés les biens et droits immobiliers en cause.
La SCI a acquis de la SCRIM, suivant acte authentique du 29 décembre 2004, un terrain et les ouvrages qui y étaient édifiés à LEVALLOIS PERRET, 96 et 98 rue de Villiers, 2 à 6 rue de Vatimesnil.
Cet immeuble bénéficiait d'ores et déjà des autorisations administratives de démolir et de construire, et de l'agrément nécessaire à l'édification, par réhabilitation des constructions existantes, d'un immeuble de bureaux d'une surface utile de 3. 146 m ², plus 72 emplacements de stationnement, lesdites constructions futures formant d'ores et déjà l'objet d'un bail commercial consenti suivant acte du 29 juin 2004 à la société SITA ILE DE FRANCE, filiale du groupe SUEZ.
Par ailleurs, un contrat de promotion immobilière avait été conclu en juillet 2004 par la SCRIM avec COGEDIM ENTREPRISE pour la réalisation des travaux de restructuration de l'immeuble dans le respect des autorisations administratives délivrées avec un démarrage desdits travaux prévu à l'été 2004 pour une terminaison en octobre 2005, date d'entrée dans les lieux du preneur à bail.
A compter du mois de septembre 2004, la SCRIM, puis la SCI, venue aux droits de la SCRIM en suite de l'acquisition des biens, ont mis l'opération immobilière sur le marché, dans le but de parvenir à la signature d'un acte authentique de vente en l'état futur d'achè vement des constructions à ériger.
La société Y... PRIVATE CLIENTS LIMITED (Y...), qui est une société d'investissements immobiliers de droit irlandais sise à Dublin procédant à de nombreux et importants investissements immobiliers en Irlande, Angleterre et aux Etats-Unis et qui était désireuse d'investir à Paris et en région parisienne a manifesté son intérêt pour cette opération par courrier en date du 06 septembre 2004, adressant à la SCRIM une offre d'achat, faisant état d'un calendrier, relative à l'immeuble en état futur d'achèvement du 2-6 rue Albert de Vatimesnil.
Le 4 novembre 2004, la société VATIMESNIL était immatriculée auprès du Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE.
Le 17 novembre 2004, la société VATIMESNIL confirmait par télécopie à la société Y... un accord pour la vente de l'immeuble selon certaines clauses et modalités qui seront précisées en suite du présent arrêt.
Des échanges de courriers et courriers électroniques ainsi que des réunions s'ensuivaient, échanges et réunions sur l'interprétation desquels les parties divergent.
En définitive, par un courrier en date du 17 mars 2005, le vendeur faisait connaîître à la société Y... qu'il refusait de continuer plus avant cette opération et de signer l'acte de vente.
Estimant qu'il s'agissait là d'une rupture abusive de pourparlers contractuels, Y... a assigné la SCI devant le tribunal de commerce de NANTERRE, pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 1 000 000 € et celle de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par le jugement déféré, en date du 25 janvier 2007, cette juridiction a débouté Y... de ses demandes et l'a condamnée à payer à la SCI la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de l'appel qu'elle a interjeté contre cette décision, Y... fait valoir qu'elle fonde son action sur les articles 1382 et 1383 du code civil, pour rupture abusive des pourparlers contractuels qui étaient menés. Dans ces conditions, souligne-t-elle, il est sans incidence qu'elle ait dû être elle même futur co-contractant ou qu'un tiers ait dû être signataire de l'acte final.
En effet constituent des pourparlers toutes discussions antérieures à tout accord contractuel, même partiel ou de principe. Ainsi, c'est la faute dans la négociation qui est sanctionnée, sans que la qualité de partie contractante influe puisque la responsabilité n'est pas contractuelle mais délictuelle s'agissant d'une phase antérieure à toute conclusion de contrat. Par ailleurs, un tiers peut être impliqué dans les pourparlers. Il est donc patent que seul compte le rôle joué dans les pourparlers pour déterminer si oui ou non une personne a engagé sa responsabilité ou a subi des dommages du fait de la rupture de ces pourparlers.
Or c'est bien elle qui a conduit l'intégralité des négociations avec la SCI. Dès lors, au regard des agissements fautifs de cette dernière, elle est bien en droit de réclamer la réparation de ses préjudices.
En l'espèce, elle finançait l'acquisition de l'immeuble situé 2-6 rue de Vatimesnil par le biais de fonds privés provenant d'investisseurs et d'un emprunt bancaire. L'accord de crédit (term sheet) de la Royal Bank of Scotland synthétisant les principaux termes de l'emprunt décrit les rôles de chaque entité dans l'opération d'acquisition et notamment le rôle d'interlocuteur principal de la Société Y... tant avant, qu'après l'acquisition.
L'opération d'acquisition de l'immeuble situé 2-6 rue de Vatimesnil devait se dérouler de la manière suivante :- une société ad hoc, à constituer au Luxembourg, (WPC lux Property Co) devait acquérir la propriété de l'immeuble et pour ce faire, souscrivait l'emprunt ;- cette société était contrôlée à 100 % par une autre société créée pour les besoins de l'opération, (WPC Lux Holding Co), elle-même détenue à 100 % par les investisseurs trouvés par la société Y....

Au regard de l'opération décrite, l'emprunteur devait être contrôlé directement ou indirectement par un syndicat d'investisseurs, lui-même dirigé par Y.... Y..., dans le cadre du document Information Memorandum destiné aux investisseurs, indiquait son rôle de promotion et de direction de l'opération et précisait les honoraires relatifs à l'accomplissement de sa mission.
Enfin, Y... détient une part du capital des sociétés créées pour les besoins de l'acquisition. Ainsi, même s'il est établi que la Société Y... n'aurait pas été directement le signataire de la vente de l'immeuble objet des négociations abusivement rompues par la SCI, elle avait un rôle beaucoup plus important que celui de simple négociateur et avait un intérêt particulier à l'aboutissement des négociations.
Sur le caractère abusif de la rupture, Y... rappelle que les parties à une négociation sont soumises l'une envers l'autre à une « obligation de rectitude et de loyauté » pré-contractuelle dont la méconnaissance est constitutive d'une faute délictuelle.
Y... souligne que les parties étaient en négociations depuis plus de 7 mois pour cette acquisition d'un immeuble en l'état futur d'achèvement et la SCI ne se prévaut d'aucun motif légitime lui permettant de se soustraire à sa responsabilité pour rupture abusive de pourparlers.
Le 15 mars 2005 les parties étaient tombées d'accord, dans le cadre d'une réunion, sur la quasi totalité des points en suspens et avaient prévu une ultime réunion aux fins de signer l'acte de vente définitif dix jours plus tard, le mars 2005.
A ce titre, un dernier projet d'acte de vente était adressé le 17 mars 2005 par le notaire intervenant au profit de Y..., à celui de la SCI, la signature définitive étant prévue le 25 mars 2005 quand, le même jour, la SCI adressait un courrier à Y... lui indiquant qu'elle avait « décidé de ne plus donner suite au projet de cession ci-dessus évoqué ».
Au surplus, souligne Y..., à cette date, le principal obstacle à la réalisation de la vente, à savoir le rescrit fiscal, avait enfin été levé puisqu'obtenu seulement le mars 2005 par la SCI.
Ainsi, les deux parties étaient bel et bien sur le point de signer le contrat de vente et le projet d'acte VEFA n'était pas « loin d'être finalisé ».
Y... relève qu'alors que la SCI tente de la rendre responsable des lenteurs du processus d'achat et de la résolution des différents points de désaccords, ce n'est que le 4 mars 2005 qu'elle a obtenu le rescrit fiscal en matière de TVA, alors qu'il était convenu entre les parties que la signature ne pouvait intervenir sans ce document. C'est d'ailleurs la SCI qui avait imposé cette condition dès le 17 novembre 2004.
Ainsi s'il devait être considéré que le processus d'acquisition avait été lent, cette lenteur ne pourrait être jugée qu'à compter du 5 mars 2005 puisqu'avant cette date, conformément à ce qu'avait imposé la SCI, aucune signature n'aurait pu avoir lieu.
Par ailleurs, les conseils de la SCI ont mis plus de trois semaines avant de communiquer leurs commentaires suite à l'envoi du projet d'acte de vente.
De plus, la SCI prétend que s'il n'y a jamais eu d'accord sur l'application de la norme RT2000, ce qui a conduit à un important retard dans le processus, c'est du fait de Y... qui aurait voulu appliquer une norme technique qui n'aurait pas lieu de s'appliquer, la SCI procédant non pas à la construction d'un nouvel immeuble mais à la restructuration d'un immeuble existant.
Or il est fait mention dans le courrier du bureau VERITAS en date du 7 mars 2005 que cette norme était applicable au moins en partie à la propriété et dès lors, Y... était en droit de demander son application à tout l'immeuble et ce, dans un souci de cohérence.
Au surplus, dans les derniers projets d'acte de cession, elle avait même abandonné cette prétention, comme en témoigne le projet adressé le 2 février 2005.
La SCI ne saurait dès lors prétendre que le retard pris dans le processus de finalisation et de signature de l'acte de vente relèverait de la responsabilité de Y....
La SCI fait encore valoir que les parties seraient restées en désaccord sur un certain nombre d'éléments.
Or, sur le financement de l'opération, en premier lieu, Y... souligne qu'elle avait accepté, par avance, le texte proposé par les conseils de la SCI, une seule modification ayant été demandée et ayant été acceptée par la SCI. En outre, l'identité de la banque émettrice était connue de la SCI puisqu'il s'agissait de la Royal Bank of Scotland, information que Y... avait déjà fournie à son partenaire lors des diverses réunions entre les parties.
Y... observe par ailleurs qu'elle ne s'est jamais cachée du fait qu'une partie de son financement provenait d'investissements privés et que l'autre partie provenait d'un financement bancaire.
Elle précise qu'elle a même transmis un document confidentiel d'accord de crédit en date du 15 février 2005 adressé par la Royal Bank of Scotland dont regard de la confidentialité le caractérisant la SCI ne saurait tirer argument du fait qu'il n'aurait pas été communiqué « dans le cadre des négociations ». n'avait pas à communiquer un tel document surtout après avoir indiqué à la SCI qu'elle avait le soutien de la Royal Bank of Scotland et en l'absence de toute demande de renseignement complémentaire à ce sujet pendant les négociations.
Ce document, qui a pleine valeur probante, démontre que, contrairement aux allégations de la SCI, elle ne se heurtait pas à des difficultés pour assurer le financement de l'opération et pour obtenir une garantie de paiement.
Le sérieux de la position de Y... et de l'accord intervenu avec la Royal Bank of Scotland est par ailleurs corroboré par l'attestation de cette dernière versée aux débats.
Enfin, si la SCI estime que la date du projet final du contrat de prêt, à savoir le 18 mars 2005, serait trop tardive pour qu'une signature au 25 mars 2005 soit possible, cet argument n'est aucunement fondé et va à l'encontre de toute logique puisque les conditions financières d'un prêt de plus de 15 millions d'euros visant à financer une partie de l'acquisition du bien par Y...- l'autre partie, à hauteur de 7 millions d'euros provenant d'investisseurs privés-sont négociées jusqu'au dernier moment pour bénéficier de la meilleure conjoncture.
A l'inverse, la SCI ne verse aucune pièce dont il résulterait qu'elle aurait exposé des inquiétudes quant au financement de l'opération, seule la lettre de rupture du 17 mars 2005 faisant état de l'identité de la banque comme d'un point en suspens intolérable, le que la société qui acquerrait la propriété de l'immeuble serait une société ad hoc, ayant toujours été entendu entre les parties, comme cela résulte notamment du courrier de Y... du 6 septembre 2004.
Par la suite, le conseil de Y... a bien précisé à la SCI, lors de la réunion du 15 mars 2005, l'identité de l'acquéreur en la personne morale d'une société luxembourgeoise dont une attestation d'existence et un avis juridique devaient être adressés avant la signature du contrat de vente.
Ce type de montage orchestré par une société étrangère que la société qui se porte formellement acquéreur soit une société holding établie au Luxembourg est au demeurant tout à fait usuel et la SCI qui, à travers ses dirigeants, opère sur ce marché depuis longtemps le sait pertinemment. Par ailleurs, en plus d'être une pratique répandue, c'est une pratique qui a la préférence des vendeurs sur ce type de marché qui souhaitent négocier avec le représentant du fond d'investissement plutôt qu'avec la société ad hoc.
Enfin, la SCI ne produit aucun élément quant à ses inquiétudes à ce sujet et au caractère intolérable de cette prétendue absence d'information.
De plus, Y... s'étonne du prétendu risque pour la SCI alors même que la convention d'ouverture de crédit et de garantie d'achè vement liant cette dernière à la société SOCFIM prévoit, en sa page 7, la possibilité de dépassement ponctuel de l'utilisation des fonds « tant en montant qu'en durée ».
Dans le cadre de ses dernières conclusions, la SCI estime que la possibilité de dépassement de la Société SOCFIM était subordonnée à trois conditions rendant son utilisation impossible :- « il ne pouvait s'agir que d'un dépassement ponctuel » (p. 21). Y... répond à ce moyen en faisant valoir qu'un rendez-vous était pris pour le 25 mars 2005 pour signature, aussi, si un dépassement avait du être négocié, il ne l'aurait été que pour quelques jours.- « tout dépassement ponctuel de l'utilisation devait recueillir l'accord préalable et exprès de la SOCFIM » (p. 22). Y... relève cependant que la SCI n'a pas même demandé un tel accord.

- « de tels dépassements, même autorisés, avaient un coût » (p. 22), ce à quoi Y... répond que la SCI ne démontre pas en quoi cela l'empê chait de solliciter un dépassement ponctuel quitte à négocier avec elle la prise en charge de ces frais bancaires supplémentaires.
En réalité, estime Y..., la SCI devait procéder à la vente de l'immeuble litigieux à la société SIEMENS Kapitalanlagegesellschaft mbH, ce qui est la explication de sa soudaine volte-face.
En effet, et pendant de nombreuses semaines avant d'annoncer qu'elle refusait de finaliser l'accord qu'elle avait avec Y..., la SCI menait des négociations parallè les avec une autre société, la Société SIEMENS qui, le 17 mars 2005 a fait son offre d'achat que la SCI a acceptée.
En témoigne le courrier adressé par SIEMENS à Jean-Marc X... en date du 31 mars 2005, qui indique que vous avez « réaffirmé que vous n'aviez plus aucun engagement à l'égard de la Société Y... PRIVATE CLIENTS LTD ayant rompu toute négociation avec celle-ci depuis plusieurs semaines à défaut d'être parvenus à un accord sur les conditions de la vente ».
Dans ces conditions, Y... demande réparation du préjudice que lui a causé cette rupture abusive des négociations. Il y a lieu, en premier lieu, de l'indemniser des frais générés par l'opération d'acquisition. Ceux-ci s'élèvent à la somme de 508. 981, 73 € à parfaire.
De même demande-t-elle indemnisation de ses honoraires perdus et de la perte de chance de conclure une autre convention
La rupture abusive de la négociation engagée lui a fait perdre 7 mois sur son entrée sur le marché immobilier français. Elle demande en conséquence une somme de 430. 000 € au titre des honoraires qu'elle aurait dû toucher au titre de ce projet ou du projet qu'elle aurait pu conclure avec un tiers si la SCI n'avait pas rompu fautivement les pourparlers.
Elle sollicite en outre réparation du préjudice résultant de l'atteinte portée à sa réputation. Société d'investissements irlandais dont l'opération litigieuse était la première envisagée sur le territoire français, l'échec de cette opération risque d'altérer gravement sa réputation auprès de ses éventuels partenaires mais aussi et surtout vis-à-vis des investisseurs. Elle évalue ce chef de préjudice à 100 000 €.
Il conviendra par ailleurs, estime Y..., de stigmatiser l'attitude de la SCI qui, pendant la négociation, a fait preuve d'un comportement d'une mauvaise foi caractérisée et patente et de s'interroger sur sa capacité à identifier, négocier et conclure un acte de vente en l'état futur d'achè vement avec une société tierce et ce, dans le délai exceptionnellement court-1 mois et demi (entre le 28 janvier et le 17 mars 2005 date de l'offre d'achat faite par SIEMENS) pour une opération d'un montant de 20. 720. 000 Euros.
Une explication à un délai en apparence aussi court serait que les négociations avec la Société SIEMENS Kapitalanlagegesellschaft mbH aient débuté antérieurement au 28 janvier 2005 soit pendant la période d'exclusivité qui aurait dû lui interdire d'entrer en pourparlers avec un tiers.
C'est pour cette raison qu'elle a tout fait pour ne pas respecter ses engagements et qu'elle a, au fil des semaines, inventé différentes arguties juridiques visant à justifier cette défaillance (retard, absence de garantie à première demande … …).
En conséquence d'une telle mauvaise foi, il y a lieu de la condamner à verser la somme de 50 000 € de dommages intérêts à Y....
Enfin, celle-ci sollicite la somme de 45 000 € à parfaire titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI 96-98 VILLIERS – – 2-4-6 VATIMESNIL souligne que les autorisations administratives de démolir et de construire étant d'ores et déjà obtenues pour l'immeuble objet du litige, et de surcroîît les biens à réhabiliter étant d'ores et déjà loués par un preneur éminemment solvable (la société SITA ILE DE FRANCE, filiale du groupe SUEZ) à de très bonnes conditions de rentabilité, cette opération présentait en septembre 2004 toutes conditions pour intéresser un investisseur apte à conclure une vente définitive, avant la fin de l'année 2004.
Il était donc légitime que le vendeur puisse avoir alors la perspective d'une signature définitive pour décembre 2004, et ce d'autant plus que la date de livraison contractuelle stipulée au bail conclu avec le preneur SITA IDF était fixée à octobre 2005.
La marque d'intérêt manifestée en septembre 2004 par Y..., se présentant comme « une société d'investissements immobiliers de droits irlandais sis à Dublin, procédant à de nombreux et importants investissements immobiliers en Irlande, Angleterre et aux Etats-Unis, et désireuse d'investir à Paris et dans la région parisienne », confortait le vendeur, qui croyait que Y... négociait cette opération en qualité d'acquéreur effectif du bien à construire, dans ses prévisions.
Y... était certes inconnue sur le marché français, mais sa représentation par la société CRBE RICHARD ELLIS, un des principaux intervenants sur le marché français de la transaction immobilière notamment de bureaux, ne permettait pas de mettre d'emblée en cause sa crédibilité.
Y... adressait au représentant de la SCI, le 6 septembre 2004, une offre d'acquisition de l'immeuble en l'état futur d'achè vement et faisait état d'un calendrier.
La SCI souligne que, dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achè vement, pour laquelle aucune condition suspensive liée aux autorisations de construire ne reste en suspens, et qui porte sur un immeuble dont la rentabilité locative est d'ores et déjà assurée, les conditions essentielles du consentement des parties se résument, pour l'acquéreur, à être garanti de la possibilité financière de l'achè vement des constructions, point garanti dès le départ des négociations puisque le vendeur disposait par convention de crédit SOCFIM datée de juillet 2004 de l'accord de la SOCFIM pour fournir telle garantie du financement de l'achè vement des travaux de restructuration, et pour le vendeur à ne courir aucun risque quant au paiement du prix par l'acquéreur, point sur lequel ledit acquéreur ne fournira cependant jamais la moindre assurance au vendeur.
Ainsi, des conditions aussi essentielles que celles tenant à l'identité exacte de l'acquéreur, à la nature, l'existence et l'origine du financement que ledit acquéreur se procurerait pour le paiement ou à la délivrance d'une garantie de paiement adéquate, soit une garantie autonome de paiement à première demande, et l'identité de l'établissement bancaire qui la délivrerait, n'ont jamais été fournies au vendeur.
Pareil défaut d'assurance sur ces points essentiels pour une vente en l'état futur d'achè vement d'un immeuble, d'un montant de 20. 720. 000 €, 75 % de ce montant étant payable à terme à la livraison des constructions fait dès lors courir un risque essentiel au vendeur.
Il est donc vain de tenter de contester que la SCI, en s'inquiétant de l'absence de tout élément sur ces points, nonobstant ses demandes et nonobstant l'expiration de la période d'exclusivité, et encore plus de trois mois après la date initialement prévue pour signature, ait pu légitimement mettre un terme à ces pourparlers infructueux et vendre le bien dans un délai très bref à un acquéreur solvable et réactif, en l'occurrence la société SIEMENS.
Ce faisant, la SCI n'a fait qu'exercer purement et simplement sa liberté d'entreprendre et assurer la nécessaire sauvegarde de ses intérêts financiers déjà fortement mis en péril par les atermoiements de Y....
La SCI souligne que la liste des sujets de « due diligence » qu'adresse en date du 14 décembre 2004 le conseil de Y... à Jean Marc X..., représentant de la SCI tient en quatre pages de documents sollicités sur les sujets du « foncier » « urbanisme » « ZAC » « état locatif » « assurance » « fiscalité » « exploitation ».
La SCI a répondu par l'envoi des documents sollicités à cette volumineuse demande.
Or, le 21 janvier 2005, soit quatre mois et demi après son courrier du 6 septembre 2004 et une semaine à peine avant la fin de la période d'exclusivité prorogée au 28 janvier 2005, Y... adressait au représentant de la SCI, par l'intermédiaire de la société CBRE, une liste de 14 pages contenant 82 points relatifs aux dues diligences techniques parmi lesquelles sous les sigles U / UN / OK ressortent encore de nombreux points considérés comme inacceptables " (UN) " par Y... et d'autres encore plus nombreux font l'objet de nouvelles demandes d'informations.
Aux termes de cette liste et du mail qui l'accompagne en date du 21 janvier 2005, apparaîît un point qui ne sera jamais résolu et ne recevra jamais l'accord des parties : « le respect de la RT 2000 et prestations de façades ».
La SCI souligne par ailleurs que c'est un simple accord d'exclusivité qui est intervenu le 19 novembre 2004 et rappelle que les conventions d'exclusivité ont pour objectif de protéger les parties contre toute interprétation a posteriori de la teneur des pourparlers : quand la période d'exclusivité cesse, celui qui l'a consentie recouvre sa liberté de négocier avec tous autres tiers.
La SCI souligne encore que par une lettre du 12 janvier 2005, elle indiquait à Y... qu'elle lui confirmait son accord pour que la période d'exclusivité qu'elle lui avait accordée soit prorogée au 28 janvier 2005.
Durant ce délai, leurs conseils respectifs devaient se rapprocher pour finaliser un protocole d'accord auquel devait être annexé un projet d'acte de vente en l'état futur d'achè vement (VEFA), la signature dudit protocole devant intervenir au plus tard au 28 janvier 2005 et la signature de l'acte de VEFA devant intervenir au plus tard le 18 février 2005, les dernières autorisations administratives devant être définitives au 31 janvier 2005.
Ainsi, il a été mis définitivement fin à l'exclusivité à l'issue du délai de prorogation accordé par la SCI jusqu'au 28 janvier 2005.
Or la date ultime impartie à Y... au 28 janvier 2005 repose sur une cause objective et concrète.
L'ouverture de crédit consentie à la SCI par la SOCFIM suivant contrat du 27 décembre 2004 arrivait en effet à cette date à son montant plafond, et l'état des sommes dues au promoteur COGEDIM au 1er février 2005 exigeait une vente effective dans les plus brefs délais à défaut de laquelle la SCI se serait trouvée exposée dès le mois de février 2005 à d'important frais financiers.
La suite des pourparlers démontre qu'ils n'ont abouti à aucun accord et justifie que la SCI y ait mis fin au courant du mois de mars 2005.
Aucun modè le de garantie autonome à première demande, élément parfaitement essentiel de toute vente en l'état futur d'achè vement pour laquelle 75 % du prix devait se trouvait payé à terme, à la livraison de l'immeuble, n'a été adressé par Y... à la SCI.
A aucun moment, Y... n'a justifié de l'évidence des fonds représentant le prix d'acquisition ni d'un quelconque accord d'un financement émanant d'une quelconque banque, se contentant d'évoquer oralement la probabilité que la ROYAL BANK OF SCOTLAND soit son prêteur, et qu'une société soit constituée au Luxembourg pour acquérir l'immeuble.
De plus fort, le 15 mars 2005, alors que l'exclusivité avait pris fin depuis plusieurs semaines et n'avait pas été prorogée, et que cette période de négociation constituait déjà un dépassement des délais impartis par la SCI, Y... avait formellement déclaré qu'elle n'entendrait jamais fournir une véritable garantie autonome à première demande, condition pourtant mentionnée aux termes de la proposition du 17 novembre 2004, mais seulement une garantie dite « documentaire ».
Toutefois, aucun accord de la banque sur ce point n'a jamais été confirmé par Y... auprès de la SCI, ni aucun projet de garantie adressé au vendeur.
En outre, Y... a marqué son désaccord en réunion sur le texte de la garantie financière d'achè vement que proposait de fournir la SCI, telle qu'émanant de son organisme de garantie, l'établissement SOCFIM, filiale de la CAISSE D'EPARGNE, ainsi qu'il résulte de la lettre du 4 avril 2005 adressée par la SOCFIM à la SCI, alors qu'il s'agit d'un modè le usuel de ce type de garantie.
C'est dans ces conditions que la SCI a, le 17 mars 2005, notifié à Y... par lettre adressée par télécopie, courriel et courrier recommandé avec accusé de réception, avec copie aux notaires et aux avocats respectifs des parties, dont JONES DAY, avocat de Y..., ainsi qu'au conseil technique de Y..., CBRE, qu'elle n'entendait plus poursuivre les négociations.
L'ensemble des développements qui précè dent démontrent le caractère non fautif de la cessation des pourparlers décidée par la SCI.
En outre, la qualité réelle de Y... dans l'opération, à savoir celle de simple intermédiaire indépendant entre le vendeur et l'acquéreur la prive de tout droit à indemnisation au titre d'une prétendue rupture de pourparlers par la SCI, dès lors qu'elle assumait sa mission à ses propres risques financiers. La notion de rupture de pourparlers au visa de l'article 1382 du code civil a en effet pour finalité de sanctionner l'abus dans la rupture de pourparlers dont se trouve victime le futur contractant, abusivement évincé, seule hypothèse où le lien de causalité direct et personnel entre la faute commise et le préjudice subi par la victime peut être reconnu.
S'agissant de la pièce communiquée quelques jours avant la date de clôture, la SCI souligne qu'elle n'en a découvert la teneur qu'à l'occasion de sa communication en cause d'appel, et qu'à aucun moment il n'avait été transmis, ne serait-ce que pour information, dans le cadre des négociations.
Cette pièce n'est communiquée qu'en langue anglaise, et Y... ne craint pas d'en citer des passages, dans ses écritures, à l'appui de sa démonstration, en anglais dans le texte, sans les traduire.
S'agissant de l'offre de crédit produite, elle est dénuée de toute force probante concernant le montage de l'opération d'acquisition. Ainsi, son sous-titre « the terms outlined here are based on unverified assumptions about the transaction », librement traduit par Y... comme « Les conditions décrites ici ont été définies en tenant compte d'hypothèses non vérifiées concernant l'opération » est-il révélateur.
Par ailleurs Y..., dont la mission se limitait à rechercher et à coordonner ces investisseurs dans la structure ad hoc nouvellement créée, n'était pas acquéreur de l'immeuble, mais simple intermédiaire.
A cet égard, que l'offre de prêt versée aux débats n'est nullement libellée à l'attention de la Société Y... PRIVATE CLIENTS mais à l'attention de la société provisoirement dénommée « WPC Lux Co ». En outre le paraphe et la signature d'un document, non signé par son émetteur, par une société qui n'est nullement visée comme destinataire du document émis n'a strictement aucune valeur juridique.
La SCI rappelle que non seulement c'est plusieurs mois après le début des négociations qu'elle a appris la réalité du rôle de Y... mais encore qu'à la date de la rupture, cette dernière n'avait trouvé aucun acquéreur.
A titre surabondant, la SCI fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute dans la négociation d'une vente en l'état d'achè vement menée avec Y..., pour le compte d'une société tierce qui n'a jamais existé.
Le droit applicable à la phase pré-contractuelle consacre, rappelle la SCI, la liberté, pour tout acteur économique, de proposer ses biens sur le marché, les offrir à la vente et négocier librement les conditions du contrat, en sauvegardant la faculté pour lui de ne pas se lier définitivement avant que les consentements aient pu être échangés sur l'intégralité des termes et conditions dudit contrat.
Cette liberté trouve, par exception, sa limite dans l'abus qui peut caractériser la faute délictuelle dont l'auteur peut devoir réparation en vertu de l'article 1382 du code civil.
La déloyauté et l'abus, qui sont la limite de la liberté, sont caractérisés lorsque les négociations entreprises ont permis un accord complet sur toutes les composantes du contrat (negotium), dont seul l'instrumentum resterait à formaliser.
De même, lorsqu'une partie a consenti une exclusivité de négociation et viole cette exclusivité en négociant avec un tiers, il y a effectivement rétractation illégitime d'un véritable engagement lié à l'exclusivité. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce.
En effet, lorsque la SCI a rompu les pourparlers engagés avec Y..., les parties n'étaient plus tenues par un quelconque accord d'exclusivité
Par ailleurs, rappelle encore la SCI, le nom de l'acquéreur ne sera jamais connu et encore au 15 mars 2005, Y... pouvait, comme unique information sur l'identité de l'acquéreur, indiquer qu'il s'agirait « d'une société luxembourgeoise » sans autre précision et sans qu'elle puisse justifier de son existence ni de ses fondateurs et dirigeants.
Cette simple lacune justifiait la rupture des pourparlers, étant précisé, en tant que de besoin qu'aucune attestation d'existence, ni avis juridique concernant l'acquéreur, n'ont jamais été adressés à la SCI, que ce soit avant ou après la rupture.
Au 17 mars 2005, date de la rupture, les points restant en suspens à la date de la rupture sont aussi importants que l'identité exacte de l'acquéreur, mais également, celle de celui qui procurerait le financement d'une vente de plus de 20 000 000 € et donc l'origine des fonds, l'assurance de la faculté pour l'acquéreur de fournir une véritable garantie de paiement du prix au vendeur, la fourniture d'une telle garantie étant, bien entendu exigée par la SCI, ce dont Y... était parfaitement informée.
Sans doute Y..., qui s'est révélée, par la suite, avoir agi comme l'intermédiaire entre le vendeur et des investisseurs non dénommés a-t-elle éprouvé des difficultés à se procurer le financement en temps utile, ou plus exactement pour réunir un pool d'investisseurs.
Il est notable, à cet égard, que l'offre de crédit du 15 février 2005 communiquée par Y... conforte parfaitement cette absence de garantie.
En effet, ce document versé aux débats, dont la valeur contractuelle reste, au demeurant, sujette à caution, ne comprenait nullement l'obtention d'une garantie bancaire à première demande portant sur l'intégralité du prix de vente.
A compter du 28 janvier 2005, la poursuite de négociations infructueuses mettaient gravement en péril les intérêts de la SCI, dès lors qu'à cette date l'ouverture de crédit consentie à la SCI par la SOCFIM suivant contrat du 27 décembre 2004 arrivait à son montant plafond.
La durée des négociations, élément mis en avant, notamment, par Y..., ne pourrait être prise en compte que si elle traduisait l'intensité et l'état d'avancement des négociations entre la SCI VATIMESNIL et cette société.
Or, au vu des points déterminants qui restaient en suspens à la date de la rupture, et ce, plus de six mois depuis le début des négociations, il est clair que la durée anormalement longue des pourparlers engagés pour ce type d'opération particulièrement simple, qui aurait dû être bouclée au 31 décembre 2004, résultait de la seule attitude de Y..., mais ne reflétait en aucune manière l'avancement du projet.
Et il est tout aussi inopérant, de la part de Y..., d'évoquer « l'imminence d'une signature » pour justifier ses prétentions, les pourparlers engagés entre Y... et la SCI n'ayant, à aucun moment, abouti à un acte finalisé susceptible d'être signé, et aucun rendez-vous de signature n'ayant jamais été fixé.
Par ailleurs, la rupture signifiée par la SCI le 17 mars 2005 n'avait rien de soudaine et était parfaitement et légitimement motivée, étant rappelé en toutes hypothèses, que comme le précise la doctrine « même si la brusquerie est inacceptable lors de la phase des pourparlers, elle ne saurait constituer une condition autonome et impérieuse de la responsabilité précontractuelle ; elle figure, le plus souvent à côté d'autres indices ».
A l'issue de la rupture des pourparlers infructueux menés avec Y..., la SCI pouvait légitimement et sans faute contracter avec un tiers, à savoir la société SIEMENS.
A titre encore surabondant, la SCI dément avoir mené des négociations parallè les et concomitantes à celles entamées et poursuivies avec Y.... Celle-ci s'est montrée très peu diligente dans les pourparlers, ce qui a conduit la SCI à y mettre un terme. SIEMENS en revanche, en qualité d'nvestisseur de premier plan connu et reconnu sur le marché français s'est montrée réactive sur ce dossier, ce qui a permis de signer une vente le 29 avril 2005.
Sur les demandes de réparation du préjudice prétendument subi par la société Y..., la SCI fait valoir que celle-ci fait état de frais d'hébergement, d'étude, de temps passé et d'intervention de tiers pour sept mois de négociations infructueuses, pour un montant de 508. 981, 73 € dont les sommes de 358. 800 € TTC et 17. 940 € TTC au titre d'honoraires des sociétés CBRE INVESTMENT et CBRE CONSULTING.
Or Y... ne justifie pas même de la facturation de la supposée rémunération de CBRE BOURDAIS INVESTMENT pour un montant de 300. 000 € HT et se garde de justifier du paiement des montants ainsi réclamés par des intermédiaires qui ne pouvaient recevoir de tels honoraires qu'en cas de vente effective.
Le même raisonnement conduit à relever le caractère injustifié de la demande formée au titre des honoraires de la société JONES LANG LASSALE (4. 784 € TTC), appuyé par une facture émise auprès de la RBS.
De même les frais du cabinet d'avocats FRESHFIELD, qu'à aucun moment la SCI ni ses conseils n'ont rencontré dans cette affaire ne sont justifiés par aucun élément probant.
De même le montant des honoraires du cabinet JONES DAY (68. 225, 10 € HT), dont il est demandé remboursement, n'est justifié que par une " attestation " du 23 mars 2005, qui fait simplement référence au montant " des honoraires et frais non facturés sur le dossier VATIMESNIL " dont il n'est en aucune manière établi s'ils ont été ou non facturés, encore moins payés.
De même encore ne pourrait qu'être écartée la facture un notaire émise le 25 mars 2006 pour la constitution de LEVAL I et LEVAL II pour environ 20. 000 €, entités inconnues de la SCI.
Sur la demande au titre des honoraires perdus par la société Y... et la perte de chance de conclure une autre convention, la SCI rappelle que le préjudice subi par la victime d'une rupture de pourparlers n'inclut que les frais occasionnés par la négociations et les études préalables auxquelles elle a fait procéder et non les gains qu'elle pouvait, en cas de conclusion du contrat, espérer tirer de ce contrat, ni même la perte d'une chance d'obtenir ces gains.
S'agissant de la demande de Y... au titre de sa perte de chance de conclure une autre convention, à supposer même qu'un tel dommage puisse être regardé comme un dommage réparable, il n'en resterait pas moins que Y... ne saurait, en l'espèce, obtenir un quelconque dédommagement à ce titre, dès lors qu'elle s'avère être un simple monteur d'opération à ses risques assumés, qui ne peut, à ce titre, soutenir avoir perdu une chance de conclure un contrat avec un tiers. En outre ce préjudice est hypothétique.
Sur l'atteinte à la réputation de Y..., celle-ci se contente à ce titre d'affirmations selon lesquelles sa réputation aurait été entachée par son échec dans ses négociations.
Sur les dommages et intérêts sollicités par la société Y... au titre de la prétendue mauvaise foi de la SCI, celle-ci dément avoir pris contact avec SIEMENS pendant la période d'exclusivité qu'elle avait consentie à Y....
La SCI sollicite en revanche condamnation de Y... à lui verser la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
Attendu que les parties qui sont en négociations pré-contractuelles conservent la liberté de les rompre à tout moment, sans faute de leur part, pourvu qu'elles n'abusent point de cette faculté ; qu'il appartient à celle des parties qui estime avoir été victime d'une rupture abusive de négociations pré-contractuelles d'apporter la preuve de la faute de l'autre partie et du préjudice qu'elle lui cause ;
Attendu que la SCI fait valoir qu'en toute hypothèse Y... ne saurait se prévaloir d'une rupture abusive de négociations précontractuelles, dès lors qu'il n'est pas contesté que cette société négociait avec elle non pas pour acquérir directement elle-même, mais pour faire acquérir l'immeuble à l'origine du présent litige par une entité au demeurant non encore ni définie ni constituée ;
Attendu cependant qu'il n'importe, en principe, que la victime d'une rupture abusive de négociations précontractuelle soit, ou non, celle qui aurait dû, si les négociations avaient été menées à terme, être le co-contractant ; qu'il suffit que la personne qui se prévaut de la faute délictuelle que constitue une telle rupture puisse démontrer l'existence d'un préjudice personnel résultant directement de la faute commise ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rechercher si Y... justifie de la faute qu'elle allègue, avant d'examiner si elle démontre un lien de causalité direct entre cette faute et le préjudice personnel qu'elle fait valoir ;
Attendu qu'en l'espèce Y... PRIVATE est entrée en contact épistolaire avec Jean Marc X..., directeur général du groupe SEMARELP, lui indiquant notamment (en langue anglaise, la traduction libre qui suit n'étant pas contestée) que « Nous avons choisi Ashurst, conseiller fiscal et légal pour rechercher la structure la plus appropriée, accomplir les diligences légales requises et pour préparer les documents légaux. A ce stade, nous ne pouvons confirmer la forme juridique de l'entité lors de l'acquisition. Nous confirmerons les détails de la forme juridique dès que possible. (...) Une fois les termes de cette lettre convenus par les deux parties, le contrat d'exclusivité sera signé et après réception de tous les documents légaux (dont la liste suit), le calendrier se déroulera de la façon suivante :- l'acheteur entreprendra les études légales, structurelles et environnementales. Le bureau d'études / l'expert examinera tous les aspects des travaux de rénovation et les conseillers légaux commenceront leur travail nécessaire sur le titre, la planification et tous les autres aspects juridiques 40 jours ouvrables après le départ des délais convenables, les parties entreront dans une promesse de vente à laquelle sera annexé un contrat de VEFA. achèvement de la transaction, y compris signature du contrat de VEFA (au plus tard le 31 décembre 2004). Le contrat de VEFA disposera en particulier :- que le vendeur fournira une garantie bancaire comme sécurité pour l'achè vement de l'immeuble. Au cas où l'AC n'aurait pas lieu, il pourra être mis un terme au contrat de VEFA (...) Durée de l'offre – – convention d'exclusivité – – signature d'une promesse de vente (...) après acceptation écrite des termes, le vendeur et l'acheteur entreront dans une convention d'exclusivité pour une période de 40 jours ouvrables, période pendant laquelle :- l'acheteur entreprendra ses propres formalités légales et techniques, qui devront être satisfaisantes, les parties négocieront les termes d'une promesse de vente et les termes du contrat de VEFA annexés à la promesse de vente » ;

Attendu qu'il résulte du premier paragraphe cité de ce courrier (" A ce stade, nous ne pouvons confirmer la forme juridique de l'entité lors de l'acquisition ") que, contrairement aux allégations de la SCI, il était clair, dès l'origine, que ce ne serait pas Y... elle-même qui serait acquéreur ;
Attendu qu'il était répondu à ce courrier, le 17 novembre 2004, sous la signature de Jean Marc X... et à en-tête de la SCI 96-98 VILLIERS 2-4-6 VATIMESNIL que « Nous faisons suite à nos différents entretiens et vous confirmons par la présente notre accord pour la vente en l'état futur d'achè vement (VEFA) de l'immeuble visé en objet selon les clauses et modalités ci-après décrites (...) Le prix s'établit à 20, 72 millions d'euros hors taxes (...) Modalités de paiement du prix 15 % à la signature, 75 % à la livraison, soit prévisionnellement au 15 octobre 2005, 2 % à la levée des réserves, 3 % à l'obtention du certificat de conformité » ;
Attendu que 19 novembre 2004, Y... répondait à Jean Marc X..., directeur général du groupe SEMARELP « Je fais suite à nos entretiens et correspondances concernant l'immeuble cité en objet, et suis heureux de vous confirmer que j'accepte les termes de votre lettre du 17 novembre 2004, sous réserve d'une due diligence juridique à effectuer » ;
Attendu qu'il est justifié par Y... que suivaient des négociations sur certains détails de la vente ; qu'ainsi il est justifié que Y... souhaitait " recevoir un taux de rémunération pour les fonds bloqués avant l'entrée en jouissance du locataire " (courrier du 19 novembre 2004) ; qu'à cette demande il était répondu positivement par courriel de Jean Marc X... (base EURIBOR 6 mois + 1, 25 %- courriel du 23 décembre 2004-), proposition de taux qui recevait l'agrément de Y... par courriel de Kevin Y... du même jour ; que le fait que des discussions aient ainsi porté sur des aspects relativement marginaux de l'opération, ainsi que le fait que la période d'exclusivité ait été prolongée montrent que, contrairement aux allégations de la SCI, les négociations avec Y... se déroulaient de façon satisfaisante ;
Attendu en revanche que la SCI ne justifie à aucun moment avant la date de résiliation ni avoir considéré que les négociation-pour l'acquisition d'un bien immobilier dont elle souligne elle-même l'importance (20, 72 millions d'euros ce qui, contrairement à ses allégations, justifie des négociations approfondies et, partant, durables)- trainaient en longueur, ni s'être inquiétée de la personnalité du futur acquéreur, ni encore avoir eu des doutes ou des inquiétudes sur les moyens par lesquels l'achat serait financé et garanti par l'acquéreur ;
Attendu, que sur ces éléments Y... apporte d'ailleurs-certes seulement à l'occasion du présent litige, mais il lui eut été possible de le faire, si cela lui avait été demandé, durant les négociations-d'une part une attestation de l'associate director, real estate finance, de la Royal Bank of Scotland et d'autre part une pièce (pièce 25), qualifiée " " Term Sheet " accord de crédit de la Royal Bank of Scotland signé par la société Y... PRIVATE CLIENTS – – 25 février 2005 " ;
Attendu, sur cette dernière pièce, que la SCI en a contesté à bon droit, en se fondant sur les dispositions de l'ordonnance de Villers Cotterêt du 25 août 1539, la recevabilité, dans la mesure où elle est rédigée en langue anglaise et où elle n'était accompagnée d'aucune traduction ; que cependant postérieurement aux conclusions de la SCI, Y... en a communiqué (pièce 31) une traduction libre, non contestée, le paragraphe « Purchase guarantee : Subject to condition precedents for the issuance of the purchase guarantee being met (see. P. 8, below), RBS will grant the vendor a guarantee for the payment of part of the purchase price (including VAT) limited to a global amount of 20. 637. 000 € (including VAT), comprising (i) 16. 576. 000 € guarantying part of the purchase price and (ii) 4. 061. 000 € guarantying total VAT due on the purchase price (… …) » faisant seulement l'objet d'observations sur le fait que les termes de « purchase guarantee », dont il n'est pas contesté qu'ils se rapportent à une garantie bancaire, peuvent recevoir une autre traduction que celle retenue par Y... de « caution » ;
Attendu que selon le premier de ces deux documents, " dans le cadre de l'acquisition de l'immeuble de bureaux situé 2-4 rue Vatimesnil 92300 LEVALLOIS, devant intervenir au début de l'année 2005, la ROYAL BANK OF SCOTLAND (...) avait accordé son soutien financier à la société Y... PRIVATE CLIENTS. Conformément à l'offre de financement en date du 15 février 2005 et conformément au projet final du contrat de prêt en date du 18 mars 2005 l'opération devait être financée par un crédit d'un montant de 15 540 000 Euros et d'un crédit TVA d'un montant de 4 061 120 Euros représentant respectivement le paiement du Prix (sic) d'Acquisition (sic) et la TVA y afférente. Au terme de cet accord, il a été convenu de garantir les sommes dues au vendeur par une garantie bancaire " ;
Attendu que cette attestation éclaire, en tant que de besoin, la portée du second document qui est un accord de crédit, pour des sommes d'un même montant ; que ce second document porte notamment en première page que « « Les conditions décrites ici ont été définies en tentant compte d'hypothèses non vérifiées concernant l'opération » » puis notamment « Objet : L'Emprunteur souhaite acquérir à l'avance (dans le cadre d'un contrat de type VEFA) un immeuble de bureaux situé 2-6 rue de Vatimesnil, à Levallois (92300) pour un montant de 20, 72 millions d'euros (le Bien). Vendeur : Le Bien est vendu par SCRIM Ile de France. Emprunteur : WPC Lux Property Co, une structure ad-hoc de droit luxembourgeois créée afin d'acquérir le Bien, l'Emprunteur étant contrôlé à 100 % par WPC Lux Participation Co, une entreprise contrôlée à 100 % par les Investisseurs. Investisseurs : L'Emprunteur sera détenu et contrôlé directement ou indirectement par un syndicat d'investisseurs géré par Y... Private Clients. Ces Investisseurs n'ont pas encore été identifiés et leur participation au projet reste soumise à l'approbation des Bnaques. Arrangeur : The Royal Banque of Scotland Plc (RBS) Banques : RBS et un syndicat de banques sélectionnées par l'Arrangeur et agréées par l'Emprunteur / les Investisseurs.

Agent : RBS Prix d'acquisition : Le prix d'acquisition du Bien hors frais de notaire, droits de timbre, frais d'agence et TVA est de 20, 72 millions d'euros (le Prix d'acquisition), (sous réserve de la confirmation des dimensions à la Date d'achè vement). Le montant correspondant sera exigible comme suit : 1. 5 % (1 036 000 euros) à la Date de signature de la Promesse de vente, 2. 15 % (3 108 000 euros) à la Date de signature de l'Acte de vente, 3. 75 % (15 540 000 euros) à la Date d'achè vement, 4. 2 % (414 400 euros) à la Date d'émission du Certificat de Levée des Réserves, et 5. 3 % (621 600 euros) à la Date d'émission du Certificat de Conformité.

Caution garantissant l'acquisition : Sous réserve que les Conditions préalables à l'émission de la Caution garantissant l'acquisition soient satisfaites (cf. page 8 ci-dessous), RBS accordera au Vendeur une garantie pour le paiement d'une partie du Prix d'acquisition (TVA comprise), plafonnée à un montant total de 20 637 000 euros (TVA comprise) dont (i) 16 576 000 euros couvrant une partie du Prix d'acquisition et (ii) 4 061 000 euros couvrant la TVA due sur le Prix d'Achat. Cette garantie doit être émise avant la Date d'achè vement et expirera à l'émission du Certificat de conformité. L'Emprunteur remboursera, dans un délai de 3 jours ouvrés, le montant tiré par le Vendeur lorsque les Conditions préalables au tirage de la Facilité de crédit ne seront pas entièrement satisfaites (… …). Date limite de validité de l'offre : Le 18 février 2005 sauf si le présent document est signé en bonne et due forme par un signataire autorisé agissant pour le compte de l'Emprunteur / des Investisseurs. » (sic en ce qui concerne les majuscules surnuméraires et la traduction de « the Royal Bank of Scotland ») ;

Attendu que si le bénéficiaire de l'accord de crédit est mentionné comme « WPC Lux Property Co », le fait que ce nom soit mis entre crochet, ainsi que les précisions données dans le corps de l'accord, à la rubrique « Emprunteur », selon lesquelles « WPC Lux Property Co » est « une structure ad-hoc de droit luxembourgeois créée afin d'acquérir le Bien, l'Emprunteur étant contrôlé à 100 % par WPC Lux Participation Co, une entreprise contrôlée à 100 % par les Investisseurs », corroborées par l'attestation de l'associate director, real estate finance, de la Royal Bank of Scotland montrent qu'il s'agissait bien du financement destiné à l'acquisition, selon un montage juridique destiné à optimiser l'opération, de l'immeuble qui faisait l'objet des négociations entre la SCI et Y... ;
Attendu qu'il importe peu que l'accord soit signé, de la part de Y..., par une personne qui n'ait éventuellement pas qualité pour le faire, dès lors qu'il démontre, en tout état de cause, l'accord de financement de la RBS, peu important, pour la démonstration de la faute de la SCI, le fait que Y... ait, ensuite, effectivement contracté ou non ;
Attendu enfin que si l'accord est précédé de la réserve prudentielle d'usage selon laquelle « the terms outlined here are based on unverified assumptions about the transaction », traduite de façon non contestée comme « Les conditions décrites ici ont été définies en tentant compte d'hypothèses non vérifiées concernant l'opération », cette réserve n'ôte rien de sa valeur à ce document dans la mesure où il résulte des termes de cet accord que les " hypothèses non vérifiées " auxquelles il est fait référence correspondent effectivement aux termes et conditions qui étaient envisagées entre les parties aux négociations de vente ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que Y... avait effectivement obtenu le financement bancaire qu'elle escomptait-et qui correspondait à la majeure partie du financement de l'acquisition-ainsi qu'en toute hypothèse une garantie accordée « au Vendeur une garantie pour le paiement d'une partie du Prix d'acquisition (TVA comprise), plafonnée à un montant total de 20 637 000 euros (TVA comprise) dont (i) 16 576 000 euros couvrant une partie du Prix d'acquisition et (ii) 4 061 000 euros couvrant la TVA due sur le Prix d'Achat » ;
Attendu que la preuve de ces éléments n'ayant jamais été demandée par la SCI à Y..., la première nommée ne saurait ni critiquer le fait qu'elle ne l'a obtenue qu'à l'occasion de la présente procédure, ni faire valoir que son défaut de production aurait été l'une des causes de la rupture des négociations précontractuelles ;
Attendu que la SCI a rompu les négociations par courrier rédigé dans les termes suivants : « Au cours de la réunion qui s'est tenue le 15 mars 2005 chez Maître Z..., votre Notaire (sic), en présence du nôtre, Maître A..., de nos Conseils (sic) respectifs et de Madame B...de CRBE, à laquelle réunion nous étions représentés par Monsieur Marc C..., il est apparu que, encore à cet instant, le projet d'acte de VEFA était loin d'être au point, l'identité du futur acquéreur nous était inconnue, le projet de Garantie à Première Demande (sic) n'était pas fourni, ni l'identité de la banque émettrice. Vous comprendrez aisément que l'évolution de ce dossier est très peu satisfaisante. Nous n'osons vous rappeler que, en suite d'un premier échange en date des 17 et 19 novembre 2004 et qui devait, en principe, conduire à une réalisation rapide, nous avons été contraints par une lettre en date du 12 janvier 2005, de vous accorder un ultime délai au 28 janvier 2005 pour conclusion d'un protocole et au 18 février 2005 pour signature de l'acte de VEFA. Il en résultait que la période d'exclusivité était prorogée jusqu'au 28 janvier 2005, et en cas de signature du protocole, jusqu'au 18 février 2005. Vous avez souhaité vous dispenser de la conclusion d'un protocole pour passer directement à la signature de la VEFA. A la veille du 18 mars, soit un mois après l'ultime délai fixé, il est patent que l'acte de VEFA ne pourra être signé demain, ni même, en début de semaine prochaine. Compte tenu de nos propres obligations et de ce qui précè de, nous avons décidé de ne plus donner suite au projet de cession ci-dessus évoqué » ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précè de que les motifs de rupture invoqués par la SCI et tenant au défaut de connaissance de l'identité du futur acquéreur et de la banque émettrice ainsi qu'au défaut de fourniture d'une garantie à première demande ne correspondent pas à la réalité dans la mesure où le premier de ces éléments était convenu dès l'origine et où les deux autres ne faisaient pas l'objet d'inquiétudes de la part de la SCI en ce qui concerne l'identité de la banque émettrice ou d'une demande spécifique et formelle en ce qui concerne l'obtention d'une garantie à première demande, et dans la mesure où, au surplus, il est aujourd'hui justifié qu'ils faisaient l'objet d'accords (en tout cas d'une garantie de paiement) de la part de la ROYAL BANK OF SCOTLAND ;
Attendu qu'il résulte des termes du courrier de rupture précité que la SCI faisait valoir encore le fait que " le projet d'acte de VEFA était loin d'être au point " ;
Attendu tout d'abord que, comme indiqué précédemment, il est légitime qu'une acquisition d'un bien immobilier en VEFA, pour un montant de plus de 20 000 000 € fasse l'objet de négociations qui peuvent avoir une durée que justifient les intérêts en jeu de part et d'autre ; qu'antérieurement à la lettre de rupture, la SCI n'a, par ailleurs, à aucun moment, indiqué qu'elle considérait que les négociations duraient trop longtemps voire, comme elle le fait valoir aujourd'hui, « s'enlisaient » ; qu'au contraire, en prorogeant le 12 janvier 2005 la durée de l'exclusivité jusqu'au 18 janvier / 18 février 2005, elle a manifesté le fait que la durée qui s'était déjà écoulée, loin d'être anormale, permettait, eu égard aux acquis d'ores et déjà obtenus, non seulement de poursuivre la négociation, mais de la poursuivre en exclusivité ;
Attendu par ailleurs que, dans son courrier de rupture précité, la SCI se borne à indiquer que " le projet d'acte de VEFA était loin d'être au point ", sans préciser aucun point particulier de désaccord fondamental ; que par ailleurs elle expose sans autre précisions que « compte tenu de nos propres obligations et de ce qui précè de, nous avons décidé de ne plus donner suite au projet de cession ci-dessus évoqué » ;
Attendu que si la SCI fait aujourd'hui notamment valoir que la poursuite des négociations, infructueuses, aurait gravement mis en péril ses intérêts dans la mesure où la convention d'ouverture de crédit et de garantie d'achè vement dont elle bénéficiait prévoyait qu'elle pourrait faire varier le montant des sommes utilisées autant qu'elle le jugerait utile, à la condition de rester dans la limite du montant maximum de 16 200 000 € et qu'au 11 janvier 2005, elle avait déjà utilisé 15. 738. 000 € et que devaient être payées, à bref délai, un certain nombre de dépenses pour un montant de 2. 571. 000 € et qu'au 4 mars, le plafond de 16. 200. 000 € était atteint ; qu'elle souligne que s'il est bien prévu, page 7 de cet acte, sous le titre « emploi des fonds » la possibilité d'un dépassement de ce montant, il ne pouvait s'agir que d'un dépassement ponctuel et qu'au vu de l'état des négociations entre Y... et elle, elle ne pouvait avoir aucune visibilité quant à une date de finalisation de la négociation ; qu'au surplus, tout dépassement ponctuel de l'utilisation devait recueillir « l'accord préalable et exprès » de la SOCFIM et avait un coût ;
Attendu cependant qu'une fois encore, à aucun moment durant les négociations la SCI n'a fait valoir un tel élément à Y... ; que par ailleurs, comme le souligne Y..., la SCI n'a ni sollicité une telle autorisation de dépassement à la SOCFIM, ni indiqué à Y... que la poursuite des négociations avec elle, postérieurement au 4 mars, justifierait le paiement, par Y..., de sommes destinées à compenser le coût supplémentaire que la durée des négociations entraînait ; qu'au demeurant, ce n'est que le 4 mars que la SCI a obtenu de la direction de la législation fiscale un rescrit relatif à l'assujettissement de l'acquisition de l'immeuble à l'origine du présent litige à la TVA ;
Attendu enfin que ce motif ne justifiait nullement que la SCI mît un terme aux négociations, déjà très avancées ; qu'au contraire, la rupture de celle-ci ne pouvait qu'entraîîner un retard dans la signature d'une vente-nécessairement avec un autre acquéreur- ;
Attendu que, parmi les difficultés (insurmontables aux dires de la SCI) qui auraient encore séparé les parties, la SCI fait valoir que Y... exigeait que la façade de l'immeuble répondîît à la norme RT 2000, exigence à laquelle il lui était impossible de satisfaire ; que cependant, il résulte du courriel de Y... à Jean Marc X... en date du 4 février 2005 que Y... se satisfaisait de ce que COGEDIM garantisse « la conformité de l'immeuble aux normes applicable, et notamment au respect de la RT 2000 » ; qu'à cet égard, l'exigence de respect de cette norme n'apparaîît pas non plus dans le projet de cession adressé par le notaire de Y... à celui de la SCI le 2 février 2005 ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précè de que les parties, dès l'origine d'accord sur les conditions et éléments essentiels de la vente, ont négocié, de façon constructive, pendant une durée importante, justifiée par les enjeux en présence ; que, dans un premier temps, ces négociations se sont déroulées sous un régime d'exclusivité, qui a été prorogé compte tenu de leur caractère fructueux et de leur état d'avancement ; que les parties étaient arrivées au stade ultime des négociations, un projet d'acte étant alors élaboré lorsque, alors qu'aucune difficulté n'avait jusqu'alors été soulevée, la SCI VATIMESNIL a, de façon brutale et imprévisible, et pour des motifs qui s'avèrent être des prétextes, rompu ces négociations ; qu'en réalité, il s'avère que la SCI négociait, de façon parallè le (ce qui, dans la mesure où ces négociations auraient débuté postérieurement à la fin de l'exclusivité reconduite, ne constituerait pas une faute) avec SIEMENS KAPITALANLAGEGESELLSCHAFT mbH, dont elle a accepté les termes de l'offre d'achat le surlendemain de la rupture, soit le 17 mars 2005, comme cela résulte du courrier adressé par cette société à Jean Marc X... ;
Attendu dans ces conditions que la rupture de pourparlers précontractuels faite par la SCI est fautive ;
Attendu sur le préjudice que Y... fait tout d'abord valoir qu'elle a engagé des frais en pure perte ;
Attendu que Y... n'a engagé des frais à l'occasion de la négociation menée avec la SCI que dans la perspective d'aboutir à ce que l'entité ad hoc non encore définie que, dès l'origine, elle avait envisagé de créeer pour procéder à l'acquisition procè de, de façon effective, à ladite acquisition ;
Attendu que Y... justifie d'une note d'honoraires de CBRE CONSULTING, pour un montant de 17 940 € (pièce 14), de l'engagement de payer les honoraires du cabinet d'avocats FRESHFIELDS, pour un montant de 55 000 € (attestation de l'associate director, real estate finanace de la ROYAL BANK OF SCOTLAND, pièce 20), de la note d'honoraires du cabinet d'avocats JONES DAY pour un montant de 68 225, 10 € (pièce 16) et de frais de déplacements à hauteur de 4 232, 63 €, tous frais afférents aux négociations fautivement interrompues par la SCI et à leur préparation ; qu'elle fait valoir qu'elle a en outre engagé des frais à hauteur de 358 800 € au profit de CBRE INVESTMENT et produit à cet égard l'executive instruction letter par laquelle elle donnait mission à cette société de « coordonner les vérifications requises dans le cadre de l'acquisition du bien à l'origine du présent litige, de 4 784 € au profit de JONES LANG LASALLE ; que cependant, s'agissant de la première de ces sommes, il n'est pas justifié du fait qu'eu égard à l'échec des négociations, ces sommes sont effectivement dues ; qu'en ce qui concerne la seconde, la pièce versée aux débats est une note d'honoraires adressée à la ROYAL BANK OF SCOTLAND et il n'est pas justifié que Y... se serait engagée à la prendre en charge ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de faire droit à ce premier chef de demande à hauteur de 145 397, 73 € ;
Attendu que Y... fait encore valoir qu'elle a perdu des honoraires, ainsi qu'une chance de conclure une autre convention ;
Attendu cependant, sur demande concernant une perte d'honoraires, qu'il n'est apporté aucun élément sur ceux auxquels Y... aurait pu prétendre en cas de signature de la vente ou sur le bénéfice qu'elle en aurait tiré ; qu'en toute hypothèse ce préjudice est indirect, tout comme celui, au surplus seulement éventuel (rien ne permettant de considérer que Y..., si elle n'avait pas envisagé d'acquérir l'immeuble à l'origine du présent litige aurait, comme elle le fait valoir, acquis ou envisagé d'acquérir un autre bien sur le marché français), qui résulterait de la perte d'une chance de conclure une autre convention ;
Attendu que Y... fait encore valoir que l'échec des négociations suivies avec la SCI a entaché sa réputation de façon d'autant plus grave qu'il s'agissait de sa première affaire sur le marché français et que les réputations, dans le milieu restreint dans lequel elle intervient, sont fragiles ;
Attendu cependant que Y... fait elle même valoir qu'elle « est (...) une société d'investissements irlandais dont l'opération litigieuse était la première envisagée sur le territoire français et dont l'échec risque d'altérer gravement sa réputation auprès de ses éventuels partenaires mais aussi et surtout vis-à-vis des investisseurs » (le soulignement étant de la cour) ; qu'il s'agit d'un préjudice seulement éventuel ; qu'au surplus, le présent arrêt, qui sera nécessairement connu des autres intervenants du milieu restreint de l'achat immobilier d'investissement, rétablirait, en tant que de besoin, sa réputation ;
Attendu que Y... sollicite encore des dommages intérêts du fait de la parfaite mauvaise foi de la SCI ;
Attendu cependant que Y... n'allègue aucun préjudice spécifique qui résulterait de la mauvaise foi de la SCI ; que la cour ne saurait, en l'absence de préjudice, allouer ainsi de tels punitive damages ;
Attendu que l'équité conduit à condamnation de la SCI à payer à Y... la somme de 45 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
Condamne la SCI 96-98 VILLIERS-2-4-6 VATIMESNIL à payer à Y... PRIVATE CLIENTS la somme de 145 397, 73 €,
Déboute Y... PRIVATE CLIENTS de ses autres demandes,
Condamne la SCI 96-98 VILLIERS-2-4-6 VATIMESNIL à payer à Y... PRIVATE CLIENTS la somme de 45 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens,
Admet Me BINOCHE, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxiè me alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre, section 2
Numéro d'arrêt : 08/04982
Date de la décision : 10/09/2009

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Pourparlers précontractuels

Les parties qui sont en négociations pré-contractuelles conservent la liberté de les rompre à tout moment, sans faute de leur part, pourvu qu'elles n'abusent point de cette faculté. Il appartient à celle des parties qui estime avoir été victime d'une rupture abusive de négociations pré-contractuelles d'apporter la preuve de la faute de l'autre partie et du préjudice qu'elle lui cause. Il n'importe que la victime d'une rupture abusive de négociations pré-contractuelles soit, ou non, celle qui aurait dû, si les négociations avaient été menées à terme, être le co-contractant et il suffit que la personne qui se prévaut de la faute délictuelle que constitue une telle rupture puisse démontrer l'existence d'un préjudice personnel résultant directement de la faute commise. Dès lors, engage sa responsabilité le vendeur qui a rompu, de façon brutale et imprévisible, et pour des motifs qui s'avèrent être des prétextes, les négociations pour contracter le surlendemain de la rupture avec un autre acheteur avec qui il négociait de façon parallèle.


Références :

article 1382 du code civil

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre, 25 janvier 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2009-09-10;08.04982 ?
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