COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30Z
14ème chambre
ARRET No
contradictoire
DU 01 JUILLET 2009
R.G. No 09/03493
No 09/04007
AFFAIRE :
Jean-Claude Alphonse X...
C/
S.C.I. F GOUSSAINVILLE 01
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 01 Avril 2009 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
No Chambre :
No Section :
No RG : 09/0285
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP JUPIN et ALGRIN
SCP TUSET-CHOUTEAU
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE PREMIER JUILLET DEUX MILLE NEUF,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Jean-Claude Alphonse X...
...
95190 GOUSSAINVILLE
représenté par la SCP JUPIN et ALGRIN - No du dossier 025388
assisté de Me Michel GRAVISSE (avocat au barreau de Pontoise)
APPELANT
****************
S.C.I. F GOUSSAINVILLE 01
42 rue du Commandant Roland
93350 LE BOURGET
représentée par la SCP TUSET-CHOUTEAU - No du dossier 20090245
assistée de Me MELCHER du CABINET FIDAL (avocat au barreau de Nanterre)
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Juin 2009 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, président entendu en son rapport et Madame Ingrid ANDRICH, conseiller,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-François FEDOU, président,
Madame Ingrid ANDRICH, conseiller,
Madame Marie-José VALANTIN, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre LOMELLINI,
FAITS ET PROCEDURE,
Monsieur Jean-Claude X... a occupé à compter du 1er juillet 2000, avec l'accord de la société SEVAC, propriétaire de locaux sis ZI rue Robert Moinon à Goussainville (95) divers locaux consistant en un entrepôt de 1050 m² et un terrain.
Par jugement du 20 novembre 2006, le tribunal de grande instance de Pontoise a décidé que Monsieur X... était bénéficiaire d'un bail commercial sur les locaux et a condamné ce dernier à verser à la société SEVAC la somme de 76 224,51 € à titre de clause de dédit, outre la somme de 164 825,26 € à titre de loyers impayés et de remboursement de la taxe foncière pour les années 2003 et 2004.
Par acte notarié du 10 octobre 2007, la société SEVAC a vendu à la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 l'immeuble susvisé.
Sur assignation délivrée le 27 avril 2007 par la société SEVAC, le tribunal de grande instance de Pontoise, statuant par jugement réputé contradictoire du 11 février 2008, confirmé en toutes ses dispositions, par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 22 janvier 2009, a :
- reçu l'intervention volontaire de la SCI F-GOUSSAINVILLE 01;
- prononcé la résiliation judiciaire du bail commercial liant la société SEVAC à Monsieur X... sur les locaux sis Z1 rue Robert Moinon à Goussainville (95), consistant en un entrepôt de 1050 m² et un terrain ;
- ordonné l'expulsion de Monsieur X... et de tous occupants de son chef avec, si besoin est, l'assistance de la force publique ;
- condamné Monsieur X... à verser à la société SEVAC la somme de 181 913,10 €, avec intérêts au taux légal à compter du 19 février 2007, date de la sommation faite par huissier de justice ;
- condamné Monsieur X... à verser à la société SEVAC la somme de 54 698,70 €, au titre des loyers des deuxième, troisième et quatrièmes trimestres 2007, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2007 ;
- condamné Monsieur X... à verser à une indemnité d'occupation mensuelle de 6 100 €, jusqu'à la parfaite libération des lieux et la remise des clefs ;
- condamné Monsieur X... à verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 900 € à la société SEVAC et de 900 € à la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 ;
- condamné Monsieur X... aux entiers dépens, y compris les frais de sommation d'huissier du 19 février 2007.
Un pourvoi a été formé contre l'arrêt du 22 janvier 2009.
Par acte du 23 mars 2009, Monsieur Jean-Claude X... a assigné en référé d'heure à heure la SCI-F GOUSSAINVILLE, pour voir condamner cette dernière à lever immédiatement tous obstacles mis en place en vue de lui interdire l'accès au terrain loué et à procéder immédiatement à la remise en place des matériels et stocks enlevés par la partie adverse.
Par ordonnance de référé du 1er avril 2009, le président du tribunal de grande instance de Pontoise, constatant l'absence de tout fondement juridique précise à l'appui de la requête de Monsieur X..., a débouté de ce dernier de ses demandes et l'a condamné aux dépens.
Monsieur Jean-Claude X... a interjeté appel de cette décision.
Autorisé par ordonnance du 30 avril 2009 à assigner à jour fixe pour l'audience du 3 juin 2009, Monsieur Jean-Claude X... fait valoir que le bailleur, même s'il dispose d'un titre exécutoire, ne peut interdire au locataire l'accès au local loué et procéder à l'enlèvement des biens de celui-ci sans respecter au préalable les règles applicables en matière d'expulsion et sans lui délivrer auparavant un commandement respectant les dispositions de l'article 61 de la loi du 9 juillet 1991 et de l'article 194 du décret du 31 juillet 1992.
Il précise que la saisine du juge des référés était fondée sur les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile, lequel confie à ce dernier le pouvoir de prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En conséquence, il demande à la cour, en réformant l'ordonnance déférée, de :
- ordonner que soient immédiatement levés par la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 les obstacles, tels que présence de vigiles, barres antivol et barrières, qu'elle a mis en place pour lui interdire l'accès au terrain avec entrepôt qu'il loue à la SCI F-GOUSSAINVILLE 01, zone industrielle 3 rue Robert Moinon à Goussainville ;
- ordonner qu'il soit immédiatement mis fin à l'enlèvement entrepris par la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 des matériels et du stock de marchandises qui lui appartiennent et qui se trouvent sur ce terrain ;
- ordonner que soient replacés sur le terrain et dans l'entrepôt loués l'ensemble des matériels et du stock de marchandises déjà évacués par la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 ;
- dire que les mesures ainsi ordonnées devront être exécutées sans aucun délai, et dire que la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 sera redevable d'une astreinte de 2.000 € par jour de retard, à défaut par elle d'obtempérer dans le délai de 24 heures de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- dire que la SCI F-GOUSSAINVILLE ne pourra pas faire procéder dans les formes de la loi à son expulsion du terrain et de l'entrepôt litigieux tant que n'aura pas été entièrement exécuté l'arrêt à intervenir ;
- condamner la SCI F-GOUSSAINVILLE à verser à Monsieur X... une provision de 50 000 €, à valoir sur l'indemnisation du préjudice provoqué par la voie de fait du bailleur ;
- vu les dispositions de l'article 1293 alinéa 1er du code civil, dire que la provision allouée à l'appelant par la décision à intervenir, comme celle allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pourront pas se compenser avec les sommes qui sont dues à l'intimé en vertu des décisions de justice rendues auparavant à son profit par le tribunal de grande instance de Pontoise et par la cour d'appel de Versailles ;
- condamner la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 à payer à Monsieur X... la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les entiers dépens de première instance et d'appel.
La SCI F GOUSSAINVILLE 01 conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise et au débouté de Monsieur X... de ses demandes.
Elle réplique que Monsieur X... a volontairement assisté à l'état des lieux du 13 février 2009 et a pu reprendre les biens auxquels il attachait une valeur et ne s'est jamais manifesté pour en reprendre d'autres.
Elle considère que l'appelant ne peut sérieusement prétendre au non respect des formalités légales constitutif d'une voie de fait, alors qu'un état des lieux contradictoire a été réalisé avec son accord, et alors qu'en toute hypothèse, les locaux objets de la mesure d'expulsion ne constituent ni l'habitation principale de la partie adverse, ni sa résidence secondaire, ni son local commercial ou professionnel.
Il s'oppose à la demande d'allocation d'une provision, s'agissant d'une demande nouvelle formée pour la première fois en appel, et alors que le préjudice de Monsieur X... est contestable tant dans son principe que dans son quantum.
MOTIFS DE L'ARRÊT,
Considérant que la bonne administration de la justice commande la jonction des instances enrôlées sous les numéros 09/03493 et 09/04007 ;
Considérant que la résiliation du bail commercial portant sur les locaux occupés par Monsieur X... a été prononcée par arrêt confirmatif du 22 janvier 2009, ordonnant l'expulsion ;
Que cet arrêt signifié le 30 janvier 2009, a été suivi de la délivrance le 11 février 2009 d'une sommation de restituer les clefs du local commercial, d'être présent ou représenté lors de l'état des lieux de sortie fixé le 13 février 2009, mentionnant qu'à défaut une procédure d'expulsion sera immédiatement engagée sur la base des dispositions précitées ;
Considérant que le 11 février 2009, il a été constaté par Maître B..., huissier de justice, que Monsieur X... avait été placé dans l'impossibilité de pénétrer dans les locaux cadenassés par un antivol, gardés par une entreprise privée dont les employés installés sur place, selon leurs dires à la demande "du nouveau propriétaire" avaient reçu l'ordre de n'ouvrir à quiconque ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 61 de la loi no92-644 du 13 juillet 1992 que l'expulsion ou l'évacuation d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux qui, aux termes de l'article 194 du décret no 92-755 du 31 juillet 1992, prend la forme d'un acte d'huissier de justice signifié à la personne expulsée contenant, à peine de nullité l'indication du titre exécutoire en vertu duquel l'expulsion est poursuivie, la désignation de la juridiction devant laquelle peuvent être portées les demandes de délais et toutes contestations relatives à l'exécution des opérations d'expulsion et l'indication de la date à partir de laquelle les locaux devront être libérés ;
Considérant que le commandement de quitter les lieux doit être délivré, que les locaux dont l'expulsion est ordonnée soient commerciaux ou non, sous la seule distinction d'un délai supplémentaire de deux mois lorsque les locaux sont à usage d'habitation ;
Considérant que la présence de la personne expulsée à un état des lieux contradictoire ne peut suppléer à l'absence d'un commandement de quitter les lieux ;
Considérant qu'au cas particulier la SCI F GOUSSAINVILLE 01 reconnaît ne pas avoir fait signifier à Monsieur X..., un commandement de quitter les lieux à une date précisée contenant les indications prévues au second des textes susvisés ;
Que l'obstacle mis au libre accès des lieux par Monsieur X... et à leur libération des biens et objets meublants appartenant à Monsieur X..., comme la dispersion de certains de ces objets constituent, en l'absence d'un tel commandement initiant l'exécution forcée dont l'examen de la régularité ressort de la compétence du juge de l'exécution, un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés, en application des dispositions de l'article 809 du code de procédure civile doit mettre fin ;
Qu'infirmant l'ordonnance entreprise, il y a lieu de faire droit aux demandes de Monsieur X... relatives à l'accès et à la restitution des biens enlevés sous astreinte de 2 000 € par jour de retard passé le délai de trois jours à compter de la signification du présent arrêt ;
Considérant que la demande de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi n'a pas été formée en première instance, que nouvelle en cause d'appel, elle est comme telle irrecevable ;
Considérant que la SCI F GOUSSAINVILLE 01 dont le comportement en totale contradiction avec les règles régissant les mesures d'exécution d'une décision est à l'origine du litige porté devant le cour d'appel et qui succombe en ses prétentions, doit être condamnée à verser à Monsieur X... la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Joint les instances enrôlées sous les numéros 09/03493 et 09/04007 ;
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue entre les parties, le 1er avril 2009 par le président du tribunal de grande instance de Pontoise ;
Statuant à nouveau :
Ordonne qu'il soit immédiatement mis fin à l'enlèvement entrepris par la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 des matériels et du stock de marchandises appartenant à Monsieur X... qui se trouvent sur le terrain ;
Ordonne à la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 de lever, dès signification de l'arrêt, et sous astreinte de 2 000 € (deux mille euros) par jour de retard passé le délai de trois jours à compter de la signification de l'arrêt, les obstacles, tels que présence de vigiles, barres antivol et barrières, mis en place pour interdire l'accès au terrain avec entrepôt dont Monsieur X... est occupant, zone industrielle 3 rue Robert Moinon à Goussainville et de laisser à celui-ci l'accès ;
Ordonne à la SCI F-GOUSSAINVILLE 01, sous astreinte de 2 000 € (deux mille euros) par jour de retard, passé le délai de trois jours à compter de celui suivant la signification de l'arrêt, que soient replacés sur le terrain et dans l'entrepôt loués, l'ensemble des matériels et du stock de marchandises déjà évacués par la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 ;
Y ajoutant ;
Déclare irrecevable la demande de provision à valoir sur la réparation du préjudice subi formée par Monsieur X... en cause d'appel ;
Condamne la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 à verser à Monsieur X... la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI F-GOUSSAINVILLE 01 aux entiers dépens de l'appel, autorisation étant donnée aux avoués en la cause, de les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-François FEDOU, président et par Madame LOMELLINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,