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11/02/2009 | FRANCE | N°08/00113

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0009, 11 février 2009, 08/00113


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39A

14ème chambre

ARRET No

contradictoire

DU 11 FEVRIER 2009

R.G. No 08/00113

AFFAIRE :

S.A. CONCURRENCE

C/

S.A. KELKOO

Décision déférée à la cour : Ordonnance du 27/09/2004 du Tribunal de commerce de PARIS

No Chambre :

No Section :

No RG : 2004/49908

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU

SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON G

IBOD

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE ONZE FEVRIER DEUX MILLE NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39A

14ème chambre

ARRET No

contradictoire

DU 11 FEVRIER 2009

R.G. No 08/00113

AFFAIRE :

S.A. CONCURRENCE

C/

S.A. KELKOO

Décision déférée à la cour : Ordonnance du 27/09/2004 du Tribunal de commerce de PARIS

No Chambre :

No Section :

No RG : 2004/49908

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU

SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE ONZE FEVRIER DEUX MILLE NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (2ème chambre) du 6 décembre 2007 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS le 19 janvier 2007

S.A. CONCURRENCE

Les Molières

26120 MONTVENDRE

représentée par la SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU - No du dossier 270940

M. Y..., représentant légal de la société CONCURRENCE, entendu en présence de Me LEFEVRE, avoué.

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A. KELKOO

17- 19 rue Guillaume Tell

75017 PARIS

représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD - No du dossier 0845164

assistée de Me Béatrice CREVIEUX de la SCP NOMOS (avocat au barreau de PARIS)

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Janvier 2009, Monsieur Jean-François FEDOU, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François FEDOU, président,

Madame Evelyne LOUYS, conseiller,

Madame Ingrid ANDRICH, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre LOMELLINI;FAITS ET PROCEDURE

Vu l'assignation en référé délivrée à la société KELKOO, le 24 juin 2004 à la requête de la société CONCURRENCE qui, se prévalant d'un trouble manifestement illicite occasionné, demandait au juge des référés du tribunal de commerce de Paris qu'il soit ordonné à celle-ci de :

- cesser toute publicité la présentant comme un guide d'achat exhaustif comparant les offres des marchands et tous les produits en vente sur le web, permettant de trouver les meilleures offres de produits et les meilleurs prix ;

- préciser de façon distincte dans toutes les publicités et en-tête de tous les tableaux comparatifs concernant les produits de la même catégorie que ceux vendus par la société CONCURRENCE, qu'elle ne compare que les offres des marchands ayant passé des conventions de publicité avec elle, la rémunérant pour leur présence sur ces tableaux et que donc ces tableaux sont des publicités ;

- sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée, de respecter :

* les dispositions de l'article L 121-8 du code de la consommation en présentant de façon loyale les caractéristiques techniques de chaque produit comparé et en présentant dans ses tableaux de prix des offres assorties des informations sur la durée, les garanties, le délai de livraison et la disponibilité ;

* l'ordonnance no 2001-741 du 23 août 2001 et notamment l'article 121-18 du code de la consommation, en indiquant la durée de validité de l'offre,

* l'alinéa 1 de l'article 5 de l'arrêté 77-105 du 2 septembre 1977 en ne proposant que des publicités de prix portant sur des produits disponibles,

- publier ses offres de prix dans des conditions permettant une mise à jour instantanée de changement des offres et une information sur la durée de validité de ces offres.

Vu l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce en date du 27 septembre 2004, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris, se déclarant incompétent à statuer en référé au regard du sérieux des contestations élevées par la société KELKOO.

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 février 2006, cassant le précédent arrêt en toutes ses dispositions et renvoyant les parties à se pourvoir devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Vu le second arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 19 janvier 2007, qui a confirmé l'ordonnance de référé du 27 septembre 2004 ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 décembre 2007 cassant le précédent arrêt en toutes ses dispositions et renvoyant les parties à se pourvoir devant la cour d'appel de Versailles ;

Vu la saisine de la cour d'appel de Versailles enregistrée le 7 janvier 2008 ;

Vu l'arrêt rendu le 25 juin 2008 par la cour d'appel de Versailles auquel il y a lieu de se reporter, pour l'exposé des moyens et prétentions des parties qui a ordonné la réouverture des débats, et invité les parties à conclure sur l'autorité à attacher à la décision du tribunal de commerce de Romans en date du 28 mai 2008 et renvoyé l'affaire à la mise en état ;

La société KELKOO par conclusions signifiées le 27 novembre 2008, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des moyens, demande à la cour d'appel statuant en référés, de dire et juger que le trouble manifestement illicite allégué n'est pas établi, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé et de condamner la société CONCURRENCE à lui verser 30 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'ensemble des procédures.

La société KELKOO relève que la société CONCURRENCE en raison de son refus de rémunérer et de participer à des soit-disant "pratiques illicites", s'est volontairement fait disparaître du référencement et que l'attitude contradictoire de cette société ne lui permettait pas de répondre à la demande d'un référencement auquel elle n'est pas par principe, opposée.

Elle dénie occuper une position dominante sur un quelconque marché et être un site indispensable pour être visible sur Internet et remarque que la société CONCURRENCE n'a fait aucune démarche pour être visible sur un autre site comparateurs de prix en ligne.

Elle soutient qu'aucun détournement de clientèle au détriment de la société CONCURRENCE ne peut lui être imputé du fait des pratiques en cause, et qu'intermédiaire à l'achat et à la vente sur Internet, les tableaux comparatifs qu'elle présente ne constituent pas des publicités.

Elle fait valoir qu'elle se présente sur son site de manière transparente en indiquant que les résultats ne sont pas exhaustifs, en formulant des offres de vente qui ne peuvent être qualifiées de trompeuses dès lors qu'elle peut, en application de l'article 1369-1 du code civil, se dispenser d'indiquer la durée de validité des offres de ses partenaires commerciaux et que les publicités qu'elle déploie en sa propre faveur sur d'autres sites, précisent également que la comparaison s'effectue parmi un nombre limité de marchands.

La société CONCURRENCE demande à la cour d'appel d'ordonner à la société KELKOO :

- sous astreinte de 5 000 € par jour de retard, de publier les offres de prix et de produits de la société CONCURRENCE dans des conditions permettant une mise à jour instantanée des changements de ces offres, une information sur la durée de validité des offres figurant sur les tableaux de prix censés être pratiqués par des revendeurs concurrents ;

- sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, de suspendre le référencement des offres des sites marchands qui ne respectent pas les points 5 et 6 de la chartre des sites comparateurs signée le 11 juin 2008 par la société KELKOO ;

- de cesser toute publicité ou supprimer toute information, la présentant comme un guide d'achat ou un outil exhaustif comportant toutes les offres des marchands, tous les produits de vente et en promotions sur le WEB, permettant de trouver les meilleures offres de produits, les meilleurs prix, les meilleures promotions et les meilleurs sites ;

- d'appliquer l'article 20 de la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 en précisant de façon distincte dans toutes ses publicités et en tête de tous les tableaux comparatifs concernant les produits de même catégorie que ceux que la société CONCURRENCE vend, qu'elle ne compare que les offres des marchands ayant passé des conventions de publicité avec elle et la rémunérant pour leur présence sur les tableaux comparatifs et que ceux-ci sont des publicités ;

- de respecter l'article L 121-18 du code de la consommation et l'arrêté no 77-105 P du 1er septembre 1977 en ses articles 2,4,5 et 7 en indiquant les périodes de validité des prix affichés sur son site ;

- sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, de respecter les dispositions de l'article L 121-1 du code de la consommation en :

* ne présentant que des prix mis à jour en temps réel afin que les prix présentés sur son site correspondent aux prix pratiqués sur les sites marchands ;

* réalisant sans délai la suppression demandée par l'annonceur des offres apparaissant sur le site KELKOO.fr ;

* ne présentant que des produits encore en vente sur les sites marchands.

La société CONCURRENCE sollicite en outre condamnation de la société KELKOO à lui verser la somme de 14 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens exposés.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 décembre 2008, la société CONCURRENCE expose si elle a fait état devant le tribunal de commerce de Romans de certaines pratiques qu'elle invoque dans le cadre de la procédure de référés, les faits examinés ne sont pas les mêmes et qu'en tout état de cause, l'autorité du jugement rendu le 28 mai 2008 par le tribunal de commerce de Romans, frappé d'appel, ne peut lui être opposée.

Elle ajoute aux conclusions précédemment signifiées, qu'au cours du délibéré ayant abouti à l'arrêt rendu le 25 juin 2008, certains sites Internet comparateurs dont la société KELKOO ont signé le 11 juin 2008 avec le secrétariat d'Etat chargé du développement de l'économique numérique une Charte contenant un rappel de la règlementation existante et les obligations dont la société CONCURRENCE dénonçait le mépris par la société KELKOO qui ne peut plus désormais nier leur existence ainsi que son propre engagement à les respecter.

Elle expose que les sites comparateurs, en s'engageant en neuf points, notamment, à exiger des sites marchands une communication sincère sur les prix TTC et frais éventuels, délais de livraison, durée de la garantie, le respect de l'ensemble des dispositions du code de la consommation applicables et à prendre des mesures significatives à l'encontre des sites qui ne respecteraient pas ces exigences, ne peuvent dénier qu'ils sont responsables du contenu des annonces.

MOTIFS DE L'ARRÊT,

Sur la nature de l'activité de la société KELKOO :

Considérant que la qualification donnée à sa propre activité par la société KELKOO dans ses conclusions antérieures au prononcé de l'arrêt du 25 juin 2008 comme étant celle d'un courtier ne peut être à l'évidence retenue, dès lors que la rémunération versée par les marchands lui est acquise à la visite du site et non à l'achat réalisé auquel elle indique expressément dans ses écritures ne pas intervenir en qualité d'intermédiaire ;

Qu'au surplus, le courtier est soumis aux mêmes obligations de respecter l'ensemble des règles régissant les activités commerciales ;

Considérant que la société KELKOO fournit, moyennant rémunération aux commerçants co-contractants, des espaces sous forme de tableaux, dans lesquels les marchandises sont inscrites par catégories de produits, par promotions ou prix pratiqués et un lien permet à l'internaute intéressé à la lecture d'une quelconque offre, d'accéder au site du marchand, donc d'entrer directement dans le magasin virtuel où il peut acheter ;

Considérant que la société KELKOO soutient que son activité est identifiée par ses concurrents comme annuaire ou guide d'achat et ne peut être réduite à celle de comparateur de prix ;

Que l'organisation même du site KELKOO, telle que décrite par la société intimée, selon laquelle le lecteur d'abord confronté à un tableau mentionnant en premier lieu les sites marchands les plus visités, peut opérer une recherche par mot-clé, ou par catégorie, puis filtrer par marque ou par prix, dénote qu'elle organise la rédaction, la forme des annonces, décide de leur présentation et de leur emplacement selon des critères numérisés ;

Que le fait d'obtenir une rémunération non pas du lecteur de l'annuaire ou du guide mais du commerçant qui y figure, ne lui permet pas de s'identifier à un guide ou un annuaire ;

Considérant que la société KELKOO prétend que les liens qu'elle propose vers les sites des marchands sont exclus de la définition des communications commerciales, par la Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique transposée par la loi du 21 juin 2004 qui précise que ne constituent pas des communications commerciales en tant que telles, "les informations permettant l'accès direct à l'activité de l'entreprise, de l'organisation ou de la personne, notamment un nom de domaine où une adresse électronique, et les communications relatives aux biens, aux services ou à l'image de l'entreprise, de l'organisation ou de la personne, élaborées d'une manière indépendante, en particulier lorsqu'elle sont fournies sans contreparties financières" ;

Considérant qu'en l'espèce, la société KELKOO permet un accès direct à un site marchand et que ce service est rémunéré en fonction de la fréquence d'entrée en relation avec le site marchand ;

Que l'existence avérée d'une contrepartie financière versée par les marchands co-contractants de la société KELKOO pour être référencés et susceptibles d'être visités directement à partir du site KELKOO, ne permet pas d'écarter le caractère commercial de la communication définie par la Directive précitée comme "toute forme de communication destinée à promouvoir directement ou indirectement des biens, des services ou l'image d'une entreprise ou d'une personne ayant une activité commerciale, industrielle ou artisanale ou exerçant une profession réglementée" ;

Que la présentation de produits ou des entreprises, ne peut être qualifiée d'objective sous le prétexte que seuls le lien, le produit et le prix seraient affichés sans possibilité d'y introduire des messages destinés à promouvoir ces produits ou les entreprises qui en font la vente, dès lors que cette présentation peut s'apparenter à une distribution permanente et universelle de tracts ou de cartes de visites présentés au lecteur comme les meilleures affaires à faire, qu'elle est conditionnée par l'existence d'un contrat entre les entreprises et la société KELKOO et que la société KELKOO y est obligée dès lors que le marchand satisfait aux obligations, notamment de rémunération, qu'il a contractées à l'égard du prestataire ;

Considérant dès lors, que la qualification de l'activité de la société KELKOO comme étant celle d'un prestataire d'un service commercial et publicitaire, ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;

Que cette société intervenante dans l'économie marchande est, comme telle, soumise à l'ensemble des règles régissant celle-ci ;

Considérant en outre, que la société KELKOO est signataire de la Charte du 11 juin 2008 aux termes de laquelle les signataires s'engagent à faire respecter la réglementation existante par leurs clients annonceurs ;

Que cette Charte constitue la reconnaissance de la nécessité du respect, dans l'intérêt des utilisateurs, des dispositions du code de la consommation dans le cadre de l'activité que les sites comparateurs exercent ;

Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite :

Considérant que le trouble manifestement illicite suppose la démonstration de la violation de la Loi ;

Que la société CONCURRENCE qui indique que depuis l'assignation devant le premier juge, la société KELKOO a reconnu le caractère non exhaustif des résultats et que seuls les marchands ayant payé peuvent être affichés, encore que les informations mises sur KELKOO n'étaient pas extraites automatiquement des sites des marchands, fustige la difficulté d'accès des rubriques où ces informations figurent ;

Considérant que la société KELKOO établit que l'accès aux informations est possible par "clics" à partir de la page d'accueil offrant au surplus aux internautes la possibilité de lire ce qui est destiné aux marchands co-contractants ou par clic re-dirigeant sur une nouvelle fenêtre en bas des tableaux qu'elle affiche ;

Considérant que l'utilisation d'intitulés de nature à calmer l'éventuelle curiosité, comme "qui sommes nous", "plus d'explications sur les résultats", le cheminement et la nécessité d'ouvrir plusieurs fenêtres pour l'accès à ces informations, est incompatible avec les dispositions de l'article 20 de la loi du 21 juin 2004 imposant d'identifier comme tel tout communiqué publicitaire ;

Considérant que la société CONCURRENCE dénonce le caractère mensonger de la publicité en faveur du site KELKOO sur les sites de tiers dans la mesure où la société KELKOO prétend que son site présente "toutes" les offres d'Internet et les "meilleurs" prix, dans les "meilleures" boutiques, après une recherche exhaustive au moyen de robots qualifiés d'agents intelligents grâce au moteur de recherche "KELKOO sniffer", dès lors que, contrairement à ce qui est indiqué, les sites référencés ne sont pas forcément les meilleures boutiques et qu'on n'y trouve pas forcément les meilleurs prix ;

Que la société KELKOO réplique qu'évoluant sur un marché où la concurrence est très intense, des messages dits hyperboliques sont utilisés par l'ensemble des sites comparables Icomprateur, Ebuyclub, Bestachat ou autres qui indiquent tous présenter les meilleurs offres et les meilleurs prix ;

Considérant que si l'usage constant et propre à la communication sur le Net d'hyperboles n'est certes pas de nature à rendre celle-ci plus intelligible, il n'est pas démontré qu'en utilisant des formules la présentant comme le meilleur site de comparaison ou de trouvaille des meilleurs offres, eu égard au nombre de sites se parant des mêmes qualités , les messages utilisés par la société KELKOO pour la promotion de son site KELKOO.FR soient de nature à tromper les utilisateurs du Net ;

Considérant encore que la société CONCURRENCE, sur ce point non contestée par la société KELKOO, fait état de l'absence de mise à jour immédiate des prix, de la disponibilité d'un produit, sauf en ce qui concerne les offres d'hôtels, avions et voitures, la société KELKOO exposant que le délai annoncé au tout début du litige de cinq jours, avait été réduit à vingt-quatre heures sauf fins de semaine, ce qui peut aboutir dans certains cas démontrés, à un écart entre l'annonce lue sur le site KELKOO et le contenu du site marchand ;

Considérant que la société CONCURRENCE soutient que l'absence de réactivité du site KELKOO, c'est à dire de traitement immédiat des données par les marchands sur la durée de la validité de l'offre, la disponibilité du produits et l'inclusion ou non dans le prix de frais de transports ou autres, permet à des marchands peu scrupuleux des pratiques "d'appel" avec des offres basses qui resteront affichées sur le site KELKOO sans que même une correction demandée par un marchand plus scrupuleux puisse être apportée ;

Considérant qu'il est loisible de s'interroger sur le sérieux de l'obstacle constitué par des contraintes techniques exposées dans les conditions générales d'utilisation énoncées par la société KELKOO sur son site et auxquelles elle se réfère pour indiquer qu'elle "ne peut garantir que les messages de mises à jour que lui adressent les marchands seront retranscrits immédiatement ou apparaîtront simultanément" dans toutes les possibilités de recherche par catégories ou autres, contraintes qu'elle peut dépasser pour des locations de voiture ou de chambres d'hôtels et non pas pour des téléviseurs ou des machines à laver ;

Considérant que la société KELKOO oppose qu'il serait vain de prétendre qu'elle est tenue par les dispositions de l'arrêté 77-105 du 2 septembre 1977 et de l'article L 121-8 du code de la consommation aux motifs que le premier dispositif réglementaire antérieur au développement d'Internet ne lui est pas adapté, que l'obligation de l'article L 121-8 du code de la consommation était prévue pour les ventes à distance traditionnelles (vente sur catalogue) alors que sur Internet, en application de l'article 1369-4 du code civil, la validité de l'offre est matérialisée par la présence de celle-ci sur le site Internet du marchand qui reste engagé par elle tant qu'elle est accessible par voie électronique de son fait ;

Considérant que la loi no2004-575 en son article 19 alinéa 5 dispose que les prix doivent être annoncés de manière complète et non ambigüe et en son dernier alinéa que ces dispositions s'appliquent sans préjudice des dispositions régissant la publicité trompeuse prévues à l'article L 121-1 du code de la consommation, ni des obligations d'informations sur les prix prévues par les textes législatifs et réglementaires en vigueur ;

Considérant que, de l'aveu même de la société KELKOO, seules apparaissent sur son site de promotion des marchands co-contractants des offres hôtels, avions et voitures actualisées en temps réel ; que des différences, entre le prix annoncé pour tel matériel sur le tableau donnant accès au site marchand et celui pratiqué par le marchand lui-même, peuvent exister, dans la mesure où les offres ne sont pas actualisables à moins de 24 heures (sauf fins de semaine où ce délai s'accroît) ; que certains produits annoncés peuvent ne pas être disponibles, ou apparaître offerts à la vente au prix annoncé sur le site marchand qui ne figure pas de façon apparente sur le site KELKOO, ou sur les tableaux comparatifs édictés auxquels peut aboutir le visiteur et qui constitue un site publicitaire ;

Que dans ces conditions, la société CONCURRENCE est fondée dans sa démonstration de l'existence d'un trouble illicite né de la violation des dispositions de l'arrêté 77-105 du 2 septembre 1977 et de l'article L 121-8 du code de la consommation, toujours en vigueur et parfaitement adapté à l'activité de vente à distance à laquelle participe la société KELKOO et des dispositions conjuguées des articles 19 et 20 de la loi du 21 juin 2004 ;

Sur les mesures destinées à y mettre fin :

Considérant que la société CONCURRENCE, opérateur dans l'économie marchande dont le jeu est faussé du fait de pratiques illicites est recevable à solliciter qu'il soit mis fin à des actes qui lui occasionnent un trouble direct ;

Considérant dès lors qu'injonction doit être faite à la société KELKOO de se conformer aux dispositions légales ou réglementaires qu'elle enfreint , et ce sous , astreinte de 1000 € par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance ;

Considérant que la société CONCURRENCE demande son propre référencement, ce qui ne constitue pas une mesure réparatrice ou une mesure destinée à mettre fin au trouble occasionné, mais une demande tendant à ce qu'une partie soit obligée de contracter avec l'autre qui comme telle ne peut aboutir dans le cadre de la présente procédure ;

Que sur ce point, la société KELKOO indique qu'elle n'est pas opposée par principe à contracter avec la société CONCURRENCE ;

Sur la demande au titre des frais irrépétibles :

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société CONCURRENCE les frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de la présente instance ; qu'il y a lieu de fixer la somme à lui revenir en application de l'article 700 du code de procédure civile à 12 000 € ;

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme l'ordonnance de référé rendue entre les parties, le 27 septembre 2004, par le tribunal de commerce de Paris ;

Statuant à nouveau :

Condamne par provision la société KELKOO, sous astreinte de 1 000 € (mille euros) par infraction constatée, passé le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision à :

- identifier comme site publicitaire, le site kelkoo.fr, dans le respect des dispositions de l'article 20 de la loi du 21 juin 2004 ;

- en application des articles 2,4,5, 7 de l'arrêté du 1er septembre 1977 et de l'article L 121-1 et L 121-18 du code de la consommation ;

- indiquer les périodes de validité des prix affichés sur son site ;

- présenter les prix toutes taxes comprises mis à jour en temps réel et mentionner l'existence et le montant de frais non compris dans celui-ci, tels frais de transports ou d'enlèvement ;

Déboute la société CONCURRENCE de ses plus amples prétentions ;

Condamne la société KELKOO à verser à la société CONCURRENCE la somme de 12 000 € (douze mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société KELKOO aux dépens, autorisation étant donnée à la SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE-BOYELDIEU, avoué, de les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-François FEDOU, président et par Madame LOMELLINI, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0009
Numéro d'arrêt : 08/00113
Date de la décision : 11/02/2009

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Protection des consommateurs -

Aux termes de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, transposée par la loi du 21 juin 2004, le caractère commercial de la communication est défini comme « toute forme de communication destinée à promouvoir directement ou indirectement des biens, des services, de l'image d'une entreprise, ou d'une personne ayant une activité commerciale industrielle ou artisanale ou exerçant une profession réglementée ». Dès lors qu'une société fournit, moyennant rémunération, aux commerçants co-contractants des espaces sous forme de tableaux dans lesquels les marchandises sont inscrites par catégories de produits, par promotions ou par prix pratiqués, et qu'un lien permet à l'intervenant intéressé par la lecture d'une quelconque offre d' accéder au secteur marchand, donc d'entrer directement dans le magasin virtuel où il peut acheter, elle doit être considérée comme ayant l'activité d'un prestataire de service commercial et publicitaire intervenant dans l'économie marchande et soumis comme tel à l'ensemble des règles régissant celle-ci


Références :

Directive 200/31/CE du 8 juin 2000

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Paris, 27 septembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2009-02-11;08.00113 ?
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