COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 52C
4ème chambre
ARRET No
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 15 DECEMBRE 2008
R. G. No 07 / 03814
AFFAIRE :
Mme Michèle X... épouse Y...
Z...
A...
C /
M. Pascal Y...
Y...
...
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 27 Avril 2007 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de PONTOISE
NoRG : 51-01-000001
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SEP LACHAUD-LEPANY-MANDEVILLE
Me Thierry B...
+ parties
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE HUIT,
La Cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Michèle X... épouse Y...
Z...
A...
...
...
95650 BOISSY L'AILLERIE
représentée par Maître LACHAUD de la SEP LACHAUD-LEPANY-MANDEVILLE avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Monsieur Pascal Y...
Y...
...
95650 COURCELLES SUR VIOSNE
représenté par Maître Thierry COURANT avocat au barreau de CRETEIL
INTIME
****************
Madame Marie-Claude Y...
Y... épouse YY...
71160 VERBE DE VIE VIGNY DIGOIN
Non comparante
INTIMEE DEFAILLANTE
****************
Composition de la Cour :
L'affaire a été débattue en audience publique, le 27 Octobre 2008, devant la Cour composée de :
Madame Geneviève BREGEON, Président,
Madame Catherine MASSON-DAUM, Conseiller,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Christine COLLET
FAITS ET PROCEDURE
M. Paul Y...
Y... a loué en 1973 à M. C...
A... et son épouse, Mme Michèle X... plusieurs parcelles de terre d'une superficie totale de 37 ha 48a 96ca sises à MONTEGEROULT et à BOISSY L'AILLERIE (95). En 1980, un congé pour reprise personnelle des terres avait été délivré aux preneurs. Celui-ci a été annulé par un arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, et le bail renouvelé pour une durée de neuf ans, à compter du 11 novembre 1992 au bénéfice de Mme C...
A..., dont le mari était décédé.
Le 28 août 1995, M. Paul Y...
Y... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de PONTOISE d'une demande d'insertion audit bail de la clause de reprise sexennale au profit de son fils Pascal, et fait délivrer le 3 novembre 1995, conjointement avec ses deux enfants, M. Pascal Y...
Y... et Mme Marie-Claude Y...
Y... épouse YY..., congé à Mme C...
A... à effet du 11 novembre 1998 aux fins de reprise des terres par M. Pascal Y...
Y..., à l'issue de la période sexennale.
Mme C...
A... a contesté ce congé.
M. Paul Y...
Z...
Y... est décédé le 4 février 1996 laissant comme seuls héritiers ses deux enfants qui ont repris l'instance en cette qualité.
Par jugement du 13 mars 1997, le tribunal paritaire des baux ruraux a dit insérée dans le bail la clause de reprise sexennale au profit de M. Pascal Y...
Y... et validé le congé donné à Mme C...
A.... Ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par cette cour par arrêt du 2 février 1999.
Par arrêt du 19 décembre 2000, la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt du 2 février 1999.
Par requête du 10 janvier 2001, Mme C...
A... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de PONTOISE d'une demande de maintien dans les lieux et de poursuite du bail, au motif que le repreneur ne disposait pas à cette date d'une autorisation administrative d'exploiter ses terres. M. Pascal Y...
Y... ayant obtenu cette autorisation par arrêté préfectoral du 20 avril 2001, Mme C...
A... a saisi la juridiction administrative d'une demande d'annulation de cet arrêté.
Par jugement du 13 septembre 2001, le tribunal paritaire des baux ruraux de PONTOISE a sursis à statuer dans l'attente de la décision administrative définitive.
Par arrêt du 26 mai 2005, la cour administrative d'appel de VERSAILLES a annulé l'arrêté préfectoral du 20 avril 2001 ; cette décision est devenue définitive du fait du rejet du recours exercé par M. et Mme Y...
Y... devant le Conseil d'Etat le 26 avril 2006.
Par jugement du 27 avril 2007, le tribunal paritaire des baux ruraux de PONTOISE a :
- déclaré recevable l'ensemble des demandes de Mme C...
A...,
- rejeté les demandes de Mme C...
A... de maintien sur les terres et de renouvellement du bail à compter du 11 novembre 1998 ainsi que celle d'autorisation de cession du bail à son fils Régis Y...
Z...
A...,
- dit que Mme C...
A... est occupante sans droit ni titre des terres de M. Pascal Y...
Y... depuis le 11 novembre 1998,
- ordonné l'expulsion de Mme C...
A... ainsi que celle de tous occupants de son chef, des terres de M. Pascal Y...
Y... dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, avec le concours de la force publique si nécessaire,
- constaté qu'il n'est pas en mesure de chiffrer le préjudice subi par M. Pascal Y...
Y... du fait de l'occupation sans droit ni titre de ses terres,
- avant dire droit sur la demande en dommages et intérêts de M. Pascal Y...
Y..., ordonné une expertise, et désigné M. Didier PILLIAS, pour y procéder,
- dit que l'expert aura pour mission de chiffrer le préjudice de M. Pascal Y...
Y...
du 11 novembre 1998 jusqu'au jour du départ effectif des lieux de Mme C...
A...,
- condamné Mme C...
A... à payer à M. Pascal Y...
Y... la somme de 1. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné Mme C...
A... aux dépens.
Mme C...
A... a relevé appel de ce jugement par lettre recommandée du 16 mai 2007, enregistrée au greffe le 18 mai 2007.
PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions du 27 octobre 2008 développées oralement à l'audience, Mme C...
A..., appelante, demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- dire que le bail s'est renouvelé le 11 novembre 1998,
- ordonner son maintien dans les terres,
- l'autoriser à céder le bail à son fils Régis Y...
Z...
A...,
- débouter les consorts Y...
Y... de leurs demandes reconventionnelles,
- condamner M. Y...
Y... à lui payer la somme de 3. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses conclusions du 27 octobre 2008, développées oralement à l'audience, M. Y...
Y..., intimé, demande à la cour de :
- déclarer Mme C...
A... irrecevable en ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts et à l'expertise,
- condamner Mme C...
A... à lui payer la somme de 233. 518, 68 € à titre d'indemnités d'occupation avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- ordonner l'expulsion de Mme C...
A... et de toute personne de son chef, passé un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, avec le concours de la force publique si nécessaire et ce, sous astreinte définitive de 1. 000 € par jour de retard,
- condamner Mme C...
A... à une amende civile,
- condamner Mme C...
A... à lui payer la somme de 9. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Mme Marie-Claude Y...
Y... épouse YY..., régulièrement convoquée conformément aux dispositions de l'article 937 du Code de procédure civile, n'est ni présente ni représentée à l'audience.
SUR CE LA COUR
Sur la recevabilité des demandes de Mme C...
A...
Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le jugement du 13 septembre 2001 qui a seulement sursis à statuer sur les demandes de Mme C...
A..., n'avait pas autorité de la chose jugée et en ont déduit que les demandes de Mme C...
A... sont recevables ;
Sur le fond du litige
* sur la demande de maintien dans les lieux
Considérant que le congé délivré à Mme C...
A... a été définitivement validé, de sorte que ses demandes de maintien sur les terres ne peuvent être examinées que sur le fondement de l'article L411-66 du Code rural, qui permet un contrôle a posteriori des conditions de la reprise ; qu'en effet ce texte prévoit que s'il est établi que le bénéficiaire de la reprise ne remplit pas les conditions prévues aux articles L 411-58 à L411-63 et L411-67 du code rural ou que le propriétaire n'a exercé la reprise que dans le but de faire fraude aux droits du preneur, celui-ci a droit, soit au maintien dans les lieux si la décision validant le congé n'a pas encore été exécutée, soit à la réintégration dans le fonds ou à la reprise en jouissance des parcelles avec ou sans dommages et intérêts, soit à des dommages et intérêts ;
Considérant que Mme C...
A... critique la reprise des terres en se fondant sur l'absence d'autorisation d'exploiter de M. Pascal Y...
Y... depuis l'annulation de l'arrêté du préfet lui ayant accordé une telle autorisation, par arrêt de la cour administrative d'appel de VERSAILLES du 26 mai 2005 ;
Mais considérant que les conditions de la reprise, lorsque celle-ci n'a pas encore eu lieu, doivent être appréciées au jour où il est statué ;
Considérant que si en application des dispositions antérieures à la loi du 5 janvier 2006, la reprise des terres était subordonnée à l'obtention d'une autorisation administrative d'exploiter, la nouvelle rédaction de l'article L331-2 du Code rural, issue de la loi susvisée ne soumet plus la reprise de biens familiaux détenus depuis plus de neuf ans, et libres de location, qu'à une déclaration préalable, dans le mois suivant le départ effectif de l'ancien exploitant ;
Considérant que les terres objets de la reprise sont recueillies à titre successoral par M. Pascal Y...
Y... et qu'il n'est pas contesté qu'elles étaient détenues par son père depuis plus de neuf ans ; qu'elles sont réputées libres d'occupation puisque le congé donné à Mme C...
A... a été définitivement validé le 2 février 1999 ;
Considérant que l'article 2 du Code civil qui pose le principe de la non rétroactivité de la loi nouvelle ne s'oppose pas à ce que la nouvelle rédaction de l'article L 331-2 II du code rural s'applique immédiatement aux situations en cours, en l'absence de dispositions transitoires contraires, et doit bénéficier à M. Pascal Y...
Y... ; qu'il s'ensuit que la reprise des terres par ce dernier ne nécessitant plus la détention d'une autorisation préalable, le rejet de la demande de maintien dans les lieux de Mme C...
A... et de ses autres demandes relatives à la constatation de renouvellement de son bail et en autorisation de cession de celui-ci à son fils, doit être confirmé ;
* sur la demande d'expulsion de Mme C...
A...
Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte le tribunal paritaire des baux ruraux a ordonné l'expulsion de Mme C...
A... des terres appartenant aux consorts Y...
Y... avec le concours de la force publique si nécessaire ; qu'il suffit de rappeler que le congé donné à Mme C...
A... le 3 novembre 1995 avec effet au 11 novembre 1998, a été définitivement validé par le rejet du pourvoi formé contre l'arrêt du 2 février 1999 ; qu'elle a de fait, par la décision de sursis à statuer du tribunal paritaire des baux ruraux du 13 septembre 2001, bénéficié d'un délai qui doit aujourd'hui amener à confirmer la mesure d'expulsion décidée par les premiers juges, dans le délai de six semaines à compter de la signification du présent arrêt, avec le concours de la force publique si nécessaire, et sous astreinte de 100 € par jour de retard, compte tenu des délais de fait dont elle a bénéficié jusqu'à ce jour ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de prononcer une amende civile ;
* sur la demande de M. Y...
Y... tendant à l'octroi de dommages et intérêts
Considérant que M. Pascal Y...
Y... sollicite l'octroi de dommages et intérêts d'un montant de 233. 518, 68 € au titre de l'occupation sans droit ni titre, avec intérêts au taux légal, et capitalisation de ceux-ci ; que les sommes demandées correspondent selon lui, à la perte des récoltes qui auraient dû lui revenir depuis l'année 1999 ;
Considérant que Mme C...
A... s'oppose à la demande en faisant valoir que son maintien dans les lieux depuis 1999 résulte de deux décisions successives du tribunal paritaire des baux ruraux qui doivent être analysées comme une régularisation judiciaire temporaire de sa situation, et qu'elle ne peut être considérée comme une occupante sans droit ni titre ; qu'elle estime que M. Pascal Y...
Y... n'est pas fondé à revendiquer la perte des bénéfices d'exploitation pendant la période invoquée alors qu'il n'était pas en mesure de reprendre les terres faute d'autorisation administrative d'exploiter ; qu'elle rappelle enfin qu'elle s'est acquittée d'une indemnité équivalente aux fermages durant toutes ces années ; qu'elle conteste être la seule partie à n'avoir pas communiqué ses pièces à l'expert désigné par le tribunal paritaire des baux ruraux ;
Considérant toutefois que Mme C...
A... est occupante des terres litigieuses sans droit ni titre depuis la validation du congé qui lui avait été donné, à effet du 11 novembre 1998 ; qu'elle s'est maintenue sur les terres à ses risques et périls, en introduisant la requête en contestation a posteriori de la reprise des terres, qui est aujourd'hui déclarée mal fondée ; qu'il n'est pas contesté qu'elle a payé une indemnité à M. Pascal Y...
Y... correspondant à l'équivalent des fermages ;
Considérant que l'expert précédemment désigné par le tribunal paritaire des baux ruraux n'a pu remplir sa mission, faute pour les parties de lui avoir adressé leurs pièces ; que ni l'appelante, ni l'intimé ne sollicite de nouvelle mesure d'expertise ; que des pièces estimatives de la rentabilité des terres ont été produites ;
Considérant que le maintien de Mme C...
A... sur les terres a empêché M. Pascal Y...
Y... de les reprendre et de les exploiter personnellement, depuis le congé ; que toutefois ce dernier ne peut se prévaloir que d'une perte de chance des gains qu'il pouvait espérer à partir de l'exploitation de ses terres ; que ce préjudice est en outre diminué des versements effectués par Mme C...
A..., correspondant au montant du fermage ; que la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour fixer l'indemnité due par Mme C...
A... à M. Pascal Y...
Y... à la somme de 50. 000 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; qu'il sera fait droit à la demande de capitalisation desdits intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à M. Pascal Y...
Y... la somme de 3. 000 € au titre des frais non compris dans les dépens d'appel ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation des demandes présentées devant eux sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que Mme C...
A..., partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique et par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en celles relatives aux modalités de l'expulsion de Mme C...
A..., et à la mesure d'expertise,
Statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,
Ordonne la libération par Mme C...
A... des terres de M. Pascal Y...
Y..., objets du congé du 3 novembre 1995, dans le délai de six semaines à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard, passé ce délai,
Dit qu'il pourra être procédé à l'expulsion de Mme C...
A... ainsi que celle de tous occupants de son chef avec le concours de la force publique,
passé ce même délai de six semaines ;
Condamne Mme C...
A... à payer à M. Pascal Y...
Y... la somme de 50. 000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts dus conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
Condamne Mme C...
A... à payer à M. Pascal Y...
Y... la somme de 3. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ;
Condamne Mme C...
A... aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé par Madame Geneviève BREGEON, président, et signé par Madame Geneviève BREGEON, président et par Madame Marie-Christine COLLET, greffier, présent lors du prononcé.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,