COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
2ème chambre 1ère section
ARRÊT No
CONTRADICTOIRE
CODE NAC : 20J
DU 01 AVRIL 2008
R.G. No 07/03830
AFFAIRE :
X... De Las Mercédès Y... Z... épouse A...
C/
Jean-Louis, Albert A...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 janvier 2007 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
JAF. : Isabelle B...
No RG : 01/7758
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
SCP JULLIEN
SCP DEBRAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE PREMIER AVRIL DEUX MILLE HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame X... De Las Mercédès Y... Z... épouse A...
née le 05 juin 1953 à VALLADOLID (ESPAGNE), de nationalité française
...
95170 DEUIL LA BARRE
représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoué - No du dossier 20070636
assistée de Me Dorothée C..., avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Monsieur Jean-Louis, Albert A...
né le 08 avril 1949 à ORAN (ALGÉRIE), de nationalité française
...
93800 EPINAY SUR SEINE
représenté par la SCP DEBRAY-CHEMIN - No du dossier 07000606
Rep/assistant : Me Matthieu MAILLET (avocat au barreau de PONTOISE)
INTIME
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 04 Mars 2008, en chambre du conseil, Madame Sylvaine COURCELLE, Présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sylvaine COURCELLE, président,
Madame Martine LE RESTIF DE LA MOTTE COLLAS, conseiller,
Madame Béatrice BIONDI, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Line F... ET PROCÉDURE
Jean-Louis A... et Maria Y... Z... se sont mariés le 4 août 1973 devant l'officier d'état civil de BEZONS (Val d'Oise), sans contrat de mariage. Deux enfants sont issus de cette union :
- Christophe, né le 28 octobre 1974,
et Alexandre, né le 18 juin 1976.
Autorisée par ordonnance de non-conciliation du 5 février 2002, Maria Y... Z... a assigné son conjoint en divorce, le 22 mars 2002, sur le fondement de l'article 242 du code civil.
Par jugement en date du 16 janvier 2007, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de PONTOISE a notamment :
- prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de Jean-Louis A... ;
- condamné Jean-Louis A... à payer à Maria Y... Z..., à titre de prestation compensatoire, la somme de 30 000 euros, sous la forme de huit versements annuels de 3 750 euros ;
- indexé la prestation compensatoire ;
- condamné Jean-Louis A... à payer à Maria Y... Z... la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil ;
- débouté Maria Y... Z... de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- condamné Jean-Louis A... aux dépens.
Le juge a autorisé Maria Y... Z... à conserver l'usage du nom marital mais a omis de rependre cette disposition dans le dispositif du jugement.
*
Maria Y... Z... a interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 mai 2007. Dans ses dernières conclusions du 8 février 2008, elle a demandé à la Cour de :
- condamner Jean-Louis A... à lui verser une prestation compensatoire selon les modalités suivantes :
- attribution en pleine propriété de l'appartement commun sis ... à DEUIL LA BARRE, d'un montant évalué à la somme de 251 622 euros, par abandon en nature des droits que Jean-Louis A... pourrait revendiquer sur ce bien immobilier relevant de la communauté ;
- ordonner toutes les mentions nécessaires à la publication du titre de propriété, dans les formes prescrites par le décret no 55-22 du 4 janvier 1955, portant réforme de la publicité foncière, afin que la décision rendue puisse être directement publiée au bureau des hypothèques sans que les parties aient besoin d'avoir recours à un acte notarié pour ce faire ;
- un capital d'un montant de 80 000 euros ;
- une rente mensuelle de 1 500 euros à compter du 1er juillet 2013, indexée ;
- au titre des dommages et intérêts, condamner Jean-Louis A... à lui verser :
- la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 266 du code civil ;
- la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
- confirmer le jugement pour le surplus ;
- débouter Jean-Louis A... de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- y ajoutant, condamner Jean-Louis A... à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux entiers dépens.
Maria Y... Z... fait valoir qu'elle a subi pendant près de trente ans les violences physiques, sexuelles et verbales de Jean-Louis A... ; que ce dernier l'a ensuite abandonnée financièrement et moralement ; qu'il s'est montré tyrannique, injurieux et dominateur ; qu'il n'a pas hésité à bloquer les comptes bancaires ou à confisquer téléphone et ordinateur ; qu'il s'est désintéressé d'elle, la laissant seule alors qu'elle se trouvait à l'hôpital ; qu'au contraire, elle est restée à côté de Jean-Louis A... lors de ses dépressions.
Elle indique qu'elle a abandonné toute activité professionnelle depuis l'âge de 21 ans afin de se dévouer à sa famille ; qu'elle donne des cours de peinture sur soie de façon bénévole et qu'elle ne perçoit pas de revenus de cette activité.
Elle relève que Jean-Louis A... est directeur adjoint d'agence bancaire et qu'il bénéficie de revenus confortables ; qu'il a organisé son insolvabilité en usant de placements bancaires ; qu'il n'a pas justifié de ses revenus.
Dans ses dernières conclusions du 21 janvier 2008, Jean-Louis A... a demandé à la cour de :
- dire Maria Y... Z... recevable mais mal fondée en son appel, l'en débouter ;
- prononcer le divorce des époux à leurs torts partagés ;
si la cour devait confirmer le prononcé du divorce à ses torts exclusifs :
- débouter Maria Y... Z... de sa demande de dommages et intérêts ;
- ramener à un montant symbolique la prestation compensatoire allouée à Maria Y... Z... ;
- condamner Maria Y... Z... aux entiers dépens.
Il s'est également opposé à ce que Maria Y... Z... puisse conserver l'usage du nom marital ( demande non reprise dans le dispositif de ses conclusions).
Jean-Louis A... fait valoir que les juges du tribunal correctionnel ont reconnu que son raisonnement était altéré lorsqu'il a commis des faits de violence sur son épouse ; que ces actes sont demeurés isolés ; qu'il a toujours eu une attitude aimante envers son épouse ; qu'il a été victime de cinq attaques à main armée dont l'une pendant laquelle il a été pris en otage ; que depuis ces évènements, il souffre de dépression ; que Maria Y... Z... a favorisé, par son attitude, le mutisme dans lequel il s'est enfermé.
Il soutient que Maria Y... Z... a retrouvé un emploi qui lui assure un revenu mensuel de 1 500 euros ; qu'elle également perçu des revenus grâce à son activité de peinture sur soie, qu'elle n'a pas déclarée.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la Cour renvoie aux écritures déposées et développées à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que les dispositions non critiquées de la décision seront confirmées ;
Sur le prononcé du divorce
Considérant que c'est avec raison et par des motifs que la cour adopte que le premier juge a retenu à l'encontre de Jean-Louis A... le grief de violences (celui-ci ayant été condamné pour ces faits par arrêt de la cour de céans) et le grief d'abandon financier (une procédure de paiement direct ayant due être engagée pour que la pension alimentaire soit versée) ;
Considérant que le fait que Jean-Louis A... sollicite le prononcé du divorce aux torts partagés des époux, implique nécessairement qu'il reconnaît, au moins partiellement, ses torts dans la rupture ;
Considérant que Jean-Louis A... n'articule pas de faits précis au soutien de sa demande reconventionnelle ;
Considérant qu'il semble reprocher à son épouse de ne pas avoir été attentive à ses difficultés psychologiques, engendrées par les agressions qu'il a subies dans on milieu professionnel ;
Considérant que si ses difficultés sont avérées (puisque Jean-Louis A... est en arrêt de travail suite aux agressions survenues sur son lieu de travail), il n'apporte aucun élément tendant à établir l'indifférence de Maria Y... Z... ;
Considérant qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs de Jean-Louis A... ;
Sur l'usage du nom marital
Considérant que cette demande est justifiée par la durée du mariage (34 ans) ;
Considérant que cette disposition sera confirmée ; étant relevé qu'il convient de rectifier le jugement afin d'ajouter cette disposition à son dispositif ;
Sur les dommages et intérêts
Considérant qu'il est établi que la dissolution du mariage a causé à Maria Y... Z... un préjudice, en raison de son âge et du fait qu'elle n'avait pas exercé d'activité professionnelle pendant la vie commune ; que ce préjudice a été justement évalué par le juge aux affaires familiales ;
Considérant que ce dernier a fait justement remarqué que Maria Y... Z... avait déjà été indemnisée dans le cadre de l'instance pénale ; qu'elle n'apporte pas la preuve de fautes différentes de celles ayant justifié le divorce ;
Considérant que la décision du juge aux affaires familiales sera confirmée en ce qui concerne les dommages et intérêts ;
Sur la prestation compensatoire
Considérant qu'en application de l'article 270 du code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, en fonction de la situation au moment du prononcé du divorce et de l'évolution dans un avenir prévisible.
Considérant qu'il y a lieu de tenir compte, notamment, de l'âge et de l'état de santé des époux, de la durée du mariage, du temps déjà consacré ou à consacrer pour l'éducation des enfants, de la qualification et de la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail, de leurs situations respectives en matière de pension de retraite et de patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
Considérant que le mariage a duré 34 ans ; que deux enfants en sont issus ;
Considérant que Jean-Louis A..., âgé de 58 ans, a déclaré sur l'honneur percevoir mensuellement :
au titre des retraites 2 510,42 euros
au titre d'une rente accident 51,50 euros
au titre des revenus fonciers 58,08 euros
au titre des revenus mobiliers 7,75 euros
Considérant qu'il a apparaît qu'en 2005, Jean-Louis A... a déclaré 13 001 euros ;
Considérant qu'il n'a pas versé aux débats sa déclaration 2006 ;
Considérant que, selon ses écritures, il semble percevoir 2 627 euros par mois ;
Considérant qu'à 60 ans, il sera mis à la retraite et percevra une rente dont il ne justifie pas mais qui sera supérieure aux chiffres qu'il avance puisqu'il percevra des retraites complémentaires qu'il a nécessairement souscrites ;
Considérant qu'il indique :
au titre des valeurs mobilières 24 002 euros
un CODEVI de 17 824 euros
une assurance-vie, des parts de société et
des parts de SCI à hauteur de 10 675 euros
Considérant qu'outre les frais courants, il expose payer un loyer mensuel de 495 euros ;
Considérant que Maria Y... Z..., âgée de 54 ans, n'a pas travaillé pendant la vie commune ; que cette inactivité ne peut lui être reprochée, s'agissant d'une décision qui a été prise en commun par le couple ;
Considérant que l'épouse a repris une activité professionnelle ; qu'elle a déclaré sur l'honneur percevoir 1 447 euros par mois au titre de son salaire ;
Considérant qu'elle possède des valeurs mobilières au CRÉDIT AGRICOLE ;
Considérant qu'elle a détaillé ses charges ;
Considérant que Maria Y... Z... a perdu des droits à la retraite ; que même si elle a repris une activité professionnelle, sa pension sera particulièrement faible ;
Considérant que le couple est propriétaire d'un appartement évalué à 251 622 euros au 27 octobre 2007 ;
Considérant qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, il convient de dire que la prestation compensatoire s'exécutera sous forme de l'abandon en pleine propriété à Maria Y... Z... des droits de Jean-Louis A... sur le bien immobiliers sis ... à DEUIL-la-BARRE, évalué à 125 811 euros ;
Considérant qu'il convient de débouter Maria Y... Z... du surplus de ses demandes, notamment de celle relative à la publication du titre de propriété, qu'il lui appartient d'effectuer ;
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Maria Y... Z... les frais irrépétibles du procès, tant en première instance qu'en appel, évalués à la somme globale de 2 500 euros ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE, en dernier ressort et après débats en chambre du conseil,
RECTIFIE le jugement rendu le 16 janvier 2007 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de PONTOISE en ce que la mention :
" autorise Maria Y... Z... à conserver l'usage du nom marital"
doit être ajoutée à son dispositif ;
ORDONNE MENTION de la présente décision rectificative en marge du jugement sus visé ;
DIT qu'aucune expédition de cette décision ne pourra être délivrée sans contenir la mention dont s'agit ;
CONFIRME le jugement sus-visé sauf sur les modalités d'acquittement de la prestation compensatoire et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
LE RÉFORME sur ces points et, statuant à nouveau :
- DIT que la prestation compensatoire prendra la forme de l'attribution en pleine propriété à Maria Y... Z... des parts de Jean-Louis A... sur le bien immobilier commun sis ..., estimé à 125 811 euros ;
- DIT y avoir application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Jean-Louis A... à payer à Maria Y... Z... la somme globale de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant pour le procès de première instance que d'appel ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE Jean-Louis A... aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement, pour ces derniers, par la SCP JULLIEN LÉCHARNY ROL FERTIER, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Sylvaine COURCELLE, président et par Denise VAILLANT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT