COUR D' APPEL DE VERSAILLES
12ème chambre section 2
A. M. / P. G. Code nac : 30F
ARRET No
contradictoire
DU 27 MARS 2008
R. G. No 07 / 00974
AFFAIRE :
Ali X...
C /
OPDHLM DES HAUTS DE SEINE venant aux droits de l' Office Municipal des HLM ASNIERES HABITAT
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 5 Décembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No Chambre : 7
No Section :
No RG : 05 / 02608
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
SCP BOMMART MINAULT
SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD E. D.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT SEPT MARS DEUX MILLE HUIT,
La cour d' appel de VERSAILLES, a rendu l' arrêt suivant dans l' affaire entre :
Monsieur Ali X... demeurant...
92600 ASNIERES SUR SEINE.
représenté par la SCP BOMMART MINAULT, avoués- No du dossier 00034115
Rep / assistant : Me Sabrina TCHAMBAZ, avocat au barreau de PARIS (A. 989).
APPELANT
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OPDHLM DES HAUTS DE SEINE venant aux droits de l' Office Municipal des HLM ASNIERES HABITAT ayant son siège... 92300 LEVALLOIS PERRET, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représenté par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués- No du dossier 0743776
Rep / assistant : Me Didier OUARD, avocat au barreau de PARIS (C. 687)
INTIME
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l' article 786 du code de procédure civile, l' affaire a été débattue à l' audience publique du 14 Février 2008 les avocats des parties ne s' y étant pas opposés, devant Monsieur Albert MARON, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Albert MARON, Président, (rédacteur)
Monsieur Jacques BOILEVIN, Conseiller,
Monsieur Denis COUPIN, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie- Thérèse GENISSEL,
FAITS ET PROCEDURE :
Suivant acte sous seing privé en date du 1er janvier 1995, l' OPHLM de la ville d' Asnières, aux droits duquel se trouve désormais l' OPHLM DES HAUTS DE SEINE, a consenti à Divinthy Y... un bail commercial portant sur des locaux à usage de charcuterie, situés..., pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 1995.
Par acte authentique du 3 janvier 2002, Divinthy Y... a cédé son fonds de commerce comprenant le droit au bail à Ali X....
L' OPHLM a fait successivement délivrer à Ali X... :
- suivant exploit du 30 mai 2003, une sommation de respecter les clauses du bail relatives à la destination des locaux et à l' exercice de l' activité sans nuisance pour les voisins, dans le délai d' un mois ;
- par exploit du 30 juin 2003, un congé pour le 31 décembre 2003, avec refus de renouvellement sans paiement d' une indemnité d' éviction pour non respect des clauses du bail,
- suivant exploit du 03 septembre 2004, un commandement de respecter bail visant la clause résolutoire et l' obligation d' exploitation effective des lieux.
Par assignation du 28 janvier 2005, Ali X... a fait citer l' OPHLM de la ville d' Asnières devant le tribunal de grande instance de NANTERRE aux fins de voir fixer l' indemnité d' éviction à la somme de 44. 060 euros et de le voir condamner à lui verser cette somme.
L' OPHLM DES HAUTS DE SEINE concluait au débouté d' Ali X... et reconventionnellement demandait au tribunal, à titre principal, de dire que le changement de l' activité commerciale prévue au bail constituait une faute grave et légitime de non renouvellement du bail, de valider le congé délivré le 30 juin 2003 et de prononcer l' expulsion du demandeur.
Par le jugement déféré, en date du 5 décembre 2006, le tribunal de grande instance de Nanterre a notamment validé le congé délivré avec refus de renouvellement du bail, sans paiement d' une indemnité d' éviction, constaté que le bail avait pris fin le 31 décembre 2003, ordonné l' expulsion du preneur et fixé l' indemnité d' occupation.
Au soutien de l' appel qu' il a interjeté contre cette décision, Ali X... fait valoir qu' il n' existe pas de motif grave et légitime susceptible de justifier le refus de renouvellement, sans indemnité, de son bail. Il est en effet d' usage, en région parisienne, que l' activité de charcuterie englobe celle de traiteur. Au demeurant, les deux preneurs précédents des locaux exploitaient, eux aussi, une activité de sandwicherie et de traiteur. Il soutient que par ailleurs, il résulte du procès verbal de constat qui lui est opposé qu' il aurait exercé certes à titre principal, l' activité de sandwicherie, mais aussi, subsidiairement, celle de charcuterie.
Sur le non- respect d' exercer son activité sans nuisances sonores pour les voisins, Ali X... fait valoir que les agissements reprochés ne lui sont pas personnellement imputables, mais trouvent leur origine dans ceux de tiers, sans liens avec lui.
Sur le défaut d' exploitation et de garnissage des lieux loués, Ali X... souligne qu' il existe un motif légitime à cet état de fait. En effet, compte tenu de la résiliation de son bail, il a dû se faire radier du registre du commerce. Au surplus, il n' a pu remédier à la panne de la chambre froide, dans la mesure où il ne pouvait engager les frais importants de remise en état de celle- ci.
Aussi demande-t-il à ce que soit fixée une indemnité d' éviction. A ce titre, il demande 44. 060 €.
A titre subsidiaire, il fait valoir que l' OPHLM a commis une réticence dolosive lors de la cession du fonds effectuée à son profit, en n' en sollicitant pas l' annulation, eu égard au fait qu' il ne possède pas la qualification professionnelle qui lui aurait permis d' exercer la profession de charcutier. Aussi demande- t- il la condamnation de ce bailleur à lui payer 21. 871, 80 €. Il sollicite en outre 20. 000 € de préjudice professionnel, 25. 000 € de préjudice moral. En cas d' expulsion locative, il sollicite condamnation de l'OPHLM à le reloger ou à assumer les frais de son relogement.
Enfin, il demande condamnation de l' OPHLM à lui payer 2. 000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile.
L' OPHLM des HAUTS DE SEINE fait valoir qu' il est largement démontré par le procès- verbal de constat qu' elle verse aux débats qu' Ali X... a changé l' activité exercée dans les lieux, en substituant l' activité de sandwicherie à celle de charcutier. Cela résulte en outre du K bis d' Ali X... où, sous la rubrique " activité ", figure exclusivement la mention " vente de plats cuisinés à emporter, sandwicherie ".
Il souligne par ailleurs que la cessation d' activité d' Ali X... plus d' un mois avant la fin du bail le rend irrecevable à demander une indemnité d' éviction.
S' agissant des nuisances, l' OPHLM relève qu' il résulte du constat produit aux débats que les bruits et nuisances provenaient des clients d' Ali X..., notamment lorsqu' ils consommaient ses produits " adossés contre la façade " ou à proximité.
Subsidiairement, l' OPHLM discute le montant de l' indemnité d' éviction demandée par Ali X.... Il s' oppose aux demandes de dommages intérêts fondées sur le dol allégué à son encontre, soulignant qu' il n' était pas partie à l' acte de cession du fonds de commerce et que son agrément n' était pas requis.
Enfin, l' OPHLM demande condamnation d' Ali X... à lui payer 2. 000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
Attendu que le bail dont bénéficie Ali X... porte à la rubrique " destination " : " les locaux objet du présent bail sont destinés exclusivement à la charcuterie " ;
Attendu qu' il résulte, sans la moindre équivoque, du procès- verbal de constat de Maître A... qu' Ali X... exploitait exclusivement un commerce de sandwicherie, plats et boissons à emporter, à l' exclusion de toute activité de charcuterie ; que si ce procès- verbal mentionne, notamment, que le 1er avril 2003 à 21 h, " la charcuterie est toujours ouverte à cette heure- là ", c' est pour poursuivre " et je constate que de nombreux clients viennent exclusivement pour l' activité de sandwichs- boissons " ; qu' on ne saurait dès lors inférer du terme " la charcuterie " le fait qu' une activité charcutière aurait été exercée dans les lieux, dès lors que, dans le même constat, il est mentionné par la suite " dans la boutique, les produits traditionnels vendus en charcuterie sont absents " ; qu' ainsi la désignation de " charcuterie " n' est que la désignation des locaux, selon l' affectation qui aurait dû, juridiquement, être la leur ; que de même le fait que le constat indique que " de nombreux clients " ne viennent que pour l' activité de sandwichs- boissons ne signifie nullement que d' autres viendraient pour l' activité charcuterie, mais qu' ils peuvent venir pour celle de plats à emporter, acquérir des yaourts, tous produits mentionnés en divers endroit, dans ledit constat ;
Attendu enfin qu' Ali X... lui- même déclare n' avoir pas la qualification permettant d' exercer l'activité de charcutier et qu' il n' allègue pas non plus avoir employé un tiers qui aurait eu une telle qualification et aurait assuré le contrôle effectif et permanent requis pour l' exercice de cette activité ;
Attendu que s' il est justifié de ce que Divinthy Y... et le prédécesseur de celui- ci- Z...-, qui étaient titulaires du bail avant Ali X..., ont exercé une activité de traiteur, il résulte des mêmes documents (menus de fête " Z... " et attestation " Y... ") que l' un et l' autre de ceux- ci exerçaient, de façon concomittante, la charcuterie ; qu' au demeurant n' eussent- ils pas exercé cette dernière activité que cette circonstance ne justifierait pas qu' après mise en demeure de se conformer aux clauses de son bail, Ali X... n' ait pas obtempéré ;
Attendu qu' Ali X... a été mis en demeure, par sommation du 20 mai 2003, d' avoir à se conformer aux clauses du bail, notamment en ce qui concerne la destination contractuelle des locaux, qui devaient être exclusivement consacrés à l' activité de charcuterie ;
Attendu en effet que ce preneur, comme cela résulte notamment du procès- verbal de constat de la même date, " vend (ait) des sandwichs et différents plats à emporter " et qu' " à l' intérieur du magasin, la quasi totalité des produits proposés à la vente (était) de type sandwicherie ", qu' en outre " de nombreuses canettes de sodas et de jus de fruits (étaient) présentes " sur les rayons, où figuraient par ailleurs des yaourts ; que ce constat précise que " dans la boutique, les produits traditionnels vendus en charcuterie (étaient) absents " ;
Attendu que ces éléments sont confortés par l' extrait K bis qui indique, comme activités de l' entreprise, la vente de plats cuisinés à emporter et celle de sandwicherie ;
Attendu que ce même document précise que cette activité était exercée non seulement antérieurement à la sommation, depuis le 14 avril 2002, mais encore jusqu' au 22 novembre 2003 ;
Attendu qu' il résulte de ces éléments qu' Ali X... n' a pas déféré à la sommation, visant les dispositions de l' article L145- 17 du code de commerce, qui lui a été faite ;
Attendu, dans ces conditions que c' est à bon droit et pour des motifs que la cour adopte en ce qu' ils ne sont pas contraires aux présents motifs, que le premier juge a estimé que le changement de destination des lieux, sans qu' aient été observées les prescriptions des articles L145- 48 et suivants du code de commerce, constituait une cause grave et légitime justifiant le refus du renouvellement du bail, sans paiement d' une indemnité d' éviction, après envoi d' une mise en demeure restée infructueuse ;
Attendu par ailleurs et surabondamment que la sommation du 20 mars 2003 mettait en outre Ali X... en demeure de respecter son obligation contractuelle d' exercer son activité sans nuisances sonores pour les voisins ;
Attendu qu' il résulte du procès verbal de constat précité relève en outre que des acheteurs qui quittaient le commerce d' Ali X... consommaient la marchandise acquise " adossés contre la façade " ou à proximité ; que les attroupements qui en résultaient causaient des nuisances sonores au voisinage ; que contrairement aux affirmations d' Ali X..., ces nuisances ne sauraient être considérées comme le fait de tiers et ne pas lui être imputables dès lors que, vendant des denrées à consommer immédiatement (au demeurant, et ainsi qu' il a été indiqué précédemment, en contravention aux clauses du bail), Ali X... est directement responsable, dès lors qu' il ne prenait aucune mesure pour y mettre fin ou les éviter, des nuisances causées par les clients qui adoptent, au sortir de son commerce, une attitude qu' il est légitime de prévoir ;
Attendu qu' Ali X... ne prétend pas avoir pris la moindre mesure pour mettre fin, postérieurement à la sommation qui lui en a été faite, à ces nuisances, se contentant de prétendre qu' il ne saurait en être tenu responsable ;
Attendu qu' Ali X... demande subsidiairement réparation du préjudice qu' il aurait subi du fait d' une réticence dolosive de l' OPHLM qui ne s' est pas opposée à la signature de la cession du fonds de commerce à son profit, alors qu' il n' avait pas la qualification professionnelle pour exercer la profession de charcutier ;
Attendu cependant que l' OPHLM n' était pas partie à l' acte de cession du fonds ;
Attendu par ailleurs que si l' article 16- I de la loi no 96- 603 du 5 juillet 1996 soumet l' exercice de certaines activités relevant du secteur de l' artisanat- dont la préparation ou la fabrication de produits frais de charcuterie- à une qualification, cette exigence se borne à ce que ces activités soient exercées par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci ; qu' il en résulte qu' il est loisible à une personne qui, comme Ali X..., n' a pas la qualification pour l' activité à l' exercice de laquelle les lieux qu' il entend louer sont exclusivement destinés, a toute faculté pour louer ces lieux ou acquérir le fonds et exercer ensuite l' activité conventionnellement convenue sous le contrôle effectif et permanent de tout salarié qualifié qu' il entendra employer ; que dans ces conditions, l' OPHLM n' aurait eu aucun motif pour s' opposer à la cession, au profit d' Ali X..., du fonds de commerce que celui- ci a acquis ; que la demande d' Ali X... fondée sur une prétendue réticence dolosive de l' OPHLM est, dès lors, dépourvue de tout fondement ;
Attendu enfin qu' Ali X... forme une demande reconventionnelle en relogement ; qu' il fonde cette demande sur la faute de l' OPHLM ;
Attendu cependant qu' aucune faute, autre que celles dont l' existence vient d' être écartée, n' est alléguée à la charge de l' OPHLM ;
Attendu en conséquence qu' Ali X... sera débouté de l' ensemble de ses demandes ;
Attendu que si l' OPHLM demande l' infirmation du jugement déféré en ce qu' il a déterminé le montant de l' indemnité d' occupation, il n' avance aucun motif pour l' obtention d' une telle infirmation ; que l' appréciation faite par les premiers juges mérite d' être confirmée ;
Attendu que l' équité conduit à condamnation d' Ali X... à payer à l' OPHLM des Hauts de Seine la somme de 1. 000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, contradictoirement, et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant plus avant,
Déboute Ali X... de ses demandes reconventionnelles,
Le condamne à payer à l' OPHLM la somme de 1. 000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens,
Admet la SCP LISSARRAGUE- DUPUIS- BOCCON- GIBOD, avoués, au bénéfice des dispositions de l' article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l' article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,