COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70H
4ème chambre expropriations
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 11 MARS 2008
R. G. No 07 / 04284
AFFAIRE :
S. I. A. H.
C /
M. Jean- Luc X...
...
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 04 Mai 2007 par le juge de l'expropriation de PONTOISE
RG no : 06 / 67
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Michel GENTILHOMME
+ Parties
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE ONZE MARS DEUX MILLE HUIT,
La Cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT HYDRAULIQUE DES VALLEES DU CROULT ET DU PETIT ROSNE " S. I. A. H.
domicile élu chez Maître GENTILHOMME, avocat
9, boulevard Jean Jaurès
95300 PONTOISE
représenté par Maître Michel GENTILHOMME avocat au barreau de PONTOISE, vestiaire : 142
APPELANT
****************
Monsieur Jean- Luc X...
...
95440 ECOUEN
Comparant
Madame Nicole Y... épouse X...
...
95440 ECOUEN
Comparante
INTIMES
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Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Monsieur Frédéric CHOLLET représentant Monsieur le TRESORIER PAYEUR GENERAL DES YVELINES, Trésorerie Générale des Yvelines France Domaine 16, avenue de Saint Cloud-78018 VERSAILLES CEDEX selon pouvoir spécial en date du 8 janvier 2008,
Composition de la Cour :
L'affaire a été débattue le 05 Février 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Geneviève BREGEON, Président,
Monsieur Olivier B..., Vice- Président au Tribunal de Grande Instance de CHARTRES,
Madame Michèle C..., Juge au Tribunal de Grande Instance de NANTERRE,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marie- Claire THEODOSEFAITS ET PROCEDURE,
M Jean- Luc X... et son épouse, Mme Nicole Y..., sont propriétaires de la parcelle de terrain sise 7 rue Georges Clemenceau à Ecouen (95) cadastrée section AL 299 qui a fait l'objet d'une procédure d'expropriation partielle, par prélèvement sur celle cadastrée section AL 26, poursuivie par le Syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne (SIAH), dans le cadre de la dérivation des eaux pluviales de ce dernier.
Par arrêt du 4 mai 2006 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé le jugement rendu le 9 septembre 2004 par le tribunal administratif de Cergy Pontoise, annulant l'arrêté du 18 mars 1999 par lequel le préfet avait déclaré cette opération d'utilité publique et celui du 11 octobre 2000 par lequel il avait déclaré cessible la superficie de 65 m ² prise sur la parcelle de M et Mme X....
Au vu de cet arrêt, M et Mme X... ont saisi le juge de l'expropriation de Pontoise, le 10 juillet 2006, en lui demandant de :
* constater la perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation du 30 novembre 2000,
* prononcer l'annulation de celle- ci,
* condamner le SIAH à leur payer une somme de 30. 000 € à titre de dédommagement forfaitaire des préjudices subis outre celle de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
* condamner le SIAH aux frais de publicité foncière et aux dépens.
Par jugement en date du 4 mai 2007, celui- ci a :
* constaté que l'ordonnance d'expropriation en date du 30 novembre 2000 est dépourvue de base légale,
* dit en conséquence que ladite ordonnance est de nul effet,
* condamné le SIAH à payer à M et Mme X... la somme de 10. 500 € à titre de dommages- intérêts,
* débouté M et Mme X... du surplus de leurs prétentions,
* dit que les dépens seront supportés par l'autorité expropriante en ce compris les frais de publicité foncière.
Parallèlement, M et Mme X... ont rétabli le pourvoi en cassation formé contre la susdite ordonnance d'expropriation du 30 novembre 2000, retiré du rôle dans l'attente de la décision définitive de la juridiction administrative, et, par arrêt en date du 5 juin 2007, la Cour de Cassation a annulé cette ordonnance en disant n'y avoir lieu à renvoi.
LA COUR
Vu l'appel formé par le SIAH au greffe de la cour, le 6 juin 2007, à l'encontre du jugement en date du 4 mai 2007,
Vu le mémoire déposé le 3 août 2007, notifié par le greffe de la cour le 29 août 2007 à M et Mme X... et au commissaire du gouvernement, par lequel le SIAH, poursuivant la réformation du jugement déféré, demande à la cour, au visa de la loi des 16-24 août 1790, des articles L 12-5 et R 12-5-1 et suivants du Code de l'expropriation, 92 et suivants du Code de procédure civile, 1382 et suivants du Code civil :
* à titre principal, d'infirmer ce jugement en ce qu'il a statué sur l'indemnisation des préjudices invoqués par M et Mme X... et de renvoyer ces derniers à mieux de pourvoir,
* à titre subsidiaire, de débouter M et Mme X... de leurs demandes indemnitaires,
Vu le mémoire accompagné de documents déposé le 1er octobre 2007, notifié le 2 octobre 2007 par le greffe de la cour au SIAH et au commissaire du gouvernement, par lequel M et Mme X..., intimés, demandent à la cour de :
* constater l'irrecevabilité de l'appel,
* à défaut, rejeter l'exception d'incompétence et confirmer le jugement entrepris,
* en tout cas, condamner le SIAH à leur payer :
** des intérêts de retard au taux légal sur le montant des dommages- intérêts à compter de la date du jugement de première instance,
** la somme de 4. 000 € en remboursement de leurs frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les conclusions adressées par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 novembre 2007, notifiées le 6 novembre 2007 par le greffe de la cour à M et Mme X... et au SIAH, par lesquelles le commissaire du gouvernement :
* propose à la cour, si elle se déclare compétente, d'infirmer le jugement entrepris afin de réduire l'indemnité de 1. 500 € à 219 € par m ² de l'emprise de 65 m ² et par an,
* s'en rapporte sur les conditions de mise en oeuvre de l'article 700 du Code de procédure civile
* et attire l'attention des parties sur la nécessité de négocier entre elles une servitude de canalisation pour permettre l'achèvement des travaux de défense contre les inondations,
Vu le mémoire en réponse accompagné de documents déposé le 6 décembre 2007, notifié le 11 décembre 2007 par le greffe de la cour au SIAH et au commissaire du gouvernement, par lequel M et Mme X..., intimés, réitèrent leurs demandes du 1er octobre 2007,
Vu les convocations adressées le 7 janvier 2008 par le greffe de la cour pour l'audience du 5 février 2008,
SUR CE,
Considérant que M et Mme X... soulèvent l'irrecevabilité de l'appel du SIAH au motif que celui- ci a été formé avant qu'ils ne lui notifient le jugement ; mais que l'article R 12-5-6 du Code de l'expropriation, s'il impartit un délai d'un mois à compter de la notification du jugement pour interjeter appel, n'interdit pas d'exercer un tel recours avant cette notification et se borne en conséquence à fixer le délai au- delà duquel celui- ci serait irrecevable ; qu'il s'ensuit que l'appel, relevé le 6 juin 2007 avant la notification du 19 septembre 2007, est recevable ;
Considérant que M et Mme X... font valoir à bon droit que les conclusions du commissaire du gouvernement contenant son appel incident sont irrecevables, puisqu'elles ont été adressées au greffe de la cour le 5 novembre 2007 au- delà du délai d'un mois imparti par l'article R 13-49 du Code précité, à compter de la notification du mémoire de l'appelant principal, et qui a commencé à courir, en l'espèce, le 29 août 2007 ;
Considérant que M et Mme X... invoquent vainement les articles 74 et 75 du Code de procédure civile pour prétendre que le SIAH est irrecevable à soulever l'incompétence du juge de l'expropriation au motif qu'il ne désigne pas la juridiction devant laquelle l'affaire doit être portée, dans la mesure où, dans les motifs de son mémoire susvisé (page 9), celui- ci fait connaître que la juridiction administrative est compétente ;
Considérant que M et Mme X... agissent sur le fondement des articles L 12-5 et R 12-5-4 du Code de l'expropriation afin d'obtenir réparation des préjudices subis à raison de la perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation tout en indiquant utiliser, par ailleurs, l'arrêt rendu le 5 juin 2007 par la Cour de Cassation, annulant cette ordonnance, pour procéder aux formalités de publicité foncière sur leur bien ; que cette annulation rend sans objet leur demande tendant à la constatation de la perte de base légale de ladite ordonnance d'expropriation, en sorte que ne subsiste que leur demande d'indemnisation du fait de l'indisponibilité de leur parcelle jusqu'à l'arrêt de la Cour de Cassation et du préjudice moral dont ils se prévalent ;
Considérant que, selon l'alinéa 2 de l'article L 12-5, en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale ;
Qu'aux termes de l'article R 12-5-4, " le juge constate, par jugement, l'absence de base légale du transfert de propriété et en précise les conséquences de droit.
a) Si le bien exproprié n'est pas en état d'être restitué, l'action de l'exproprié se résout en dommages et intérêts ;
b) S'il peut l'être, le juge désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble dont la propriété est restituée.
Il détermine également les indemnités à restituer à l'expropriant et statue sur la demande de l'exproprié en réparation du préjudice causé par l'opération irrégulière. Il précise que la restitution à l'exproprié de son bien ne peut intervenir qu'après paiement par celui- ci des sommes mises à sa charge, après compensation " ;
Que ce dernier texte précise ensuite les possibilités offertes au juge lorsqu'il doit se prononcer sur le sort des ouvrages ou plantations réalisés sur le bien restitué ;
Considérant qu'il est constant que le SIAH n'a jamais pris possession de l'emprise expropriée et que l'indemnité de dépossession, allouée à M et Mme X... par arrêt de cette cour en date du 2 avril 2002, est demeurée consignée ; qu'il n'y a donc pas lieu à restitution du bien en cause autrement que par publicité foncière ; qu'en application de l'article R 12-5-5 du Code de l'expropriation, les frais de publicité foncière sont de plein droit à la charge de l'expropriant ;
Considérant que le SIAH déduit avec pertinence des termes de l'article R 12-5-4 que celui- ci a un objet limité aux conséquences de la prise de possession du bien exproprié ; que ce texte régit en effet l'indemnisation des suites dommageables de celle- ci en prévoyant soit la restitution, lorsqu'elle est possible, soit l'octroi de dommages- intérêts, lorsqu'elle ne l'est pas, ainsi que le sort des ouvrages ou plantations réalisés par l'expropriant sur le bien restitué, lesquels peuvent être soit enlevés soit maintenus sous condition de leur remboursement ;
Qu'il prévoit, certes, la possibilité pour l'exproprié de demander, en sus, réparation du préjudice, de quelque nature qu'il soit, causé par l'expropriation irrégulière mais que cette faculté ne peut être exercée que dans l'hypothèse d'une prise de possession par l'expropriant et d'un lien avec elle, afin de replacer l'exproprié dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence de dépossession ; qu'entendre différemment cette disposition conduirait le juge de l'expropriation à se prononcer sur la faute de l'autorité administrative se trouvant à l'origine du manque de base légale de l'ordonnance d'expropriation ;
Que force est de constater qu'en l'espèce, le premier juge a admis sa compétence " sur le fondement de la responsabilité délictuelle ", ce qu'il ne pouvait faire au regard des règles d'ordre public déterminant la compétence des ordres de juridictions, en dépit des termes de la circulaire du 3 octobre 2005 publiée au Bulletin officiel du Ministère de la justice no 100 dont se prévalent M et Mme X... ;
Qu'en définitive, la demande d'indemnisation de M et Mme X... ne peut être examinée que par la juridiction administrative ainsi que le soutient le SIAH ; qu'il convient en conséquence de les renvoyer à mieux se pourvoir ;
Considérant que l'équité ne commande pas l'attribution de sommes au titre des frais non compris dans les dépens ; que M et Mme X..., parties perdantes, doivent supporter la charge des entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Dit l'appel principal recevable,
Dit irrecevables les conclusions du commissaire du gouvernement,
Constate que la demande tendant à la constatation de la perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation est devenue sans objet,
Infirme le jugement entrepris en ses autres dispositions,
Constate que le juge de l'expropriation est incompétent,
Renvoie Monsieur Jean- Luc X... et son épouse, Madame Nicole Y..., à mieux de pourvoir sur leurs demandes d'indemnisation,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,
Condamne Monsieur Jean- Luc X... et son épouse, Madame Nicole Y..., aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt prononcé par Madame Geneviève BREGEON, président, et signé par Madame Geneviève BREGEON, président et par Madame Marie- Christine COLLET, greffier, présent lors du prononcé.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,