COUR D'APPEL DE VERSAILLES
2ème chambre 1ère section
ARRÊT No
CONTRADICTOIRE CODE NAC : 20J
DU 04 MARS 2008
R. G. No 07 / 02287
AFFAIRE :
Georges, Toufic X...
C / Maria Y... épouse X...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 mars 2007 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No Chambre : 3 No cabinet : : 9 JAF. No RG : 06 / 7360
Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le :
à : SCP LISSARRAGUE SCP BOITEAU RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE MARS DEUX MILLE HUIT, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Georges, Toufic X... né le 06 mars 1940 à NAZARETH (ISRAËL)
... 92800 PUTEAUX
représenté par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoué- No du dossier 0743863
APPELANT
**************** Madame Maria Y... épouse X... née le 24 octobre 1900 à LA GUARDIA (ESPAGNE) de nationalité française
... 75018 PARIS
représentée par la SCP BOITEAU PEDROLETTI, avoué- No du dossier 00017907 assistée de Me Cathy BENSIMON (avocat au barreau de PARIS)
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 05 Février 2008, en chambre du conseil, Madame Sylvaine COURCELLE, Présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sylvaine COURCELLE, président, Madame Martine LE RESTIF DE LA MOTTE COLLAS, conseiller, Madame Béatrice BIONDI, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
FAITS ET PROCÉDURE
Georges X... et Maria Y... se sont mariés le 26 août 1973 à NAZARETH (Israël), sans contrat préalable.
Une enfant est issue de cette union :
- Valérie née le 30 août 1976.
Aujourd'hui majeure et autonome.
Un jugement a été rendu le 9 mai 1994 par le tribunal ecclésiastique orthodoxe de NAZARETH, qui a prononcé le divorce des époux. Le divorce a été enregistré le 2 juin 1994.
Le 13 juin 2006 Maria Y... a introduit une procédure de divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE. Par jugement du 2 mars 2007, ce magistrat a, notamment :
- donné acte à Georges X... de sa déclaration par laquelle il a reconnu que son épouse n'était pas présente lors de l'audience de divorce par requête conjointe, le 9 mai 1994, tenue devant le tribunal ecclésiastique orthodoxe de NAZARETH ;
- constaté que le divorce des époux, prononcé par cette juridiction le 9 mai 1994, en fraude des droits de l'épouse, était contraire aux droits fondamentaux et donc entaché de nullité ;
- débouté Georges X... de sa demande d'irrecevabilité de la requête en divorce ;
- constaté que le jugement de divorce, entaché de nullité, avait été retranscrit en marge des actes de l'état civil de NANTES, le 7 décembre 2004 ;
- dit qu'en l'état du dossier, la requête en divorce présentée par Maria Y... devait être déclarée irrecevable ;
- condamné Georges X... aux entiers dépens.
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Georges X... a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 mars 2007. Dans ses conclusions du 21 janvier 2008, il a demandé à la Cour d'annuler la décision entreprise, à tout le moins de la réformer et de :
- dire que la décision rendue le 9 mai 1994 par le tribunal ecclésiastique orthodoxe de NAZARETH est conforme à l'ordre public français ;
- dire Maria Y... irrecevable dans l'ensemble de ses demandes ;
- la condamner à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens.
Georges X... fait valoir qu'un jugement étranger, même non revêtu de l'exequatur, fait obstacle à l'introduction d'une demande nouvelle ; que Maria Y... a donné son accord au divorce dans une déclaration certifiée par un notaire le 5 avril 1994 ; qu'elle a reconnu la compétence de la juridiction israélienne par écrit.
Il précise également que le procureur de la République a ordonné la mention du jugement de divorce étranger en marge des actes d'état- civil ; ce qui confirme donc la régularité de la décision étrangère.
Dans ses conclusion du 21 janvier 2008, Maria Y... a demandé à la Cour de :
- constater l'aveu judiciaire de Georges X... sur le fait qu'elle n'était pas présente lors de l'audience du 9 février 2007, jour de l'audience de divorce ;
- confirmer la décision entreprise ;
- dire que la traduction libre (pièce no 13) n'est pas recevable ;
- constater le refus de Georges X... de communiquer ses avis d'imposition pour les années 2000 à 2006 inclus ;
- condamner Georges X... à payer :
- la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 1382 du code civil à titre de dommages et intérêts ;
- la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux entiers dépens.
Maria Y... fait valoir qu'elle voulait divorcer mais devant les tribunaux français ; qu'elle avait engagé des procédures de divorce en 1994 et en 1995, qui n'ont pas abouti faute de moyens.
Elle indique qu'elle n'était ni présente ni représentée devant le tribunal ecclésiastique orthodoxe de NAZARETH ; qu'elle ignorait que son mari avait déposé une requête en divorce ; que ce jugement a été rendu en fraude de ses droits et qu'il porte atteinte à l'ordre public français.
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La clôture du dossier a été prononcée le 22 janvier 2007. Par conclusions du 23 janvier 2008, Maria Y... a demandé à la cour de rejeter des débats les pièces produites le 18 janvier 2008 (no 13, 14 et 15) et les conclusions postérieures au 21 janvier 2008 ; à tout le moins, rejeter des débats les conclusions no 3 de Georges X..., signifiées le 21 janvier 2008.
Le 30 janvier 2008, Georges X... a déposé des conclusions de révocation de clôture afin de voir admettre aux débats la pièce no 16, communiquée le 30 janvier 2008, et subsidiairement, de voir rejeter des débats les conclusions du 21 janvier 2008 de l'intimée.
Considérant que par ordonnance du 5 février 2008 (et non du 4 mars 2008 comme indiqué par erreur), la cour a rejeté la demande de révocation de clôture et a maintenu l'affaire en l'état.
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Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la Cour renvoie aux écritures déposées et développées à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que les dispositions non critiquées de la décision seront confirmées ;
Sur la demande de rejet des débats des pièces déposées le 18 janvier 2008
Considérant que ces pièces ayant été déposées avant la clôture et ayant été examinées par les parties, il n'y a pas lieu de les rejeter des débats ;
Sur la recevabilité de la pièce no 13
Considérant que s'agissant d'une pièce dont la traduction libre n'est pas contestée, il convient de débouter. de sa demande ;
Sur le fond
Considérant que Georges X... soulève l'irrecevabilité au motif que les époux étaient divorcés par jugement en date du 9 mai 1994, rendu par le tribunal ecclésiastique orthodoxe de NAZARETH ;
Considérant que Georges X... verse aux débats :
- la requête conjointe de divorce signée par lui- même certifiée par un avocat et signée par Maria Y..., certifiée par un notaire, maître Z... ;
- une attestation de divorce- enregistrée à NAZARETH le 2 juin 1994 ;
- une lettre du 5 avril 2004 dans laquelle Maria Y... " déclare être séparée de son époux depuis 10 ans et être d'accord pour divorcer " ;
- la justification de la transcription du divorce intervenue sur les actes d'état civil des époux, par instructions du procureur de la République de NANTES, le 7 décembre 2004 ;
- l'attestation de maître A..., rédigée en anglais et traduite librement, par laquelle il déclare qu'il aurait envoyé la décision à Maria Y... fin 1995- qui lui aurait retournée- mais qu'il ne peut le justifier, ses archives ayant été détruites ;
Considérant que d'une part la requête en divorce ne comporte pas de numéro d'enregistrement ;
Considérant que la certification du notaire ne comporte pas de tampon ;
Considérant qu'il n'est pas établi que Maria Y... ait été convoquée devant le tribunal ;
Considérant que de l'aveu même du mari, elle n'a été ni présente, ni représentée pendant la procédure ;
Considérant que l'attestation de maître A... n'est pas plus probante sur la notification puisqu'il n'a pas gardé d'archives et ne se souvient pas précisément de la date d'une telle notification ;
Considérant que l'absence de notification est corroborée par le fait qu'aucune liquidation du régime matrimonial n'est intervenue ; que Georges X... a vendu sans référence à son statut de divorce un appartement en 2003 ;
Considérant qu'il n'a retranscrit son divorce qu'en 2004 et son remariage en 2005 ;
Considérant que Maria Y... apporte en outre la preuve qu'en 1994 puis en 1995, elle avait introduit une procédure en divorce devant la juridiction française, en mentionnant un domicile à PARIS ; que Georges X... s'était constitué sur cette demande, et qu'il habitait à NEUILLY- sur- SEINE ;
Considérant que cette résidence en France est confirmée par la procédure fiscale diligentée par le receveur de PONT AUDEMER ;
Considérant que la lettre du 5 avril 1994 de Maria Y... n'établit pas son accord pour divorcer à NAZARETH, alors qu'elle introduisait dans le même temps une procédure en France ;
Considérant qu'elle ne vise que l'accord pour divorcer et non le lieu ;
Considérant que Maria Y... est de nationalité française, et n'a jamais vécu en Israël ;
Considérant que Georges X... était de nationalité française en 1994 puisqu'il verse la traduction d'une attestation du 6 mars 2004 d'où il résulte que " Georges X... titulaire d'un passeport français no... a sollicité et obtenu du présent tribunal un jugement de divorce contre son épouse de nationalité française " ;
Considérant qu'il vivait en France et y payait ses impôts ;
Considérant que la copie du passeport israélien de Georges X... n'est pas probante puisque celui- ci n'a été établi qu'en 2005 ;
Considérant qu'il en résulte que la décision de divorce a été fondée sur la seule volonté du mari dans une procédure où Maria Y... n'avait pas été convoquée, et dont elle n'avait pas connaissance ;
Considérant que la preuve de la notification n'est pas apportée ;
Considérant qu'en outre Maria Y... n'a pas été mise en état de faire valoir ses droits ;
Considérant qu'elle n'a pas renoncé à la juridiction française puisqu'elle a continué à commercer des procédures de divorce en France ;
Considérant que ce divorce s'apparente à une répudiation, Georges X... ayant voulu échapper aux conséquences d'une rupture conformément aux lois françaises ;
Considérant que la décision non contradictoire du 6 mars 2004 porte atteinte à l'ordre public français, outre qu'elle viole les droits de la défense pour avoir été obtenue en fraude des droits de l'épouse ;
Considérant qu'il en résulte que la décision du premier juge sera confirmée ;
Sur les dommages et intérêts
Considérant que l'attitude du mari qui a obtenu le divorce en fraude des droits de la femme et qui a caché cette décision et son remariage, constitue une faute qui a causé à Maria Y... un préjudice moral qu'il convient de réparer à hauteur de 2. 500 € ;
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de PROCÉDURE civile
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Maria Y... les frais irrépétibles du procès, évalués à la somme de 2. 000 € ;
Considérant que Georges X... ayant succombé en ses prétentions gardera la charge de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE, en dernier ressort et après débats en chambre du conseil,
REJETTE les demandes de l'intimée, relatives aux pièces ;
CONFIRME le jugement rendu le 2 mars 2007 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE ;
y ajoutant :
- CONDAMNE Georges X... à payer à Maria Y... 2. 500 € à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Georges X... à payer à Maria Y... la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE Georges X... aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement, pour ceux d'appel, par la SCP BOITEAU et PEDROLETTI, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Sylvaine COURCELLE, président et par Isabelle DELAGE, adjoint ff. de greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE ff de GREFFIERLE PRÉSIDENT